The werewolf

Série: Gundam Wing
Auteur: Asuka
Episode 13 (la poisse que ca porte à Trotro je vous raconte pô ^^;)
Avertissements pour cet épisode: Yaoi (1+2+1, sont kawaiiiii, 4+3), Angst, Violence, Yuri?, Allusion de sévices à enfant.
Notes: PAUV TROOOOWAAAAAA!!! Viny me tape paaaaaas!!!!
Je suis d'un sadisme dans ce chapitre… hin hin hin.
Amy-ma-douce… tu avais demandé un bisou? y en a deux… mais dis pas que c'est pas ce que tu avais voulu dire, hein ;p
Et ze red penguin… BOSSE SUR LA CHAMBRE BLANCHE!!!!! groumph.
Marci à Lady-coupindemouah pour les commentaires et le titre du chapitre… décidément approprié ;p

Souffrance

Heero sortit de l'infirmerie et se mit à marcher le long du bâtiment vers les dortoirs, si vite qu'il aurait aussi bien pu ouvertement courir. Duo lui emboîta le pas, sa figure fermée, ses sourcils froncés, Hilde derrière lui. Relena resta devant l'entrée de l'infirmerie quelques secondes, surprise, puis ils l'entendirent repartir à la suite du pilote japonais.
-K'so, siffla Heero entre ses dents.
Duo laissa échapper un petit ricanement, mais c'était plus pour marquer sa sympathie que parce qu'il trouvait réellement ça drôle. Avec un petit effort, Hilde revint à leur hauteur et pencha la tête vers eux.
-Heu dites, la fille, c'est bien qui je crois? murmura-t-elle.
-Yep, répliqua son ami.
Heero grinça des dents, et Hilde fit la grimace quand elle perçut le loup dans son odeur. Il était furieux, et ça faisait revenir son animal à la surface. Elle espérait qu'il ne se mettrait pas à avoir des poils qui poussent un peu partout… encore qu'il était couvert des pieds à la tête dans l'uniforme de l'établissement, le col bien fermé, les manches…
Elle ralentit un peu pour laisser les deux garçons passer devant elle, puis fit un pas de côté et s'insinua entre eux deux. Duo lui dédia un regard surpris, mais Heero ne fit même pas mine de s'apercevoir de son existence… jusqu'à ce qu'elle pose la main sur son coude et tire sur sa veste.
-Nani?
-Baisse tes manches, andouille, tu as de la fourrure qui pousse, chuchota-t-elle avec autant d'autorité qu'elle le
pouvait.
Il lui jeta un regard agacé mais déroula sa manche gauche, tandis qu'elle se chargeait de déboutonner la droite pour la tirer vers son poignet. Le surveillant du regard, elle tira le col de sa chemise vers le haut pour dissimuler sa nuque puis lui donna une petite tape sur l'épaule.
-Voilà, tout beau tout net. Essaye de te détendre quand même…
-Hn, fut la seule réponse qu'elle reçut.
Hilde dissimula un sourire. Elle savait que c'était sa manière de dire merci pour l'aide sans avoir à s'embarrasser en l'avouant tout haut.
Derrière eux à plusieurs mètres, Relena écarquillait les yeux en voyant cette jeune fille poser ses mains sur le coude, puis la nuque de Heero… Et Heero la laisser faire. Elle aurait bien couru pour leur bloquer le passage et demander des explications, pourquoi cette fille avait le droit de le toucher, pourquoi Heero refusait de lui parler, ou même de l'attendre… Mais ils marchaient trop vite, elle aurait dû leur courir après. Ce n'était pas digne d'une jeune fille avec une bonne éducation. Probablement digne d'un garçon manqué comme cette brunette par contre.
-Heero, attends-moi! finit-elle par appeler, essayant de ne pas avoir l'air trop plaintive.
Mais elle avait mal aux pieds et elle était fatiguée de courir derrière lui et elle se sentait blessée et confuse d'être aussi visiblement rejetée, aussi elle échoua misérablement.
Le japonais se tendit quand la plainte geignarde leur vint aux oreilles, et accéléra encore un peu plus sa marche, ce que Hilde et Duo n'avaient pas cru possible. Les deux amis échangèrent un regard, puis un sourire amusé, tout en essayant de ne pas se faire semer par leur camarade.
-'Tain c'est qu'elle abandonne pas, souffla Duo après avoir jeté un coup d'œil en arrière, où la fille aux cheveux longs était toujours en train d'essayer de les rejoindre sans avoir l'air de les poursuivre.
-Combien je vous parie qu'elle va vous suivre même dans les dortoirs? répliqua Hilde d'un ton amusé.
-Je ne parie pas quand je suis sûr de perdre, répliqua Heero entre ses dents serrées.
-C'est interdit aux filles, musa Duo.
Un regard torve des deux autres le fit glousser.
-Ok, je sais, c'est pas ça qui l'arrêterait…
Hilde réfléchit en vitesse. Ils étaient presque à l'entrée du dortoir, plus qu'un tournant et une dernière ligne droite devant eux.
-Heero, Heero, chuchota-t-elle pour attirer son attention.
-Quoi? répliqua-t-il avec violence.
-Tant que je suis sur ton territoire, je suis de ta meute, répondit-elle très simplement.
Les deux pilotes de Gundam la dévisagèrent, ralentissant un peu malgré eux.
-Tu peux m'ordonner de la retenir pendant que vous prenez vos affaires et que vous filez par la fenêtre, je devrai bien obéir.
Heero cligna des yeux, puis un petit sourire apparut sur son visage.
-Si je t'ordonne de l'emmener quelque part vite et de la ramener chez elle?
-… T'en as vraiment besoin? demanda la jeune fille.
-Comment tu crois qu'elle nous a retrouvés? demanda l'américain d'un ton détaché.
-Chaipas… elle est riche? Elle a de bonnes connexions?
-Exact. Elle a des tas de gens dans son réseau, certains très importants, et ils lui sont tous fidèles, c'est pour ça que ses informations sont bien plus sûres que le réseau de OZ lui-même, qui lui, paye la moitié de ses informateurs, et terrorise les autres.
-OZ peut pas vous retrouver mais elle si?
-Exact, confirma Duo. A la place de OZ tu ferais quoi? A chaque fois que tu repères un certain terroriste, y a cette gonzesse à côté qui vient juste d'arriver.
-Je suivrais la gonzesse, termina la brunette en comprenant enfin.
-Voilà, t'as tout pigé, la félicita l'américain.
-C'est pour ça que tu dois la faire dégager. OZ va arriver d'ici une minute à l'autre, je veux qu'elle soit aussi loin que possible d'ici. Qu'on ne puisse pas la retrouver et l'arrêter, qu'elle ne risque pas de se trouver sur le champ de bataille, et qu'on puisse filer sans qu'elle nous suive.
-Roger, commandant! répliqua l'Allemande en saluant d'une main à sa casquette.
Elle se planta fermement devant l'entrée du bâtiment tandis que les deux garçons disparaissaient dans les couloirs.
* * *
Pendant ce temps, Quatre avait contacté Trowa pour le prévenir de l'arrivée impromptue de Miss Peacecraft… Et le clown lui avait répondu qu'ils n'avaient pas tort de s'inquiéter. D'après ses sources, Lady Une avait soudainement quitté sa base et se dirigeait vers la petite ville où les garçons se trouvaient, accompagnée d'un détachement de soldats, plus une dizaine de Mobil Suits. Certaines des troupes étaient déjà en train de se déployer pour couper les routes qui quittaient la ville, dans une demi-heure au grand maximum ils seraient encerclés et devraient combattre pour s'enfuir.
Wufei et Sally faisaient disparaître les traces des recherches de la jeune femme sur les garous, le chinois enfournant tout ce qu'elle lui donnait dans son sac, tout en discutant un plan d'évasion pour elle. Wufei était en faveur de l'embarquer avec eux dans un des Gundams, mais elle faisait valoir que ça les gênerait trop en cas de combat et qu'il n'y aurait pas la place, et surtout, qu'on ne risquait pas de la chercher elle. Elle avait eu sa couverture de médecin depuis un mois déjà, ça tiendrait le coup sous un examen superficiel. Si elle disparaissait en même temps qu'eux, on ferait le lien avec les pilotes et elle serait passée de la liste de "groupes de résistants divers" à celle de "copine des Gundams" ce qui était bien plus dangereux pour elle. Elle allait juste attendre que l'agitation diminue un peu et puis donner calmement sa démission. Comme ça au moins elle pourrait garder cette fausse identité un peu plus longtemps. Ensuite, elle les rejoindrait là où ils seraient, pour continuer son étude.
-Sally, tu es sûre?
Souriant d'un air mystérieux, elle extirpa une perruque de son tiroir de la même couleur que ses cheveux, mais beaucoup plus longue, et se la vissa sur le crâne, puis leur montra le pistolet caché sous son bureau.
-Allez, je sais me défendre, j'ai été soldat moi aussi.
Concédant le point, ils laissèrent la jeune femme dans son cabinet et firent leur chemin vers le parking des professeurs.
-Quatre… appela Wufei quand ils furent arrivés devant l'étendue pleine de voitures. Je peux te demander une faveur?
-Oui?
-Je veux que nous prenions la voiture du professeur de littérature.
L'arabe cligna des yeux.
-Heuuuuu… Pourquoi?
-Il m'a mis un zéro à un test. C'est une injustice.
Le petit blond éclata d'un rire cristallin et se mit en route vers une voiture sombre et large qu'il avait repéré comme étant pratique, Wufei sur ses talons avec un sourire très satisfait sur le visage. Il avait réussi à détendre un peu son camarade.
Quatre secoua la tête tout en se penchant pour vérifier le type de serrure. Et après on disait que Wufei n'avait pas le sens de l'humour.
* * *
Quand Relena passa le coin du mur, ce fut pour tomber nez à nez avec la brune à la casquette, adossée à la porte du bâtiment. Heero et son camarade n'étaient nulle part en vue; ils avaient dû entrer. Elle se prépara à passer devant la jeune fille…
.. Celle-ci lança une main en avant et lui agrippa l'avant-bras, l'empêchant d'aller plus loin.
-Lâche-moi! Il faut que j'aille voir Heero! protesta Relena, essayant de lui faire comprendre à quel point c'était important.
La brunette eut un sourire canaille.
-C'est le dortoir des garçons, M'zelle, les filles ne sont pas autorisées. Tu as tellement envie de le voir en train de se changer?
-Mais… Mais non, pas du tout!!! protesta la jeune princesse, soudain écarlate.
-Mon œil… Si t'en as pas envie, tu es bizarre, y a rien de mal à vouloir reluquer de beaux hommes…
L'ex-soldat eut un sourire rêveur, puis secoua la tête. Relena fronça les sourcils. Elle ne savait pas comment prendre cette fille. Elle se montrait sympathique, mais quelque peu vulgaire, et puis elle l'empêchait de rejoindre Heero… mais il fallait avouer qu'elle n'avait pas tort. Quel genre de fille allait poursuivre un garçon jusque dans sa chambre mis à part une désespérée? Et ça elle ne l'était pas encore.
Pas tout à fait, s'avoua-t-elle avec un soupir.
-Bon, eh bien je l'attendrai là, soupira-t-elle en s'arrêtant à côté de l'autre fille.
Hilde eut une grimace. D'après ce que lui avait dit Duo, elle s'était attendue à ce que la jeune fille soit bizarre et totalement obsédée avec Heero, et elle l'était, mais… Il y avait un tel besoin dans ses yeux, elle avait l'air si vulnérable… Hilde pouvait sentir avec elle quelque chose comme de la sympathie. Elle résolut de présenter les choses d'une manière un peu plus douce que ce qu'elle avait d'abord envisagé. Après tout Relena avait de la volonté à revendre et l'habitude d'avoir toujours le dernier mot, si elle se butait, Hilde devrait sans doute la transporter jetée en travers de son épaule, parce qu'elle n'arriverait pas à la faire changer d'avis.
-Justement, miss… Il m'a confié une mission en ce qui te concerne.
Relena fit volte-face.
-… Une mission…? répéta-t-elle lentement essayant de comprendre si ce mot avait été employé au hasard ou si la brunette était réellement au courant de la vraie identité de Heero.
-Il va y avoir du grabuge, il doit affronter les troupes d'OZ, il m'a chargée de te mettre à l'abri, chuchota-t-elle en vérifiant que personne ne pouvait les entendre d'un rapide coup d'œil. Il ne peut pas se permettre de perdre de temps ou d'attention à te protéger lui-même, c'est trop dangereux. Il faut qu'on s'en aille, vite.
La princesse se figea, la dévisageant avec des yeux qui s'écarquillaient lentement.
-Mais… Personne ne sait qu'ils sont là! Je sais, j'ai vérifié avant de venir! J'ai même vérifié qu'il n'y avait pas trop d'activité… enfin, qu'ils ne faisaient rien… Et il n'y a rien d'intéressant pour… leurs adversaires ici… Alors, comment ont-ils su? demanda-t-elle, faisant référence à OZ.
-Relena… Tu es une princesse. Tu crois vraiment qu'aussi discrète sois-tu, tu peux te promener sans être reconnue? OZ sait que tu connais Heero, ils savent que tu l'aimes bien. Alors quand tu quittes ta maison sans raison, sans avoir un meeting officiel en vue, sans avoir annoncé que tu prenais des vacances… Tu crois qu'ils pensent quoi?
La fille aux cheveux longs porta lentement une main à sa bouche, horrifiée.
-Ils pensent que tu vas retrouver Heero, assena Hilde. Et ils ont raison.
La jeune fille secoua la tête.
-Mais j'ai vérifié… Personne ne me suivait!!
-Ils sont entraînés pour faire des filatures, pas toi. Et puis il suffit d'un émetteur sur ta voiture, c'est tout.
-Oh mon Dieu… Oh mon Dieu…
Hilde posa une main sur son bras, compatissante.
-Ouais, je sais… Allez, tu savais pas. Mais maintenant il faut qu'on décolle d'ici en vitesse, avant que ça tourne mal et qu'on nous cause des ennuis. Où est ta voiture?
-Un parking à quelques rues du campus… répondit la princesse, encore toute étourdie par le choc de la surprise.
-Ok, on y va, répondit la fille aux cheveux courts en la prenant par le bras pour l'entraîner vers la direction qu'elle avait indiquée.
* * *
Après avoir changé son pantalon d'école pour un jean noir, Duo glissa un poignard dans chacune de ses bottes et des petites lames, limes et épingles à cheveux dans la base de sa natte, avant d'ôter sa veste d'uniforme scolaire pour enfiler son holster. Il glissa son pistolet sous son bras, vérifia en quelques mouvements qu'il était accessible mais ne risquait pas de tomber, puis enfila sa veste de prêtre par-dessus, la laissant à demi déboutonnée, manches déroulées, pour ne pas attirer l'attention par sa bizarrerie. Se jetant à genoux sous le lit, il saisit son sac d'essentiels, contenant son ordinateur portable, ses vêtements de rechange et des armes, et après l'avoir jeté sur son dos, se retourna vers Heero.
Il était en train de vérifier les munitions dans sa propre arme, le bas déjà changé en pantalon de survêtement, son torse uniquement couvert du holster. C'était un modèle différent de celui de Duo. De face, on ne voyait que deux lanières passant autour des épaules. L'étui de l'arme se situait au creux de ses reins, au-dessus de sa ceinture. Duo devait avouer qu'il avait la chute de reins assez prononcée pour que ça marche. Quand il avait un t-shirt ou un de ses débardeurs verts, le tissu tombait juste comme il fallait pour dissimuler complètement l'arme et le harnais.
Les deux pilotes finirent de s'équiper de leurs armes et se dirigèrent en chœur vers les sacs qu'ils avaient empli de leurs affaires et de celles de leurs camarades. Heureusement, ils avaient tous l'habitude de laisser les choses importantes déjà rangées, pour pouvoir partir en ne perdant pas de temps à chercher leurs possessions, cela ne leur avait pas pris trop de temps de trouver les sacs "importants" et de les mettre sur leur dos, et de remplir les sacs "moins importants", qu'ils tiendraient à la main de manière à pouvoir les lâcher sans risquer de perdre quelque chose d'important si jamais ils devaient courir ou se battre. Quand aux affaires qu'ils avaient acheté pour l'école, uniformes, cahiers et livres, ils les laissaient bien volontiers.
-Tu crois que Hilde s'en sortira avec Relena? demanda Heero en calant un sac sous son bras.
Duo arracha ses yeux de la contemplation de la chute de reins de son camarade et répondit, haussant les épaules:
-Bien sûr, Hildie est très compétente, on peut lui faire confiance. Elle est têtue comme une mule, Relena aura à faire avec elle, et puis contrairement à moi elle peut même être vaguement diplomate quand elle veut… Elle y arrivera, t'en fais pas.
-Elle a déserté OZ pour toi. Si jamais on l'attrape, elle aura des problèmes, fit remarquer le japonais à son camarade.
Duo se mit à rire de bon cœur.
-Si je retournais en arrière, si je me mettais en danger, pour aller lui tenir la main, comme si elle n'était qu'une gourdasse incapable de se débrouiller seule, elle me botterait le cul jusqu'en Indonésie. Elle sait veiller sur elle-même, pas de problème. Elle connaît les risques. Je lui fais confiance.
Heero 'hn'na pour lui montrer qu'il écoutait et prenait en compte l'argument. Après tout Duo la connaissait mieux que lui. Et puis si elle avait été soldat, ce n'était pas comme d'impliquer une civile innocente.
Mais quand même, il avait presque l'impression de refuser protection à une membre de sa meute… Même si elle ne l'était pas vraiment, pas entièrement. Elle avait suggéré que c'était comme si… Et puis c'était une femelle, c'était dur de la laisser là.
Mais elle était guerrière, pas mère nourricière.
Heero haussa les épaules et chassa ce problème de son esprit. De toute façon il ne pouvait rien faire d'autre que d'espérer que tout aille pour le mieux.
Leurs deux camarades les attendaient, garés sur le trottoir dans une rue longeant le campus pas très fréquentée par les voitures, Wufei, cheveux détachés et lunettes de lecture sur le nez, au volant, Quatre debout à côté du coffre ouvert. Sous le couvert d'un arbre qui croissait près de la grille, Heero et Duo leur passèrent leurs sacs que Quatre jeta dans le coffre, puis Heero fit la courte échelle à son ami pour le propulser par-dessus, avant de le suivre d'un bond. Le grillage tangua sous son poids, mais il réussit à le franchir sans trop de problèmes et se laissa tomber sur le trottoir avec souplesse.
Duo se poussa tout au fond du véhicule puis se laissa glisser à genoux sur le sol, son torse sur le siège, et Heero l'imita, s'accroupissant sur le plancher du véhicule pour ne pas qu'on les voie de l'extérieur. Wufei se mit en route, juste assez lentement et prudemment pour ne pas attirer l'attention par une conduite digne de l'intérêt des policiers. Le nord de la ville était encore libre de barrages; ils essayeraient de passer par là, puis reviendraient un peu vers le sud-est pour récupérer les Gundams.
Essayant de trouver une position confortable, Heero se tourna un peu sur le côté, et tomba nez à nez avec Duo qui s'était roulé en boule, sur les genoux, pour ne pas être vu, et se tenait accroupi comme un chat, une lourde veste en cuir par-dessus la tête. Trouvant que l'idée était bonne, Heero tira lui aussi l'un des grands sacs de sport posés sur les sièges arrières et le cala sur son flanc, de manière à être dissimulé en dessous.
-Ca fait comme une tente, pouffa l'américain en tirant un bout de tissu pour boucher un trou.
La lumière était tamisée, le plancher vibrait. On se serait crus dans une petite grotte, une tanière. Ca lui rappelait quand Odin le dissimulait dans un nid de couvertures à l'arrière de sa camionnette, entre deux caisses, quand ils déménageaient, et qu'il s'endormait, bercé par les mouvements de la voiture, caché dans son petit monde à lui. Heero sourit à Duo, se sentant confortable et vaguement nostalgique.
Duo lui rendit son sourire, d'abord sans trop y penser. Et puis le fait qu'ils étaient nez à nez dans cette petite cachette et que leurs souffles caressaient le visage de l'autre pénétra lentement ses pensées, jusqu'à ce qu'il n'ait plus conscience que du visage en face du sien, tout proche, assez pour qu'il sente la chaleur qui en émanait.
Le sourire sur le visage de Heero disparut progressivement en même temps que le sien, graduellement, insensiblement, jusqu'à ce qu'ils se contentent de se fixer au fond des yeux, sans dire un mot.
Et puis Duo baissa les yeux, mâchoires serrées, muscles jouant très visiblement, et tourna légèrement la tête. Ses lèvres bougèrent, sans qu'il ne lâche un son, apparemment sans qu'il s'en rende vraiment compte.
Mais Heero savait lire sur les lèvres, et l'obscurité n'était pas vraiment un problème.
Sans rien dire, il avança une main et la posa sur l'avant-bras de son camarade. Duo releva la tête et le regarda, sans expression. Heero lui adressa un pauvre petit sourire, essayant de lui faire comprendre qu'il comprenait son soudain coup de blues, parce qu'il ressentait la même chose, puis ferma les yeux et posa sa tête sur son bras, essayant d'oublier ce que Duo avait dit, essayant d'oublier l'écho que ses mots silencieux avait éveillé.
"J'ai envie de t'embrasser".
* * *
Hilde entraîna Relena jusqu'à la sortie ouest du campus, la tenant par la main, et la jeune fille se laissa faire, un peu gênée.
-Dis…!
-Ouais?
-Que va-t-on faire? demanda-t-elle. Si on se fait reconnaître et arrêter avant d'arriver à la voiture? Ils vont savoir que je suis venue voir Heero et ils vont continuer à chercher….
La brunette s'arrêta, plissant les yeux, réfléchissant à toute allure.
-Ok, déjà on va te faire un peu moins reconnaissable, lâcha-t-elle en l'entraînant dans un recoin.
Passant derrière la princesse, elle se mit à défaire ses petites nattes.
-Hé…!
-Ta coiffure est trop classique de ta part, Rel', désolée. Enlève ta veste.
-Hein? lâcha la blonde tandis qu'elle sentait ses cheveux se dénouer totalement.
Elle obéit, un peu déconcertée. En dessous, elle portait un chemisier blanc.
-Hmm, ça ira, musa la brunette en la regardant de bas en haut.
Elle posa les doigts sur la taille de sa jupe, et cette fois Relena recula, sourcils froncés.
-On a pas le temps, roule la ceinture de ta jupe vers l'intérieur pour qu'elle ait l'air plus courte!
Rougissant à l'idée de montrer ses jambes au-dessus des genoux, chose dont elle n'avait pas l'habitude, la princesse arrangea sa jupe plissée du mieux qu'elle le pouvait, tandis que la brune à la casquette remontait ses cheveux en queue de cheval haute et ébouriffait sa frange sur les côtés.
-Ca se voit trop, murmura-t-elle en désignant la taille de sa jupe, toute plissée et trop visiblement arrangée n'importe comment.
Hilde l'aida à la rectifier puis saisit la veste et d'un geste ample lui en entoura la taille, dissimulant le haut de sa jupe. Elle s'agenouilla devant elle, faisant rougir la jeune fille encore plus, et tire-bouchonna les chaussettes tirées d'une manière si respectable sur ses chaussures vernies.
-Voilà! s'exclama-t-elle en levant les yeux vers elle. Tu as déjà l'air moins tirée à quatre épingles, c'est déjà ça. Bon évidemment si on te regarde de trop près… mais au moins on devrait pas nous arrêter à vue.
Elle se releva et après voir poussé Relena devant l'entrée pour qu'elle la dissimule aux yeux de l'éventuel passant, enleva son T-shirt et le lui fourra dans les mains. La princesse rougit encore et détourna les yeux.
-Tu fais quoi?
Elle avait une bande large autour du ventre, comme ces bracelets élastiques que portent les sportifs, d'environs quinze centimètres de largeur. Elle la tira sur sa poitrine, l'ajustant pour que ses seins soient bien aplatis autant que faire se peut, puis reprit le T-shirt et le remit, sans le rentrer dans sa ceinture. Il était long, lui tombant presque à mi-cuisse. Elle enfila la veste en jeans qu'elle avait nouée autour de sa taille, puis enfonça sa casquette plus profondément, dissimulant à demi son visage.
-Voilà, lâcha-t-elle d'une voix grave, et Relena sursauta tandis qu'elle l'entraînait par la main.
Son langage corporel avait soudain totalement changé. Elle ne marchait plus avec grâce et en roulant subtilement des hanches, mais à grands pas nonchalants, et carrait légèrement les épaules. En la regardant de près, on aurait pu voir qu'il s'agissait d'une fille, Relena supposait… Mais elle, elle savait déjà que c'en était une. Oui si elle arrivait à agir comme il fallait pendant assez longtemps, on ne devrait pas y regarder de trop près.
-Au fait, Rel'… lâcha la brune d'une voix traînante.
-Heu.. Oui?
-Jolie culotte, répliqua la fille aux cheveux courts d'un ton malicieux en filant en avant.
Relena resta figée quelques secondes, puis virant doucement au rouge, se lança à sa poursuite.
-Ooooh toi!!!
Riant toujours, Hilde lui prit la main et l'entraîna à sa suite.
-Tu es impossible, bouda la fille aux cheveux longs.
-Et fière de l'être! répliqua sa compagne.
-Et pas moyen d'avoir le dernier mot avec toi, hein?
-Nope.
Grommelant dans sa barbe, la princesse abandonna l'idée de regagner quelques points pour le moment.
Il y avait trois soldats dans la rue suivante, qui avançaient d'un air faussement nonchalant vers le campus. Relena se crispa.
-Tu vas me casser la main, ma douce, lui murmura Hilde.
-Désolée, répondit Relena d'un air nerveux, baissant la tête.
Elle fit mine d'observer une vitrine alors qu'ils les dépassaient, puis soupira une fois qu'ils se furent éloignés.
-Dis…? demanda-t-elle après qu'ils soient passés.
-Hm?
-S'ils reconnaissent ma voiture et qu'ils nous arrêtent?
-Bonne remarque. Tu as un portable?
-Oui.
-Appelle ton chauffeur et dis-lui de rentrer à la maison en faisant le plus de détours qu'il pourra. Dis-lui de partir au nord. On fera autrement.
-Mais s'ils le suivent?
-Eh ben, tout ce qu'ils trouveront sera un chauffeur dans une voiture. C'est pas suspicieux. Ils vont savoir que tu étais censée être dedans, mais ils ne pourront jamais le prouver. Ok?
Pendant que Relena appelait Pargan et lui expliquait la situation en vitesse, Hilde jetait des coups d'œil de droite et de gauche dans la rue. Un autre groupe avançait, celui-là de gens en civil, plus lent, plus suspicieux, dévisageant les passants. Mais soldats jusqu'au bout des ongles; elle reconnaissait leur façon de marcher en groupe, et ils portaient tous une arme sur eux. Hilde saisit Relena par la main, la tira entre les passants, jusque sous l'auvent de l'arrêt de bus, et l'accula dans un coin, posant les deux mains de chaque côté de sa tête et se penchant sur elle. Confuse, la jeune fille la fixa.
Les soldats dévisageaient tour à tour les gens présents à l'arrêt de bus, Hilde pouvait les voir approcher dans le reflet de la vitre.
-Que fais-tu?
-Tu as appelé le grand-père alors?
-Heu… oui, oui.
-Ok, alors, répondit-elle d'une voix basse et aussi sensuelle qu'elle le pouvait.
L'un des soldats était tout proche, maintenant, elle aurait pu lui filer un coup de pied si elle l'avait voulu. Il leur jeta un coup d'œil, s'approcha un peu. Les yeux de Relena s'agrandirent légèrement quand elle vit la manière qu'il avait de garder la main sur le renflement sous sa veste, et elle se tendit. Le soldat, notant sa réaction, la regarda d'un peu plus près et essaya de jeter un coup d'œil par-dessus l'épaule de Hilde pour avoir une meilleure vue de la jeune fille.
La brunette lança un clin d'œil à sa camarade pour la calmer, puis se pencha vers elle et approcha son visage du sien jusqu'à le frôler presque, bloquant effectivement sa vue sur la jeune fille.
Les yeux de Relena étaient bleus ciel, mais les prunelles étaient si dilatées par la peur qu'elles en avalaient presque tout l'iris. Si proche, son odeur envahissait les narines de la louve, et à cette distance, elle pouvait entendre son cœur, ba-boum, ba-boum, de plus en plus rapide. Elle la sentait trembler là où son poignet touchait son épaule, pas encore visible à vue d'œil, mais assez pour qu'elle le perçoive très bien.
-Tout va bien, murmura-t-elle pour la rassurer.
Le soldats avait cessé de s'avancer vers elle, il continuait sa route à présent, mais Hilde s'aperçut du coin de l'œil qu'il continuait à leur jeter des coups d'œil, et bientôt il serait à un angle où il pourrait voir leurs profils.
Levant un peu plus le bras pour poser son coude contre la vitre, l'allemande prit les deux centimètres qui séparaient encore leurs visages et embrassa la jeune princesse.
* * * * * *
Ils durent abandonner la voiture à une petite distance de la sortie de la ville… Un barrage de soldats leur interdisait de sortir par la route. Les quatre pilotes partirent à pied dans les bois, espérant que les barrages n'aient pas encore été étendus jusque là.
Il leur fallut une bonne petite heure pour arriver aux Gundams. Ils chargèrent leurs affaires dans les compartiments prévus puis grimpèrent dans les Gundams, sans les mettre en marche, vérifiant d'abord leur état.
Un grand "MERDE!" sonore retentit dans les quatre cockpits.
-Duo? Que se passe-t-il?
-Je suis en train de faire un scan de la région… Le barrage militaire c'est rien, juste des points de contrôle sur les routes, mais on est entre eux et un déploiement de mobil suits qui fait un autre barrage. J'en compte au moins une centaine dans notre région, et y a pas moyen qu'on file par un des rares trous qu'ils ont encore dans la formation, on sera repérés en visuels bien avant. Bordel de merde!
-Ca ce n'est rien… lâcha Heero d'un ton impénétrable. Branchez-vous sur la télé locale.
Ils virent et entendirent avec stupeur Lady Une annoncer que la ville était à présent sous loi martiale tant que les terroristes qu'elle renfermait ne seraient pas retrouvés. Cela englobait aussi une interdiction de prendre son véhicule sans autorisation et un couvre-feu à six heures. En arrière-plan, on pouvait déjà entendre de nombreux téléphones se mettre à sonner venant du standard, sans doute une virulente protestation des téléspectateurs.
-Elle est jetée cette salope! lança Duo, totalement éberlué. Elle va prendre en otages les habitants parce qu'on a été ici?!?
-C'est aberrant, acquiesça Wufei.
-On fait quoi? Si on essaye de se casser quand même, on risque de se retrouver à se battre au-dessus de la ville, et ces bâtards les laisseront pas partir…
-On attend. On essaye avant tout de briser le barrage et ensuite on se casse. Les mobil suits nous poursuivront, les soldats devraient quitter la ville peu après.
-Mouaif…
-J'ai appelé Trowa, il va s'approcher le plus qu'il peut et essayer de nous prêter main forte de l'extérieur, mais il ne peut pas s'approcher trop, il se ferait repérer…
-Ok.
-Plus qu'à attendre…
-Ouais…
* * *
Le général Kushrenada n'était certainement pas attendu dans la ville où Une avait pris le contrôle, aussi, les militaires gardant la route par laquelle il arriva faillirent bien l'empêcher d'entrer. Heureusement, agacé par l'attente, il avait ouvert sa vitre, permettant aux hommes de le reconnaître.
Quand il arriva à l'immeuble d'où le colonel Une dirigeait les opération, elle l'attendait sur le parvis, au garde-à-vous, visiblement prévenue en vitesse par les soldats.
-Mon général, je ne m'attendais pas à vous voir ici… commença la jeune femme en se mettant à marcher à ses côtés dans le couloir.
-Et je vous avoue que je n'avais pas l'intention d'y venir, répliqua Treize d'un ton sec, plus sec que ce qu'il avait jamais employé avec elle. Mais je vois que je n'aurais pas dû vous confier une telle situation, vous n'êtes visiblement pas capable d'appliquer des ordres de mission d'une façon qui ne met pas en danger le grand plan duquel elles font partie.
Une se crispa. Depuis l'évasion du pilote 05, il était devenu… elle ne savait pas. Plus rapide à prendre la mouche… Lui qui était d'habitude si contrôlé et si charmant, il avait quelquefois des sautes d'humeur inattendues, et montrait souvent visiblement ce qu'il pensait, lui qui normalement était passé maître en l'art de dissimuler ses pensées. C'était anormal… Elle se força à se souvenir de ces circonstances pour ne pas se sentir aussi touchée par son apparente perte de patience avec elle, qui avait toujours été sa protégée.
-Je… pardon, votre excellence, murmura-t-elle en baissant la tête.
Treize s'adoucit légèrement et se tourna vers elle.
-Lady… Je ne mets pas en faute votre dévouement, mais les moyens que vous employez. Certes, capturer les pilotes de Gundam est une priorité. Mais elle ne vaut PAS de perdre le soutien du peuple dans nos efforts pour ce faire. Si nous nous laissons aller sur cette pente, bientôt des centaines de rébellions éclateront contre nous, et nous serons obligés de gagner l'obéissance par la terreur, au lieu de la recevoir parce que les citoyens croient réellement en nous. Et là, nous ne serons pas meilleurs que l'Alliance. Vous comprenez?
Elle baissa la tête.
-C'est pour cela que nous ne devons pas utiliser ces moyens aussi brutaux. Nous devons rester plus discrets.
-Je comprends, mon général. Je vous demande pardon.
Il posa la main sur son épaule et lui adressa un sourire, et elle le lui rendit timidement, se sentant comme une enfant grondée par un parent bienveillant.
-Pas la peine, Lady. Allons juste annoncer la levée du blocus. Les barrages filtrants seraient sans doute mieux vus, mais maintenant que la population est remontée contre nous… je crains que nous n'ayons pas le choix.
-Je suis désolée…
-Non, Lady Une, c'est de ma faute. J'aurais dû être plus spécifique quand à mes attentes. Je vous ai donné tous les moyens dont nous disposons pour remplir votre mission, vous les avez utilisés au maximum, c'est normal. J'aurais dû préciser.
-Votre excellence…
-Shh, murmura-t-il en posant le doigt sur ses lèvres.
Elle rougit et baissa la tête.
Une demi-heure plus tard, dans la salle de commande, elle était toujours en train de rougir. Heureusement, le général ne la regardait pas, fixant avec attention les écrans qui retransmettaient des images venant des quatre coins de la ville. Il observait le retrait des troupes et leur condensation plus loin le long des axes routiers. Les barrages n'étaient pas encore levés…
Et tout à coup, sans qu'un seul radar n'avertisse les observateurs, une immense forme noire munie d'appendices ressemblant à des ailes de démon jaillit soudain hors des arbres au flanc d'une falaise, une grande faux d'un vert émeraude à la main.
-02!! s'exclama Une en s'emparant du micro. Alerte, alerte, Gundam 02 aperçu au nord-sud-nord de la ville!!!
Mais elle n'avait pas fini sa phrase que la moitié de l'unité se situant à cet endroit avait été détruite avant d'avoir réussi à repérer sur radar le Gundam si insaisissable. Et puis… Trois autres Gundams émergèrent des arbres à sa suite pour régler leur compte aux deux unités les plus proches, rejoints par un autre venant de DERRIERE leurs lignes qui cribla de balles les quelques MS non endommagés qui pouvaient encore combattre, avant qu'ils ne mettent les gaz pour filer avant que le reste de la troupe leur tombe dessus.
-Jamais les renforts ne seront là à temps pour les empêche de s'enfuir!!! ragea la jeune femme.
-Ne vous inquiétez pas pour ça, ma Dame, répondit Treize d'un ton impénétrable, souriant calmement.
* * *
Wing était sur le point de passer en Bird Mode quand Heero le fit piler net… juste à temps pour éviter le coup de sabre laser.
Tallgeese se dressait sur leur chemin, appuyé par toute une flopée de Taurus.
Wing esquiva en virant sec sur le côté, mais sa vitesse était trop grande et il ne put revenir tout de suite à son ennemi. Heavyarms, qui le suivait, freina lui aussi brutalement, mais le pilote de Tallgeese avait anticipé son mouvement et avait avancé d'un bond, frappant d'un geste dont la puissance allait sûrement causer de sérieux dégâts.
-TROWA!!! hurlèrent les autres pilotes.
Mais Quatre avait fait plus que crier… Il avait instinctivement poussé son propre Gundam vers la droite, bousculant Heavyarms d'un coup d'épaule puissant, l'envoyant hors de danger… et recevant le coup à sa place.
Le grésillement de l'arme thermique sur le gundanium fut audible à des mètres à la ronde. Mais avant que le pilote du MS blanc ait pu soulever encore son arme pour terminer de mettre Sandrock hors de combat, Wing l'avait taclé au sol avec une violence qui fit crisser le métal.
-Quatre!! Quatre!!!!! hurla le pilote à la mèche, essayant de recevoir une réponse de son ami.
Mais l'écran dédié à Quatre était noir, seuls quelques parasites s'affichaient de temps en temps. Trowa plaça Heavyarms de manière à protéger son camarade tombé des mobile suits approchant, tandis que Shenlong nettoyait les environs des bataillons qui trouvaient une bonne idée que d'achever le blessé.
-03 à 04, réponds 04!
Seuls des grésillements lui répondirent.
Pendant ce temps, Wing et Deathscyte étaient en train de mettre la raclée à Tallgeese, ayant décidé 1) qu'il le méritait, 2) qu'ils n'avaient de toute façon pas le temps de faire mumuse en jouant les duellistes. La machine blanche eut le tort de se faire toucher une fois, et c'était fini, il n'avait plus aucune chance de regagner le contrôle du combat. Les deux gundams ailés commencèrent à jouer au ping-pong avec lui, se l'envoyant et se le renvoyant sans cesse à grands coups de pieds ou de poings.
Finalement, le dernier coup de Deathscythe envoya Tallgeese s'enterrer à demi sur une piste d'envol à côté d'un hangar renfermant sans doute des petits avions. Duo allait frapper avec la lame de sa faux, mais heureusement pour le pilote, Quatre réussit à réparer sa radio à ce moment et le soulagement d'entendre qu'il était encore en vie suffit à faire disparaître son envie d'achever l'ennemi. Après tout Zechs était l'ennemi personnel de Heero, l'issue de leur combat devrait être déterminée à la loyale… Pas à un contre deux.
Wufei lâcha un long panache de flammes en direction d'un groupe de MS qui approchait encore, puis alors qu'ils étaient toujours à évaluer les dégâts, frappa leurs jambes de son bâton, les rendant incapables de combattre davantage.
Et puis il se rendit compte que le feu suivait une traînée d'huile, progressant rapidement vers les tonneaux de fuel entassés dans les hangars. Les cinq Gundams calculèrent promptement qu'il ne restait sans doute guère plus de quelques minutes. Décollant l'un après l'autre, ils mirent les voiles dans la même direction, Wing ouvrant la marche, puis Heavyarms soutenant Sandrock d'un côté, Deathscythe soutenant l'autre côté. Shenlong resta debout sur le champ de bataille quelques secondes de plus, s'assurant que tous leurs ennemis étaient incapables de les poursuivre et de les attaquer dans le dos.
Avec un dernier regard au feu qui progressait toujours, Wufei s'apprêta à partir…
… jusqu'à ce qu'il aperçoive, étalé sur le sol tout contre le hangar, un grand Mobil Suit blanc.
Poussant une bordée de jurons, Wufei fit voler son Gundam vers le Tallgeese, l'agrippant comme il le pouvait, et poussa les réacteurs à fond pour sortir au plus vite du coin. Pas une seconde trop tôt. L'explosion en chaîne de la réserve de fuel le déséquilibra légèrement, mais heureusement il était sorti de la zone de danger et ne reçut pas de dommages.
Se dirigeant vers le petit groupe de soldats debout au bord du champ de bataille, il laissa tomber Tallgeese à quelques mètres, puis fit demi-tour et poussa les réacteurs pour rejoindre les autres.
* * * * * *
Les soldats durent y aller à la scie sauteuse pour réussir à ouvrir la porte du cockpit de Tallgeese. Une fois dégagé le chemin, ils s'écartèrent pour laisser les médics faire leur travail.
Treize s'approcha de la civière sur laquelle reposait son ami. Il grinça des dents quand il eut vu de quoi il avait l'air. Ses longs cheveux étaient encroûtés de sang, il respirait vite mais pas assez profondément, il avait de larges hématomes, des éraflures et des coupures sur les épaules et le torse, là où le harnais de sécurité avait entamé sa peau… mais le pire était encore sa jambe. Une large pièce de métal était enfoncée dans sa cuisse gauche, et les médecins étaient en train de discuter du meilleur moyen de l'enlever. Ils secouaient la tête, et Treize n'aimait décidément pas leur air de regret et de découragement.
-Que se passe-t-il? demanda-t-il en tapant sur l'épaule d'un des médecins.
-Nous avons besoin de sang pour l'opération. Il a une artère endommagée, général, et bien que nous puissions la recoudre avec du matériel approprié, il n'en perdrait pas moins probablement beaucoup plus de sang qu'il ne peut se le permettre. Je suis désolé.
-Et quel est le problème? Vous n'en avez pas en réserve peut-être?
-Pas dans la région, Général, et le temps qu'on aille en chercher dans un autre hôpital… Il faudrait opérer vite; ce garrot ne va pas résoudre la situation, il pourrait perdre sa jambe.
-Non, répliqua Treize en se retenant de grincer des dents.
Milliardo, si sportif, si athlétique, si énergique… une jambe amputée? Certainement pas. Mieux le laisser mourir dans ce cas, ce serait préférable. Ca lui éviterait de devoir se suicider, ça leur éviterait à ses proches de devoir le regarder agoniser jour après jour…
-Général, le vrai problème c'est que le colonel Merquise est du groupe O-. Ce sont les meilleurs donneurs puisque tout le monde peut recevoir de leur sang, mais les pires receveurs puisqu'ils peuvent seulement admettre du sang du même groupe qu'eux. Aussi, vous voyez…
-Lady, de quel groupe sanguin suis-je? demanda Treize en faisant volte-face vers son aide.
-… Mon général, vous… essaya-t-elle de protester.
-C'est sans danger pour le donneur, n'est-ce pas? demanda l'homme en bleu au médecin.
-Bien sûr, votre excellence… mais…
-Vous êtes O-, votre excellence, admit Une à voix basse.
-Bien, alors où est le problème?
Une baissa la tête, vaincue.
-Nulle part votre excellence.
-Bien, répéta Treize en se dirigeant vers l'ambulance où ils chargeaient son ami.
* * * * * *
Hilde ralentit la moto puis l'arrêta complètement à quelques mètres des grilles de la grande maison où habitait l'autre jeune fille. Deux gardes la dévisageaient d'un air suspicieux; elle se dit que Relena ne risquerait rien si elle la laissait là.
-Hey, Rel'?
La jeune fille aux cheveux longs sursauta et souleva sa tête de son dos. Elle s'était allée à se rappeler de ce qui s'était passé pendant leur évasion, après l'incident sous l'arrêt de bus. La brunette l'avait embrassée!!! Bon certes ce n'était qu'un chaste baiser, bouche fermée, mais quand même…
Son premier baiser, par une fille, elle ne s'y attendait certainement pas!
Elle avait été tellement tourneboulée qu'elle n'avait même pas pensé à protester quand, une fois les soldats passés, la fille à la casquette l'avait entraînée par la main vers une lignée de motos cadenassées à une balustrade qui attendaient sagement, à côté de l'entrée d'un bar. Elle avait été terrifiée à l'idée qu'un de ces gros bikers ne sorte pour tomber sur Hilde en train de crocheter le cadenas de la chaîne. Mais la brunette avait fait si vite, elle avait définitivement de l'expérience dans ce domaine.
Total de la journée, elle n'avait pas vu Heero plus de quelques minutes, il ne lui avait même pas adressé la parole après son exclamation initiale, elle avait manqué se faire arrêter par OZ, elle avait reçu son premier baiser d'une fille qui se comportait comme un garçon, et elle avait fait sa première balade en moto sur un engin volé, avec comme pilote une maniaque de la vitesse… vitesse qu'à sa grande surprise elle avait énormément apprécié… enfin, après le premier hurlement de terreur, pour être exacte. Décidément pas comme ça qu'elle avait envisagé sa journée en se levant ce matin.
-Hmm?
-Tu t'étais endormie?
-… Euh… Oui, mentit la princesse, gênée.
-On est arrivée, Rel'.
Avec réluctance, la jeune fille retira ses bras qu'elle avait enroulés autour de la taille de la brunette et se laissa glisser à bas de la moto. Serrant ses bras autour d'elle, elle frissonna. Elle avait été au chaud plaquée contre le dos de l'autre, mais maintenant…
Hilde ôta son blouson et le lui laissa tomber sur les épaules, lui envoyant un petit sourire malicieux. Relena sentit ses joues devenir rouges, encore une fois. Pourquoi se comportait-elle comme ça? Comme… Comme un gentleman…?
-Merci…
-De rien, va. Bon, j'y vais, lâcha la brune en faisant tourner la moto.
-Attends!!!! protesta la blonde, prise par surprise. Tu pars déjà?
Mais Hilde avait terminé son demi-tour, et après un grand sourire et un clin d'œil, elle mit les gaz et la moto fit un bond en avant. Toujours aussi surprise, Relena la vit disparaître au tournant, une main en l'air en salut.
-…Tu ne m'as même pas dit ton nom…
* * * * * * * * *
Le petit hors-bord s'arrima au flanc de l'énorme porte-avion par une corde qui pendait, et la conductrice en sortit pour poser le pied sur le ponton que le bâtiment traînait. Aussitôt, elle reçut l'ordre de s'immobiliser. Elle leva la tête; aux hublots et sur le pont, une dizaine de marins la braquaient.
-C'est Sally, bande de crétins!!! cria le médecin aux Sweepers.
-Whoops, désolés! Sous cet angle et fringuée comme ça, hein… On avait fini par croire que t'avais pas de décolleté…
-ABRUTIS!!!!
Avec un éclat de rire, un des marins lui fit signe de monter de la main. La jeune femme escalada lestement l'échelle, pour se retrouver face à face avec le chef de la bande de récupérateurs / résistants, Howard. Vêtu d'une de ses éternelles chemises hawaïennes et une paire de lunettes noires sur le nez, le vieil homme semblait aussi en forme que jamais.
-Alors, belle demoiselle, avec vous fait bon voyage?
-Arrêtez avec le charme, vieil homme, lui conseilla la jeune femme avec une affection bourrue dans la voix. Les garçons sont arrivés?
-Les garçons qui sont cinq? répondit le vieil homme en riant. Ils sont là depuis quelques jours déjà… Tu as eu de la chance, on part ce soir. Et Duo m'ennuie depuis qu'il est là en me disant qu'il a une chose à me dire, mais pas sans que tu sois ici pour confirmer… je peux savoir de quoi il parle?
Sally n'eut pas le temps de répondre. Une tornade vêtue de noir suivie par une natte venait de se précipiter hors d'une écoutille et se précipitait vers elle.
-SALLY!!! Tu sais que je t'aime, hein?
Duo se jeta au cou de la femme, et elle chancela, prise totalement par surprise. Duo avait toujours été exubérant, mais il n'avait jamais été aussi… familier et affectueux avec elle… après tout ils n'avaient pas vraiment eu l'occasion de devenir proches.
Et puis elle leva les yeux sur la porte dont il était sorti, et elle et Howard éclatèrent de rire en comprenant. Deux garçons asiatiques à l'air belliqueux venaient d'émerger sur le pont, fumants de rage, leurs cheveux et épaules couverts d'une épaisse couche de peinture rose vif.
-Maxweeeeeeeeell…
Sally et Howard se regardèrent, et choisirent prudemment de cesser de rire. Ils savaient d'expérience qu'un Duo Maxwell qui s'ennuie peut avoir des idées bizarres et même dangereuses, mais s'il avait envie d'être suicidaire, ils n'allaient pas risquer de le suivre dans la tombe en se moquant de ses victimes. Prudemment, la jeune femme s'écarta d'un pas sur le côté quand elle vit Heero charger vers elle… ou plus précisément vers Duo caché derrière son dos.
Il essaya de s'enfuir, mais Heero réussit à agripper sa manche, et Wufei le plaqua au sol d'un tacle. Quelques minutes de hurlements et de bagarres d'anguilles dans un tonneau plus tard, ils réussirent enfin à l'immobiliser.
-Ooooh… Ménage à trois? demanda l'américain quand, essoufflé, il cessa de tenter de s'enfuir. Petits pervers… suffisait de demander!
Après avoir cessé de rougir, Yuy et Chang protestèrent avec virulence, grondant tous les deux, mais le seul résultat fut un gloussement de la part de leur captif, qui les agaça encore plus qu'ils ne l'étaient déjà.
-Bah quoi…? Z'aimez pas la couleur? C'est rose-limousine… Ca devrait vous plaire…
-Tu oses nous barbouiller de peinture de la couleur de la limousine de cette femme et tu nous demande ce qui ne va pas?!??? hurla Wufei en levant une main comme pour étrangler le prisonnier.
Duo gloussa encore une fois, un air d'hilarité totale sur le visage, comme totalement inconscient qu'il était sur le point de se recevoir une raclée. Wufei poussa un râle de fureur et saisit sa natte pour l'en étrangler. Mais Heero l'arrêta, se penchant sur le garçon d'un air suspicieux.
-Wufei…
-Quoi?!
-Il est ivre.
-QUOI?!??
-Soûl comme un porc. Bourré comme un canon. Tu veux que je te dise ça comment?
-Yup yup!!! répondit le garçon en éclatant de rire.
-Tu as trouvé l'alcool où?
-Un des Sweepers.. Whisky-coca! C'est boooooooooon…
-Il vous a donné ça à boire?!? protesta Howard en fronçant les sourcils.
-Mais naaaaaaah, voulait du coca, ai bu, et c'était 'aach'ment bon… 'lors j'ai bu plus.
-Tu t'es bourré au whisky-coca? demanda Heero d'un ton sec. Combien de bouteilles?
-Ooooh chaipas… Y en avait… trois?
-TROIS?
-Mais j'ai po bu tout seul, hein… Non non…
-Comment ça?
Tous les gens présents sur la scène échangèrent un regard catastrophé.
-Ben, c'est Quatre qui a commencé, hein…
-Il a bu avec toi?
-Yup! Au moins autant que moi, sinon plus… Pffou quelle descente!
Heero se releva, traînant Duo par le poignet pour le relever. Celui-ci n'était pas coopératif pour un sou et se rendit mou, et le japonais, agacé, le souleva et le jeta en travers de ses épaules.
-Je vais le ramener dans sa chambre, vérifie que Quatre ne fait pas de bêtises.
Wufei hocha la tête et partit à la recherche de son camarade, vaguement méfiant de ce qu'il allait trouver. Sally et Howard restèrent sur le pont, écoutant les deux autres discuter en s'éloignant.
-Ooooh, YuuuY! chantonnait Duo, un sourire pervers sur les lèvres. Comme dans l'ancien temps, c'est ça? Jetant ton captif sur tes épaules pour le traîner jusqu'à son lit…
-Sois heureux que je ne préfère pas faire ça comme au temps des cavernes, par les cheveux, répliqua Heero d'un ton rogue.
Il y eut un instant de silence étonné; puis on entendit Duo éclater de rire. Les Sweepers attendirent d'être sûrs que les garçons étaient trop loin pour les entendre avant de l'imiter.
* * *
Quand Trowa pénétra dans la petite salle TV, tout au fond du couloir où s'alignaient leurs chambres, il eut la surprise de trouver Quatre, affalé tout seul sur le canapé, en train de siroter un verre de coca tout en regardant la télévision. Il se demanda ce qu'il regardait de si intéressant; Quatre en général ne se plantait devant le petit écran qu'aux heures des infos ou pour des documentaires. Et ils ne le faisaient certainement pas glousser de cette manière. Ni s'affaler comme un désossé. En fait, Trowa ne se souvenant pas d'avoir jamais vu le jeune Winner dans une position aussi relaxée, lui qui avait été entraîné dès l'enfance à garder le dos droit et une contenance respectable.
-Hey, Trowa!! le salua son ami d'un lever de verre. Viens t'asseoir!
Le plus grand des pilotes obtempéra. Aussi sec, le petit blond tira un verre du tiroir dans la table basse et le lui emplit à ras bord, avant de le lui tendre. Trowa accepta le verre en silence. Il n'avait pas vraiment soif, mais après tout, ça n'allait pas le tuer de boire un verre de coca… Surtout qu'il n'aimait pas se l'avouer, mais il aimait énormément le goût. Evidemment, c'était l'une des principales raisons qui faisaient qu'il se refusait à en boire trop. S'il en avait bu comme il en avait envie, il se serait probablement rendu malade. Son temps chez les mercenaires ne l'avait pas habitué à digérer des choses sucrées.
L'arabe regardait une émission comique. Et s'effondrait en gloussements à chaque blague, riant quelquefois toujours longtemps après que ladite blague du moment ait été finie. Poliment, le garçon à la mèche essaya de s'y intéresser, mais au bout d'un moment, il finit par laisser tomber son feint intérêt et se mit à observer son camarade à la place. Quatre, trop enfoncé dans ses sketches, ne s'en rendit même pas compte, continuant à éclater de son rire cristallin, ses yeux brillants de joie, un immense sourire aux lèvres, et petit à petit Trowa se permit de le regarder plus visiblement. Plusieurs fois, il eut un petit rire, mais c'était plus parce que le rire de Quatre était si communicatif que parce qu'il avait suivi ce qui se passait à l'écran.
Il sentait ses muscles se détendre lentement, et une douce chaleur se répandre dans son ventre. Il sirota encore un peu de son verre, et se rendit compte qu'il était presque vide. Il le finit d'une lampée.
-'Tends, lui dit Quatre en se penchant vers la table pour saisir la bouteille. 'Tends… Donne le verre.
Sa voix était basse, voilée, comme légèrement enrouée, mais toujours aussi amicale. Trowa tendit son verre sans y penser davantage, et Quatre se pencha vers lui pour remplir, prenant soin de saisir la bouteille à deux mains pour ne pas la faire tomber. Il y avait une lenteur, une prudence presque dans ses gestes qui surprit légèrement son camarade. Après tout, Quatre était, comme eux tous, adroit et très bien coordonné.
Le petit arabe laissa tomber la dernière goutte dans le verre de Trowa, puis lança un regard agacé à la bouteille. Vide.
-'En a plus… constata-t-il avec morosité.
Trowa stoppa dans son mouvement de porter le verre à ses lèvres et considéra brièvement de le donner à son ami. Mais avant qu'il ait pu parvenir à une décision, il sentit le canapé pencher sous le poids du jeune garçon et un coude s'appuyer sur son épaule. Assis sur une de ses jambes repliées, s'appuyant sur le dos du canapé et sur Trowa de presque tout son poids, Quatre le regardait, un grand sourire aux lèvres.
-C'est bon, hein? demanda-t-il avec bonne humeur.
Un peu gêné, ne sachant que faire, Trowa sirota une gorgée pour se donner une contenance. Ca ne ressemblait pas du tout à Quatre d'être aussi affectueux physiquement. A Duo peut-être, mais celui-ci avait décidé depuis longtemps, il ne savait trop pourquoi, qu'il n'avait pas aussi envie d'étreindre Trowa que les autres. Ce pour quoi l'ex-mercenaire était reconnaissant, le contact physique, en règle générale, le mettant mal à l'aise.
Il s'aperçut avec reconnaissance que l'attention de son camarade était retournée à la TV, et continua de siroter son verre.
Jusqu'à ce qu'il se rende compte que Quatre s'appuyait de plus en plus sur lui, et qu'il avait la tête sur le coude posé sur son épaule, maintenant. Il se figea.
-Quatre? appela-t-il à voix basse.
-Hmm? répondit l'autre d'un ton à demi endormi en tournant la tête vers lui.
Trowa se sentit rougir, et bénit la pénombre. Ils étaient à moins de quelques centimètres l'un de l'autre. Il recula de quelques centimètres, prudemment.
-Tu… non rien.
La tête blonde se pencha comme le garçon le regardait d'un air curieux, puis Quatre haussa une épaule et se réinstalla contre son camarade… bien plus près cette fois, se blottissant contre son flanc. Trowa serra son verre, ne sachant que faire.
-'Rête… t'vas l'casser… murmura Quatre en refermant sa main autour de celle qui tenait le verre.
Si Quatre n'avait pas eu une prise aussi ferme, il l'aurait lâché; et se surprit à regretter de ne pas l'avoir fait, ça lui aurait donné une diversion pour filer.
Guidant sa main jusqu'à ses lèvres, l'arabe but une rasade de la boisson puis, levant les yeux vers lui, lui sourit doucement, yeux mi-clos. Trowa sentit ses yeux s'agrandit imperceptiblement.
-Hey, Trowa…
La main chaude autour de la sienne la guida jusqu'à ce qu'il pose le verre sur la table basse. Obéissant, il lâcha prise; mais la main ne lâcha pas la sienne.
Le canapé se creusa encore quand l'arabe changea se position, se soulevant légèrement sur le genou qu'il avait replié sous lui.
Et puis, Trowa sentit des lèvres souples et légèrement collantes de sucre se poser sur les siennes.
Il lui fallut quelques seconde pour réaliser que Quatre était en train de l'embrasser. Lentement, doucement, sans trop insister, mais sans vraiment lui laisser l'occasion de s'enfuir non plus, il caressait méthodiquement ses lèvres, d'abord juste des siennes, puis du bout de sa langue, suivant le contour de sa lèvre inférieure. Trowa cessa brièvement de respirer. Et puis la langue de l'arabe glissa sur l'ouverture de sa bouche, juste un peu, à peine pénétrant, avant de se retirer. Par réflexe, Trowa goûta l'endroit qu'il avait touché. Il avait goût de sucre, de cola. Quand la langue revint une deuxième fois, il ne s'opposa pas à son passage, ni à sa prudente exploration.
Il avait chaud dans le ventre, et ça s'étendait lentement; et son cœur battait trop vite. Mais qu'était-ce? Du plaisir ou de la peur?
Parce qu'il avait peur. Il était affolé. Ou du moins, il savait qu'il l'aurait été si seulement il avait eu le temps de penser. Peur du contact, peur d'avoir autorisé quelqu'un à un acte si intime… peur d'avoir tellement baissé sa garde que l'autre pouvait juste, à présent, se balader dans sa psyché comme il en avait envie, prendre ce qu'il voulait de lui, sans rencontrer de résistance… c'était terrifiant.
Mais il était si doux, avec lui…
Peut-être…
Non.
Il allait se préparer à repousser son camarade, gentiment, mais fermement, quand Quatre recula légèrement, séparant leurs bouches, et posa la tête sur son épaule avec un soupir. Pétrifié, Trowa resta un long moment sans bouger.
Quand il se décida enfin, ce fut pour constater que Quatre dormait profondément. Sa tête tourbillonnant de questions, il souleva gentiment le jeune homme, malgré son envie de juste se lever d'un bond et de s'enfuir, le déposa sur l'accoudoir, puis quitta la pièce au pas de course.
Il dormirait dans Heavyarms ce soir. C'était le seul endroit où il se sentait suffisamment en sécurité pour baisser entièrement sa garde et accorder son attention totale à ses réflexions. Il allait en avoir besoin.
* * *
Quand Wufei arriva dans la petite salle, la seule lumière était celle de la TV. Il lui fallut quelques secondes pour repérer la petite forme assoupie sur le canapé, lovée sur un des accoudoirs. Rien n'avait l'air cassé.
Il soupira, soulagé. Apparemment Quatre n'avait pas fait de bêtises de son côté. Tant mieux.
* * * * * *
L'ex-mercenaire campa dans son Gundam pendant deux jours, s'absorbant dans une révision totale pour éviter de croiser ses camarades. Bizarrement, il avait vu au moins de loin tous les pilotes sauf Quatre, même si plusieurs fois quand Duo avait apporté des sandwichs, il avait bien reconnu la main de l'arabe dans les siens, sa manière à lui de maintenir le contact tout en lui laissant du temps pour penser. Trowa était reconnaissant pour le délai. Parce qu'il avait beau y réfléchir sans cesse, il n'avait pas encore trouvé qu'en penser ni comment y réagir. Il était toujours pris entre la surprise sans bornes que le doux, gentil et aimé pilote de Sandrock, celui que tout le monde appréciait, l'ait choisi lui, qui n'avait rien de spécial à lui offrir… et la terreur à l'idée qu'il lui demandait de s'ouvrir entièrement à lui, de baisser ses dernières protections, de lui donner un pouvoir sur Trowa qui lui permettrait, s'il le choisissait, de le briser sans se fatiguer. Trowa… Nanashi s'était juré que jamais, il ne laisserait quelqu'un avoir ce genre de pouvoir absolu sur lui. Qu'un jour il serait libre. Depuis l'enfance il s'était enfermé couche après couche dans une armure d'indifférence qui le protégeait du monde extérieur. Morceau par morceau, après avoir rencontré les autres pilotes, l'armure s'était affinée.
Mais Quatre voulait la lui retirer toute entière. Le laisser nu, sans défense. Il ne savait pas s'il pourrait, probablement pas sans se perdre.
* * *
Trowa était tranquillement en train de revisser un boulon sur Heavyarms, content que le travail l'empêche de trop penser, quand, sans aucun avertissement, une lance de douleur aiguë remonta son dos, le long de la colonne vertébrale. Saisi, il se figea, soudain incapable de remuer le moindre petit doigt, de prendre une inspiration sans augmenter encore l'affreuse souffrance qui lui déchirait le dos. Il eut tout juste le temps de se demander si on lui arrachait les vertèbres une à une avant de perdre l'équilibre et de tomber à bas de l'échelle, incapable de faire le moindre mouvement pour se retenir ou amortir sa chute.
Le choc lui meurtrit l'épaule, mais même ça en comparaison de la torture de son dos était totalement dérisoire. Il essaya de respirer, larmes aux yeux, réussit à aspirer une pitoyable goulée qu'il rejeta vite en un gémissement risible de faiblesse.
Lentement, la douleur disparut, graduellement. Dix minutes peut-être, pas plus longtemps, mais ça lui avait semblé des heures. Il roula lentement sur le dos, haletant, clignant des yeux pour essayer d'éclaircir sa vue brouillée par les larmes de souffrance qui trempaient ses joues, incapable de formuler la plus petite pensée cohérente.
Il cligna des yeux encore une fois, puis une autre, et finalement, il réussit à voir au-delà de ses cils collés. Le toit du hangar était surprenant de clarté, de précision. Il voyait toutes les poutrelles, détail par détail.
Il porta une main à son visage pour essuyer ses joues, le ramena plein de sang. Il regarda sa main longtemps, hébété, essayant de comprendre, puis tâta encore son visage. Il saignait du nez, pas des yeux, se rendit-il finalement compte avec une pointe de soulagement. D'une main qui semblait peser plus que le bras au canon de son Gundam, il agrippa un mouchoir dans sa poche, le pressa contre ses narines.
L'odeur de poussière et d'huile de moteur était envahissante, pesante. Pourtant ce mouchoir était propre… Il l'enleva brièvement de son nez.
Tout sentait l'huile de moteur dans le coin. Il avait dû renverser un bidon en tombant…
… mais il n'en avait pas eu près de lui.
Tout sentait le lubrifiant mécanique, le métal surchauffé, le fuel et la poussière, derrière les notes chaudes, salées, cuivrées, de son propre sang. Les odeurs l'agressaient, l'envahissaient, l'empêchaient de réfléchir par leur insistance à se faire remarquer, lui faisaient aussi mal qu'un hurlement dans les oreilles, qu'une lampe torche dans les yeux. Trop intense. Les odeurs étaient trop intenses.
Les sons aussi, maintenant qu'il y pensait. Il entendait le bruit du vent contre la porte, à une quinzaine de mètres, l'appel d'un oiseau nichant dans les poutrelles à l'autre bout du hangar, le frottement d'un bout de chiffon glissant lentement contre le flanc de son Gundam … c'était trop. C'était trop.
Il se recroquevilla, lentement, poussant une longue plainte basse, ses mains plaquées sur ses oreilles.
* * *
Wufei posa sa reine sur la case, puis sourit à Winner d'un air rusé. Qu'on voie si le petit génie de la stratégie allait se sortir de celle-là! Wufei avait été battu plus de trois jeux sur cinq pendant toute la soirée, mais ça n'allait pas durer, oh que non. Quatre lui rendit son sourire goguenard, puis se prépara à faire bouger sa dernière tour. Et s'effondra sur l'échiquier, soudain hurlant, envoyant des pièces voler de partout sur le tapis.
-QUATRE!!!
Les trois autres se précipitèrent vers leur camarade. Le petit blond se redressa lentement, ses yeux écarquillés, sa figure d'une pâleur de marbre.
-Trowa…
Sans un mot d'explication, il se leva d'un bond et partit en courant comme un dératé vers les hangars, les trois autres sur ses talons.
* * *
Quelques longues minutes plus tard, une cavalcade se faisait entendre en direction du hangar, des voix résonnaient. Quatre, et… Heero, et Duo… Trowa serra les dents et plaqua plus fort ses mains sur ses oreilles. Le bruit de leurs pas se réverbérait atrocement sur les murs de tôle du hangar, leurs voix étaient trop aiguës, brutales.
-Taisez-vous… gémit-il, mais trop bas pour se faire entendre à plus de quelques mètres.
-Alors, qu'est-ce qu'il y a?! demandait la voix puissante de Duo.
Trowa gémit encore, gronda. Ca faisait si mal…
-Je ne sais pas, il a mal, je ne sais pas pourquoi!
-Mais taisez-vous… gémit-il encore.
Les quatre pilotes débarquèrent dans le hangar et d'abord ne virent pas le garçon. Puis ils remarquèrent le petit tas de vêtements et de cheveux recroquevillé sur le sol, au pied de l'échelle, et se précipitèrent.
Quatre et Duo se jetèrent à genoux près de l'ex-mercenaire et le retournèrent doucement sur le dos. Sa figure était barbouillée de sang, ses yeux étaient clos, et il gémissait tout bas, dents serrées.
Après un instant de surprise, Heero s'apprêtait à se pencher lui aussi sur son camarade… et puis, l'odeur le frappa de plein fouet.
-Qu'est-ce qu'il a? tu crois qu'il est tombé de l'échelle? demanda Duo.
-Son nez n'est pas cassé…Pourquoi il saigne? Il a un bleu sur l'épaule. Il n'a pas l'air blessé à part ça… Je ne sais pas…
-Les gars… Les gars.
L'américain et l'arabe relevèrent les yeux vers Heero. Il avait les yeux fixés sur Trowa, son regard entre la fascination et la stupeur, et son visage était incrédule, et… effrayé.
-Quoi?
-Il sent le garou à plein nez.
-Ce n'est pas possible, répondit Duo avec un rire qui sonnait faux. Quand aurait-il été….
Quatre se jeta en arrière, avec violence, atterrit sur le postérieur sans paraître s'en apercevoir, et porta les mains devant sa bouche, ses yeux écarquillés.
-Oh Allah… Oh non… oh non! Ce n'est pas…
-Quatre! Ce n'est pas quoi?
-Je crois que je sais quand… Mais… Oh, non, il ne peut pas!!!! Oh mon Dieu , Trowa….
-Pourquoi?
-…C'était il y a deux jours seulement…
Les pilotes se turent, tous très conscients soudain, que la pleine Lune n'était plus que dans deux semaines et demi.
-… elle a dit quoi, Hilde, sur… le temps d'incubation nécessaire…?
Personne ne répondit. Ils se rappelaient très bien, tous. Quatre semaines. Quatre. Au moins.
-… garou…?
Trowa souleva un bras qui pesait des tonnes, lentement, le posa sur son front pour empêcher la lumière de lui blesser les yeux.
Il avait été contaminé par le virus. Il allait devenir un garou. Un animal. Il ne savait pas trop quoi en faire… comment s'adapter, si il allait pouvoir le supporter…?
…Qui essayait-il de tromper, là? Leur odeur le disait. Leur terreur, leur incrédulité. Leur remarque sur le temps d'incubation. Et aucun d'eux n'avait souffert comme ça, pas avant le grand soir.
Il allait mourir.
-.. T-Trowa? chevrota une petite voix terrifiée au-dessus de lui.
Il sentit une main sur son avant-bras, une petite main chaude. Il souleva son bras de ses yeux, jeta un coup d'œil au visage angélique encadré de boucles blondes qui était penché sur lui, aux grands yeux aigue-marine écarquillés, pleins de larmes.
Il reposa son bras sur ses yeux, délogeant la main qui le touchait.
-Trowa…
-Va t'en.
-Trowa!
Dans sa voix si pure, choc, stupéfaction. Douleur.
Ha! qu'on le laisse rire! ce n'était pas lui qui avait eu la colonne vertébrale arrachée à l'hameçon. Ce n'était pas lui, qui allait sans doute agoniser pendant des jours, avant de périr au cours d'une convulsion, contaminé par un virus qu'il n'avait jamais demandé à avoir, qu'il aurait pu ne pas avoir, si seulement l'autre avait fait attention.
C'était de sa faute.
Il avait eu raison de se méfier. Quatre Raberba Winner était bel et bien celui qui d'entre tous était le plus capable de lui faire du mal.
-Veux plus te voir, siffla-t-il entre ses dents serrées, refusant de le regarder. Va t'en.
Quatre hoqueta, puis se relevant comme il le pouvait, se précipita hors du hangar, frappé de plein fouet par la colère et le ressentiment du garçon qu'il aimait, par les pensées de Trowa qui toutes l'accusaient, le rejetaient.
De sa faute…
Il s'enfuit, sanglotant, courut jusqu'à ce qu'il s'effondre dans un coin de la cale, et puis pleura encore, jusqu'à épuisement.
* * *
Les trois autres n'eurent pas le temps de partir à sa recherche, ou de parler à Trowa pour lui dire à quel point il avait été cruel avec Quatre. Le moment où il quitta le hangar, le dos de l'Européen s'arqua au-dessus du sol et il hurla, se tordant sur le ciment, ses muscles pris de spasmes bien visibles. Ils essayèrent de le maîtriser, mais il hurlait encore plus à chaque fois qu'on l'effleurait. Finalement, il perdit conscience, mais ses tressautement n'en furent que légèrement diminués seulement.
* * * * * *
Au matin, les convulsions de Trowa s'étaient calmées. Il remua vaguement pendant une demi-heure puis sombra dans un sommeil plus profond. Duo, Wufei et Heero s'étaient relayés à son chevet ainsi qu'au cabinet où Sally avait pris racine toute la nuit, espérant de bonnes nouvelles. Mais elle ne pouvait rien; comme elle le leur avait dit, il s'agissait d'une reconstruction totale du code génétique de sa moindre cellule; il était déjà miraculeux et plus qu'incompréhensible pour la scientifique qu'elle était qu'il ne soit pas mort sur le coup, ni les trois autres garous. Si elle lui donnait n'importe quoi, ça risquait de l'achever.
A chaque fois que l'un d'entre eux entrait dans la chambre, il croisait Quatre assis sur le sol du couloir, recroquevillé, se morfondant dans son coin sans oser passer outre le bannissement. A chaque fois qu'il ressortait, des heures plus tard, le petit blond y était encore. Et ils savaient tous les trois que lorsque viendrait leur prochain quart, il serait encore là, au bord de larmes qu'il retenait encore, sans que personne ne sache comment.
* * * * * * * * *
Heero posa le menton sur son bras et essaya de se reposer un peu. La nuit tomberait bientôt et alors les crises recommenceraient, plus violentes et fréquentes que la veille, comme à chaque fois depuis neuf jours. Depuis avant-hier, on pouvait compter en minutes, non en heures, les moments entre chaque convulsion. Il se demanda si au rythme où les souffrances empiraient, son camarade ne serait pas mort avant même la pleine lune, dans six jours seulement… Six jours encore. Ou même si, épuisé par ses crises successives, il réussirait à subir la transformation sans défaillir d'épuisement pur.
-nnn…
En une seconde, le loup-garou se trouva accroupi à côté de l'ex-mercenaire, qui semblait reprendre un peu conscience.
-Trowa…? Daijobu ka?
-Hmm… Heero..? murmura le jeune homme aux yeux verts.
-Hai, répondit le japonais avec un petit sourire soulagé, posant la main sur le biceps de son ami pour lui faire sentir sa présence.
C'était encourageant, trouvait-il, il n'avait plus été conscient une seule fois depuis bien trois jours et demi déjà. Il avait commencé à craindre que ça n'ait été la dernière fois de sa vie.
-Ca.. Thy…
-Non, Cathy n'est pas là, répondit Heero à voix basse en se demandant s'il avait parlé trop vite.
-Non, veux dire…
Trowa déglutit et referma les yeux, dents serrées. Les douleurs recommençaient à l'attaquer de plein fouet.
-Veux Cathy, laissa-t-il échapper en un gémissement.
Il se mordit les lèvres et essaya de se recroqueviller.
Un spasme de douleur dans les membres le prit par surprise et il hoqueta, luttant pour ne pas hurler quand la vrille de feu liquide se répandit comme une vague le long de sa colonne vertébrale.
-Ca… Thy… 'ande sœur…
Prenant sa décision, Heero se leva et se pencha sur le malade.
-Trowa, je vais aller chercher Cathy pour toi, d'accord?
Barton poussa un gémissement, qui était peut-être un acquiescement, peut-être juste un cri de douleur avorté.
-Je vais chercher Cathy, répéta Yuy, se raccrochant à la demande de son camarade pour combattre son sentiment d'impuissance et d'inutilité totale.
Il se demandait déjà comment il allait joindre Duo ou Wufei pour surveiller le malade au moment où il referma la porte derrière lui; et puis il se retourna pour partir et tomba nez à nez avec les yeux bleus mer du sud de Quatre.
-Il est hors de question que tu le laisses seul, lui interdit Quatre avec une pointe de surprise et de supplication.
Heero haussa les épaules, se sentant curieusement perdu et désorienté. Aucune des décisions qu'il pouvait faire ne pouvait être sans dangers…
-Je dois aller chercher Catherine Bloom. Il la réclame.
-Oh… souffla Quatre, bizarrement frappé au cœur que le garçon réclame cette fille alors qu'il ne voulait pas de lui. Reste là, je vais demander à Wufei ou à Duo de te remplacer. Je reviens.
Heero allait accepter l'arrangement quand il se ravisa. S'il se sentait impuissant et inutile, lui qui pouvait au moins veiller son ami, lui apporter de l'eau et l'empêcher de se blesser pendant ses convulsions, comment devait se sentir Quatre, repoussé de leur cercle, n'ayant même pas la possibilité de l'approcher? Quatre se consumait d'impatience de ne rien pouvoir faire du tout pour le garçon qu'il aimait. Et ce n'était pas bon pour sa santé mentale, qu'il reste assis là à se morfondre et à battre sa coulpe toute la journée et une grande partie de la nuit.
-Il vaut mieux faire vite et je ne sais pas où ils sont. Et ils ont droit à une pause. Va la chercher toi même.
-Mais…
-Va! On ne sait pas pour combien de temps il sera en état de la voir.
"On ne sait pas s'il ne va pas mourir avant" flotta entre eux, non exprimé mais entendu des deux côtés quand même.
-Prends Wing, jeta Heero tandis que Quatre effectuait un démarrage sur les chapeaux de roues vers les cales du porte-avion, là où les Gundams étaient stockés.
Puis le loup-garou retourna près de son camarade inconscient pour continuer sa veille.
* * *
Quatre se précipita le long des couloirs de toute sa vitesse de garou de guépard, se laissant guider dans le dédale de couloirs par un mélange de souvenirs de sa mémoire presque eidétique, d'odeurs flottant, et d'instinct pur. Plusieurs fois il passa un Sweeper stupéfait mais il ne les remarqua pas plus que les nombreux extincteurs rouges postés le long des murs. Les uns comme les autres formaient de pratiques points d'ancrage pour virer à la corde.
Le blond se jeta sur le Gundam de Heero et l'escalada dans la foulée, puis se glissa à l'intérieur. Il boucla sa ceinture d'une main nerveuse tandis que de l'autre il lançait les moteurs. Et puis au moment de décoller, il se figea. Il se rappelait où se trouvait le cirque la dernière fois qu'il y était allé, mais c'était il y avait déjà presque six mois.
-Ouvrez-moi les portes sous-marines! laça-t-il dans l'intercomm tout en pianotant sur le Net pour trouver des traces du cirque.
Le cirque se situait à mille deux cent kilomètres à vol d'oiseau. Avec Wing en Bird Mode poussé à fond, il serait de retour dans trois heures maximum.
Et malheur aux ozzies qui se dresseraient sur son chemin.
* * * * * *
Catherine Bloom était en train de passer un jet d'eau au fond de la cage de Sultan, leur plus ancien lion, quand elle sentit la terre se mettre brièvement à vibrer sous ses pas.
C'était dur de ne pas le comparer au frémissement causé par un MS qui se pose, trouvait-elle. Mais elle n'avait plus vu de MS de près depuis la fin de leurs ennuis avec OZ pour hébergement d'un terroriste reconnu. Ils avaient été accusés de complicités et avaient mis des mois à jurer de leur bonne foi, des mois d'interrogatoires et de descentes surprises en plein milieu de la nuit, et des vérifications d'antécédents sans fin, ce qui en raison des origines pour le moins troubles de la plupart des gens du voyage avait causé de gros problèmes. Finalement ils avaient réussi à faire admettre aux officiels qu'aucun d'entre eux n'avait su que le garçon était un rebelle. Ce qui après tout était vrai… A deux exceptions près.
Mais Catherine et le monsieur Loyal étaient persuadés qu'ils restaient sous surveillance. Et depuis lors Trowa s'interdisait de revenir les voir, par peur de les mettre en danger, lui qu'elle avait vu s'épanouir lentement dans leur grande famille bohème.
Il lui manquait, ce garçon qui lui rappelait tant son frère…
Le jet d'eau manqua échapper de ses mains et elle tressaillit. Comment en était-elle venue à penser à Trowa? Tout cela à cause d'un vague frisson qui lui avait rappelé un MS… Maintenant qu'elle y réfléchissait, ce n'était pas le bruit que faisait un Mobile Suit. Le frémissement était de trop grande amplitude et il n'y avait pas eu de grand bruit de moteurs.
Elle finit de rincer la cage et ouvrit la porte de communication pour permettre à la vieille bête de regagner ses pénates. Puis, sur une impulsion pour se dégager de la chaleur, elle s'aspergea généreusement avec le jet d'eau avant de couper le robinet.
-Miss Bloom?
Catherine fit volte-face et porta la main à un poignard qu'elle ne portait heureusement pas. Un jeune adolescent blond la regardait à quelques pas à peine, et elle n'avait pas entendu un seul bruit. Avait-elle été distraite à ce point?
Quatre écarta les mains de son corps et lui présenta ses paumes dans le signe universel de non-agression. Il se gifla mentalement pour ne pas avoir pensé à faire le minimum de bruit pour ne pas la surprendre, mais il avait été distrait, et cette manière de marcher était à présent une seconde nature pour lui.
-Vous me reconnaissez?
Catherine renifla et leva le menton sans répondre. Evidemment qu'elle se souvenait de lui!! Comment pouvait-elle l'oublier? C'était le type qui lui avait arraché son frère d'adoption, qui l'avait emmené au loin alors qu'il commençait à s'adapter… Elle se demanda une seconde s'il n'avait pas en fait sauvé la vie de Trowa en l'emmenant; les soldats avaient fait un raid sur le cirque le lendemain matin, il aurait pu être pris. Puis elle secoua la tête. Trowa s'en serait sorti sans lui. Et puis qui disait que ce n'était pas sa venue ici qui avait attiré l'attention d'OZ sur eux? Elle ne devait rien à ce blondinet maigrichon.
-C'est pour quoi? lâcha-t-elle d'un ton sec.
Elle ne voulait pas être impolie, malgré tout, mais si on le surprenait ici, l'innocence des gens du cirque allait être définitivement remise en question. … Quoique, maintenant qu'elle y pensait, on lui avait posé des questions sur le garçon que Trowa avait ramené un jour salement blessé et avait accompagné une fois qu'il avait été guéri, Heero, et sur celui qu'il avait brièvement invité un jour, un chinois à l'air déprimé qui ne lui avait même pas dit son nom; et aussi sur un ado rigolard avec une natte d'un mètre de long, qu'elle n'avait jamais vu de sa vie; mais jamais sur le petit blond qui avait fait irruption dans cette vie toute neuve. Peut-être qu'ils n'avaient pas son portrait-robot… En tout cas Trowa avait su qu'il était un Gundam pilot, il l'avait reconnu d'une précédente rencontre; donc ce n'était pas un traître.
-Alors? le relança-t-elle quand elle vit qu'il ne répondait pas.
Quatre prit une profonde inspiration et serra les poings pour se donner du courage. Il savait que Catherine ne l'aimait pas du tout, et il ne lui en voulait pas. Après tout il lui avait escamoté Trowa.
Il s'en était voulu sur le moment, alors qu'il voyait bien que pour la première fois de sa vie sans doute, le garçon était presque heureux, accepté. Mais il avait eu des instructions; Trowa ne pouvait pas entrer directement en contact avec son mentor, alors il avait été celui qui avait relayé l'ordre de réunion et d'alliance des pilotes. Mais Catherine s'en fichait bien, il le savait, et il ne pouvait pas dire qu'il l'en blâmait.
Mais il souhaitait que son animosité ne soit pas aussi bouillonnante; son Uchuu no kokoro le lui renvoyait de plein fouet. Et il était trop bouleversé pour ériger la moindre barrière.
-Je… Trowa vous réclame, lâcha le blond en détournant le regard et en se tordant les mains. Il… Il est malade… très malade.
Catherine sursauta de tout son corps comme s'il l'avait frappée.
-Quoi?!? A quel point?
-Nous ne savons pas s'il s'en sortira, avoua le garçon à voix basse. Il souffre tant…
Catherine aurait pu exploser au nez du garçon s'il n'avait pas été aussi visiblement sur le point de pleurer. Elle jeta le tuyau d'arrosage au pied de l'enrouleur et saisit Quatre par le bras pour le tirer vivement vers là d'où il était venu.
-Mais, miss…
-Quoi encore?!
-Vous ne prévenez personne?
-Plus tard, s'exclama-t-elle avec un grand geste de la main. Si Trowa est en danger, il passe avant! Merde pour le cirque!
Quatre acquiesça et la guida vers le creux dans la montagne où le Gundam était dissimulé, essayant de ne pas laisser ses yeux tomber sur le haut trempé de la jeune fille. Certes, il n'avait pas ce genre d'attirances de toute façon, mais quand même, on ne regardait pas la poitrine d'une jeune fille quand elle était moulée dans un vêtement si trempé qu'il en devenait presque transparent. Bien que Catherine semblât s'en soucier comme de ses premières ballerines.
Ils se calèrent dans le cockpit étroit comme il le purent, à savoir Quatre sur le siège et la lanceuse de couteaux à demi assise sur un accoudoir, appuyée sur lui pour ne pas se cogner la tête dans le plafond. Elle se cramponna à son bras tandis qu'il décollait, son visage soigneusement inexpressif, mais il ne lui fit pas remarquer que les phalanges de ses doigts devenaient blanches à force de le serrer. Quatre n'était pas d'humeur à se plaindre de la douleur.
Une fois qu'ils eurent atteint une vitesse de croisière, Cathy déclencha l'Inquisition.
-Depuis combien de temps est-il malade? lança-t-elle, se demandant depuis combien de temps on lui cachait son état.
-Neuf jours… Mais ça empire au double chaque jour. Et les crises sont de plus en plus rapprochées.
Elle déglutit. Elle avait un mauvais pressentiment. Pour qu'ils se permettent de faire une brèche dans la sécurité…
-Je sais que vous devez rester cachés, mais vous avez bien un médecin de votre côté quand même!!! Il n'a vraiment rien pu faire?!
-Malheureusement non… Ce n'est pas une maladie répertoriée… Elle nous a répété plusieurs fois qu'elle ne pouvait rien lui donner sans risquer de l'achever. Elle fait des tests à n'en plus finir, mais… Personne ne peut rien faire, mis à part tenir sa main quand il essaye de ne pas hurler…
Quatre renifla et enclencha l'autopilote pour chercher un mouchoir dans ses poches. Cathy serra les poings.
-Comment ça pas répertoriée?! Il…
Elle se tut. La seule chose qui lui venait à l'esprit, c'était qu'il avait été victime d'un virus expérimental d'OZ. Elle se sentit prête à hurler. Si son petit frère d'adoption avait été gravement handicapé par cette maladie, s'il y restait, elle se jura qu'elle quitterait le cirque pour entrer dans la résistance et déclencher une vendetta dont ils n'avaient pas idée.
-C'est de ma faute, s'exclama Quatre en s'effondrant en sanglots, la fureur impuissante de Cathy étant la goutte d'eau pour son vase déjà rempli de larmes. Ma faute… Pardon, Trowa, pardon… Je ne voulais pas… Je ne savais pas…
La lanceuse de couteaux se retrouva prise entre deux feux. D'un côté sa compassion naturelle la poussait à aider ce jeune garçon… De l'autre, ses accusations de "ma faute" méritaient enquête avant de décider s'il avait droit à la miséricorde.
-Comment ça ta faute, explique? demanda-t-elle en relevant le menton du jeune pilote.
Il avait les yeux pleins de larmes. Sans réfléchir, elle leva la main pour les essuyer du doigt.
Avant qu'elle ait eu le temps de cligner des yeux, son poignet se retrouvait pris dans un étau. Quatre la regarda, l'air effrayé par son geste de compassion.
-Non! Surtout pas! Ca se transmet par un contact avec les fluides corporels… lui expliqua-t-il en essuyant ses yeux. Je ne sais pas si les larmes aussi sont contaminatrices, mais je ne peux pas prendre un tel risque.
-Toi aussi, tu… dit-elle en comprenant.
-C'est moi qui l'ai contaminé, avoua le garçon en baissant la tête. Je n'y pensais plus, et…
-Et…? répéta-t-elle lentement, menaçante.
-On discutait, on avait bu, il était si gentil… Et puis… C'est arrivé comme ça, se justifia Quatre en se mordant les lèvres.
-Mais QUOI sacré bon sang?
-Je l'ai embrassé, confessa enfin Quatre en cachant son visage dans ses mains.
Il se tut, attendant les foudres de la grande sœur.
Cathy sentit son cerveau tourner à vide quelques minutes. Ce n'était pas qu'elle avait quoi que ce soit contre les homosexuels, surtout pas, elle était très ouverte sur la question; ce n'était pas non plus le fait qu'elle soit étonnée que quelqu'un puisse trouver son frère attirant. Bien qu'elle-même soit totalement indifférente, elle savait fort bien qu'il avait du charme à revendre avec ses airs mystérieux et sa grâce innée et inconsciente. Et il était trop beau pour son propre bien, de visage comme de corps.
Non, c'était juste qu'elle ne s'y attendait pas. Pourtant, en rétrospective, les regards et les réactions de Quatre quand il était venu chercher Trowa prenaient soudain tout leur sens. Elle se demanda si c'était l'inquiétude pour son Triton qui l'avait à ce point aveuglée. Pour qui savait quoi chercher, l'attirance que ressentait le jeune soldat blond était visible comme le nez au milieu de la figure. Elle décida de cesser de faire mariner Quatre, qui semblait prêt à subir tout ce qu'elle pourrait lui faire sans un murmure de protestation.
Elle lui releva le menton des doigts et le regarda au fond des yeux.
-Il était d'accord au moins? le surprit-elle.
-… Je ne sais pas, avoua Quatre. Je croyais que oui, sur le moment, mais… J'étais épuisé et un peu ivre, je me suis endormi, et on n'a pas eu l'occasion d'en reparler depuis… jusqu'au moment où il a commencé à avoir mal. Sur le moment, ça avait eu l'air tellement naturel, tellement évident, de l'embrasser comme ça, mais ensuite… Il a subi une première crise et il m'a rejeté… Il a dit que c'était de ma faute, et qu'il ne voulait plus me revoir…!
Il éclata en sanglots pour la deuxième fois, et vaincue par sa souffrance, Catherine attira sa tête dans son giron pour le consoler.
-Ca va, ça va… Il ne le pensait pas, je suis sûre qu'il ne le pensait pas… La souffrance fait parfois dire des choses qu'on regrette ensuite, je le sais bien… Il a eu mal, il a voulu riposter, il ne pensait pas comme d'habitude… Tu sais qu'il est gentil, et qu'il t'aime bien, jamais il ne serait cruel à ce point délibérément… Je suis sûre que dès qu'il ira mieux vous vous réconcilierez…
-V…Vous croyez…? Qu'il m'aime bien…? Je pensais que… Je croyais… Mais peut-être que j'ai mal lu… Mal compris… Lui qui commençait à s'ouvrir… J'ai si peur d'avoir tout cassé!!
-Chhh…. Je sais qu'il t'aime beaucoup. Je le connais moi aussi. Et il te fait confiance; pas avec sa vie, qu'il ne respecte d'ailleurs pas comme il le devrait, mais avec ses sentiments. Combien de personnes peuvent s'en targuer? Il te parle, de lui-même, sans que tu doives lui arracher chaque mot. Il fait des choses pour toi, sans poser de questions, juste parce que c'est toi qui les demande. Il a même joué de la musique avec toi. Tu dois savoir ce que ça représente pour lui. C'est un côté de lui… Je sais qu'il peut jouer uniquement parce que je l'ai surpris un soir, moi…
Quatre s'agrippa à la jeune femme et ferma les yeux, bercé par ses paroles réconfortantes. Il sentit aussi bien qu'elle le petit pincement de douleur quand elle fit allusion à la musique… Son frère ne lui en avait pas parlé, à elle.
-Mais j'y pense, toi aussi tu as été malade! Tu l'as été comme lui? Ou alors, tu étais un porteur sain, ce genre de choses?
-Non, j'ai été malade, répondit Quatre en se dégageant lentement. Mais beaucoup moins que lui… Et mon cœur a quand même stoppé pour presque trente secondes pendant… la dernière crise.
-La dernière crise? Bon sang, est-ce que je vais devoir t'arracher chaque mot à la tenaille?
-C'est… Un cap. S'il le passe, tout ira bien, mieux qu'avant. Il guérira entièrement, enfin, si on veut. S'il ne le passe pas…
-Si on veut?!
-Il sera toujours porteur, sa vie durant. Et il y a certaines… conséquences, qui sont irréversibles. Mais elles ne sont pas invalidantes, rassurez-vous.
-Une maladie dont les séquelles ne sont pas invalidantes? répéta-t-elle, sarcastique. J'aimerais vraiment savoir ce que c'est.
-Sally… C'est notre médecin… Elle l'appelle le virus lycanthrope.
* * * * * *
Ses membres étaient si lourds, et /Nanashi/ essaya en vain de les soulever. Mais quelque chose pesait dessus; et puis il se sentait si las, si détaché de tout, comme si on l'avait drogué. Il se demanda un moment si ça valait la peine d'ouvrir les yeux, puis se rendit compte que de toute façon il ne pouvait pas; qu'il ne verrait que du flou. Il le savait.
Comment le savait-il…? Il chercha dans ses souvenirs nébuleux, mais ne trouva rien qui correspondait avec cette situation….
Puis il se rappela le café au drôle d'arrière-goût que Roberts lui avait tendu, et un abattement froid l'envahit. Pourquoi ne s'était-il pas méfié de l'homme? Lui que personne dans la troupe de mercenaires qui l'avait adopté ne semblait réellement accepter comme membre depuis les mois qu'il était là, lui qui ne cessait de regarder le jeune garçon sans nom d'un air étrange et de lui jeter des remarques désobligeantes quand personne ne pouvait les entendre.
Il aurait dû se méfier de l'homme, il le savait; ce type ne lui avait jamais inspiré confiance. Pourquoi avait-il jugé utile de ne pas le froisser en n'acceptant pas ce café et de l'avaler malgré son drôle de goût? Oh, oui, c'était vrai, parce que pour monter son tour de garde comme il avait le droit de le faire depuis peu, il devait être sûr de ne pas s'endormir; et pour ne pas provoquer de disputes qui lui causeraient des ennuis. Après tout, un membre si bas dans /la meute/ l'échelle sociale que lui ne pouvait pas se permettre de jouer les difficiles.
Il essaya de bouger, d'ouvrir les yeux, mais comme prévu dès qu'il se dégagea quelque peu, on l'empêcha de bouger aussitôt; et il ne vit que des formes sombres et indistinctes s'agiter devant ses yeux. Et il savait /se souvenait/ de ce qui allait se passer, de ce qui s'était passé, qui se passait, qui…
-Noooon…
* * *
-Noooon…
Heero se pencha au chevet du garçon et remonta la couverture. Trowa transpirait très fort et grelottait comme s'il était perdu en plein blizzard. Et il recommençait à cauchemarder.
Fronçant les sourcils, Heero s'assit au bord du lit et posa une main sur le front de son camarade. Il était brûlant et dégoulinait de sueur. Le japonais laissa sa main glisser sur sa joue pour essayer de le réconforter, empruntant le geste à Sally qu'il avait vu faire. Mais Trowa ne se calma pas, et détourna la tête. Heero laissa tomber sa main, ne sachant trop que faire, découragé.
* * *
Il sentit une main se poser sur sa joue, faussement douce, faussement caressante, et révulsé, il essaya de tourner la tête pour se soustraire à son contact. Il savait qu'il allait recevoir un coup, mais recevoir des coups de cette main suante lui semblait moins mensonger que des caresses si hypocrites et non désirées.
Mais le coup ne venait pas, et il avait de plus en plus peur, de ne pas savoir quand, quand… quand la punition tomberait… l'attente une torture presque pire que la douleur.
Quelqu'un se penchait sur lui, il le sentait confusément, et le lit pliait sous le poids de l'homme, qui allait lui faire du mal, qui allait…
'mais il n'y avait pas de lit, c'était par terre… sur la terre battue et boueuse et froide qui suintait à travers ma veste, avec des graviers incrustés dans le dos à en saigner quand son poids sur moi… son poids sur moi…et…'
-NOOOON!!! hurla-t-il en faisant un effort démesuré pour s'arracher à la torpeur qui lui interdisait tout mouvement, frappant désespérément à l'aveuglette.
* * * * * *
-LE VIRUS DU LOUP-GAROU?!!!! TU TE FOUS DE MOI?!??
-Pas forcément du loup… Du garou tout court, répondit Quatre d'une voix atone tout en laissant apparaître les marques du guépard sur sa peau.
La jeune femme stupéfaite au dernier degré se plaqua contre l'écran. Il continua.
-Le virus ne fait que donner la capacité de se transformer. C'est de la personne que dépend l'animal qu'il deviendra. En général, tout le monde a un animal intérieur… Mais ça peut être n'importe quoi, une vache, un écureuil, un aigle, un chat, un poisson… Seuls les animaux intérieurs qui sont assez grands et réellement résistants peuvent survivre à la première transformation. Trowa est un guerrier, je sais que son garou serait suffisamment fort, j'ai bien survécu, moi… enfin, il l'aurait été s'il avait été en pleine forme à la pleine Lune. Mais il a été contaminé trop tard dans le mois, et le virus doit mettre les bouchées doubles pour l'infecter entièrement, jusqu'à la dernière cellule, avant le premier soir de la Lune. Et ça l'épuise.
Catherine tendit les mains vers le visage encore enfantin de l'arabe, traça d'un doigt tremblant les larmiers noirs qui lui donnaient l'air infiniment triste. Elle regarda les petites taches rondes sur ses tempes et au-dessus de ses sourcils. Les courts cheveux ras et dorés devant ses oreilles semblaient s'étendre doucement, couvrant ses mâchoires d'un velours fin.
Quatre ne s'étonna même pas de la proximité du guépard dans son esprit. La Lune était si proche et il avait été, était encore, si stressé et effrayé… Il accueillit l'afflux des sens comme une diversion bienfaisante, mais se refusa le réconfort de s'y plonger plus de quelques secondes. Le guépard recula lentement, pas à pas, pour aller se tapir derrière la barrière de sa conscience, sa présence comme un ronronnement qu'on perçoit plus qu'on n'entend.
-Par exemple Heero est devenu un loup, continua-t-il d'une vois qu'il se forçait à rendre impersonnelle. Moi je suis un guépard. Wufei est un tigre. De nous cinq, seul Duo est encore pleinement humain. On ne sait pas encore ce que Trowa sera… s'il survit.
Les marques s'estompèrent et disparurent en quelques secondes à peine.
-Et s'il n'est pas entièrement… contaminé… Ce soir-là?
Frappé à l'estomac par la nausée qui l'envahissait à l'idée de voir les muscles et la chair de Trowa tenter de se modifier sur un squelette qui restait invariablement humain, même si les muscles se tendait puissamment le brisaient en multiples endroits, Quatre ne répondit pas… par des mots. Mais soudain la jeune femme poussa un petit hoquet de surprise et porta les mains à son visage, soudain d'une pâleur de neige.
-Oh mon Dieu… A demi? Il changera à demi?
-Je ne sais pas, répliqua sèchement Quatre en essayant de ne plus penser à ça, puisque ses boucliers étaient visiblement en un état trop pitoyable pour qu'il puisse garder ses pensées à l'intérieur de sa propre tête.
Coupant net la conversation, Quatre agrippa Catherine par le bras et, la tirant à bas de l'accoudoir, la cala sur ses genoux avant de pousser un levier supplémentaire. Le cri de protestation de la jeune fille fut noyé sous la poussée soudaine des moteurs et l'augmentation brutale de la pression atmosphérique.
* * * * * *
Heero n'eut que le temps de parer la volée de coups que le malade lui envoyait. Il sauta du lit et s'écarta en vitesse, pris par surprise par la violence de Trowa.
-Non, non, non!!! hurlait le garçon, d'un air désespéré.
Ses yeux n'étaient pas entièrement ouverts, et vagues. Il ne semblait pas voir réellement la chambre et le garçon qui étaient avec lui, mais quelque chose d'autre, quelque chose de pire.
-Trowa, réveille-toi!!! C'est juste un mauvais rêve, maintenant du calme!!
Mais ses paroles n'atteignaient pas son camarade, qui continuait à geindre et à gronder sur le lit, à demi comme une bête, à demi comme un fou, ou comme un enfant qui a passé les limites de la terreur.
-Trowa, bon sang!!
Heero se maudit et recula pour laisser de l'espace au garçon effrayé. Le cri qu'il avait poussé n'avait eu comme effet que de faire se tendre encore plus le malade. Trowa gémissait de terreur à présent, un bras au-dessus de sa tête, comme pour empêcher les coups de tomber.
-Trowa… Trowa, c'est moi… essaya-t-il de chuchoter d'une voix apaisante.
Mais la voix apaisante, ce n'était pas sa spécialité, loin de là… Et Trowa n'avait pas l'air de vouloir entendre.
-Noooon….
Dans l'autre coin de la pièce, le japonais se mordit les lèvres. Que faire, bon sang?! S'il approchait, Trowa paniquerait encore, il le savait. Mais comment lui faire reprendre conscience? Et il ne pouvait même pas aller chercher Duo ou Sally. Il ne pouvait pas le laisser seul.
-Ca va, Trowa…
Mais le seul son de sa voix grave semblait provoquer chez le garçon des crises de tremblements. Le loup hurlait de détresse en lui, le noyait sous le besoin d'aller se rouler en boule contre son camarade, de lui apporter la protection et le réconfort par son contact. Il fit un pas en avant… puis recula contre le mur en entendant le hurlement perçant de petit garçon torturé de son camarade.
-Trowa, onegai… gémit-il, les larmes aux yeux, torturé par son impuissance.
Il se laissa glisser le long du mur, genoux sous le menton, baissa la tête pour ne plus voir le visage paniqué de son ami.
-Que se passe-t-il?
-Cathy!
Heero se leva d'un bond et avança vers elle, désignant Trowa de la main. Il avait l'air perdu, effrayé. Cathy retint un cri de surprise et sentit la terreur l'envahir. Pour que Heero montre une telle frayeur…
-Je ne sais pas, il délire, je lui fais peur… Il crie, et il pleure, et… Même ma voix le terrifie!!
Il avait légèrement élevé le ton sans faire exprès, et Trowa poussa un gémissement pitoyable, ramenant ses deux bras par-dessus sa tête. Ses jambes étaient empêtrées dans les draps, et il n'essaya pas de lutter contre eux bien longtemps, comme s'il savait d'expérience que ce qui l'entravait refuserait de le libérer.
-Non… laissez-moi…
Catherine serra les dents et essuya ses yeux d'un air rageur. Quelqu'un avait fait du mal à Trowa, et dans son délire créé par la fièvre et la douleur, il croyait le revivre. Et ce quelqu'un était visiblement mâle. Pas besoin d'être sorcier pour comprendre.
-Heero, sors, je m'en charge.
Habitué à ce qu'elle prenne tout en charge comme quand il avait été au cirque, Heero obtempéra sans mot dire.
-Cathy… Ne te laisse pas mordre ou griffer, conseilla-t-il juste avant de sortir.
-Ne t'en fais pas, Quatre m'a prévenu, répliqua-t-elle en refermant la porte derrière lui.
L'asiatique hocha la tête et sortit en refermant doucement la porte derrière lui. La jeune fille resta seule avec le garçon tremblant et terrorisé.
-Trowa? Petit frère…
* * *
Nanashi n'en pouvait plus d'attendre pour ce qu'il savait qui allait venir. Il était réduit à un petit tas d'appréhension tremblant, et chaque seconde qui passait sans que l'homme près de lui ne l'attaque ajoutait à son état.
Et puis une voix douce et claire perça le voile de sa terreur… Une voix de femme. De jeune fille.
Une voix qui n'avait rien à faire parmi ces souvenir de ce temps-là.
-Midii…? murmura-t-il, se rappelant vaguement la jeune fille blonde que les mercenaires avaient recueilli /et qui les avait trahis/
Mais la voix n'inspirait pas de la confusion, comme Midii en avait inspiré en lui au début, quand ils venaient de faire connaissance et qu'il ne comprenait pas ce qu'elle trouvait d'intéressant en lui pour vouloir sans cesse discuter avec lui; elle n'inspirait pas non plus ni colère ni tristesse, comme il en avait ressenti après sa trahison. Non… Il avait envie de faire confiance à la femme qui parlait. Sa voix était plus grave que celle de l'autre jeune fille, plus mure, plus rassurante…
Mais à part Midii, quelle fille Nanashi avait-il connu, suffisamment bien pour que sa voix puisse lui donner envie de faire confiance?
-Trowa…?
Trowa? Le fils Barton? Trowa était là? se demanda Nanashi en sursautant. Aie… Pas bon pour lui…
Il se rappelait très bien le grand blond costaud, le neveu de Dekim Barton, l'homme en charge de la fondation qui payait le projet Gundam. Trowa était un enfoiré, pur et simple. Il était prétentieux, fanfaron, et bien trop bavard pour une mission de cette importance. Et il aimait un peu trop emmerder les techniciens chargés de vérifier la mécanique. En privé Trowa pensait fortement qu'il n'avait été choisi que pour son lien avec celui qui aidait le Doktor S, le scientifique chargé de construire le Gundam, à payer les factures. Et le fait qu'il ne cesse de harceler Nanashi de moqueries et de propositions graveleuses juste parce que celui-ci était plus jeune que lui et ne parlait pas beaucoup ne pesait pas en faveur de son intelligence. Il n'y avait bien que ce crétin de blond pour se mettre à dos une des personnes chargées de s'assurer que son Gundam ne lui exploserait pas au nez dès qu'il serait à l'intérieur. Si l'ex-mercenaire n'avait pas eu un énorme faible pour la beauté destructrice du HeavyArms et une admiration profonde pour son avancement technologique incroyable, il aurait été sérieusement tenté de mettre cette idée en pratique.
Heureusement, il s'était toujours débrouillé pour ne jamais se mettre dans une situation où il aurait été forcé de tuer ce crétin.
… mais il était mort quand même, non…? Si, Nanashi se rappelait de sa mort, le garçon avait été enfoncé jusqu'au coude dans le moteur du mollet de HeavyArms quand il avait entendu des éclats de voix dans le hangar. Trowa avait découvert que Doktor S avait changé d'avis sur l'Opération Meteor… ou plutôt qu'il n'avait jamais eu l'intention d'envoyer les Gundams ravager la Terre comme Dekim Barton avait voulu. Trowa Barton les avait accusés, lui et son assistant, de trahir son oncle… Il avait essayé de prévenir son oncle… Et l'assistant de S l'avait tué d'une balle de revolver entre les deux yeux. Quand ils s'étaient rendus compte que Nanashi avait été témoin de toute la scène, ils avaient voulu le faire taire aussi, mais, réalisant que la merveilleuse machine était à présent libre, il avait sauté sur l'occasion de se proposer comme pilote. Il se fichait bien de vivre ou de mourir… Mais piloter le Gundam rouge et blanc, voilà qui méritait de rester en vie un peu plus longtemps. Et si, ce faisant, il pouvait combattre…
… Il ne comprenait plus . Alors, c'était fini? Ce n'était pas… il n'était plus avec les mercenaires? Non, il se rappelait d'un corps plus grand maintenant. Et cette voix, qui… qui?
-C'est moi, Trowa, c'est moi, Cathy… tu te souviens de moi, non?
-Grande sœur… ? demanda-t-il, se forçant à entrouvrir les paupières.
Tout était flou, tout tournait autour de lui, il voyait comme à travers du brouillard blanc. Trop de lumière, ses yeux en étaient déchirés. Il en pleurait tant ça faisait mal. Mais au milieu du halo blanc, un visage se dessinait, des yeux gris-bleu-violet, amicaux, inquiets, et une cascade de boucles auburn.
-Cathy…
Il tendit une main, essayant de la soulever. Elle était lourde et retomba, mais la jeune femme la saisit avant qu'elle ne heurte le matelas et l'entoura des siennes, chaudes, rassurantes.
-Je suis là, petit frère, je suis là… murmura la jeune femme, essayant d'avaler la boule qu'elle avait dans la gorge.
-Cathy… répéta-t-il, les mots de remerciement qu'il aurait voulu dire s'étouffant dans un sanglot.
Il lui fit un pauvre petit sourire, ses yeux à demis clos collés par les larmes de souffrances, et elle caressa son visage, lentement, tendrement.
Pour la première fois depuis un long moment, il n'eut pas peur de se laisser glisser dans le sommeil.
* * * * * * * * *
-"…nombreuses rébellions dans les Colonies, contestant la présence militaire renforcée de membres de l'organisation de OZ. Selon de nombreux porte-parole, très peu de changements ont été effectués depuis l'époque où l'Alliance avait le contrôle, contrairement à ce qui avait été annoncé. Les revendications des rebelles sont très diversifiées, mais ils demandent tous que OZ accepte enfin d'exaucer les promesses qu'il donna auparavant aux colonistes en échange de leur aide dans la lutte contre l'Alliance. De nombreuses requêtes ont été adressées au chef des armées de OZ, le général Treize Kushrenada, malheureusement depuis deux semaines non disponible. D'après notre expert militaire, Général Kushrenada n'ayant pas laissé de mot d'ordre sur la manière de traiter la situation, toute nouvelle, dans les colonies, certains problèmes avec de trop zélés subordonnés ont malheureusement eu lieu. Vous avez entendu parler de la manifestation de L2-00745 il y a quelques jours, où un officier a donné l'ordre de tirer sur la foule, faisant deux morts et une quinzaine de blessés graves. Le mécontentement de nombreux colonistes semble croître… "
Heero et Wufei échangèrent un regard.
-Ca ne ressemble pas à Kushrenada de laisser une telle situation se développer, murmura Heero, pensif.
Wufei acquiesça. Pas du tout, en effet. Que lui était-il arrivé de si grave qu'il ne pouvait plus donner de simples directives à ses troupes?
-D'après mes sources, personne ne sait où il est, il a disparu sans laisser d'adresse. Les rumeurs les plus folles abondent de droite et de gauche…
Le chinois haussa les épaules.
-Pas mort en tout cas, on assisterait à une véritable bataille entre ses possibles successeurs. Malade peut-être. Les Dieux savent qu'ils n'iraient certainement pas en parler tout haut de peur de montrer leur faiblesse à qui en profiterait.
-Mmm… Peut-être…
-A ce qu'il paraît, Merquise aussi a disparu de la surface de la Terre.
Le japonais renifla, méprisant.
-Ce type est tellement erratique, je ne vois pas ce que deux semaines d'absence a d'exceptionnel chez lui.
-Certes, c'est vrai, agréa le chinois.
Les informations étaient finies. Heero se leva et alla éteindre la TV, puis les deux asiatiques quittèrent la pièce pour aller rejoindre leur camarades dans le couloir de la chambre où Cathy veillait toujours leur ami.
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BWAHAHAAHAHAA!!! Je suis diabolique.

[Chant de loup] [Chaleurs]