*rampe* Pardoooooon ;__;
Non, cette histoire n'est pas morte!!
*frappe Trowa pour l'avoir fait bien chi** dans ce chapitre* Pour ma prochaine fic, je le balance dans un trou, saloperie. è.é Ou je le fais tuer par OZ.
*câlinebisouille Méanne77 pour la bétalecture* Merciiiiiiiiii...

The Werewolf

Prédateurs

Série: Gundam Wing
Auteur: Asuka Kureru
Avertissements pour cet épisode: le standard, Violence, Shonen Ai (4+3+4, une pointe de 1+2 et 2+1 si on sait lire entre les lignes ^__^)

Heero trotta à bord du porte-avion, se glissant discrètement derrière des caisses à décharger pour passer inaperçu des quelques Sweepers déjà au travail sur le pont. Ils n'étaient pas nombreux, heureusement, et il parvint sans trop de mal à arriver à l'entrée des quartiers d'habitation.

Il eut la chance de trouver la porte déjà ouverte. Dans sa forme de loup, il n'aurait probablement pas pu l'ouvrir. La lourde porte de métal se fermait avec une roue, pas une poignée normale. Il repoussa le battant d'un coup d'épaule et se faufila dans les couloirs jusqu'à sa chambre, sans trop prêter attention aux alentours, toujours en mode automatique.

L'adolescent était déjà en train de reprendre forme humaine quand il entendit des éclats de rire dans la chambre d'à côté. Duo, et une voix féminine, trop jeune pour être Sally. Instinctivement, il se rapprocha de la porte et tendit l'oreille.

Hilde. Le garou se demanda brièvement ce qu'elle faisait là, puis se rappela qu'il n'était pas très poli d'écouter les discussions de ses amis. De plus, si Duo savait qu'il épiait ses conversations privées, il allait se mettre en colère. L'américain ne se fâchait pas souvent, mais quand ça arrivait, mieux valait courir vite. Heero s'écarta de la porte et se mit à chercher des vêtements, essayant de ne pas prêter attention aux deux voix rieuses.

Il s'était vêtu et cherchait maintenant des habits convenables pour Trowa quand il entendit son nom. Incapable d'y résister, il se rapprocha de nouveau de la porte de communication, un gros pull en main.

"Regardé... comme si... morceau de viande.... Wufei a rougi... quoi tu nous as pas dit que ça pouvait arriver?! ... s'est tapé Wufei..."

Heero eut un petit reniflement amusé. Raconté comme Duo s'y prenait, c'était assez amusant. Mais maintenant qu'il y réfléchissait, il ne pouvait se défaire d'une certaine mauvaise conscience. Il avait été complètement irresponsable, s'était ouvertement baladé dans des endroits où il y aurait pu y avoir des témoins, avait totalement négligé les désirs et décisions de ses camarades... Avait presque attaqué l'un de ses coéquipiers et manqué d'en violer un autre. Il frissonna. A présent qu'il avait les idées plus claires, il réalisait que ça aurait pu très mal tourner. Ils avaient eu de la chance. Ce ne serait pas toujours le cas.

Il aurait tout à fait été capable de s'en prendre à tous ceux qui s'étaient mis en travers de son chemin. Et il ne s'en serait même pas soucié.

Il devrait présenter des excuses, décida-t-il, sa bonne humeur post-coïtale évaporée. Il s'était comporté sans aucun égard envers ses amis, comme une brute à qui tout était dû.

"Wu...prend mal..."

Il écarquilla les yeux, horrifié.

'Oh non, Wufei... Je l'ai...Je l'ai forcé, je l'ai forcé et il ne voulait pas, et ...Il n'a pas pu me dire non, je l'ai forcé et rien d'autre... Oh non...'

Laissant tomber au sol le pull qu'il avait eu l'intention d'apporter à Trowa, il se précipita dans le couloir, recherchant l'odeur du chinois, se précipitant sur la trace la plus fraîche, sans se soucier des Sweepers qu'il passait au galop.

Il ne se rendit compte que la piste menait aux douches qu'au moment où il dérapa sur les dalles et dut s'arrêter d'une glissade. L'odeur était plus moite, plus dissipée, comme à demi dissoute dans l'eau très chaude qui faisait monter des volutes de vapeur au plafond, mais quand même plus forte que sur la trace. Wufei était là.

Il leva la tête, cessant de se concentrer sur son odorat pour utiliser davantage sa vue.

Debout devant l'un des bancs, le garçon aux yeux noirs avait encore les bras levés pour se frotter les cheveux avec une serviette, mais il s'était arrêté en plein mouvement pour le dévisager quand Heero avait fait son entrée. Il était presque nu, portant juste un caleçon blanc dégoulinant d'eau qui collait à sa peau.

Ses épaules et son cou étaient couverts de marques qui commençaient tout juste à tourner au violet.

'c'est moi qui ai fait ÇA?' se demanda le loup-garou, à demi horrifié de l'étendue des contusions.

Prenant conscience qu'il était en train de fixer le garçon, le japonais se retourna d'un bond, rougissant légèrement. Au même moment, Wufei se remit de sa surprise et rabaissa vivement les bras, cachant par réflexe son torse derrière sa serviette.

-Je peux savoir ce que tu fous là? siffla l'asiatique aux yeux noirs, enfilant en vitesse son t-shirt.

-Je te cherchais, répondit Heero en baissant la tête.

-Tu m'as trouvé. Maintenant, qu'est-ce que tu veux? demanda sèchement le pilote 05.

Heero fit la grimace, heureux de ne pas être face à face avec son camarade.

-... J'ai besoin de te parler... je t'attends dehors? proposa-t-il sans laisser le temps à Wufei de protester ou de l'insulter.

Il avait l'air furieux, et il en avait le droit, pensa Heero en ressortant pour aller s'adosser au mur. Il ne savait pas ce qu'il avait espéré: que Wufei lui dise que ce n'était pas de sa faute et qu'il comprenait? Comment pouvait-il comprendre? Heero lui-même avait à peine réussi à saisir ce qui lui arrivait, et encore, il lui avait fallu des heures après que ça aie commencé en lui pour capter. Et il n'était pas celui qui s'était fait culbuter par un de ses coéquipiers sans aucun égard pour ses préférences sexuelles.

Il se laissa glisser le long du mur, jusqu'à ce qu'il soit assis sur le sol froid, puis remonta ses genoux sous son menton et soupira.

Quelques minutes plus tard, Chang sortit des vestiaires, ses affaires dans un petit sac jeté sur son épaule. Il s'arrêta à quelques mètres de Heero, le regardant de haut, en silence. Le japonais soupira et, sans oser le regarder, se releva lentement.

-Je suis venu te présenter mes excuses, dit-il formellement, se courbant en avant, tête basse. Si tu veux exiger de moi une compensation, je suis prêt.

Wufei eut un reniflement moqueur, à la limite du méprisant. Ses poings étaient crispés.

-Viens dans la salle de gym avec moi, ordonna-t-il froidement, se mettant en marche sans regarder si Heero le suivait.

Le Loup grommela un peu, ennuyé qu'il se permette d'agir en dominant, mais se tut vite. La partie animale de Heero n'avait aucune idée des notions qui posaient tellement de problèmes à sa partie humaine, comme le fait que coucher avec quelqu'un qui était trop influencé par des produits extérieurs à son corps pour dire non comptait pour du viol tout autant que le jeter sauvagement au sol et le prendre de force, mais il sentait quand même confusément qu'il avait fait du tort à son compagnon de meute. Cela méritait une compensation.

Sans se soucier des quelques Sweepers en plein exercice sur les machines d'entraînement, Wufei jeta son sac sur un des bancs, puis se dirigea vers un coin de la pièce qui était couvert de tapis de sol. Heero le suivit, sa honte l'empêchant de regarder plus haut que ses talons.

-Viens, ordonna le chinois en prenant une pose de combat sur l'un des tapis.

Heero prit position face à lui, à contrecœur.

-Défends-toi. Je ne veux pas d'un punching-ball. Je veux un adversaire. Alors bats-toi.

Heero hocha la tête, faiblement. Wufei attaqua.

* * * * * *

Trowa était presque en train de se rendormir quand une petite brise fraîche lui rappela brutalement qu'il était allongé nu au milieu d'une clairière. Il se rassit d'un bond, rougissant légèrement. Malheureusement, les effets du rut de la veille et de sa discussion avec Heero commençaient à se dissiper, et il se sentit un peu moins à l'aise. Bon, il y avait peu de chances qu'il croise quelqu'un aussi loin dans les bois, mais quand même, ce n'était pas pour rien que ses vêtements favoris étaient les cols roulés: il avait horreur de montrer de la peau.

Il décida de ne pas rester là à ne rien faire en attendant le bon plaisir de l'autre loup et, se relevant, il s'étira longuement, essayant de trouver une manière de rejoindre le bateau. La position du soleil pouvait lui donner la direction de la côte, et une fois là-bas il n'aurait plus qu'à suivre la mer pour arriver au porte-avion... s'il ne partait pas dans le mauvais sens... Mais il avait toujours eu un bon sens de l'orientation, ce ne devrait pas être un gros problème. Et si son camarade revenait, il pouvait toujours suivre sa piste...

Stoppant net, Trowa se flanqua une tape sur le front.

-Je suis vraiment un crétin, murmura-t-il avec un petit sourire.

Fermant les yeux, il prit une grande inspiration, se demandant comment il fallait faire pour se servir de son odorat pour tracer quelqu'un...

La réponse lui vint aussi rapidement et brusquement qu'un coup de poing dans le nez, en moins douloureux, mais tout aussi étourdissant.

Il n'y avait pas de mots pour décrire exactement ce qu'il ressentait, mis à part en utilisant des analogies visuelles. Au début, ce fut confus, un mélange de peintures jetées n'importe comment sur une toile, créant une informe mixture, mais au fur et à mesure qu'il se concentrait, les odeurs se démêlèrent les unes des autres. Il ouvrit les yeux, lentement, essayant de superposer les odeurs à ce qu'il voyait.

"C'est psychédélique," pensa-t-il brièvement.

Assigner des couleurs aux odeurs l'aidait un peu, se rendit-il compte. C'était comme de voir des traces de fumée colorée dans les airs, plus ou moins foncée selon l'intensité, venant des arbres, de l'herbe, des rongeurs se cachant dans les environs... L'intensité et l'opacité de la couleur dépendaient de l'endroit d'où elle provenait; si elle venait directement d'une chose, ou si c'était une trace sur le sol, ou juste les vagues vapeurs montées de ladite trace...

Il se pencha en avant, suivant sur quelques pas la piste d'un petit canidé, sans doute un renard. Il était passé là il y avait longtemps, l'odeur était... rance, passée, presque effacée. La trace était très nette au niveau du sol, puis s'évaporait dans les airs.

Comme des escargots trempés dans de la peinture puis laissés sur une toile, se dit Trowa, yeux clos, en flairant deux pistes se croisant. C'était facile, finalement. Il y avait seulement à trouver l'odeur qu'il voulait, et à rester là où elle était la plus forte.

Oui, très facile. Il n'aurait pas dû s'inquiéter. Il était toujours trop prône à trop analyser des choses qui n'en avaient pas besoin.

Prenant une profonde inspiration, il se redressa. L'odeur dans la clairière était celle...

...du sexe, réalisa l'adolescent en faisant la grimace.

Curieux, il renifla ses mains. Bingo. L'odeur de Heero était mêlée à la sienne et à celle du rut, mais pas assez pour ne pas la rendre reconnaissable.

S'approchant de l'endroit où Heero était sorti de la clairière, Trowa inspira, essayant de graver cette odeur dans sa mémoire, puis commença à la suivre.

* * *

Hilde et Duo sortirent de la chambre pour aller sur le pont et tombèrent sur Catherine qui émergeait elle-même de la chambre assignée à Trowa.

-Vous l'avez vu? s'enquit-elle aussitôt.

-Qui ça? Trowa? demanda l'américain.

Cathy hocha la tête impatiemment, ses boucles dansant autour de son visage. Elle avait l'air à bout de nerfs, ce qui pouvait se comprendre quand on pensait que son frère adoptif avait été à l'article de la mort la dernière fois qu'elle l'avait vu et que personne ne paraissait savoir où il était à présent. La seule chose qui l'empêchait de paniquer complètement, c'était le fait que s'il était mort, ils auraient probablement retrouvé son corps quelque part sur le navire... à moins qu'il ne se soit débrouillé pour tomber à l'eau ou aller se cacher dans un buisson pour mourir.

-Bah... Non...

Immédiatement, son expression retomba et ses épaules s'affaissèrent. Duo et Hilde échangèrent un regard.

-Mais tu sais, il va bien! s'empressa d'assurer le garçon.

-Et comment tu le sais, si tu ne l'as pas vu?! demanda la jeune femme avec irritation.

-Hilde le sait, répliqua Duo en désignant son amie du pouce.

Catherine releva vivement la tête vers la brunette.

-Hilde, voici Catherine Bloom, la sœur adoptive de Trowa. Cathy, voici Hilde Schbeiker, une amie à moi. Hilde est une louve-garou aussi, ajouta-t-il.

La lanceuse de couteaux cligna des yeux. La jeune fille aux courts cheveux noirs avait l'air totalement ordinaire.

-Ouais, et relax, je l'ai pas vu mais j'ai senti son odeur. Crois-moi, s'il avait été mourant je l'aurais su, ajouta Hilde, prenant le relais. Il allait bien. Et puis il était avec Heero, alors s'il lui était arrivé quelque chose, Heero serait revenu nous prévenir. Crois-moi sur parole, tant qu'il est avec lui, Heero l'aidera.

-Comment ça? demanda la jeune femme.

Hilde s'avança et posa une main sur son bras pour lui montrer son soutien.

-Heero est chef de meute. Trowa fait partie de sa meute. Il ne peut pas ne pas prendre soin de lui, ok? C'est impossible.

'Heero est un bon chef de meute,' se dit la brunette. 'Enfin, il fait des erreurs, mais étant donné qu'il ne sait pas à quoi s'attendre, ce n'est pas surprenant. Au moins, lui, il fait passer sa meute avant lui-même, quand il est en état de réfléchir...' Elle chassa vite ces pensées moroses; ce n'était pas le moment.

Cathy laissa échapper un long soupir et se détendit légèrement.

-Juré?

-Juré. Il va bien. Faudra peut-être aller le chercher parce qu'il est fatigué, parce que mine de rien ça épuise, mais à part ça, il va bien. Hey, tu veux venir avec nous? J'accompagnais Duo sur le pont, on pourra le guetter de là-haut, ok? ajouta-t-elle avec une bonne humeur un peu forcée.

La rouquine hocha la tête et les suivit.

-Je dois aller chercher Quatre, lui dit Duo tout en avançant. Il s'est débrouillé pour se retrouver coincé à quelques kilomètres d'ici à poil derrière une grange, je te raconte pas s'il se fait choper. Tiens, maintenant que j'y pense, ils doivent tous être à poil, ces abrutis... Faudra vraiment penser à leur laisser des fringues dehors la prochaine fois qu'on est pas dans un coin tranquille! Enfin... à condition qu'y en ait pas encore un autre en rut... ajouta-t-il en grommelant.

Hilde et Cathy eurent un petit rire.

-Oh, relax, s'esclaffa Hilde. Tant que c'est pas Heero, tu risques rien, si tu te planques bien...

-Idiote, répliqua Duo en faisant la grimace.

-Idiot toi-même, espèce de crétin!

-Abrutie!

-Andouille!

-Grosse vache!

-Les enfants...! les gronda Catherine, amusée malgré elle.

Hilde et Duo tirèrent la langue de concert, faussement contrits.

Arrivé sur le pont, Duo alla sortir une moto du petit hangar et descendit la passerelle. Les deux filles le regardèrent partir... enfin, Hilde le regarda, Cathy étant trop occupée à scruter les buissons des yeux.

Après un salut de la main, il disparut sur la piste, et les deux jeunes femmes restèrent seules sur leur côté du pont.

-Bon. On fait quoi? On reste ici en attendant que ton frangin se pointe?

Catherine haussa les épaules. C'était pareil au final.

* * *

La louve choisit une place au soleil, hors du chemin des Sweepers qui commençaient à s'affairer, et s'allongea sur le pont, les mains derrière sa tête. Il commençait à faire beau...

Certes, elle n'avait pas fait tout ce chemin pour faire une sieste, mais bon, elle ne s'était pas non plus attendue à ce que tout le monde soit occupé comme ça.

Elle n'avait même pas pu parler à Duo... Pas qu'elle soit sûre qu'elle ait envie de lui parler de ce qui la tracassait en ce moment. Mais habituellement, rien que sa présence suffisait à l'aider à oublier ses problèmes et à ressentir réellement la joie et la bonne humeur qu'elle affichait toujours en temps normal.

Mais il n'avait pas le temps, c'était ainsi... et puis c'était un garçon, elle n'était pas très confortable avec l'idée de lui révéler certaines choses. Et si elle commençait à insinuer qu'elle avait des problèmes avec sa meute, il n'arrêterait pas de la questionner avant de tout savoir... Ramener certaines choses à la surface serait inutile et douloureux.

Elle jeta un coup d'œil à Catherine assise à côté d'elle. Pour le peu qu'elle en avait vu et les quelques bribes d'information qu'elle avait glanées sur elle ici et là, la jeune femme avait un instinct maternel très développé. Malheureusement, Hilde ne la connaissait pas assez pour se confier à elle, et puis, rien que le fait qu'elle soit au courant de la lycanthropie était déjà plus qu'assez.

Elle devrait dire aux garçons de limiter au maximum le nombre de personnes au courant. Ils auraient déjà suffisamment de problèmes avec les autres meutes à cause de leur insubordination, Hilde ne voulait pas savoir ce qui arriverait si jamais ceux de sa meute à elle, par exemple, apprenaient le nombre exact d'humains à qui ces garous novices avaient révélé leur existence.

-Quelque chose ne va pas? lui demanda Catherine en la voyant grimacer.

-Oh, non rien, lui assura la brunette avec un petit sourire. ... Catherine?

-Oui?

-Je... Ne dis jamais à personne ce que tu as appris ici, lâcha-t-elle à voix basse, d'un ton intensément sérieux.

La lanceuse de couteaux écarquilla les yeux devant son expression sombre.

-C'est important. N'avoue jamais à personne que tu sais, même s'ils savent aussi. Je veux dire... Nie. Nie toujours.

-Tu parles de...

-Du problème de Trowa. Les garçons n'ont pas idée, ou ils ne s'en soucient pas, et après tout ils peuvent se défendre, mais toi...

Elle vérifia d'un coup d'œil qu'aucun de Sweepers n'étaient à portée d'oreille et se pencha vers la jeune femme.

-Si un d'entre eux sent l'odeur de Trowa sur toi, il va investiguer pour voir ce que tu sais.

-Oh... Et c'est un problème?

-Catherine, notre loi oblige à tuer ou changer tout humain qui apprendrait quoi que ce soit sur nous, et tu en sais bien trop! Howard et Sally aussi, mais Sally est une résistante qui change toujours de place et d'alias, et Howard est toujours au milieu d'une foule de Sweepers. Toi, tu vis dans un cirque, non? C'est pas vraiment l'endroit le plus sécurisé au monde.

La jeune femme grimaça et porta la main à ses poignets. La gaine à couteaux était restée dans sa caravane. Elle se l'attacherait dès son retour. Elle n'aimait pas croire au mauvais côté des gens, mais Hilde avait l'air beaucoup trop sérieuse pour qu'il n'y ait pas une once de vérité dans ses conseils.

-Je ne vais pas en parler. Ça mettrait Trowa en danger... Qui me croirait de toute façon? demanda-t-elle d'une voix désabusée.

-C'est une question de principe, soupira Hilde. C'est une loi.

-... tu ne la suis pas, répliqua Cathy d'une voix douce.

La brunette serra les dents.

-Non, je ne la suis pas, lâcha-t-elle en pivotant sur son autre côté, lui tournant le dos.

Il y eut un long moment de silence.

-Je suis désolée, offrit Catherine doucement.

-C'est pas de ta faute, soupira Hilde en se retournant. Je suis juste pas de très bonne humeur en ce moment, je sais pas pourquoi, ajouta-t-elle en souriant, essayant d'oublier son malaise.

Elle savait pourquoi, et ce n'était pas quelque chose dont elle pouvait parler à la jeune femme.

-...J'espère que Trowa va bien... murmura la rouquine. Je veux dire... J'espère qu'il ne lui est rien arrivé. C'est la première fois qu'il se transforme, et il a été malade si longtemps...

Hilde haussa les épaules.

-Tu seras surprise de voir à quelle vitesse on récupère de ça. Il a dû se gaver de viande pour se recharger, je doute même qu'il garde des séquelles longtemps. Maintenant qu'il est passé...

-Mais c'est étrange, non, de changer pour la première fois?

-J'en sais rien, je suis née comme ça.

-...oh.

Encore un moment de silence.

-Heero a été plutôt... violent avec Wufei... et carrément agressif avec Duo... Tu crois...?

Hilde voulut lui mentir, lui dire qu'aussi longtemps que Trowa était sous l'influence des phéromones, il serait très heureux de participer. Mais elle savait trop bien que c'était loin d'être toujours le cas.

La plupart du temps, tous les participants étaient contents d'être là, certes. Mais le fait était que, si un d'entre eux ne l'était pas... ça n'allait pas changer les actions et réactions des autres.

-Je sais pas, lâcha-t-elle en refermant les yeux, coupant là la conversation.

* * *

Une demi-heure plus tard, Hilde capta l'odeur de Trowa dans le vent et elles descendirent à terre avec des vêtements pour le jeune homme. Elles se dirigèrent vers l'autre côté de la piste côtière, vers les buissons, et se posèrent sur un rocher au bord du chemin. Trowa n'aurait aucun mal à les voir.

Elles n'attendirent pas plus de dix minutes avant qu'un bruissement de feuilles n'attire leur attention.

-Trowa?? s'exclama Catherine en essayant d'apercevoir son frère. C'est toi?

-Cathy? lâcha Trowa, surpris de sa présence. Qu'est-ce que...

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase, la jeune femme s'était jetée à son cou avec fougue, si fort qu'il en tomba à la renverse et atterrit les fesses dans un coin d'herbe.

-Oh, Trowa... souffla-t-elle en enfouissant la tête dans son cou.

Surpris, il cligna des yeux plusieurs fois, fixant du regard la masse de cheveux bouclés sous son nez qui était la seule chose qu'il pouvait voir d'elle. Elle tremblait, et il se rendit compte qu'elle était en train de pleurer.

-J'ai eu tellement peur pour toi...

-Je vais bien, Cathy, je te jure, murmura-t-il, ne sachant pas trop quoi faire.

Timidement, il passa un bras autour de ses épaules, et elle recula, s'essuyant les yeux du revers de la main.

-Je suis désolée, c'est juste que... J'ai eu si peur pour toi... Tu vas bien, maintenant, hein?

-Oui, je vais bien, répéta-t-il en lui lançant un petit sourire pour la rassurer. Je suis fatigué et j'ai faim, mais je vais bien. Euh, Cathy...

La jeune femme rougit en se souvenant qu'il était nu et recula.

-Hilde, les vêtements!

Se retenant de glousser, la brunette lui tendit le pantalon et le t-shirt qu'elle avait en main, puis se retourna à contre cœur quand il la fixa d'un œil, sans s'habiller.

-Tu serais pas un peu prude?

Il ne répondit pas, mais elle n'avait pas vraiment attendu une réponse.

-Hilde, sois gentille avec Trowa! la gronda Catherine, volant comme d'habitude au secours du garçon.

-Vi mamzelle, répliqua la jeune fille d'un ton canaille, dos à la scène.

Trowa était... aussi bien foutu qu'elle aurait pu s'y attendre, et même si elle savait qu'il y avait à peu près autant de chances qu'elle se mette avec l'autre loup qu'avec Howard, c'était quand même intéressant de mater. Ce n'était pas comme si elle avait eu l'intention de faire plus que ça.

Une fois que le garçon fut habillé, Catherine fit les présentations.

-Trowa, voici Hilde. Je crois que tu as entendu parler d'elle. C'est une louve aussi, à ce qu'on m'a dit.

'Ça se sent', pensa le nouveau loup-garou.

-Hilde, voici Trowa, mon frère adoptif.

La jeune fille aux cheveux noirs s'amusa à jeter un regard suggestif au corps de Trowa, mais fut déçue quand il ne réagit même pas. C'était pas drôle d'embêter des gens aussi flegmatiques. Si elle avait fait ça à Wufei ou à Quatre, ils auraient au moins rougi un peu.

-Bon, si on retournait à bord? proposa la brunette, qui s'ennuyait déjà.

Trowa hocha lentement la tête, pensif, et se mit en route.

-J'ai besoin de dormir un peu, commenta-t-il pour Catherine.

-Oui, je me doute que ce n'était pas de tout repos, admit à contrecœur la jeune femme, qui aurait quand même aimé rester un peu plus avec lui.

Ils marchèrent en silence, Trowa légèrement embarrassé de l'intensité avec laquelle Catherine le couvait du regard. Il n'était pas habitué à tant d'attention, tant d'affection.

-J'aurai des choses à vous dire à tous, mais ça attendra que Duo et Quatre soient revenus, je pense, annonça Hilde soudainement.

Trowa puait les hormones et le sexe à plein nez, et cela lui avait rappelé que les nouveaux garous demanderaient sûrement des détails. Elle se sentait vaguement honteuse de n'avoir pas pensé à les en avertir avant.

-Duo et Quatre?

Trowa attendit patiemment que les deux jeunes filles aient fini de pouffer.

-Désolée, c'est juste que... Duo a dû aller chercher Quatre, il s'est retrouvé à des kilomètres d'ici.

-Oh.

Les deux filles échangèrent un regard devant l'impassibilité avec laquelle il avait écouté leur explication, surtout en entendant le nom Quatre. Enfin, il ne se mettait plus à hurler en l'entendant comme Duo leur avait dit, mais elles ne savaient pas si c'était mieux parce qu'il devenait plus tolérant, ou pire parce qu'il avait décidé de juste couper les ponts.

On verrait à leur retour, supposaient-elles.

* * * * * *

Le garçon aux cheveux blonds s'était glissé jusqu'à une cabine au bord de la route pour téléphoner à Duo, heureux que celui-ci lui ait appris à les trafiquer, mais malheureusement il ne pouvait pas vraiment y rester. La cabine donnait en plein sur la route et il avait déjà failli se faire surprendre par un automobiliste, ne s'échappant hors de vue que de justesse. Il s'était résolu à aller se dissimuler dans la grange, se faufilant par un trou dans la haie. Il faisait si froid, et ses muscles lui faisaient si mal après la course d'hier... Après avoir pénétré dans la grange en passant entre deux planches mal ajustées, et s'être trouvé une cachette derrière le tas de paille à quelque pas de là, le garçon s'était installé du mieux qu'il le pouvait sur le ciment froid... et le fermier était sorti pour aller s'occuper des vaches qui se trouvaient à l'autre extrémité de la grange. La brèche paraissait bien loin à présent. Il n'y avait pas moyen de sortir par là sans être vu.

Quatre se recroquevilla encore davantage et jeta un coup d'œil pitoyable à la maison de l'autre côté de la grange. Il y avait une lumière à la fenêtre de la cuisine, faisant apparaître la pièce chaude, accueillante, rassurante... et lui était bloqué dehors, le cul à l'air, bardé de courbatures et sur le point de se faire coincer. Pour le moment, l'homme ne s'était pas encore approché, occupé avec ses bêtes que Quatre avait évitées de peur de les affoler par son odeur, mais ça n'allait pas tarder. Le fermier les avait traites, il était temps de les nourrir, et il était juste à côté du foin. Quatre pria pour que l'homme choisisse de prendre la balle de foin de l'autre côté du tas, mais il serait étonné que ça arrive, parce que ce tas-ci n'était pas entamé.

L'homme s'essuya les mains après avoir pris soin de la dernière vache, et jeta un regard pensif vers les bottes de paille. Quatre se mordit la langue. /non, non, trouve autre chose à faire, pas par là, pas par là ! Je suis sûr qu'il y a d'autres choses à faire avant.../

Il soupira de soulagement quand, au lieu de se diriger vers sa cachette comme Quatre avait cru qu'il allait faire, l'homme s'en alla remplir des seaux d'eau pour les abreuvoirs.

Le délai ne dura pas très longtemps malheureusement, et le garçon se crispa encore une fois. Le fermier revenait pour la paille, et paraissait cette fois très déterminé à la chercher du côté où Quatre se terrait.

/non, va de l'autre côté du tas, de l'autre côté!!/

La trajectoire du fermier s'incurva, jusqu'à ce qu'il s'arrête au milieu du tas. Puis il retourna à ses bêtes, déchargea le tas de foin, et revint... vers Quatre, de nouveau, comme s'il n'avait même pas réalisé qu'il était allé ailleurs la fois d'avant.

Quatre écarquilla les yeux. Il avait senti comme... comme...

L'homme avançait toujours. /non, pas ici, va de l'autre côté du tas!/ pensa-t-il avec force, distrait de ses perceptions pendant un court instant.

En plein milieu d'un pas, l'homme s'immobilisa, puis, comme si de rien n'était, infléchit son parcours pour se diriger vers l'autre extrémité du tas de foin. Puis il s'occupa de nettoyer la paille salie en fredonnant tranquillement, et Quatre s'effondra contre la paille, sans se préoccuper des griffures que sa peau nue recevait.

Il avait... poussé. Avec son esprit. Il avait poussé l'homme à faire ce qu'il voulait. L'avait influencé.

'Allah...' pensa-t-il, hésitant entre être stupéfait ou horrifié. S'il pouvait faire ça, que ne pouvait-il faire?

'Je dois en parler à Trowa', se dit-il. 'C'est le seul qui sache ce qui m'arrive, et puis il est calme, et logique, et... et il n'est plus mon ami' se rappela-t-il avec un sursaut de douleur. 'Il n'est plus mon ami, parce que ...'

Il serra les dents. Il n'allait pas se mettre à chialer. Trowa ne voulait plus le voir et c'était bien fait pour lui. Il devrait juste apprendre à vivre sans.

Le fermier s'arrêta de fredonner. Quand Quatre jeta un coup d'œil vers lui, l'homme avait l'air soucieux et les coins de sa bouche s'affaissaient. Quatre réalisa avec horreur qu'il était en train d'émettre ses sentiments à tout va, et renferma ses émotions encore une fois, imaginant un mur de château fort entre lui et l'extérieur, et le pont-levis se fermant. Aussitôt, tout ce qui lui était venu par son empathie disparut.

Il frissonna. C'était comme de perdre l'ouie tout à coup. Silencieux. Irréel. Vide de toute vie... Il ne s'était pas rendu compte qu'il recevait autant, de l'homme et des bêtes alentours. Lentement, avec toute la puissance de son esprit, il imagina le château fort, le pont-levis, avec autant de détails qu'il le pouvait. Et abaissa le pont, gardant la grille fermée.

Voilà, c'était mieux. Il pouvait à présent percevoir ce qui se passait à l'extérieur, mais plus rien ne sortait de lui pour aller se promener dans l'esprit des autres. Il espéra que ça durerait. Il aurait sans doute besoin de beaucoup d'entraînement avant de ne plus avoir besoin de se concentrer, toutefois, car comme il le réalisa vite, dès qu'il cessait de visualiser, son... talent recommençait à fluctuer aléatoirement.

A l'extrême limite de son esprit, il sentit le frôlement d'une... chaleur, d'une flamme, d'une âme qu'il connaissait. Duo se rapprochait. Il serait bientôt là.

Quatre se mordit les lèvres. Duo le chercherait. Il avait la location de la cabine de téléphone, mais il ne savait pas où le blond se cachait. Quatre devait sortir de là, ou son camarade allait devoir fouiller les alentours.

Se mordant toujours la lèvre, honteux, Quatre essaya de pousser encore une fois. /regarde de l'autre côté/ envoya-t-il, essayant de ne pas envoyer ses remords en même temps. Il attendit une seconde, puis se lança.

Il était à moitié dehors quand la planche sous laquelle il essayait de passer l'écorcha. Il poussa un petit cri, plus de surprise que de douleur, et ne sut pas au juste si le son avait brisé l'impression qu'il envoyait au fermier que tout était normal ou s'il avait perdu une seconde l'emprise sur son pouvoir. Le résultat fut le même.

-Hey, mais... HEY! cria le fermier.

Quatre s'extirpa du trou aussi vite qu'il le put et se jeta au travers de la haie, grimpa le talus à toute allure, s'aidant des mains autant que des pieds et des genoux. Il arriva sur la route juste quand Duo passait le tournant, et se jeta à califourchon sur le siège la seconde où le pilote à la natte s'arrêta à sa hauteur. Son camarade cligna des yeux, étonné.

-Quatre, t'es...

-Fonce!!

Le pilote à la natte démarra au quart de tour, faisant demi-tour et fonçant par là où il était arrivé. Quatre se pressa contre lui pour ne pas tomber, s'agrippant de toutes ses forces.

Ne pouvait pas réellement rouler loin avec un passager à poil sur une moto sans se faire courser par les flics, Duo n'alla pas très loin avant de trouver une petite route cachée pour s'arrêter.

-Tu t'es fait choper? S'esclaffa-t-il tandis que Quatre glissait à bas du véhicule.

Riant devait le visage écarlate de son camarade, il ouvrit son sac à dos et tendit ses vêtements à l'arabe qui les enfila avec reconnaissance.

-Oh, ça va, hein... grommela le petit blond, rouge comme une pivoine. J'aurais aimé t'y voir, tiens!

Duo tourna la tête pour ne pas que son ami voie les larmes de rire qui menaçaient de lui couler le long des joues.

Quatre n'avait pas le cœur à rire. Il pensa brièvement à parler de ses problèmes psychiques à Duo, mais le garçon était toujours en train de glousser, ce n'était pas vraiment le moment. Et il y avait plus urgent pour l'instant.

-Comment va...

-Trowa? Sais pas, pas vu. Mais Hilde dit qu'il va bien...

-Hilde? Qu'est-ce qu'elle fait là?

Duo ouvrit la bouche, réfléchit deux secondes, puis la referma.

-Sais pas, admit-il après un moment. On a juste commencé à discuter, je lui ai pas vraiment demandé. Juste pensé qu'elle venait me voir, mais bon, pour une visite amicale c'était peut-être pas le meilleur moment non plus... Bizarre qu'elle se pointe juste après une pleine lune aussi...

Quatre fronça un sourcil, pensif.

Une fois Quatre enfourné dans un jean trop long qui devait être à Duo et un gros pull épais, ils grimpèrent sur la moto encore une fois, et Duo fit lentement demi-tour pour retourner sur la nationale.

-On lui demandera ça en arrivant! cria-t-il par dessus le hurlement du vent.

C'était trop difficile de discuter comme ça, aussi Quatre hocha juste la tête avant de fermer les yeux et d'essayer de se reposer, appuyé contre le dos de son ami.

* * * * * *

Heero recula d'un bond, pressant brièvement le dos d'une main sur sa joue pour vérifier qu'il ne saignait pas, sans quitter Wufei des yeux. Le chinois était haletant, et avait l'air aussi épuisé que Heero se sentait par le combat. Ils s'étaient flanqués de jolis coups par endroits, et Heero avait maintenant lui aussi des marques dues à l'autre sur son torse et son ventre.

La peau de Wufei n'était plus seulement marquée par des bleus, mais également par des rayures brunes tranchant sur sa peau dorée, fonçant par instants jusqu'à être presque noires, en général juste avant une attaque pleine de furie.

Le loup-garou se pencha légèrement en avant, attendant la prochaine attaque avec une pointe de nervosité. Leurs échanges de coups se faisaient de plus en plus violents et il craignait que la prochaine fois, ils se causent de sérieux dommages. Mais rien ne vint, et après un moment il releva un sourcil à l'encontre de son camarade.

Wufei se redressa, baissant les mains à ses côtés.

-C'est assez, annonça-t-il d'une voix plus calme qu'avant leur accrochage, ses rayures pâlissant à vue d'œil.

Heero se redressa aussi, circonspect. Le chinois avait l'air d'avoir éliminé une grande partie de sa mauvaise humeur, mais ça ne prouvait pas que sa réaction rationnelle serait pour autant en la faveur du loup.

-Tu avais compris ce qui arrivait? demanda le chinois d'un ton réservé et impersonnel.

Heero ne demanda pas de quoi il parlait.

-Non. Je n'ai compris qu'en te voyant... mais c'était trop tard. J'avais été nerveux toute la journée, mais quand je t'ai vu, je me suis juste senti bien. Tu ne t'es pas débattu, alors je n'ai même pas pensé que peut-être, tu ne voulais pas vraiment. Je suis profondément désolé.

Le chinois resta à le regarder en silence pendant de longues minutes, sans rien dire, puis haussa les épaules d'un geste sec et tourna la tête vers le mur.

Il se sentait encore vaguement en colère contre Heero, et il lui en voudrait sans doute pour un long moment, mais il n'était plus aussi fou de rage qu'il l'avait été. Le combat l'avait bien aidé à se défouler.

Et il ne pouvait pas se permettre d'arborer une rage meurtrière à l'encontre d'un de ses coéquipiers de toute manière. Ils dépendaient trop les uns des autres pour ça. Il devait laisser glisser. Peu importait ce que son côté colérique et rancunier voulait faire. Il était meilleur que ça.

Ce pour quoi il en voulait le plus à Heero, ce n'était pas tellement qu'il ne lui avait pas demandé son avis, étant donné que Heero lui-même n'avait pas eu de contrôle sur ses actes. Il ne pouvait décemment pas lui reprocher ça. Non, ce qui l'énervait tellement, c'était qu'il l'avait traité comme une chienne en chaleur, comme une faible femelle à posséder. Comme s'il était une...

'Meiran me ficherait une de ces claques si elle savait que j'assume encore que "faible victime sans défense" rime avec "femme",' se dit-il, sa colère disparaissant sans prévenir.

Ce qui l'énervait par-dessus tout, c'était d'avoir été d'avoir été dessous, d'avoir été pénétré. Comme une femme. Comme s'il n'était plus un homme. Comme si Heero lui avait volé sa virilité.

'Et je me suis prouvé que je l'avais encore en lui cassant la figure. Belle preuve de maturité. Et puis être un homme, ce n'est pas juste savoir frapper comme une brute...' se répéta-t-il, essayant de s'en convaincre.

Allez, assez d'auto-psychanalyse pour aujourd'hui. Il méditerait plus tard, pour le moment il fallait ranger ces sentiments de colère envers son coéquipier. C'était plus intelligent que d'en vouloir à Heero pendant des années pour un accident de parcours, même si Wufei lui-même avait été la victime dudit accident.

Heero se tenait debout à quelques pas, le regard baissé, ayant l'air d'être à deux doigts de se tortiller comme un élève de primaire réprimandé par sa maîtresse.

-...d'après ce que Sally a dit, sur les phéromones et tout ça, tu étais sans doute aussi influencé que moi et tu n'avais pas vraiment ton libre arbitre non plus, alors, je pense que je finirai par te pardonner. Ça ne veut pas dire que je ne suis plus en colère contre toi. Je SUIS en colère, et je le resterai encore un moment. Mais... ça me passera, ajouta-t-il avec un soupir. Mais si jamais tu te sens partir en rut encore une fois et que tu approches quand même de moi, pardonné ou pas, je t'enfonce la tête dans un mur, compris?

Heero hocha la tête, vaguement soulagé.

-...Quand même... murmura-t-il, les yeux baissés. Je... J'ai l'impression que j'ai... que je t'ai...

-Yuy... Heero.

Heero cligna des yeux et fixa l'autre garçon, surpris. Il n'utilisait que rarement le prénom des gens.

Wufei soupira et passa une main dans ses cheveux, fronçant les sourcils. L'autre garçon était encore en train de se blâmer pour tous les malheurs du monde, comme d'habitude. Bizarrement, alors que deux minutes plus tôt il avait été en train de faire la même chose, d'accuser Yuy, le fait que lui-même se condamne l'ennuya profondément.

-Tu étais aussi défoncé que moi. Tu n'as pas profité traîtreusement d'un accès de vulnérabilité de ma part. Et ce n'était pas comme si c'était désagréable... sur le moment. Physiquement, c'était... satisfaisant, se força à dire le garçon, ennuyé et quelque part honteux d'avoir à admettre ça à voix haute. Ça ne veut pas dire que c'est ce que j'aurais choisi si j'avais été capable de penser librement, et c'est pour ça que je suis en colère. Mais c'est réglé maintenant. D'accord? C'est réglé.

Le japonais hocha la tête avec soulagement. Si Wufei ne le voyait pas comme un viol...

-N'empêche, je ne peux pas m'empêcher de me demander quel autre genre de surprises ça nous réserve encore, tout ça, grommela le chinois.

Heero hocha pensivement la tête.

-Hilde est là, on devrait en profiter...

-Elle est là? demanda Wufei, surpris.

Il fronça les sourcils. Elle devait savoir que ça arriverait, mais elle n'avait rien dit. Bon, d'accord, ils avaient été séparés plutôt brutalement la dernière fois qu'ils s'étaient vus, mais quand même... Ce genre de chose, c'était meilleur d'avoir des avertissements longtemps à l'avance!

-J'aurai des questions à lui poser, lâcha-t-il à voix basse, toujours irrité.

Les deux asiatiques sortirent de la salle et se dirigèrent vers le pont.

A mi-chemin, Heero capta l'odeur de Hilde et fit un signe à Wufei pour qu'il le suive. La louve n'était pas bien loin.

* * *

Hilde raccompagna Catherine et Trowa à l'intérieur du porte-avion, mais ne les suivit pas jusqu'à la salle commune où Sally faisait des comptes. En passant, elle avait senti la trace de Heero de la nuit dernière, et ça la mettait mal à l'aise. Heureusement, les phéromones étaient moins actives maintenant que du temps avait passé, mais elle ne pouvait étouffer la petite étincelle de chaleur en réponse dans son ventre.

Elle plissa le front, croisant les bras défensivement devant son ventre. Elle avait horreur de ces réponses instinctives; ça lui donnait vraiment l'impression de faire partie d'une race qui était un échelon plus bas que les hommes dans l'évolution. Etre dominée par l'instinct, comme si les pensées rationnelles ne comptaient plus...

Soupirant, la jeune fille se laissa glisser le long du mur, s'asseyant sur le sol, le menton sur les genoux. Elle avait dit aux deux acrobates qu'elle devait parler à Heero avant de pouvoir rejoindre Sally elle aussi.

En fait, elle avait surtout peur de se faire coincer dans une pièce sans issue par le loup alpha du coin. Mais elle n'avait pas vraiment envie d'expliquer pourquoi.

Non, elle n'avait pas envie de voir la figure de Duo si elle leur disait que son mâle alpha lui avait adressé un ultimatum. Il en avait assez qu'elle casse la gueule à tous les mâles qui essayaient de la "prendre pour compagne". Il avait décidé de choisir pour elle. Elle avait quinze ans, il était plus que temps pour elle, étant l'une des rares femelles non stériles de la meute, de se mettre à procréer.

Il se fichait bien qu'elle haïsse son mâle, il se fichait bien que ses enfants avaient de bonnes chances de naître déformés ou même mort-nés... un des problèmes de la reproduction entre créatures qui par définition avaient un code génétique instable. Elle était en âge de se reproduire. Elle se reproduirait. Avec un peu de chance, ça étoufferait sa rébellion.

Elle haïssait son chef de meute. Mais un loup sans meute ne valait rien. Elle ne supportait pas de se savoir seule, sans groupe auquel appartenir. Elle avait essayé de remplacer sa meute par l'armée, et ça avait marché un temps, jusqu'à ce que Duo lui ouvre les yeux sur le genre de personnes qui se cachaient derrière les idéaux qu'on avait utilisés pour attirer les jeunes comme elle. Elle accordait une trop grande importance à ses idéaux pour continuer à combattre de leur côté après avoir réalisé ce pour quoi on les envoyait réellement sur les champs de bataille, et alors, elle s'était retrouvée seule. Elle avait essayé de se raccrocher à Duo par la suite, mais un ami n'était pas une meute, et elle avait dû rentrer.

Et elle était trop jeune pour vivre seule ou déménager et changer de meute. Sa mère avait été convaincue de la laisser partir pour l'armée avec difficulté la première fois _en termes de permission légale son accord était tout ce dont elle avait besoin_ mais les dominants avaient été trop furieux avec elles deux pour la laisser recommencer une telle démonstration d'indépendance. Alors elle en était réduite à supporter tant bien que mal la vie quotidienne dans le petit village où tous la connaissaient comme la rebelle, fuguant de temps en temps quant la pression devenait trop forte... comme maintenant.

Un bruit de pas se fit entendre, la coupant dans ses réflexions. Duo passa le tournant, puis la voyant, lui fit le signe de rester en place et vint s'accroupir auprès d'elle.

-Le reste du gang est là... lâcha-t-elle en guise d'accueil, désignant la porte. Où est Quatre?

-Il se fringue, répondit-il en s'adossant au mur à son côté.

-Tu vas pas voir tes amis, Duo? demanda-t-elle, essayant de se donner du temps pour chercher des excuses.

-Ben... marmonna-t-il, l'air gêné.

Il regarda à droite et à gauche puis se pencha vers elle, chuchotant.

-Pour être franc... J'ai pas envie d'être coincé dans une pièce sans issue, j'ai un peu la trouille que Heero soit toujours en train de flotter sur son petit nuage de phéromones rose.

Elle écarquilla les yeux, pouffant de rire dans sa main.

-Toi aussi?!

-Comment ça, moi aussi, Hildie? demanda Duo, confus.

La jeune fille devint écarlate.

-Ben...

-Hilde?

La brunette soupira.

-Si le rut de face-de-glace est pas encore totalement passé... il réagira sûrement plus violemment à une femelle en âge de se reproduire qu'il a réagi à ses compagnons.

-Ouille, fit Duo en grimaçant. J'espère pas pour toi, c'était pas une partie de plaisir hier.

-Tu vois, t'aurais dû le laisser te rattraper, répliqua-t-elle du tac au tac.

Pour se venger, il lui ébouriffa les cheveux.

Hilde les sentir venir avant de les entendre, juste avant qu'ils ne tournent dans le couloir. Elle se redressa hâtivement, nerveuse sans vouloir se l'admettre, et attendit qu'ils apparaissent avec impatience, ses yeux fixés sur le coin du mur. Duo l'imita, faisant confiance à ses sens.

Heero n'était pas seul, s'aperçut-il avec surprise, Wufei marchait à son côté. Pas trop proches l'un de l'autre, et... Est-ce que c'étaient des bleus qu'il voyait sur leur figure et leurs bras?!

Hilde ne se soucia pas trop de l'état des deux autres garous. Le regard de Heero était tombé sur elle, et elle s'était figée, momentanément paralysée. Mais à son grand soulagement, ses yeux ne l'effleurèrent qu'à peine, se fixant sur Duo.

Au moins il n'était plus en rut, se dit-elle, se détendant. Sinon, il leur aurait déjà bondi dessus.

Duo jeta un coup d'œil nerveux à la jeune fille alors que les garous mâles avançaient vers eux.

-Ça va, murmura-t-elle, ça a l'air d'être passé.

Heero n'entendit pas les mots précis, mais saisit fort bien la signification dans la manière dont Duo se relaxa en les entendant, lui qui avait eu l'air tendu et prêt à filer deux secondes auparavant. Il grinça des dents. Il avait horreur que Duo se méfie de lui comme ça.

Wufei et lui arrivèrent près des deux autres et s'arrêtèrent. Ils se dévisagèrent pendant quelques secondes à tour de rôle, Duo et Heero cherchant et évitant le regard de l'autre.

-Oh, pour l'amour du ciel, Yuy!! s'exclama Wufei. Tu n'as pas tourné autour du pot comme ça tout à l'heure!

Heero jeta un regard ennuyé à Wufei, mais baissa vite les yeux, encore gêné en sa présence.

-Faut croire que je suis moins attirant que toi, Wu-babe, lâcha Duo, essayant de diriger l'agacement de Wufei loin du japonais.

Wufei lui jeta un regard noir.

-Où sont les autres? demanda-t-il d'un ton sec à Hilde, ignorant Duo.

Elle désigna la porte derrière le petit groupe, et deux secondes plus tard il la traînait par le bras à travers ladite porte, abandonnant les deux garçons. Elle protesta, mais il n'écoutait pas vraiment.

Heero secoua la tête et soupira, légèrement soulagé que Wufei ait pris les choses en main et les ait éloignés. Non seulement ce serait plus facile, mais... Il n'avait pas du tout aimé la manière dont le Loup avait remarqué la jeune fille.

-Hé ben, Wufei a l'air de bonne humeur, comme d'hab, lâcha Duo en croisant les mains derrière sa tête, un peu nerveux.

Il se sentit stupide de faire une observation aussi évidente, mais le silence le rendait mal à l'aise.

-Alors, heu.. ça va? Enfin, je veux dire...

-Je suis désolé.

Il y eut un petit moment de silence. Duo baissa les mains, regardant Heero, qui fixait ses pieds avec attention.

-Je suis désolé, je...

-Ça va, le coupa l'américain. Tu nous a tous un peu foutu les chtouilles mais je sais que c'était pas de ta faute. Sally nous a expliqué le coup des hormones, ok? Je ne t'en veux pas. En fait, quand j'y repense, c'était presque marrant. Comment va Trowa au fait?

-... Il va bien... Toujours un peu nerveux à propos de ses nouvelles capacités, ajouta-t-il avec un regard d'avertissement.

-J'ai compris, je chambre pas, répliqua le pilote à la natte avec un clin d'œil.

Heero se détendit un peu. Duo avait réellement l'air de ne pas lui en vouloir, et la nervosité disparue, il se comportait exactement comme avant...

-Je... Quand même... marmonna-t-il, sachant encore moins comment s'excuser qu'avec Wufei.

-Heero... murmura Duo, posant ses mains sur les épaules de son camarade pour le tourner entièrement vers lui. Je ne t'en veux pas. Tu ne m'as rien fait de si terrible...

-Mais si je t'avais attrapé, je ne me serais pas gêné!

L'américain eut un grand sourire amusé.

-Je suis très flatté de voir que ta libido me répond à ce point. Et au moins, maintenant, on sait que t'es au moins bi, ajouta-t-il, se référant à une conversation qu'ils avaient eu des mois auparavant sur l'orientation sexuelle des pilotes.

Duo avait l'air d'être prêt à oublier l'épisode, et pendant un moment, le japonais en fut comme blessé. L'américain n'était pas strictement hétéro, alors c'était dur de ne pas le prendre comme un rejet personnel. Mais d'un autre côté, voulait-il vraiment entamer une relation avec lui? Il pouvait le trouver sexuellement attirant, certes, mais de là à risquer leur amitié et leur partenariat... Et puis Duo désirerait-il prendre le risque de se transformer juste pour une relation avec Heero? C'était beaucoup demander quand même. Et puis ils n'avaient qu'à peine seize ans, il aurait bien le temps de se prendre la tête avec ça plus tard.

Heero soupira, puis lança un petit sourire hésitant à Duo.

Le garçon à la natte hésita pour une seconde, puis l'étreignit brièvement. Le temps que Heero, pris par surprise, ne réagisse, il s'était déjà écarté.

-Bon... On va voir les autres maintenant? Manque plus que Quatre. Il est en train de se fringuer. Tu viens?

Heero eut un petit sourire et suivit Duo à l'intérieur de la pièce.

* * *

Aussitôt entré, Duo alla se percher sur le bras du canapé. Trowa jeta un regard indéchiffrable à Heero.

-Encore en vie? demanda-t-il d'un ton indifférent.

Le japonais fit la grimace en se rappelant qu'il aurait dû retourner chercher Trowa avec des vêtements. Trowa avait sa manière bien à lui de vous faire part de ses reproches.

-Désolé, j'avais un problème à régler d'urgence avec Wufei.

-...Mouais, répondit le garçon à la mèche d'un air peu convaincu.

Il considéra Heero en silence pendant quelques secondes, indéchiffrable, puis son regard se fixa sur le bleu qui fleurissait sur la pommette du garçon, et ses yeux s'adoucirent un peu. Il hocha imperceptiblement la tête en acceptation de son excuse. Lui souriant juste avec les yeux comme il le faisait parfois, Heero se laissa tomber dans le canapé à côté de l'ex-mercenaire, passant un bras sur le dossier derrière la tête du garçon.

-Désolé...

Trowa haussa les épaules et se laissa aller contre le canapé, l'air désinvolte.

-J'ai survécu.

Duo eut un petit rire amusé.

Wufei jeta un regard surpris aux deux loups. Ils ne semblaient même pas se rendre compte qu'ils étaient assez proches pour que leurs cuisses se frôlent et que Heero avait pratiquement un bras autour des épaules du garçon aux yeux verts, ou s'ils s'en rendaient compte, ils ne s'en souciaient pas.

-Tu serais peut-être plus à l'aise si tu t'asseyais sur ses genoux, Yuy, commenta-t-il d'un ton sarcastique.

Heero et Trowa le dévisagèrent, étonnés, et échangèrent un coup d'œil. Effectivement, ils étaient plutôt proches, mais ça ne les dérangeait pas vraiment. Ils se fixèrent des yeux, chacun demandant à l'autre s'il voulait qu'il s'écarte, d'un simple sourcil haussé.

-C'est standard dans une meute, Wufei, l'informa Hilde avec un sourire amusé. Je me rappelle, quand on allait visiter les cousins, on dormait tous en tas dans un grand lit, c'était chouette...

Trowa hocha lentement la tête. Ça lui paraissait logique. Il n'avait jamais été relaxé à l'idée d'être si près de quelqu'un avant. Mais tout ce que lui disaient ses instincts, c'était que la personne à son côté était un membre de sa meute. Aucune méfiance, juste un sentiment de sécurité.

-Je ne sais pas ce que tu venais faire là, mais tu tombes bien, Hilde, dit Heero après un moment. Ce qui s'est passé hier nous l'a prouvé... Il y a trop de choses qu'on ne sait pas sur les garous. C'est dangereux.

Wufei et Trowa acquiescèrent en silence. La jeune fille soupira.

-Vous avez des questions? demanda la brune en s'asseyant en tailleur sur la table basse, en face des deux mâles.

-Il vaudrait mieux attendre Quatre, fit remarquer Wufei.

-On attend, répondit Heero en hochant la tête pour signifier son accord.

-Ça devrait plus être très long maintenant, commenta Duo. Il voulait juste prendre une douche en vitesse.

Trowa détourna la tête en entendant le nom, et se reçut un coup de coude de Heero pour la peine. Il se retourna, croisant le regard bleu acier de son camarade. Heero jeta un coup d'œil à la porte, lui demandant implicitement s'il voulait sortir pour en parler, mais Trowa haussa les épaules.

-Je ne vais pas lui arracher un œil si c'est ça qui t'inquiète, lâcha-t-il à voix basse.

-Hmm, grogna Heero en croisant les bras sur sa poitrine, pas trop convaincu.

* * *

Quand Quatre arriva une dizaine de minutes plus tard, Sally, Duo, Hilde et Cathy étaient en train de discuter à voix basse, Wufei faisait des étirements dans un coin de la salle et Trowa et Heero, chacun affalé sur un accoudoir, faisaient une sieste sur le canapé, bien que, si on leur avait demandé, ils auraient soutenu être juste en train de reposer leurs yeux. L'une des jambes de Trowa était jetée en travers de la cuisse du japonais.

-Les gars? appela-t-il. Je suis là...

Trowa ouvrit les yeux et se redressa légèrement contre son accoudoir, jetant un regard au nouvel arrivant. Ses yeux rencontrèrent ceux de Quatre par accident et instinctivement, encore confus sur la marche à suivre avec le garçon, il leur fit prendre un air froid et les laissa glisser comme si rien n'avait retenu son attention, écartant le blond de ses pensées. Il ressentit un brusque pincement de douleur et de tristesse honteuse pendant un bref moment, et dut se retenir de réagir visiblement. Que...

Les sentiments disparurent comme s'il ne les avait jamais ressentis. ...Comme s'ils n'étaient pas à lui.

Trowa étrécit les yeux et fixa Quatre, mais le garçon avait baissé la tête et faisait de son mieux pour avoir l'air de ne pas être là.

-Tu aurais pu te dépêcher, on n'attendait plus que toi, l'informa Wufei. Nous allions poser des questions à Hilde sur les garous...

-Oh, c'est une bonne idée, commenta Quatre, soulagé à l'idée de rediriger l'attention ailleurs que sur lui.

Le retardataire prit place dans un fauteuil de l'autre côté de la pièce, à gauche de Sally.

Hilde s'étira et se rassit en tailleur sur la table basse, balayant ses camarades du regard.

-J'ai l'impression de donner une conférence. Par quoi commencer.... Hmm.

-Le rut? demanda Duo avec un sourire qu'il essayait de ne pas rendre nerveux, jetant un coup d'œil en coin à son coéquipier.

-Ce serait une bonne idée, acquiesça Heero, impénétrable, semblant ne pas se rendre compte qu'il était observé. Ça arrive souvent?

Hilde haussa les épaules et essaya d'y penser de manière objective pour leur donner une réponse correcte.

-Dépend. Chez les canidés, le mâle alpha a un rut environ trois fois plus souvent que ses subordonnés. Ce qui est logique puisque dans une Meute le couple alpha est souvent le seul à se reproduire, et les autres ont besoin de son autorisation ne serait-ce que pour former un couple. Les louves aussi ont des chaleurs. Je sais, normalement chez les animaux, c'est seulement la femelle qui entre en chaleur, mais étant donné qu'on est aussi humain, et que les mâles humains sont "toujours prêts"...

Sally hocha la tête d'un air pensif, prenant des notes sur un carnet.

-Trois fois plus souvent? Ça fait combien de fois par an, ça? demanda Heero en fronçant les sourcils, ennuyé par l'idée.

Perdre le contrôle comme ça n'était franchement pas quelque chose qu'il avait envie de voir arriver souvent. Et en plus, ça fichait en l'air les rapports normaux avec ses coéquipiers. Wufei avait beau dire, il savait qu'il lui en voulait toujours, quant à Duo, Heero ne s'était pas attendu que ça fasse si mal qu'il se méfie de lui, même si le fait qu'il s'assoie à son côté prouvait bien qu'il n'avait pas l'intention de laisser l'accident de la veille changer leurs rapports.

-Ça dépend de l'âge du mâle et d'un tas d'autres facteurs, le nombre de femelles dans sa meute, le nombre d'autres mâles... Plus il y a de femelles et moins il entre en rut, parce qu'un mâle n'a qu'une seule compagne et s'il y a beaucoup de femelles après elles s'attaquent entre elles pour punir celles qui ont voulu leur prendre leur mâle, donc il vaut mieux limiter. Y a pas beaucoup de femelles loup-garou. Au contraire, plus il y a de mâles aspirant au statut d'alpha, donc le défiant, le plus souvent il entre en rut. Je pense que ça doit être la testostérone qui leur monte au cerveau, ajouta-t-elle avec un petit rire dédaigneux.

Heero hocha la tête, pensif.

-Ma "meute" est uniquement composée de mâles... Tu crois que ça m'arrivera souvent?

-Bah, étant donné que t'es un adolescent et que tu mènes une vie stressante, je dirais bien au moins une fois tous les quatre mois. Peut-être plus souvent. Une fois que tu seras adulte ou casé, ça se calmera... En général, avoir des rapports sexuels fréquents en dehors du rut augmente l'intervalle de temps entre deux saisons, ajouta-t-elle d'une voix impénétrable.

-T'as plus qu'à te trouver une copine! lâcha Duo sans réfléchir.

Heero lui jeta un regard mauvais, piqué au vif par la suggestion.

-Et qui par exemple? Hilde? Non merci, je crois que je m'enfermerai la prochaine fois...

-Alors là sûrement pas!! s'exclama Hilde en plaquant ses mains à plat sur la table basse.

Le bang les fit tous sursauter.

-Quoi?!

-D'un, c'est dangereux, de deux, ça servirait à rien! On reste en rut tant qu'on n'a pas satisfait ses pulsions... Ça peut se calmer un moment, alors tu crois que c'est fini, mais après ça revient deux fois plus fort, sans avertissement, et là tu violeras la première personne qui te tombera sous la main sans réfléchir à deux fois, imbécile! l'invectiva-t-elle avec passion.

Le japonais se tendit, se rappelant la violence à peine contenue avec laquelle il avait pris Wufei. Ça aurait été très facile de déraper et de lui faire du mal, et il était un garou, capable de subir ce genre d'abus plus facilement qu'un humain normal. Il s'imagina le corps de Sally ou de Catherine, ensanglanté, brisé, et frissonna sans pouvoir s'en empêcher. Il était hors de question qu'il fasse subir ça à qui que ce soit.

-Tu proposes qui alors? Toi? demanda-t-il avec dérision.

Elle serra les dents et il la vit pâlir.

-Pour tomber en cloque à même pas seize ans? Non merci. La pilule ça marche pas chez les loups-garous, je te signale. Et t'as déjà vu des capotes pour loup-garou toi?

Quatre marmonna quelque chose dans sa barbe et baissa le nez vers la tasse de thé qu'il venait de se verser, se demandant s'il était le seul que ces discussions si franches à propos de sexualité embarrassaient.

-Et les autres races? demanda-t-il en secouant la tête pour chasser sa gêne.

C'étaient des choses qu'ils avaient besoin de savoir après tout, se répéta-t-il pour ne plus se sentir embarrassé.

-Aucune idée. Désolée... Je pense que ça se calque un peu sur l'animal que vous êtes mais à part ça... dit-elle en haussant les épaules. Oh. Une chose. Ça marche plus avec les canins parce qu'ils sont tellement plus sensibles aux phéromones, mais si vous vous trouvez pris dans le rut d'un autre, en général ça veut dire que vous allez mettre moitié plus de temps avant votre prochain rut que ce que vous devriez...

Wufei grommela un "encore heureux" dans sa barbe. Il était trop occupé à digérer le fait qu'il allait lui aussi y passer après un certain temps, et à son avis ça ne pouvait pas arriver trop lentement.

-J'ai pas grand-chose d'autre à dire...

Hilde soupira. Elle avait vraiment l'impression d'être un dépliant touristique.

-Tiens, une chose. Si la Lune est au moins à mi-chemin vers la pleine lune, et que vous vous mettez en rogne contre quelqu'un, y'a des chances pour que vous changiez, si vous ne décidez pas consciemment de rester humain. Alors faut faire gaffe à maîtriser vos sentiments, parce que vous pouvez très bien vous mettre à vous transformer sans vous en rendre compte tout de suite, et si quelqu'un vous voit... Si c'est la pleine Lune, essayez même pas de vous empêcher de changer la nuit venue, c'est pas possible. De toute manière, les sentiments violents ont plus d'effet sur votre apparence, et les sentiments de ce genre favorisent le Loup. Donc...

Les garçons hochèrent la tête.

-Enfin la possibilité à maîtriser son apparence change selon la position dans la meute. Vu qu'un Alpha a, en général, plus de volonté qu'un mec tout en bas de l'échelle, la majorité des mâles alpha ont une meilleure maîtrise de leur forme. Et puis avec le temps vous apprendrez à mieux vous en servir... Je sais pas si vous vous en êtes rendus compte, mais il est possible de faire en sorte de changer seulement l'acuité de ses sens, vous savez, se donner un petit boost. Et si on dit que même en humain un garou est plus fort qu'un être humain normal... C'est parce que c'est pas très dur de renforcer ses muscles non plus. La plupart le font inconsciemment, mais je pense que ce serait bien pour vous d'apprendre à changer ça à volonté.

-Je crois que je le fais déjà, commenta Wufei d'un air pensif. J'étais plus rapide que d'habitude quand je me suis battu avec Yuy...

-Tu t'es battu avec Heero? releva Duo, se redressant et le fixant en fronçant les sourcils.

Bon, maintenant il savait d'où venaient les bleus. Mais Wufei avait intérêt à avoir une bonne excuse.

-C'était juste un entraînement, lâcha le chinois d'un air impénétrable avant de continuer. J'ai aussi un meilleur instinct pour prévoir ce que mon adversaire va faire et parer les coups.

-Oui, mon temps de réaction a chuté aussi, répliqua Quatre en sirotant son thé. Je n'étais pas lent, mais maintenant, même moi, je n'arrive pas à suivre mes actions réflexe des yeux...

-C'est parce que tu agis comme un chat, mais tu observes tes actes comme un homme, kitty-Cat. Tu ne crois pas que tu puisses voir quelque chose d'aussi rapide, alors tu ne le vois pas. Pourtant tu y réagis, donc tu dois le voir... mais tu réalises pas. Heu, je m'embrouille moi-même là... ajouta la jeune fille en se grattant la tête.

Quatre eut un petit rire.

-Ça va, j'ai compris. Je le vois mais ne m'en rends pas compte, comme un message subliminal...

-Heu... Ouais, c'est ça. Ah! A propos de la lune, une autre chose importante. Vous pouvez aller sur les Colonies, c'est pas un problème. Mais si vous y restez plus d'un mois, là ça risque de mal tourner. Y a pas l'influence de la lune, ou y en a trop, ça dépend de la colonie. Votre corps ne peut pas se régler sur la Lune pour savoir quand déclencher la transformation, et ça fout tout en l'air.

-Et? Ça fait quoi? demanda Heero, fronçant les sourcils.

La jeune fille cessa de sourire.

-Ben... Au bout d'un moment, un mois et demi, deux mois, vous allez perdre un objet dont vous avez besoin, vous prendre un PV, ou avoir une petite discussion pas très agréable avec une secrétaire, un boss, un vendeur par téléphone. Et vous allez vous transformer, mais ce ne sera pas parce que la lune vous y pousse, ce sera parce que votre animal intérieur est en train de tourner maboul. Vous ne pourrez pas arrêter la transformation. Vous ne pourrez pas contrôler l'animal. Et il aura deux mois d'enfermement à rattraper. Savez ce que ça veut dire?

-... non... murmura Quatre prudemment, soudain pas très chaud à l'idée de savoir.

-Ça veut dire que la secrétaire qui déclenche la transformation va se retrouver en charpie, assena la jeune femme, aussi froidement qu'elle le pouvait. Elle et ses copines qui gloussent en papotant à côté du bureau entre deux coups de téléphone. Et le réparateur de machines à café. Et votre boss. Vous avez entendu parler, il y a vingt ans, du tueur en série qui laissait des morceaux de ses cadavres en petits bouts non identifiables un peu partout? C'était un puma-garou qui avait oublié de rentrer à temps.

La petite troupe frissonna avec ensemble.

-On ne pourra plus vivre sur une colonie...? murmura Quatre, ouvrant des yeux immenses.

Sa famille... son père, ses sœurs... Il ne pourrait jamais rentrer?

-Si, vous pouvez, le rassura Hilde. Hey, j'ai grandi sur L2 jusqu'à onze ans, tu sais. Vous avez juste à descendre sur Terre régulièrement... Mais bon... Je veux dire, peut-être que vous serez mieux sur Terre, à long terme. Moi j'ai grandi sur une colonie depuis toute petite, alors je supporte bien, mais pas mal de garous se sentent malades quand ils sont dans l'espace. Les odeurs sont trop différentes pour eux, ils sentent davantage la gravité artificielle que les gens normaux, ils deviennent claustrophobes à force de pas pouvoir voir le ciel, ce genre de choses.

Heero haussa les épaules.

-On verra quand on y sera. Je ne veux pas faire de plans à long-terme. Tu dis que pour de courtes périodes, on peut rester sur une colonie sans problème?

-Tant que c'est pas plus d'un mois, ouais.

-Ça ne devrait pas poser de problèmes pour les missions alors. Si ça dure plus longtemps, on enverra Duo.

Duo eut un grand sourire.

-Je savais bien que ça servait à quelque chose d'être le seul à pas tourner poilu une fois par mois, déclara-t-il avec un petit rire.

Quatre se demanda s'il était le seul à entendre la fausse note dans son amusement, celle qui disait qu'il était loin d'être aussi heureux de l'état des choses que sa voix laissait entendre. Peut-être était-ce son empathie qui lui disait que l'intérieur n'avait rien à voir avec la façade...

-Les gars, d'autres questions à poser à Hilde sur les garous? continua le garçon à la natte, qui voyait bien qu'elle commençait à en avoir marre.

Les concernés échangèrent des regards, puis Trowa et Heero haussèrent les épaules et Quatre fit un petit signe de dénégation.

-Pas pour le moment. Mais ce serait bien si on pouvait te joindre au cas où, répliqua Wufei.

-Je vous laisserai mes coordonnées. Ou vous pouvez passer par Sally. J'ai été détachée à son unité par mon chef de section habituel, elle sait comment me contacter.

-Et ta meute?

-Je leur ai laissé un mot. Je suis partie avant qu'ils se réveillent ce matin. Pour eux, je suis retournée dans les colonies, ils ne m'attendront pas avant un mois. Et je pourrai envoyer un message comme quoi je fais autre chose si jamais je ne peux pas rentrer à ce moment, c'est pas un problème.

-T'es sûre? On voudrait pas te causer des ennuis...

-Non, ça va, juré, assura-t-elle, heureuse de ne pas être Duo; ne pas pouvoir mentir aurait été ennuyeux.

-Minute, l'interrompit Wufei. Ta meute n'est pas sur L2? Je croyais...

-Non, répondit-elle, surprise. J'ai grandi sur L2 avec ma mère jusqu'à mes onze ans, on faisait des voyages tous les mois pour rejoindre la meute de mon père, et puis ma mère a perdu son job alors on a émigré sur Terre. Et quand j'ai eu treize ans je me suis engagée.

-... Ah. Je me posais des questions, lâcha-t-il avec un haussement d'épaules.

Tout le monde se considéra en silence, se demandant où devait aller la conversation maintenant.

-Si on parlait affaires, un peu? suggéra Duo. Maintenant qu'on n'a plus à se soucier de Trowa? Ça fait longtemps qu'on n'a pas frappé un grand coup, OZ va finir par croire qu'on a abandonné...

Les autres garçons hochèrent la tête. Sally ferma son bloc-notes d'un geste sec et se releva, faisant signe aux deux filles.

-Mieux vaut vous laisser seuls alors. Vous nous direz si vous avez besoin de notre aide plus tard, commenta le médecin. Pour le moment j'ai des théories à tester. Vous me donnerez d'autres échantillons de sang et de peau plus tard, les garçons, ajouta-t-elle en sortant de la pièce, amusée de les entendre grommeler en signe de protestation.

* * * * * * * * *

Accoudé à la rambarde qui faisait face au port dans lequel le vieux porte-avion était ancré, Quatre soupira. Encore.

-Ça fait la septième fois en moins de quinze minutes, fit remarquer Hilde à Duo en aparté.

Occupé à trifouiller sa moto, Duo jeta un coup d'œil par-dessus le moteur à son camarade. Il était affalé contre une balustrade, fait extrêmement étrange de la part du blond milliardaire pour qui se tenir droit venait aussi naturellement que respirer. Duo changea les vis qu'il avait au coin de la bouche de côté pour répondre à Hilde.

-Encore? Le cycle se raccourcit...

Depuis l'heure précédente, heure à laquelle le blond était sorti de la cale en proclamant qu'il avait suffisamment révisé Sandrock, et s'était installé non loin de l'endroit où Duo travaillait et Hilde l'empêchait de bosser, il avait développé un cycle. Un regard sur les portes des cales, il se retournait vers la mer et lâchait un soupir à abattre des moulins, puis retournait à la contemplation de la ville. Là, son regard dérivait lentement sur la porte des cales et retour au soupir de début de cycle. Le temps passé à contempler la ville et la mer diminuait régulièrement et le temps passé à fixer la porte d'un air malheureux augmentait.

Hilde et Duo échangèrent un regard lourd de sens. Ça faisait trois jours depuis la pleine lune, et Trowa n'avait toujours pas adressé la parole une seule fois à Quatre. Duo était à la limite de débouler dans la cale et d'arracher l'ancien mercenaire de son Gundam pour le pousser vers Quatre à coups de pied au cul. Le petit blond n'aurait toutefois pas apprécié, ayant décidé que le premier pas devrait venir de Trowa s'il avait vraiment envie qu'ils se réconcilient, aussi l'américain s'abstenait pour le moment. Il comprenait que Trowa soit en colère contre Quatre, mais il ne pouvait supporter qu'il ne lui donne même pas une chance de présenter des excuses. Trowa était retourné, avec Quatre, à son comportement du tout début de la guerre: un mur de glace d'une indifférence totale.

-Si Heero me faisait ça, je l'égorgerais avec les dents, marmonna-t-il entre les vis qu'il avait toujours dans la bouche.

-T'es sûr que t'as pas été contaminé? demanda Hilde avec un petit rire. Enfin, Quatre est pas aussi agressif que toi.

-Il devrait, grommela Duo en observant le huitième soupir. Trowa se comporte en vrai connard, là. Ok, il voulait peut-être pas être contaminé, mais Quatre n'avait pas l'intention de lui faire du mal! Et puis ça fait trois jours qu'il est transformé, et il a plus l'air de s'en plaindre! Il s'adapte ok, t'as bien vu. Alors pourquoi est-ce qu'il est aussi salaud avec Quatre? Il devrait savoir qu'il aurait jamais voulu lui faire du mal volontairement... Si c'est de la faute à quelqu'un, c'est de la mienne, merde, j'aurais jamais dû lui laisser boire de l'alcool...

-Oh, ça va, me dis pas que tu savais qu'il y avait de l'alcool dedans, protesta Hilde en lui donnant un coup de pied. T'en aurais pas fait boire à Quatre, tu sais qu'il est musulman.

-Je savais pas au début, mais quand on s'est mis à rigoler comme des ânes j'aurais dû piger...

Hilde lui flanqua un autre coup de pied.

-Dans ce cas c'est la faute de Trowa aussi, il aurait pas dû entrer dans la pièce où était Quatre. C'est de la faute de Martinez aussi, il aurait pas dû laisser ses bouteilles de whisky-coca là où tu allais les trouver.

-Je les aurais trouvées n'importe où, baby, répliqua Duo en lui lançant un clin d'œil.

-Ouais mais s'il les avait mises dans sa chambre t'aurais su que c'était sa réserve perso et t'y aurais pas touché.

-Ouais mais il pouvait pas, il a pas de frigo... répondit Duo avec une pointe de mauvaise foi.

-Il aurait pu y coller un post-it!

-Le post-it aurait pu tomber! répondit Duo, déterminé à avoir le dernier mot.

-Bon, c'est la faute du post-it alors, lâcha la brunette en haussant les épaules.

Duo recracha ses vis et s'effondra de rire sur le pont.

Quatre se retourna et les regarda, surpris de l'éclat, puis leur lança un petit sourire hésitant. Hilde lui fit signe de les rejoindre et il s'approcha prudemment. Duo se sentit heureux que Trowa ne soit pas là, car il lui aurait fait ingérer le gel pour cheveux qu'il utilisait sur sa mèche: Quatre était si blessé par ce que Trowa lui faisait qu'il n'était même plus sûr de sa place auprès de ses autres amis.

-Bon, j'ai fini avec ma bécane moi. Ça vous dirait qu'on aille se changer les idées?

Hilde se releva d'un bond avec enthousiasme.

-OUI!

Quatre avait l'air plus réservé, mais Hilde lui lança un regard de chiot battu et se pendit à son bras, proclamant qu'il viendrait de lui-même ou qu'elle le traînerait par les pieds. Il jeta un regard désespéré à Duo, mais celui-ci secoua la tête en souriant. Il ne le délivrerait pas d'Hilde.

-On fait quoi?

Duo réfléchit une seconde, le regard sur la petite ville portuaire.

-On descend se balader en ville. J'aime bien le porte-avion mais franchement je commence à me sentir à l'étroit.

-Ça me va! lança la brunette.

Quatre hésita une seconde puis hocha la tête avec un petit sourire résigné sur les lèvres.

-Allons-y, compagnons!! s'exclama Duo en prenant une pose.

Ils se dirigèrent vers la passerelle, Duo arrêtant un Sweeper au passage pour lui demander de faire prévenir Howard et les pilotes qu'ils allaient se promener.

-Et si quelqu'un nous voyait...?

-Y a pas d'Ozzies dans cette ville, tu sais ça.

Hilde et Duo se coiffèrent de concert de leur casquette, Duo rentrant ses cheveux sous le couvre-chef, et ils descendirent la passerelle.

-En avant, fidèles camarades!!

* * *

Duo et Hilde prirent d'assaut le stand de glaces, traînant derrière eux un Quatre à demi mort d'embarras et à demi mort de rire. Après un quart d'heure à débattre de la meilleure combinaison de parfums possible, ils firent leur choix et se mirent à descendre la promenade. Quatre commença à se détendre enfin et à apprécier la balade.

De plus en plus de gens se promenaient au bord de l'eau, mais le grand rush d'été était encore loin. Duo sauta sur une murette de pierre qui courait le long du sentier et continua son chemin perché sur l'étroite bande, aussi à l'aise qu'un chat, sans cesser de bavarder ou de lécher sa glace une seconde. Hilde, privée de Duo, traîna Quatre par le bras pour examiner de plus près tous les petits stands de marchand semés le long de la promenade, et il se sentit finalement sourire sincèrement.

Il n'était pas stupide, il savait bien qu'ils l'avaient traîné dehors en grande partie pour lui remonter le moral... et ça marchait. Emplissant résolument ses poumons d'air, il lança un grand sourire à Duo et, échappant à Hilde, sauta sur le muret juste devant l'américain, le faisant piler net et presque perdre l'équilibre.

-Si on accélérait?

Il se mit à courir sur le muret, sautant aisément par-dessus les quelques brèches, et après quelques secondes d'étonnement, Duo le poursuivit, Hilde courant sur le sol après eux. Les rares passants s'écartèrent de leur chemin avec surprise, certains leur dédiant des regards amusés.

-Vous êtes de vrais gosses!! leur cria Hilde en riant.

Elle manqua bousculer un homme en manteau qui téléphonait et s'en excusa vivement, repartant de plus belle à la poursuite des deux acrobates qui ne l'avaient pas attendue et étaient maintenant en train de sauter de pilier en pilier là où le mur prenait fin.

* * *

L'homme les regarda s'éloigner puis leva son portable à son oreille pour continuer sa conversation.

-J'ai croisé la cible. Elle se dirige vers les quartiers nord en longeant la promenade. Accompagnée de deux autres adolescents. ... Non, aucun d'entre eux n'est fiché à mon avis, mais... Oui... oui.

Il mit fin à la conversation et fit demi-tour, suivant tranquillement le chemin dans le sens que les trois adolescents avaient emprunté.

* * * * * *

Trowa vérifia la solidité de sa soudure puis s'extirpa de sa position inconfortable. Il s'essuya les mains sur un chiffon tout en considérant pensivement son travail, décida qu'il était suffisamment bien fait, puis se retourna vers les autres Gundams. Heero était toujours en train de bosser sur le sien, quant à Wufei, il ne le voyait pas mais le chinois était probablement dans le cockpit à méditer.

Il se retourna vers Sandrock, se demandant quand exactement Quatre était parti. Il n'avait pas vraiment fait attention, trop préoccupé par ses réparations.

Il avait décrété qu'il lui parlerait aujourd'hui, dès qu'il aurait fini avec Heavyarms. Il avait finalement pris une décision en ce qui concernait ses rapports avec Quatre. Il ne savait toujours pas quoi faire à propos du baiser lui-même, et il lui en voulait encore un peu pour la contamination, mais il avait envie de sauver ce qui pourrait l'être.

Il sortit sur le pont et se mit en quête du blond, déterminé à en finir au plus vite.

* * * * * *

Ils étaient finalement arrivés à la fin des piliers. Quatre sauta sur le sol, riant, évitant deux ou trois passants.

-Preum's!!

C'était la première fois de sa vie qu'il se comportait d'une telle manière, faisant l'imbécile sur une murette comme un sale gosse mal éduqué. Et c'était amusant. Il avait été une vraie peste plus jeune, mais son but n'avait pas été de s'amuser, plutôt de se venger du monde entier.

Duo bondit sur son dos, et le blond chancela en avant, riant aux éclats, essayant de ne pas tomber. Il avança de quelque pas, déséquilibré, l'américain agrippé à son cou... et manqua de tomber à la renverse quand un énorme doberman se jeta sur eux sans avertissement, grondant et aboyant avec agressivité.

Duo sauta de son dos juste quand le chien arrivait au bout de sa laisse et le traîna brutalement hors de portée; ils faillirent tomber au sol encore une fois.

Le maître du chien les dévisageait froidement, enroulant les maillons de la laisse autour de son poignet.

-Hey, vous pourriez mettre une muselière à votre clébard!! s'offusqua Duo en s'époussetant.

Quatre était encore secoué et se contenta de dévisager l'homme en silence. Hilde arriva au pas de course et le chien se retourna vers elle, grondant furieusement. Elle lui jeta un regard circonspect et le contourna pour rejoindre ses amis.

-Ça va?

-Oui, oui... la rassura Quatre.

-Pas grâce à monsieur! lança Duo en jetant un regard furibond à l'homme.

-Désolé, je ne m'attendais pas à ce que mon chien réagisse ainsi, s'excusa l'homme du bout des lèvres avant de se détourner.

Duo lança un regard noir au dos de l'homme qui s'éloignait, traînant son chien qui essayait toujours de les atteindre, puis saisit ses amis par le bras et les guida dans l'autre sens. Les badauds s'étaient attroupés autour d'eux et il n'aimait pas ça.

-Bordel, quel bâtard ce mec! Et un chien comme ça qui attaque les gens et il en a rien à foutre? Ça fait pas le même genre de dégâts qu'un caniche ça. Putain...

Hilde regarda à droite et à gauche et se pencha pour lui chuchoter à l'oreille.

-Ça arrive souvent que des chiens nous attaquent, Duo. Ils peuvent sentir ce que nous sommes. Va falloir vous y habituer. Ça va, Quatre?

-Oui, c'est juste que je ne m'y attendais pas... bah, ce n'est pas la faute du chien. Je me disais bien que ce caniche qu'on a croisé vers le stand de glaces avait l'air d'avoir peur de quelque chose, pauvre bête, on a dû le terroriser.

Hilde gloussa.

-Ce type était bizarre, remarqua Quatre d'une voix pensive.

-Bizarre comment? demanda Duo immédiatement.

Quatre avait de bons instincts en ce qui concernait les gens, et Duo avait appris à lui faire confiance sur la question.

-Je ne sais pas au juste, c'est seulement... quelque chose me tracasse vaguement... Il avait l'air si... froid.... Bah, je dois m'imaginer des choses. C'était juste un salaud.

-Rhôôô, Quatre a dit un gros mooooot...! s'écria Duo, faussement scandalisé.

-Oh, ça va Maxwell!! s'exclama l'arabe en essayant de lui flanquer une taloche sur la tête.

* * *

-Le blond en est aussi, lâcha l'homme au doberman dans son portable. Le troisième peut-être. Des renseignements? ... Pas fichés? Hmmm... Les hommes sont déployés?

Il hocha la tête, raccourcissant sa prise sur la laisse.

-D'accord.

Il croisa l'homme au manteau et ils échangèrent un signe de tête et un sourire satisfait, et se mirent à longer la promenade ensemble en échangeant des commentaires, comme deux vieux camarades qui se retrouvent pour parler de leur passe-temps favori.

* * *

Ils avaient quitté le bord de mer pour se promener dans les rues. Certains magasins de souvenirs étaient ouverts et Hilde tenait à les faire tous. Les deux garçons la suivaient sans mot dire, amusés par sa bonne humeur. Elle disparut dans un magasin de vêtements et les deux pilotes restèrent à regarder les présentoirs à l'extérieur, peu désireux de pénétrer dans cet antre suspect.

-Elle est folle, hein?

-Oui, répondit Quatre en faisant le tour du présentoir. On comprend pourquoi vous vous entendez si bien! ajouta-t-il en riant.

Duo lui grogna dessus pour rire, mais il ne pouvait toucher le blond sans renverser l'étalage. Il se contenta donc de le foudroyer du regard.

-Tu perds rien pour attendre, toi... tiens, encore un mec avec un doberman, continua-t-il sans changer d'expression.

-Où ça? demanda Quatre en riant- mais ses yeux avaient pris une touche froide.

-Coin de la rue. Il regarde dans notre direction.

-Coïncidence.

-Peut-être.

Mais même si, à part le chien, les deux hommes n'avaient rien en commun, il se dégageait d'eux la même intense froideur, et ça, il avait du mal à l'ignorer.

Aussitôt que Hilde fut sortie, ils l'entraînèrent dans une rue perpendiculaire, essayant de rejoindre la grand-rue principale. Il y avait plus de monde là-bas. Ils seraient plus en sécurité.

La louve les dévisagea d'un air surpris. Leur odeur ne correspondait pas à leur expression gaie.

-Je suis sûr qu'il y aura des magasins bien mieux sur l'autre rue, ma chérie, lâcha Duo en lui passant un bras autour de la taille.

Ok, là il y avait un problème. Ils avaient arrêté de trouver drôle de se faire passer pour un couple des mois auparavant.

-Qu'est-ce qu'il y a les gars? demanda-t-elle d'un ton insouciant.

-Rien, j'aime plus cette rue.

-On devrait téléphoner à ton oncle pour dire qu'on va être en retard, intervint Quatre innocemment en regardant Duo.

-Ouais, tiens, j'avais oublié...

Ils débouchèrent dans la grand-rue pour voir qu'un type en manteau qui semblait bizarrement familier se tenait à une trentaine de mètres, adossé à un poteau, en compagnie du premier mec au doberman.

-Manteau a un fusil à pompe là-dessous, les informa Duo. Doberman un a un flingue sous le bras.

-Doberman deux vient d'entrer dans la ruelle derrière nous, murmura Quatre.

-Ils savent pas qu'on les a vus. Hilde, tu fais style de rien. Ne les regarde pas.

Elle lui envoya un regard dédaigneux, comme pour le gronder. Il la prenait pour une débile.

Les trois adolescents marchèrent encore sur quelques pas, puis Duo les attira vers un mur pour enlever sa chaussure et la secouer, comme s'il y avait un caillou dedans. Il en profita pour glisser discrètement des couteaux hors de sa poche intérieure pour les avoir en main.

-On peut peut-être essayer de se cacher dans un restaurant et téléphoner de là, murmura-t-il quand il fut sûr d'être à l'abri des oreilles indiscrètes.

Quatre hocha la tête.

-On peut s'en débarrasser, mais je n'aime pas ça. Je pense qu'il y en a plus que ceux qu'on a vus. On devrait trouver un plan de la ville.

-Pas de métro ici... arrêts de bus?

-C'est le quartier piéton, fit remarquer Hilde.

-On devrait les semer avant de retourner à la base. Voler une voiture?

-Faut en trouver une.

Duo remit sa chaussure en place et se redressa.

-On leur passe devant sans rien dire, essayez de pas leur montrer qu'on les a repérés.

Ils marchèrent tranquillement vers le bout de la rue, passant en bavardant devant les deux hommes.

Qui leur emboîtèrent le pas aussitôt, ne laissant guère plus d'une dizaine de mètres entre eux. Le chien grondait sourdement, ses griffes raclant les pavés.

Les adolescents se mirent à rechercher une boutique ouverte du coin de l'œil, mais il n'y avait dans les environs que des restaurants, fermés à cette heure de l'après-midi, et des entrées d'immeubles privés verrouillées avec des digicodes.

Et puis Duo aperçut du coin de l'œil un scintillement suspect, dans une fenêtre au premier étage d'un immeuble qu'ils dépassaient.

Il avait tout juste bousculé Hilde et Quatre hors de la ligne de mire quand le son étouffé par le silencieux lui parvint. Il roula sur le sol, la main sur son holster, se rendant compte une fraction de seconde plus tard qu'il ne pouvait pas le sortir en pleine rue. Derrière eux, le mec au doberman et son copain se précipitaient. Il dut se jeter en arrière pour éviter la bête que l'homme avait lâchée et qui se jetait sur Quatre en grondant, l'ignorant totalement.

Le blond décocha un coup de pied dans la mâchoire de l'animal, relevant Hilde d'un geste brusque et la poussant en avant, vers l'immeuble dont le coup de feu était venu. En se retournant pour la suivre, il aperçut une tache humide sur bas du mur, là où la balle avait frappé.

Des sédatifs.

Quelque part, le fait qu'ils ne voulaient pas les tuer mais les capturer ne le rassurait pas vraiment.

* * *

L'homme rappela son chien quand les trois adolescents disparurent dans la ruelle, jurant et pestant. Il avait été sûr que son camarade au fusil en toucherait un, mais d'une manière ou d'une autre ils l'avaient senti. Ça n'aurait pas dû être possible, et ça ne pouvait être qu'une aberration, se dit-il pour se rassurer. Bah, de toute façon ça ne faisait rien s'ils avaient évité ça, tout le quartier était bouclé. Ils ne s'échapperaient pas.

Le doberman revint de mauvais gré, et il se saisit de la laisse fermement. Il était hors de question que son compagnon file seul à la poursuite des garous dans une ruelle obscure, il se ferait déchiqueter par ces monstres et il avait été trop dur à dresser. Depuis quinze ans que l'homme traquait ces abominations de la Nature, dix-sept de ses chiens s'étaient déjà fait tuer à traquer ce dangereux gibier.

Les passants dans la rue les fixaient avec surprise et une pointe de malaise, pas sûrs de ce qui s'était passé. Il fila un coup de coude à son camarade, et se faufila dans la ruelle, l'œil aux aguets pour le cas où ils auraient dressé une embuscade. Le sniper les rejoignit, descendu de son perchoir par un escalier de secours, et ensemble, ils se mirent à traquer les créatures.

-Au moins on a une chose de claire, grommela l'homme au doberman à ses deux coéquipiers. Le gamin à la natte en est pas un. Mon chien l'a même pas regardé.

L'homme au manteau hocha la tête pensivement. Le garçon ne devait pas connaître la nature perfide de ses camarades. Il devrait être épargné, si possible... à condition qu'il ne les dérange pas. Tuer un innocent était bien entendu toujours regrettable, mais c'était moins grave que de laisser l'une de ces créatures s'enfuir et proliférer.

* * *

Après avoir jeté un coup d'œil à son localisateur pour se donner une idée de la direction générale de ses camarades, Trowa se dirigea vers le quai. Il n'avait pas particulièrement envie de descendre dans le centre-ville, et il avait encore moins envie d'approcher Quatre quand il était avec Duo et Hilde, probablement en train de s'amuser... mais il s'était donné une mission, celle de rétablir le dialogue avec celui qu'il considérait toujours, malgré tout, comme son meilleur ami. Alors, tant pis pour son manque d'appréciation pour les foules.

Un sursaut de réluctance essaya de le pousser à attendre que Quatre revienne, argumentant qu'il allait probablement gâcher un moment de détente, ce qui ne disposerait pas no Quatre ni Duo en sa faveur, mais sa conscience répliqua avec une image de Quatre qu'il avait gardée en mémoire, une image récente. Son regard quand, une fois de plus, Trowa s'était comporté comme s'il n'existait pas.

Il était à l'autre bout du quai avant d'avoir eu le temps d'y penser à deux fois.

A mi-chemin de l'endroit où le petit curseur avait montré les localisateurs de Quatre et Duo, il jeta encore un coup d'œil au sien. Ils avaient complètement changé de quartier et étaient maintenant à la limite des docks, et ils se déplaçaient vite. Trop vite pour une petite promenade entre amis. Trowa changea de direction et se mit à courir.

* * *

L'homme au doberman devait admettre que les gamins avaient plus de ressource que ce à quoi il s'était attendu. La chasse était censée ne durer qu'une demi-heure tout au plus, et deux heures plus tard ils commençaient à peine à se rapprocher de leurs cibles.

Ils arrivaient de temps en temps à apercevoir leurs proies, mais jamais assez longtemps pour viser proprement. Et bon sang ce que le blondinet cavalait vite! Sans lui, ils auraient déjà la main sur la brunette qu'ils avaient traquée jusqu'ici.

Une chose de bizarre quand même. Il ne voyait pas où était passé l'humain à la natte. Pourtant, le filet était resserré au maximum, ce n'était pas comme s'il avait pu passer au travers sans se faire remarquer... Est-ce que l'un des autres chasseurs l'avait laissé s'enfuir? Ils devraient prendre soin de ne pas le laisser appeler la police. Ils avaient deux ou trois amis là-bas, mais malheureusement pas assez pour être sûrs que l'appel serait intercepté.

Bah, ce n'était pas si important. S'il avait été perdu en route, c'était une bonne chose. Il serait regrettable de l'éliminer. Après tout, ils ne faisaient que protéger les humains comme lui.

* * *

Hilde trébucha encore, et cette fois, Quatre manqua de lâcher sa prise sur sa main. Il ne pouvait presque plus courir, lui non plus, approchant vite des limites de son endurance, mais les poursuivants ne cessaient de resserrer le filet. Ils avaient réussi à faire échapper Duo en distrayant les chasseurs de sa cachette, se faisant volontairement apercevoir. Ça aurait pu mal tourner si Hilde n'avait pas réussi à suivre son rythme. Maintenant, il espérait juste que Duo avait réussi, sinon ils allaient se faire capturer pour rien...

La prise de la jeune fille sur sa main s'était resserrée douloureusement. Quand il baissa les yeux, ce fut pour apercevoir d'épaisses griffes noires à la place de ses ongles.

-Hilde, rentre tes griffes! s'exclama-t-il en la tirant dans une énième ruelle.

Elle secoua la tête désespérément.

-J'peux pas! La lune est trop proche!!

Il pouvait sentir sa panique, une odeur lourde et communicative, et se rendit compte un peu trop tard que lui aussi commençait à changer, gagné par des émotions incontrôlables. Ses bras, du moins les coins de peau qu'il pouvait apercevoir dans sa course, étaient couverts d'un semis de points sombres.

Son cerveau de tacticien cherchait désespérément une solution, mais tous les plans qui lui venaient auraient nécessité une meilleure connaissance du quartier. Et il avait de plus en plus de mal à ignorer les pulsions de son animal intérieur...

-Là!! indiqua Hilde, le tirant sur le côté.

Un trou dans un grillage, à peine assez large pour les laisser passer. Il nota avec inquiétude que ça semblait mener sur un terrain fermé, rempli de bateaux hors-bord et donnant sur un ponton, et se demanda s'il y avait d'autres sorties. Ils n'iraient pas bien loin à la nage. Mais ils n'avaient pas tellement d'autres endroits à essayer.

Il poussa Hilde au travers du trou et se jeta derrière elle, ne prenant pas vraiment note des griffures que les fils de fer laissaient sur sa peau tachetée de petits ronds bruns. La jeune fille était déjà en train de tirer une pile de caisses pour boucher l'accès; il se releva pour l'aider puis la tira hors de vue, derrière l'un des bateaux.

-Pas de sortie, haleta la jeune fille en regardant autour d'elle.

Elle s'adossa lourdement au flanc du bateau, à bout de souffle. Dans l'allée qu'ils venaient de quitter, des chiens aboyaient déjà. Quatre fit face à la jeune fille encore une fois pour la relever... et l'aperçut en train d'enlever ses chaussures.

-Tu fais quoi?!

Il n'eut pas besoin d'attendre des explications longtemps, elle était déjà en train de se couvrir de fourrure.

-Désolée, je tiens plus, s'excusa-t-elle d'une voix qui sonnait comme un grognement.

Il se retourna en rougissant par réflexe quand elle se débarrassa de son t-shirt. Il ne pouvait pas la blâmer de se transformer, la pleine lune faisait encore sentir son influence et le stress de la chasse ajoutait à l'impulsion. Lui-même avait du mal à faire taire les rugissements du guépard dans sa tête, l'instinct qui lui soufflait que si seulement il était à quatre pattes, ses poursuivants n'auraient pas une chance de le rattraper...

-Qu'est-ce qu'ils nous veulent? demanda-t-il. Ce ne sont pas des soldats d'OZ...

-Chasseurs de garous, gronda Hilde. Ils ont dû me coller au train quand je suis sortie du territoire de ma meute...

Elle se tut, sa mâchoire ne la laissant plus articuler.

* * *

Les poursuivants n'avaient pas été dupes longtemps. Les chiens étaient déjà en train d'aboyer à la bifurcation, les hommes essayant de bousculer les caisses hors du passage et d'élargir le trou dans le grillage.

Quatre se mordit les lèvres, jetant un regard à la jeune fille. Elle était en pleine transformation et serait vulnérable pour deux ou trois minutes encore, et déjà un chasseur grimpait par-dessus le grillage.

Si seulement il avait un ou deux de ses coéquipiers avec lui, ce ne serait pas si dur! Il savait ce qu'ils pouvaient faire ensemble. Mais il devait protéger Hilde, et n'avait aucune idée des limites des capacités de la jeune fille. Elle avait été soldat, certes, mais pas soldat d'élite. Pour le moment de toute façon, elle était plus un handicap qu'autre chose. Bien sûr Duo était libre et probablement en train de planifier une intervention, mais il valait mieux ne pas trop compter sur son aide tant qu'il ne savait pas ce qu'il était en train de faire...

-Hilde, je vais les distraire. Enfuis-toi par l'eau et va chercher des renforts.

La louve noire grogna en protestation, mais il la fit taire d'une main autour du museau.

-S'il te plaît. Va chercher les autres. Tu ne fais que me ralentir.

Elle aplatit les oreilles. Il avait raison, aussi douloureux était-il de l'admettre.

* * *

La louve bondit hors de l'abri, passant le plus vite possible les espaces entre les bateaux pour ne pas laisser aux chasseurs le temps de tirer. L'avantage de la surprise ne dura malheureusement qu'un temps.

Un des hommes, la voyant courir, releva son fusil pour tirer. Les autres tournèrent la tête pour voir ce qu'il visait.

-HEY!

Quatre jaillit hors de sa cachette, s'avançant à découvert. Surpris, ils se tournèrent presque tous vers lui. Mais l'homme au fusil ne lui accorda qu'un coup d'œil, ne se laissant pas distraire pour si peu.

Espérant que cette fois dans la grange n'avait pas été un accident, Quatre poussa en leur direction. 'Regardez-moi!!!' Sursautant, ils le dévisagèrent bêtement pendant quelques secondes, l'air plus ou moins hébété. Ce fut suffisant pour que Hilde traverse le grand espace vide entre le dernier bateau et la mer.

Le bruit de son corps frappant l'eau les choqua hors de leur transe.

-MERDE!!! jura l'homme au fusil, tournant son canon vers le guépard.

Quatre se jeta au sol, roulant dans la poussière. Une demi-douzaine de balles frappèrent le bateau derrière lui, éclatant la coque de bois. L'un des éclats se planta dans sa joue, mais Quatre ne s'en soucia pas. Il s'était relevé d'un bond et courait en zigzag, du plus vite que ses jambes pouvaient le porter.

Les deux hommes aux dobermans lâchèrent leurs chiens de concert, presque par réflexe. Deux des autres poursuivants voulurent aller vérifier si la louve qu'ils avaient traquée était encore à portée de balle, mais leurs camarades les entraînèrent à la suite du blond. Une simple louve ferait un bien moins joli trophée qu'un guépard de toute manière. Les loups pullulaient, alors que ce type de garou...

Les chasseurs reprirent la traque.

* * *

Un quart d'heure plus tard, ils finirent par acculer leur proie. Il avait réussi à tuer les chiens et à esquiver les balles, mais il se trouvait à présent coincé dans un petit cul-de-sac étroit entre deux maisons, à demi dissimulé derrière des poubelles. Il était fichu.

Après avoir envoyé quelques hommes faire le tour des bâtiments au cas où il y aurait une autre issue, les chasseurs encerclèrent l'entrée, avançant lentement, prêts à arrêter le guépard quand il surgirait hors de son trou. Puis le chef avança, se plantant avec un sourire triomphant en face de l'entrée. Pas assez près pour que le guépard l'atteigne avant que ses hommes ne l'abattent, il n'était pas stupide. Il pouvait voir une forme sombre ramassée sur le sol à un mètre ou deux de l'entrée de l'impasse, et des yeux clairs aux iris trop grands reflétant le peu de lumière.

-Tu aimerais me sauter à la gorge, hein? souffla-t-il avec délectation. Tu aimerais me déchiqueter comme un animal. Parce que tu ES un putain d'animal. Une abomination, voilà ce que tu es. Mais tu sais quoi, chaton? Tu sors la tête de ton trou et aussi rapide que tu sois, mes hommes vont te réduire en charpie, une balle dans la tê...

La détonation surprit tellement les hommes que le peu d'entre eux qui réagirent ne tirèrent sur la cachette du guépard que par réflexe, mais dû à l'angle, les balles ricochèrent pour la plupart, et aucun cri de douleur ne se fit entendre pour montrer qu'ils avaient touché leur cible.

Leur chef s'écroulait lentement en arrière dans une flaque de sang et de débris de cervelle, sa tête explosée par la balle qu'il avait reçue juste entre les deux yeux.

-LE GAROU A UN FLINGUE!!! s'exclama Doberman deux en se précipitant à couvert.

Avant qu'il n'arrive à l'abri, Quatre avait surgi hors de son trou une deuxième fois pour lui tirer dessus, avant de disparaître de nouveau au fond du passage. L'homme s'écroula avec un cri de douleur, noyé sous les détonations trop tardives. Le blond était de nouveau bien à l'abri.

Doberman Un se pressa contre le mur tandis que l'un de ses camarades traînaient le blessé à l'abri. Les garous n'étaient pas censés utiliser d'armes!! Ils étaient censés être fiers de leur propre supériorité sur les humains, censés se fier à leurs sens et leur force... Mais... Si celui-là ne s'y fiait pas, ils ne pouvaient pas prévoir ce qu'il ferait, ne savaient pas comment le contrer.

Cette chasse s'avérait moins facile qu'il ne l'avait pensé.

-C'est moins drôle quand ils arrivent à se défendre, hein? murmura une voix à son oreille.

Il n'eut pas le temps de faire volte-face qu'il s'écroulait, mort, sa nuque percée d'un seul coup de couteau entre deux vertèbres, son épine dorsale sectionnée.

Le bruit de son corps s'effondrant fit se retourner deux de ses camarades, mais son assaillant avait déjà disparu dans les ombres de la ruelle.

Quatre n'attendit pas que les chasseurs ressortent de leurs cachettes. Il courut vers le fond de l'impasse et bondit, utilisant une vieille caisse abandonnée pour se propulser en l'air. Ses griffes se plantèrent de justesse dans la gouttière rouillée qui courait sur l'une des façades, ses pieds trouvèrent un interstice dans le plâtre, et deux secondes plus tard son corps heurtait le mur qui bloquait le fond de la ruelle, ses mains agrippées aux tuiles du faîte. Il se hissa par-dessus le mur et retomba de l'autre côté, se plaquant immédiatement contre l'une des maisons au cas où un autre de ses ennemis se trouverait là.

L'odeur du sang le prit à la gorge, et il se rendit compte que ce qu'il avait pris pour un sac poubelle était en fait le corps de l'homme au trench-coat. Il avait la gorge tranchée d'une oreille à l'autre et la nuque brisée pour faire bonne mesure. Signé Duo, ça. L'arabe s'autorisa un sourire sinistre alors qu'il se glissait hors de l'impasse pour faire le tour du pâté de maison et prêter main-forte à son camarade.

* * *

Trowa sut qu'il approchait quand il buta sur un cadavre.

Il se dissimula dans les ombres, tendant l'oreille. Il n'eut pas à attendre longtemps avant d'entendre quelques coups de feu sporadiques résonnant dans le dédale de ruelles. Il jeta un coup d'œil à son localisateur pour vérifier où étaient Duo et Quatre, mais la machine n'était pas réellement très précise à cette échelle et ne lui donna qu'une approximation. L'ex-mercenaire décida de rester dos au mur. Ce serait un peu stupide de se faire descendre par ses propres alliés.

* * *

Après le premier instant de surprise, les chasseurs s'étaient repliés, et Duo devaient admettre qu'ils n'étaient pas si mauvais que ça, même s'ils ne donnaient pas l'impression d'être habitués à être sur la défensive. Ces bâtards avaient réagi plutôt vite, prouvant qu'ils avaient reçu une formation pour ce genre de situation. Maintenant, ils s'étaient retranchés dans une vieille maison abandonnée, et les deux pilotes de Gundam en étaient réduits à jouer les snipers. Sauf que vu la manière dont Quatre économisait ses balles, Duo savait qu'il ne lui en restait pas beaucoup. Il était difficile d'être précis sur une grande distance avec un revolver de toute manière, et Quatre n'avait jamais été le meilleur d'entre eux avec une arme à feu, ce privilège revenant à Trowa et Heero.

Mais ils ne pouvaient pas non plus, comme il aurait aimé le faire, les laisser retranchés dans leur trou et partir tranquillement. Quatre n'avait pas d'autre choix pour quitter sa cachette que de traverser une étendue en plein dans leur ligne de mire, et aussi rapide qu'il soit, ils l'attendaient. Et ils avaient des fusils. Duo n'avait été capable d'en surprendre que trois quand il jouait les assassins de l'ombre un peu plus tôt, et il avait bien failli se faire choper sur le dernier. Ils avaient compris trop vite à son goût que tourner le dos aux ombres trop longtemps avait tendance à les tuer.

Il avait trop l'habitude des Ozzies de base; ça devait être ça.

Duo échangea un regard sombre avec Quatre. Il allait devoir passer en force, les chasseurs ne resteraient pas dissimulés indéfiniment.

L'américain hocha la tête sèchement en guise de signal, puis commença à tirer dans les fenêtres de la maison où les chasseurs s'étaient retranchés. Le guépard se rua hors de son abri, se précipitant de toute sa vitesse.

Duo força un tireur, deux tireurs à rentrer le bras ou la tête avant qu'ils ne puissent viser.

Il n'avait plus de balle pour le troisième tireur.

Le temps qu'il recharge et Quatre chancelait, une éclaboussure rouge souillant les pavés.

Un quatrième tireur visait et il en était à peine à armer son flingue. Il jeta un regard désespéré au guépard titubant vers lui, l'une de ses jambes refusant de soutenir son poids.

Quatre feula un défi au fusil qui se tournait vers lui.

* * *

Trowa eut à peine le temps d'étudier la scène devant laquelle il arrivait. Quelqu'un tirait sur son ami; s'il avait pris le temps de réfléchir, il aurait pu penser que le revolver s'était juste matérialisé dans sa main. Il ne pensa pas, se contentant de couvrir Quatre.

* * *

Quand Wufei et Heero débarquèrent sur les lieux, hors d'haleine, il était déjà trop tard. La moitié des assaillants inconnus étaient morts, et l'autre avait disparu dans les ruelles. Duo était au milieu de la rue, retournant les corps pour s'assurer de leur état et fouiller leur poches à la recherche de papiers d'identité ou d'autres indices.

Trowa était...

Wufei cligna des yeux, tirant sur la manche de Heero pour rediriger son attention de l'américain vers les deux autres garous.

Trowa était en train... de déshabiller Quatre...?

-On a dû rater un épisode, marmonna le garçon aux cheveux noirs, bras ballants sous la surprise.

Heero ricana et se dirigea vers Duo, ignorant de son mieux les regards à demi déconcertés et à demi exaspérés que le guépard leur envoyait par-dessus l'épaule de son camarade aux yeux verts. Ses joues portaient les larmiers du guépard et l'une d'entre elles était barbouillée de sang, mais vu son expression exaspérée ça n'avait pas l'air d'être profond. Trowa était, sans tenir aucun compte de ses protestations, en train d'examiner son corps méthodiquement, recensant le moindre de ses bleus. Et il ne se laissait pas freiner par les quelques vêtements qui tentaient de l'arrêter.

-Duo? appela le japonais en arrivant près de son camarade. Il s'est passé quoi exactement? Hilde n'a pas eu le temps de nous en dire beaucoup...

Duo eut un petit rire amusé en jetant un coup d'œil au blond, qui était toujours en train de lui adresser des signes désespérés pour l'appeler à l'aide.

-On se baladait, et ces mecs se sont mis à nous courser. D'après ce que j'ai compris, ce sont des chasseurs de garous, rien à voir avec une quelconque organisation militaire. Ils sont dangereux aussi, on a réussi à en avoir autant parce qu'on avait l'avantage de la surprise. Enfin... Y a eu une fusillade, Quatre s'est fait érafler par une balle, Trowa est arrivé pile-poil à temps, les survivants se sont enfuis et l'homme à la mèche s'est mis à molester Kitty-Quat.

Heero hocha la tête pensivement.

-Hilde nous a dit que c'était de sa faute, qu'ils l'avaient probablement suivie de chez elle, murmura-t-il d'un ton pensif. Ils voulaient sans doute la coincer à l'écart de sa meute...

-Probablement, accorda Duo en retournant aux cadavres.

* * *

Quatre se demandait sérieusement s'il ne s'était pas cogné la tête en tombant. A un moment, il était en train de vérifier que les dernier assaillants étaient bien partis... et la seconde d'après, Trowa Barton, qui depuis la dernière pleine lune avait raffiné l'art de prétendre qu'il n'existait pas, était en train de soulever ses vêtements. Au début, Quatre hésita, ne sachant comment réagir. Il se sentait encore tellement coupable...

Et puis Trowa se pencha pour lui tâter les jambes. Le blond glapit de surprise.

-Hé! Mais qu'est-ce que tu fais?!

-Tu es blessé, répliqua Trowa sans lever les yeux vers lui.

L'arabe se retint de rouler des yeux en lâchant un "sans blague". Il savait bien qu'il était encore sur les nerfs, il s'efforça de se contrôler. Trowa s'inquiétait, il n'allait pas l'envoyer bouler...

-C'est une égratignure, c'est tout. Ça saigne beaucoup mais ça n'est pas profond, expliqua-t-il patiemment, essayant de ne pas penser trop fort aux longues mains fortes de Trowa refermées un peu au-dessus de son genou.

-Tu es tombé, répliqua le garçon aux yeux verts sans le regarder, bandant sa plaie avec son efficacité habituelle.

Le semis de points sur la cuisse de Quatre, qui avait été en train de pâlir, s'assombrit soudainement, et Trowa n'eut pas de mal à comprendre qu'il agaçait grandement son ami.

-J'ai été déséquilibré, c'est tout, rétorqua Quatre, plus sèchement qu'il n'en avait eu l'intention.

Le brun se redressa et secoua la tête. Il se comportait de manière ridicule. Son camarade semblait s'appuyer sur ses jambes sans trop de problèmes, un peu de raideur dans ses mouvements tout au plus. Il n'y avait pas de quoi paniquer.

-... Désolé. C'est juste... L'odeur du sang...

Elle envahissait ses narines, le prenait à la gorge. A quelques pas de distance, Quatre avait semblé en être couvert.

Quatre hocha la tête lentement. L'odorat d'un canin était plus sensible que celui d'un félin. Il avait cessé de prêter attention aux odeurs, mais maintenant qu'on lui en faisait la remarque, il ne put s'empêcher de constater. La ruelle était empuantie par l'odeur de la mort, des ordures et du sang. Pas étonnant que Trowa n'ait pas été capable de déterminer quel pourcentage était de lui.

-Je vais bien, lui dit Quatre d'une voix soigneusement neutre.

Une partie de lui était incroyablement heureuse qu'il lui prête attention, soulagée de la fin du silence, espérant que c'était le signe d'une réconciliation. Une autre partie avait envie de lui hurler "Mais où tu étais ces derniers jours? Il fallait que je manque me faire tuer pour que tu t'aperçoives que j'existe?" Mais c'était irrationnel. Il comprenait pourquoi Trowa avait ressenti ce besoin de prendre ses distances. Et pendant si longtemps il n'avait désiré rien d'autre que Trowa lui parle, alors maintenant qu'il semblait disposé à le faire...

Ils restèrent face à face en silence pendant quelques secondes, yeux baissés, et puis Trowa se décida.

-Ecoute... Il faut qu'on parle.

-A propos de ta contamination?

-... Non. A propos du baiser.

L'arabe ne cilla qu'à peine, et pourtant il avait fichtrement envie de changer de sujet. Il était prêt à donner beaucoup pour garder l'amitié de Trowa, mais ça ne voulait pas dire qu'il se sentait capable d'entendre enfin le fatidique "désolé, mais je ne pense pas pouvoir être plus qu'ami avec toi" sans douleur, aussi longtemps qu'il se soit préparé à l'entendre.

-... Je suppose, oui, lâcha-t-il du bout des lèvres.

Il se demanda s'il pourrait convaincre Trowa que ça n'était jamais arrivé et tout reprendre comme avant son coming out. Un rêve sans espoir, ça faisait mal, mais moins que plus de rêve du tout.

-Hé! Vous venez?

Les deux pilotes sursautèrent et jetèrent un regard dans la direction de la voix. Duo et Heero avaient fini d'empiler les cadavres derrière un tas de poubelles et Wufei était revenu de son guet. Le Chinois les attendait à l'autre bout de la rue, mains sur les hanches.

Quatre rougit. Pendant un moment, il avait oublié où il était.

-On parlera plus tard, dit-il en dépassant Trowa, les yeux baissés, espérant que d'ici là, l'Européen aurait oublié.

Trowa le retint par la manche un quart de seconde, laissant les trois autres partir devant.

-Pour le moment, je ne suis pas vraiment convaincu que c'est une bonne idée, toi et moi... comme ça.

Quatre grinça des dents.

-Je sais, je n'ai pas l'intention...

..."de te forcer," aurait-il dit si la main de son ami ne s'était pas placée en travers de ses lèvres.

-Je ne suis pas encore convaincu, répéta Trowa, les yeux sérieux mais étrangement doux. J'espère pour toi que tu es capable de me faire changer d'avis.

Trowa se détourna et quitta la scène, sans un regard en arrière.

Quatre resta immobile pendant de longues secondes, un sourire incrédule étirant lentement ses lèvres, et puis il partit à sa poursuite.

* * * * * * * * * * * * * * * * *

[Chaleurs] [La Croisière s'Amuse]

... Bon et maintenant espérons que le chapitre suivant me prendra pas encore un an. U_U