Quatre referma la porte du salon derrière lui le plus doucement qu'il
put pour laisser le chinois se reposer et rejoignint les trois autres pilotes
à la cuisine.
-J'ai fini de l'examiner, annonça-t-il à ses amis qui le regardaient
en silence. Il ne semble pas avoir de traumatisme crânien, ou alors ça
s'est résorbé depuis un bon moment. A part quelques bleus et griffures
qu'il s'est probablement faites en essayant d'échapper à Heero
en se cachant dans ce buisson, il n'a pas de marques. La blessure de sa cuisse,
qui doit dater de sa capture, est juste une cicatrice rose qui ne devrait pas
tarder à disparaître. Elle a été très bien
traitée. Pas de séquelles.
-Il n'a pas été…
-Torturé? Non, apparemment pas. En fait, il est propre et bien nourri…
je pense qu'il a même dû gagner un demi-kilo ou plus. Il devait
bien manger…
Imaginant la réaction que le chinois aurait en se réveillant dans
un corps de sumo, Duo pouffa dans sa main. Wufei était encore plus obsédé
par la maintenance de son corps à son poids et son niveau de musculature
idéal que le pilote de Wing lui-même. Et il y avait fort à
parier qu'il n'avait pas eu tellement le temps de faire ses exercices quand
il était chez OZ, perdant probablement un peu en tonicité et en
souplesse.
-Il va râler… Quand il…
Et puis, il se tut.
-Est-ce qu'il…se souviendra ?
-Il y a de bonnes chances, le rassura Quatre avec un sourire. Je ne suis pas
un spécialiste, mais… Si son amnésie a été causée
par un choc à la tête, c'est que le choc avait formé un
caillot de sang dans le cerveau. Si, comme dit Heero, ses souvenirs commencent
à revenir tous seuls, c'est que le caillot se résorbe de lui-même.
Et il n'avait pas l'air d'avoir subi des dommages permanents, n'est-ce pas Heero?
-Non. Il avait peur, mais il était tout à fait lucide et très
logique. Ses mouvements n'étaient pas handicapés. Il a toujours
ses instincts de méfiance, aussi…
-Il avait peur? répéta Duo en jetant un drôle de regard
au japonais. Chang Wufei?
Heero haussa les épaules et considéra la table, fronçant
les sourcils d'un air pensif.
-Il ne se souvient pas d'avoir été un combattant. C'est comme
s'il n'était rien de plus qu'un écolier normal. A sa place, n'importe
qui aurait peur en voyant une personne armée à sa recherche, dans
cette situation.
-C'est vrai… accorda l'américain en jouant nerveusement avec sa natte.
-Et au pire on peut toujours le montrer à Sally… suggéra Quatre
avec un sourire. Elle le passera au scanner pour vérifier les dommages
internes, comme ça on sera sûrs…
-Elle est où en ce moment? demanda Duo.
La dernière fois qu'il avait vu la jeune femme, elle avait été
perdue au fin fond de la Chine à coordonner les actions des différents
groupes de résistants, mais elle parlait déjà d'aller en
mission ailleurs dès qu'on n'aurait plus besoin d'elle pour faire la
liaison.
-Elle a une couverture de médecin scolaire, répondit Heero. En
Amérique.
-Ouille. On peut pas lui amener tout de suite alors, soupira le garçon
à la natte. C'est un poil trop loin de l'Europe de Sud pour y aller comme
ça…
-Ce n'est pas comme s'il était dans un état instable. On l'emmènera
après que la pleine lune sera passée et qu'on lui aura tout expliqué…
-Tiens, j'y pense, Sally va s'en rendre compte…
-Il aurait bien fallu lui dire de toute façon, répliqua Trowa
en haussant les épaules. Et nous avons besoin d'un médecin au
courant de cette… particularité.
-T'as raison. Bon, alors, on va en faire quoi de Wufei en attendant?
-Je n'en sais pas plus que toi… soupira Quatre en passant la main dans ses cheveux.
-Ce à quoi nous devrions penser d'abord, répondit Heero, c'est
de décider ce qu'on fera de lui ce soir. Je ne sais pas comment il a
fait pour qu'il ne se passe rien hier, ou pour qu'on ne remarque rien, mais
ce soir ce ne sera pas pareil.
-On devrait lui en parler avant… Histoire qu'il ne panique pas et sache à
quoi s'attendre… Non?
-Oui, accorda le japonais.
-Bon, alors qui le fait? demanda innocemment Duo.
Tous les regards se tournèrent sur lui et il se leva à demi, une
main en avant comme pour chasser cette idée de leur tête.
-Non non non non non… Vous rigolez?! Il va pas me croire! Il va me prendre pour
un cinglé!
Les regards ne s'abaissèrent pas. Quatre lui fit un sourire encourageant.
-Allons, Duo, ce sera juste une petite explication… Tu es beaucoup plus doué
que nous avec la rhétorique, je suis sûr que tu trouveras un angle
qui lui permettra de bien comprendre… On est avec toi. Au besoin Heero lui fera
une démonstration… ok?
-Vous m'en devrez une belle, grommela l'américain en croisant les bras
sur sa poitrine.
-Bien sûr, Duo, répondit Quatre d'un ton discrètement soulagé.
* * *
Wufei se réveilla avec un mal de crâne incroyable. Grimaçant,
il porta une main à son front, tâtant par réflexe la cicatrice
entre ses deux yeux. Bon sang, il entendait presque des cloches… Il valait mieux
qu'il appelle un des médecins de Treize, il avait sérieusement
besoin de quelque chose de plus balaise qu'une aspirine.
Il entendit des voix à l'arrière-plan, et se figea, une habitude
ancienne le forçant à rester immobile jusqu'à ce qu'il
ait identifié les présences.
C'étaient des voix jeunes, des voix de garçons. Des voix de personnes
qu'il ne connaissait pas. Et trop juvéniles pour être celles de
soldats. Mais comme elles ne sonnaient pas comme si ils étaient dans
la même pièce que lui, il se résolut à entrouvrir
une paupière. Yep, il était bien seul. Il était allongé
sur un sofa, dans un salon couvert de boiseries avec de grandes portes-fenêtres,
et les persiennes entrouvertes laissaient filtrer des rais de lueur orangée.
On était sans doute en fin d'après-midi. Et il n'était
plus dans la base de Treize, ça c'était pour sûr.
-Bon, alors, on va en faire quoi de Wufei en attendant?
-Je n'en sais pas plus que toi…
Il fronça les sourcils. On parlait de lui… pour être plus précis,
on essayait de décider ce qu'il allait lui arriver.
/comme un animal en cage, sans choix, sans liberté/
-Ce à quoi nous devrions penser d'abord, intervint une voix froide qu'il
reconnut, celle-là, c'est de décider ce qu'on fera de lui ce soir.
Je ne sais pas comment il a fait pour qu'il ne se passe rien hier, ou pour qu'on
ne remarque rien, mais ce soir ce ne sera pas pareil.
Hier? Que s'était-il passé, hier? Sans doute rien, il avait eu
une crise et avait passé la nuit assommé par les drogues. Avec
la dose qu'on avait dû lui injecter, il avait sûrement passé
son temps à ronfler.
Cette voix… C'était le garçon aux yeux bleus, celui à qui
il pensait associé au nom de Wing, même s'il sentait que ce n'était
pas vraiment le sien. Celui qui avait l'air si dangereux /et connaissait
son nom/… Où l'avait-il emmené? Où était Treize?
'mais Treize est un ennemi…'
Il ne comprenait rien à ce qu'ils racontaient, mis à part qu'il
devait lui arriver quelque chose. Mais il savait une chose. Il n'avait pas envie
de rester ici en attendant qu'on le manipule comme une poupée.
Et la porte-fenêtre n'était pas fermée à clef.
/stupide/
Il se demanda quelques secondes s'ils n'avaient pas une bonne raison de lui
faire tellement confiance, mais finit par hausser les épaules. Tant qu'il
n'avait pas de preuves, hein… Tant pis pour eux. Il reviendrait peut-être
quand il se serait fait une meilleure idée de la situation. Pour le moment…
Il se glissa dehors en silence, vaguement surpris quand il eut sous les yeux
le paysage de forêts à perte de vue.
/Courir dans la forêt… Etre libre… /
Il secoua la tête. Plus tard les impulsions étrange. Il se dirigea
vers le garage du plus vite qu'il pouvait en restant silencieux. Une voiture
assez banale était garée à côté d'un 4x4 et
d'une limousine noire. Que choisir… Il se demanda vaguement comment il savait
qu'il savait conduire; après tout il n'avait pas encore seize ans. Mais
même s'il n'avait pas de souvenirs précis à ce sujet, il
savait qu'il avait appris à conduire, comme il savait qu'il savait lire.
Son regard tomba sur la bâche qui recouvrait la moto dans un coin, et
sa décision fut comme qui dirait prise pour lui.
* * *
Quand Duo sortit sur la terrasse en trombe, suivi de près par les autres
pilotes, il eut juste le temps de voir l'arrière de la moto qui disparaissait
entre les buissons entourant la piste, dans un rugissement enthousiaste de moteurs.
-FUCK!!!
-Quoi?
-Il a pris sa bécane… Goddamn shit!
Quatre cligna des yeux sous la violence du ton autant que le vocabulaire de
son ami. En général il était bien assez bilingue pour pouvoir
jurer dans la langue qu'ils parlaient. Il ne se mettait à jurer dans
sa langue natale que quand il était très en colère…
Sans se concerter, les quatre garçons sautèrent dans le 4x4, Trowa
au volant, les trois autres sur la plate-forme arrière. La voiture démarra
au quart de tour sur la piste dans les bois, à la poursuite de la moto.
L'air passait autour des trois garçons à l'arrière en rugissant,
rejetant la natte de Duo en arrière, soulevant les habits de Quatre et
le t-shirt de Heero.
Celui-ci s'appuya à la barre entre les sièges avant et la plate-forme
et se dressa de toute sa hauteur, nez au vent, tentant de saisir l'odeur flottante
d'une moto passée en trombe. Ses sens devenaient encore plus aiguisés
qu'avant, et il avait conscience que ce n'était pas juste parce qu'en
ayant besoin, il les forçait à se concentrer. C'était la
pleine lune après tout, le deuxième soir. Et la nuit approchait
à grands pas. Il sentait le Loup juste sous la surface, qui poussait
du museau, empressé de sortir au grand jour…
Quand à Quatre, assis sur le sol contre la porte arrière, il était
dans un état encore plus avancé. Il était déjà
couvert d'une fine fourrure dorée tachetée, ses iris avaient envahi
le blanc de son œil, rendant son regard d'un bleu-vert absolu et totalement
inhumain, et il arrachait allègrement tous ses vêtements, trouvant
insupportable d'être emprisonné dans de la toile. Un sursaut de
pudeur le fit toutefois garder le pantalon.
-A gauche, Trowa! lâcha-t-il en repérant les traces dans la terre
à un embranchement.
Ils s'agrippèrent comme le mercenaire virait au quart de tour. L'élan
déséquilibra Duo qui donna de l'épaule dans la hanche du
japonais toujours debout. Heero posa une main sur son épaule pour le
stabiliser, l'aidant à se dresser à côté de lui.
-Pourquoi il a filé comme ça, bon sang? pesta l'américain
en prenant place à côté de son camarade.
Heero haussa les épaules, nez au vent.
-Il ne sait pas qui nous sommes. Il n'a pas confiance.
Duo baissa les yeux, découragé.
-Je sais, mais…
La route était tout en lacets et en épingles à cheveux
et Trowa roulait à tombeau ouvert pour rattraper la Kawasaki. Heero ne
pouvait pas lâcher la barre à laquelle il s'agrippait. Mais le
ton de son compagnon de meute était si déprimé… L'animal
dépourvu d'inhibitions en lui maintenant plus proche de la surface, il
se contenta de frotter sa mâchoire contre l'épaule du garçon
à la natte, sans embarras aucun.
Instinctivement, Duo tourna le visage vers l'autre, et inspira brutalement,
surpris, quand il se rendit compte que les cheveux de Heero chatouillaient le
bout de son nez. Troublé, il resta totalement immobile l'espace d'un
battement de cœur, puis son corps se rapprocha imperceptiblement de celui de
l'autre, ses lèvres caressant les mèches emmêlées
du garçon. Heero releva la tête en sentant le contact, et leurs
visages se retrouvèrent à quelques centimètres l'un de
l'autre. Surpris tous les deux, ils se dévisagèrent, les yeux
imperceptiblement écarquillés.
-Aie!
La voiture venait de rebondir violemment sur un nid-de-poule, et ils s'étaient
cogné le front. Perdant l'équilibre, Heero raccrocha en catastrophe
sa deuxième main à la barre … se rendant compte quelques secondes
plus tard qu'il avait dû passer son bras autour de la taille de son ami.
Mais Duo ne s'en rendit pas compte, trop occupé à frotter sa bosse
en jurant comme un charretier pour ça.
Ils sursautèrent tous les deux en entendant un petit rire étouffé
venant de derrière eux. Quatre avait la main sur la bouche et s'efforçait
de ne pas éclater de rire, mais ses gloussements montaient quand même,
incontrôlables.
-Vous êtes mignons, tiens! lança-t-il avec un immense sourire.
Duo rougit légèrement, mais ne put empêcher un petit sourire
de venir jouer sur ses lèvres.
-Blebleble, répliqua-t-il en tirant la langue au guépard.
Amusé, Heero lui fit un microscopique clin d'œil et frotta sa mâchoire
contre la sienne avant de reprendre sa pose de vigie, comme s'il ne s'était
rien passé.
Duo vira à l'écarlate, puis, après quelques secondes, se
laissa aller en arrière jusqu'à s'appuyer légèrement
sur le torse de son camarade et se détendit graduellement.
* * * * * *
Vitesse, le vent en face, la puissance de la machine entre les jambes, et toute
la route devant soi… Il avait déjà vécu ça.
Et visiblement il aimait toujours autant.
Wufei était en plein dans un tournant, et il se retenait à peine
de crier sa joie et l'enivrement de la vitesse, quand une vague d'un étrange
malaise lui fit tourner la tête. La moto fit une embardée, et il
la redressa de justesse. Il grinça des dents sous la douleur intense
et inattendue, espérant que la crise passe vite.
Des images, des sons, des voix, des sentiments se pressaient dans sa tête,
tournaient et frappaient aux bords de sa conscience, luttant pour sortir au
grand jour, le rendant presque inconscient de tout ce qui se passait à
l'extérieur du petit monde de son crâne. Absorbé, il essaya
de repousser les souvenirs, de les refouler tout au fond. Il allait trop vite
pour se permettre d'être distrait. Il allait …
… se planter…
Il n'avait pas fermé les yeux plus d'une seconde… mais quand il les rouvrit,
il était immobile, si immobile qu'il en eut la nausée. Il roula
sur le côté, vomit de la bile en longs spasmes douloureux, sa gorge
sèche … et après quelques instants de douleur si forte que le
monde semblait en devenir noir, réussit à repousser l'évanouissement
et reprit suffisamment conscience pour se rendre compte qu'il n'était
plus sur la moto. Il était allongé sur le dos dans l'herbe, sur
le bas-côté, et regardait le ciel qui s'assombrissait. Pendant
quelques minutes, ou quelques heures, il resta là, les bras en croix,
sans penser à rien, laissant la douleur couler de lui comme de l'eau
hors d'une vasque brisée, se contentant juste d'apprécier la fraîcheur
de l'air et de l'herbe sur sa peau fiévreuse, d'admirer le ciel qui s'assombrissait,
passant par des roses qui devenaient mauves et violets. Il avait l'impression
de flotter, détaché de la terre, détaché de son
corps, comme s'il avait été drogué. Il était bien.
Un arrière-goût de fumée chatouillait ses narines, et de
quelque chose qu'il n'identifia pas comme de l'huile de moteur. Mais ce n'était
pas assez près pour le concerner.
Au début, il ne prêta même pas attention aux bruits de moteur
qui ralentissait pour accélérer à nouveau que faisaient
les voitures freinant pour observer l'accident. Il écoutait les oiseaux
qui pépiaient, se pelotonnaient dans leurs nids pour la nuit, les petites
bêtes qui se faufilaient dans les buissons juste à quelques mètres
de lui, tous ces petits bruits de la nature. Mais quand, quelques dix minutes
plus tard, un autre véhicule stoppa juste au bord de la route où
il se reposait, dérangeant les animaux et brisant la paix des bois, il
fut bien forcé de prêter attention. Des cris, des pas qui s'approchaient.
Il gronda à voix basse, se relevant sur un coude, et jeta un regard furibond
aux imbéciles qui osaient venir le déranger, alors que pour une
fois depuis si longtemps, il s'était senti en paix.
-Bon sang, et pourquoi on a besoin d'examiner la place, tu peux me dire?
-Parce que ça fait partie de notre accord avec la police locale, soupira
un autre homme d'une voix impliquant qu'il avait déjà répété
plusieurs fois. Elle avait besoin de renforcements, on avait besoin de plus
d'influence, pas compliqué…
Trois soldats en tenue étaient en train d'examiner quelque chose… les
restes de ce qui avait été sa moto, à quelques dizaines
de mètres
'j'ai volé sur tout ça? wow… quelle chance de ne m'être
pas fait mal…'
et jacassaient avec animation devant les bouts de métal ruinés.
Deux autres faisaient le tour des environs du regard, cherchant il ne savait
quoi. Ils se retournèrent tous en voyant bouger dans l'ombre des buissons,
sortant leurs revolvers.
Ils étaient dans son espace vital, s'approchaient de lui comme s'ils
le traquaient… Wufei gronda, menaçant, les avertissant de rester à
distance.
Les hommes firent une pause, surpris. Puis l'un d'entre eux alluma une lampe
torche, l'éclairant en plein dans la figure, lui donnant l'impression
de recevoir des éclats de verre à travers les yeux, jusque dans
son cerveau. Son grondement devint rugissement. Il se redressa sur les deux
mains, leur faisant face, restant ramassé à quatre pattes, près
de la terre. Il se sentait fort, et agressif, et prêt à combattre,
si ils le voulaient. Ils n'étaient rien d'autre que des proies.
-Oh mec, des rayures… entendit-il un des hommes murmurer.
Sa tête ne lui faisait plus mal comme avant… cette fois, c'était
bien pire, plus rien à voir. Son crâne donnait l'impression de
se compresser vers l'intérieur. Il avait mal de partout, des impulsions
de souffrance violentes, jusque dans la moelle de ses os. Ses muscles qui l'élançaient,
comme s'ils se déchiraient lentement sous une tension qu'il sentait monter,
monter… Et sa douleur donnait naissance à une rage folle, un besoin de
dissiper son mal en l'infligeant à d'autres.
Sa vision se brouilla brièvement, devint presque noire –puis s'éclaircit,
encore plus qu'avant, comme si c'était le crépuscule encore et
non plus déjà presque la nuit.
-Oh mec, entendit-il encore une fois –mais les mots avaient perdu tout leur
sens.
Les intrus faisaient des bruits, criaient, mais il ne comprenait qu'une chose.
Il ne voulait pas d'eux sur son territoire.
* * *
Quand le 4x4 stoppa en face du van militaire abandonné, et que Heero,
Trowa et Duo en sautèrent, arme au poing, ils ne trouvèrent que
les débris toujours fumants de la moto de Wufei… et trois cadavres déchiquetés.
Une fois assuré qu'il n'y avait personne, Quatre sortit à son
tour, sa main crispée sur son cœur. Il avait préféré
ne pas prendre d'arme du tout, son esprit trop proche de l'animal en lui pour
qu'il se montre vraiment utile avec en cas de combat. Sa queue balançait
en grands arcs derrière lui, comme un chat mal à l'aise. Il avait
tellement envie de changer… Il dévisagea Heero, qui avait visiblement
le même problème, si on en jugeait par les canines hypertrophiées
pointant sous le rictus qui lui crispait le visage de temps en temps, quand
l'envie devenait trop forte.
Le brun était en train de renifler la scène, yeux à demi
clos.
-Il n'a pas été touché. Je ne sens pas son sang.
Duo soupira de soulagement.
-Regardez ça, lâcha l'américain en soulevant du sol les
restes déchirés et salis de terre d'un pantalon blanc.
-C'est celui de Wufei, assura Heero après l'avoir humé. Il a changé.
-Changé… Changé? demanda Duo en faisant de grands gestes avec
la main qui ne tenait pas le vêtement irréparablement déchiré.
Heero renifla, moqueur, puis leva un doigt pour désigner la lune, qui
commençait à éclairer les nuages à l'horizon. Ses
yeux brillaient bizarrement sous la lampe torche de Trowa, comme s'ils réfléchissaient
la lumière. Ils avaient des reflets rouges.
-Oh. Bon bah au moins on sait qu'il s'en est bien tiré, pas comme Quatre…
Et? Tu peux savoir ce qu'il est?
Le pilote japonais secoua négativement la tête.
-Non. Pas un loup en tout cas. Ni un guépard.
-Génial… soupira l'américain. J'adore les surprises.
-Il est parti à la poursuite de deux autres soldats. J'y vais.
Duo se trouva soudain avec le flingue de Heero mis de force dans sa main.
-Mais… balbutia-t-il, ne comprenant pas.
L'arme du japonais était extrêmement importante pour lui, presque
comme une part de son corps, quelque chose dont il ne se passait jamais, même
à l'école, même en dormant. Qu'il le lui tende… Pourquoi?
Il tourna vivement les yeux en constatant que le garçon venait de faire
sauter le t-shirt et le holster en dessous, et se penchait en avant pour enlever
ses chaussures et chaussettes. Heero en fit une boule, jeta dessus le short
qu'il portait, fourra le tout dans les bras de son camarade natté, et
se dirigea vers la forêt d'un pas presque dansant tant il était
énergique.
Duo détourna avec effort les yeux de son postérieur musclé
s'éloignant dans l'obscurité, surmonté par une ligne de
fourrure s'allongeant déjà dans le début d'une queue qui
ne faisait qu'accentuer sa descente de reins.
-Rentrez, vous ne pouvez rien faire, lâcha Heero en se retournant juste
avant d'entrer dans les bois. Demain, rendez-vous sur la terrasse aux premières
lueurs de l'aube. On se concertera pour mener une recherche. Quatre?
-J'arrive, feula le garçon, ronronnant de plaisir de pouvoir enfin laisser
aller le fauve.
La transformation faisait mal, mais il serra les dents et se laissa emporter
sans produire un son, s'accrochant au souvenir de la liberté, de la force
qu'il obtenait ensuite. Cette fois, c'était un peu moins douloureux que
ce dont il se souvenait… et beaucoup plus rapide. Il espéra que plus
il s'habituerait et moins ce serait douloureux. Peut-être qu'un jour il
en sentirait plus rien du tout? Ce serait bien…
Le petit blond s'étira de tout son corps, surpris de sentir la manière
dont les muscles répondaient, roulant sur sa peau, pleins d'une puissance
à peine réprimée. C'était une sensation très
grisante. Il se sentait de bien meilleure humeur que la veille à la même
heure. Il n'avait plus aussi peur, et la nervosité due à la méfiance
avait presque entièrement disparu. Au contraire, il se sentait gai, enjoué
presque.
Le guépard et le loup reniflèrent brièvement le museau
de l'autre, refaisant connaissance avec l'odeur de leur compagnon, puis disparurent
dans les bois, Heero nez au sol, traquant la bête que Wufei était
devenu avec persistance, Quatre folâtrant comme un chaton fou à
côté de lui. Enivré de la manière dont son corps
lui répondait, le guépard sautait sur la plus petite feuille voletante
devant lui, lui donnant des coups de pattes et la secouant avant de s'en trouver
une autre plus intéressante, bondissait comme un lapin dans un champ
d'herbes… Heero le surprit même une fois à courir après
sa propre queue. Il renifla, amusé et un peu surpris de ces actions dont
il ne comprenait pas vraiment la raison, et continua à essayer de traquer
Wufei.
Ils cherchèrent pendant une demi-heure avant de tomber sur un autre cadavre,
déchiré à coups de griffes fortes et larges sur toute la
longueur de son dos et de son ventre ouvert, répandant ses entrailles.
Quatre poussa un petit miaulement, un peu dégoûté par l'apparence
du cadavre, mais son côté animal lui empêcha d'avoir pitié.
C'était une proie, il avait succombé à un prédateur,
voilà tout. Normal. Même s'il trouvait tellement étrange
que cette proie n'ait pas été mangée. C'était du
pur gaspillage. Si la proie n'avait pas porté l'odeur d'un autre fauve,
hein…
'Ca serait du cannibalisme!!!' protesta une petite voix, mais il renifla
de mépris et n'écouta pas. Du cannibalisme? Il n'était
pas un deux-pattes, lui!! Et puis, c'était juste de la viande, hein…
Heero le bouscula légèrement de l'épaule et montra un peu
les dents quand Quatre regarda passer une petite bête comme s'il voulait
foncer dessus, et, contrit, l'arabe essaya de juguler son côté
animal. Mais ce n'était pas facile, il y avait tellement d'odeurs, tellement
de présences à découvrir…
/il ne peut pas se calmer un peu? toutes les proies nous entendent venir à
cent mètres… Wufei va s'enfuir/
Quatre aplatit les oreilles en arrière et prit une mine contrite. Oups,
Heero n'avait pas l'air patient… Mais il avait raison, il allait alerter Wufei,
et il n'était pas sûr que celui-ci les reconnaisse… Peut-être
même à cause de son amnésie, était-il totalement
parti dans son côté animal, et ne se rappelait-il même plus
suffisamment de ce qu'il avait été étant humain pour maîtriser
la bête en lui.
Le guépard essaya de se maîtriser et d'adapter la démarche
la plus silencieuse qu'il pouvait. Il tenta de flairer la piste de Wufei, lui
aussi, mais il n'avait pas autant d'odorat que le loup. Au final, il se contenta
de suivre son camarade, jetant un dernier regard plein de regrets à une
musaraigne qui s'enfuyait.
* * *
Le fauve était en train de traîner sa dernière proie à
l'abri d'un buisson, quand il capta dans le vent l'odeur de deux autres prédateurs.
Il découvrit les crocs jusqu'aux gencives dans un grognement silencieux,
furieux qu'on ose pénétrer sur ses terrains de chasse.
Mais ils étaient deux et il n'était qu'un… Et pour se battre,
s'il devait en arriver là, cet endroit n'était pas idéal.
Il abandonna la proie qu'il traînait et sauta avec grâce par dessus
un buisson, avant de se couler entre les arbres, silencieux comme une ombre.
* * *
Quatre frissonna et hérissa son poil pour gagner un peu de chaleur, mais
il avait la fourrure si rase que ça ne faisait pas une grosse différence.
Eternuant, il envia tristement l'épaisse fourrure du loup. Il n'était
pas fait pour des climats si humides.
/ah, k'so!!!/
Quatre sursauta à l'agacement perceptible chez Heero et aplatit les oreilles
en arrière. Il miaula faiblement, le questionnant. Avait-il alerté
Wufei en éternuant?
Heero désigna l'avant du museau, grognant comme un ours ronchon.
Ils étaient devant une rivière. Wufei avait dû l'utiliser
pour couper sa piste. Mais était-il remonté en amont, s'était-il
laissé flotter en aval, avait-il posé pied sur la même rive
ou sur celle d'en face? Pour le savoir, pas le choix…
Quatre miaula d'un air dégoûté. Traverser de l'eau…
Berk.
* * * * * *
C'était déjà pratiquement l'aurore, quand après
des tours et des détours à n'en plus finir, Heero réussit
à retrouver la trace de Wufei. Ses pattes étaient endolories à
cause des champs de cailloux que l'autre leur avait fait traverser, sa fourrure
était pleine d'épines, de branchettes, et de feuilles mortes,
et pour tout dire il commençait à en avoir plein le dos de traquer
cet abruti.
Mais il était trop bon à couper sa piste; si Heero le laissait
prendre de l'avance, il ne le retrouverait probablement jamais.
Quatre en avait eu assez au milieu de la nuit environ, et il était retourné
à la maison tout seul. Ses longues pattes étaient faites pour
galoper sur des étendues plates, pas se glisser entre des buissons et
des terrains rocheux. Et il n'avait pas eu envie du tout de se retrouver encore
une fois avec une épine entre les coussinets, merci bien! C'était
quelque chose de réellement désagréable. Alors, deux fois
de suite… Il s'était assuré que Heero comprenait ce qu'il allait
faire, et n'était pas dérangé par le fait de continuer
la chasse seul, puis l'avait laissé, sachant très bien que de
toute façon, tant qu'ils étaient animaux, le mieux à faire
avec Wufei était de le laisser courir pour se calmer, tout en s'assurant
de ne pas perdre sa trace pour le ramener au matin. Et l'animal qu'il était
se sentirait probablement moins dérangé par un autre fauve que
par deux.
Même si le guépard n'était pas réellement une menace…
Quatre savait instinctivement que ses griffes usée et non rétractiles
ne serviraient pas à grand chose dans un combat. Son atout majeur était
sa vitesse, mais dans la forêt, il ne pouvait pas vraiment en gagner.
* * *
L'aube était sur le point de se lever quand le grand loup brun s'arrêta
enfin à l'orée d'une petite clairière, silencieux comme
une ombre. Les buissons touffus dissimulaient bien la place, le ruisseau encaissé
coulait juste au bas de la petite pente, procurant un chemin d'évasion
peu remarquable de loin, et les ronces pouvaient décourager d'éventuels
intrus… c'était une bonne cachette. L'herbe était haute, visiblement
confortable… mais ce n'était pas dans l'herbe qu'avait choisi de s'allonger
la bête.
Dans le sable brun clair du bord de l'eau, une de ses pattes avant traînant
dans le liquide froid, son museau sur l'autre patte, un tigre aux yeux fermés
s'étalait, somnolant, le contraste avec le sable et les premiers rayons
du soleil levant faisant ressortir le chaud reflet doré de sa couleur.
Les lignes marquant son pelage étaient fines, soulignant ses formes souples,
et d'un noir si sombres qu'elles en semblaient bleutées. La bête
avait un corps long et bien découplé, même si la longueur
de ses pattes indiquait qu'elle n'était pas encore sortie de l'adolescence.
Et le loup-garou pouvait voir qu'elle était visiblement plus lourde que
lui, et peut-être plus haute au garrot.
Un adversaire redoutable, s'il choisissait de l'affronter… mais il n'en avait
pas le moins du monde envie. Il ne pouvait qu'espérer que si le sentiment
n'était pas mutuel, il s'en rende compte avant que le tigre soit trop
près pour qu'il s'enfuie.
Le loup observa pendant quelques longues minutes en silence, totalement immobile.
Le tigre ne bougeait pas, mis à part quelques brefs tressaillements de
ses moustaches de temps en temps. Il avait l'air d'être profondément
endormi.
S'asseyant sur son arrière-train, Heero se demanda comment la transformation
inverse allait se passer. Wufei serait-il désorienté? Quel effet
cela allait-il avoir sur sa mémoire?
Sans qu'il ait trahi sa position, le tigre releva soudain la tête et ouvrit
ses yeux, regardant tout droit de son côté, comme s'il avait su
précisément où il était depuis le début.
Le loup ne bougea pas, le tigre ne bougea pas non plus. Ils restèrent
à se fixer dans les yeux pendant de longs moments par-dessus l'étendue
de la clairière.
Les yeux de Wufei étaient d'un noir abyssal dans l'écrin de sa
fourrure, et les rayures noires tout autour agissaient dessus comme du mascara
l'aurait fait, les agrandissant. Deux traits partant en diagonale du coin intérieur
de ses yeux donnaient l'impression de sourcils perpétuellement froncés.
Une ligne de poils plus clairs à peine discernable croisait en travers
entre ses yeux et sur son museau, suivant la cicatrice de la blessure qui l'avait
contaminé.
Un oiseau s'envola en pépiant, déclenchant l'éveil de la
population de ce coin des bois et les faisant cligner des yeux, brisant le contact.
Wufei étira ses pattes, dégainant ses griffes, et bâilla,
dévoilant des crocs d'une blancheur étincelante tout aussi remarquables
que ceux de Heero lui-même. Puis, s'étirant comme un chat, d'abord
l'arrière-train, puis l'avant, il se leva et avança nonchalamment
vers le loup qui le regardait. Heero resta immobile. L'autre ne montrait pas
de signes d'agressivité particulière, juste de méfiance
dans la manière dont il le regardait.
Il s'assit au milieu de la clairière, en face du loup, et ils restèrent
là à se regarder. Le tigre semblait confus, sa queue allant et
venant, preuve de son malaise. Heero se contenta de rester le plus figé
qu'il le pouvait.
Lentement, très lentement, Heero s'allongea au sol, dans la position
du sphinx, et attendit encore. Le tigre se ramassa en boule, sans le quitter
des yeux, visiblement extrêmement désorienté.
* * *
/yeux bleus de glace, bleus comme l’espace, profonds et froids/
Comme… Le garçon. Wing. Celui qui l’avait traqué dans les jardins
de roses.
Mais ça n'était pas possible.
Wing était un /deux-pattes/ ’un humain’, pas un prédateur
à quatre pattes comme lui… ‘mais je ne suis pas un quatre-pattes non
plus…si ?’
Le tigre secoua la tête, confus, assailli par toutes sortes d’images sans
aucun sens. Des humains avec qui il… chassait ? tuait ? aux côtés
de qui il se battait /mais les humains sont proies/, avec qui il parlait…
‘comment puis-je les comprendre ? Je ne me souviens pas, pourtant je sais
que c’est important…’
'Stupide, ce loup ne peut être le deux-pattes, ce n'est pas logique…'
Mais il savait que même s'ils n'étaient pas la même personne,
il connaissait quand même cet animal. Il se rappelait confusément
voir sa forme sombre bondir entre des buissons, dans les fourrés, courir
de droite et de gauche, et son rire et celui de ses amis quand par réflexe
il partait derrière un quelconque rongeur…
Wufei cligna des yeux, et secoua la tête, essayant de s'éclaircir
les idées. Et puis il sursauta de tout son corps.
Devant lui soudain, à son ébahissement total, l’odeur de l’autre
se modifiait totalement , passait du fauve à celle d’un deux-pattes
si faible, tout nu. Son corps changeait lentement, sa fourrure disparaissait
pour laisser place à de la peau fragile, brun-rosée. Un moment,
l’homme-bête leva ses yeux sur lui, des yeux bleus si humains au milieu
d’un visage encore à mi-chemin, et il sursauta. Il avait déjà
vu ce visage comme ça, il avait déjà vu ‘Heero’
comme ça, humain féroce muni de crocs, plongeant sur sa gorge…
Il avait été dans le salon avec … Wing ? Heero ? et
un autre, un silencieux avec des yeux si verts, et ils avaient été
en colère, conflit de dominance, et Wing avait attaqué, et …changé…
Le garçon aux yeux verts… son nom ne lui revenait pas … Mais il se souvenait
de lui, vaguement… présence silencieuse dans les ombres, mais toujours
là. Et 'deux autres. je crois.'.
/je suis
‘je suis
/sauvage-libre-fauve-tigre
/tigre
‘qui suis-je? Je me souviens…
Le souvenir quand il était chez Treize. Métal et feu … une
deux-pattes, tombée devant lui, une fille, pas encore une vraie femme
/ma femelle quand même/ tombée dans ses bras, son sang,
sa vie qui s’échappe
‘mes mains sont rouges…’
Rage du combat, vengeance, férocité, plus rien que le froid du
métal pour lui, plus de chaleur, plus de vie… en partant elle a tout
pris.
‘mes mains…’ se dit-il en fixait ses pattes rayées, sachant, sentant,
que ce n’était pas ce qu’il aurait dû voir.
‘Nataku, déesse de la guerre que je mène, armure du plus dur des
métaux
‘Meiran
* * * * * *
Après avoir passé la moitié de la nuit à faire les
cent pas, Trowa et Duo avaient laissé tomber l'idée même
d'aller dormir dans leurs chambres, et avaient pris résidence sur la
terrasse, enroulés dans les couvertures que l'américain avait
rapportées pour rendre l'attente plus confortable. De temps en temps,
l'un d'entre eux se levait pour aller faire un petit tour le long de la rambarde,
mais l'obscurité ne révélait rien.
L'américain soupira et se laissa aller sur la balancelle à côté
de son camarade, ramenant les couvertures plus étroitement autour de
lui. Il avait le bout du nez presque anesthésié de froid, et ses
pantalons trop étroits ne protégeaient guère ses chevilles.
Frissonnant, il ôta ses bottes et ramena ses pieds sous lui, se blottissant
contre les coussins. Seul un effort conscient le fit se retenir de se blottir
plutôt contre Trowa, mais il n'osa pas, malgré le froid.
Il ne savait pas pourquoi, mais il avait beau avoir le contact très facile,
il ne pouvait pas toucher Trowa aussi aisément que les autres. Heero,
il le faisait pour l'embêter… enfin, au début, il l'avait fait
parce que ça ennuyait l'autre, et ensuite parce qu'il trouvait ça
confortable et qu'il savait que même si il ronchonnait, ça ne le
dérangeait pas vraiment; Quatre adorait les embrassades donc ce n'était
absolument pas un problème; et Wufei… Wufei tempêtait pendant des
heures, mais au final le laissait faire, utilisant le prétexte de faire
plaisir au cinglé américain pour accepter un contact qu'il appréciait
plus qu'il ne voulait l'admettre. Mais Trowa… A chaque fois qu'il le touchait
sans qu'il s'y attende, c'était comme si l'ex-mercenaire devenait de
pierre. Il n'osait rien dire, mais son inconfort était palpable, et bien
plus réel que l'attitude "bas-les-pattes" des deux asiatiques. Duo voulait
partager le bien-être qu'il ressentait, pas le rendre malade de nervosité
refoulée. C'était à se demander comment il avait grandi,
pour être si mal à l'aise par un simple toucher.
Quoique… C'était peut-être juste son caractère. Mais leur
amitié était encore trop neuve et trop superficielle pour qu'il
puisse se permettre de lui poser ce genre de questions.
Il soupira, malheureux. Il avait froid, et il s'inquiétait pour Wufei,
et maintenant voilà qu'il avait le mystère Trowa qui tournait
dans sa tête…
-Ne, Trowa?
-Hm? lâcha l'autre garçon sans se tourner vers lui, ses yeux toujours
fixés vers l'horizon que le lever du soleil rendait rose et or.
Duo jura en pensée. Il n'avait pas voulu parler, mais ça lui avait
échappé malgré lui! Une idée, vite, vite!
-On est les deux derniers non-garous, maintenant… On est en minorité.
Ca fait bizarre, hein?
L'autre garçon hocha la tête, mais n'ajouta rien. Pas possible,
est-ce qu'il avait réellement une langue? Duo se dit qu'il devrait demander
à Quatre d'aller vérifier, un jour… et puis se rappela avec un
pincement de tristesse pour ses deux amis qu'ils ne pouvaient pas. C'était
l'une des premières choses que Heero lui avait dites, dans les premiers
jours, quand Duo avait admis qu'il appréciait le pilote 01. Un seul baiser
le contaminerait.
-Je me demande ce que ça fait, d'être un garou… de pouvoir changer…
D'avoir les sens si ouverts, si puissants… D'avoir l'animal à l'intérieur…
Heero a l'air heureux comme ça. Il est beaucoup plus ouvert. Quatre,
je ne sais pas, je suppose qu'on a pas encore assez vu sa personnalité
post-première transformation pour juger, mais au moins il devrait cesser
d'avoir ces changements d'humeur… Je m'y attendais plus ou moins de la part
de Heero, mais ça m'a toujours fait bizarre de voir p'tit Quat' taper
une crise de nerfs atroce et puis éclater en sanglots parce qu'il a été
méchant avec nous…
-C'est vrai. Il s'est beaucoup tourmenté au sujet des changements dans
sa personnalité.
-Je m'en suis douté, mais il n'a jamais voulu m'en parler. J'espère
qu'il s'est au moins ouvert à toi… ca aurait été trop dur
pour lui, sinon.
Trowa hocha la tête.
-Nous avons…parlé … un peu.
Duo lui sourit.
-Ca me soulage. Si quelqu'un pouvait l'aider, c'était bien toi, Trowa.
Il a toujours eu une énorme confiance en toi, tu sais? Même juste
pour l'écouter, je pense que ça l'a aidé plus que je n'aurais
pu le faire.
Le clown ne répondit pas, baissant les yeux d'un air gêné.
Duo n'insista pas.
-J'espère qu'ils vont réussir à ramener Wufei… soupira-t-il
avant de rabattre sa tête en arrière, considérant pensivement
le baldaquin de tissu au-dessus de la balancelle. Et que ça ne va pas
aggraver son problème de mémoire…
* * * * * *
La transformation prit Heero par surprise, et comme il était très
calme et que son côté humain avait été en contrôle
même dans l’animal, il ne réussit pas à enrayer le changement
avant d’être déjà à mi-chemin… trop tard pour inverser.
Si Wufei décidait d’attaquer maintenant, il était mort. Après
quelques seconds d’indécision, il essaya de hâter son retour dans
un corps humain. Tant qu’il était entre deux formes, sa mobilité
était trop fortement compromise. Il était vulnérable et
il avait horreur de ça.
Le tigre sursauta, et Heero le regarda quelques secondes. La bête semblait
troublée… Lentement, le japonais leva sa main en direction du museau
de la bête, paume en haut, lui permettant de le flairer s'il le désirait.
Mais Wufei était si stupéfait qu'il resta sans réaction.
Et puis lentement, la fourrure rayée commença à diminuer
de taille et les membres à craquer sous le changement. Le soleil levé,
l’influence de la Lune avait pris fin sur leurs formes. Wufei avait été
si immergé dans son côté animal qu’il avait réussi
à tenir plus longtemps, mais apparemment il ne désirait pas assez
fort rester tigre pour ne pas changer de forme automatiquement au bout d'un
moment.
Heero espérait juste que le jeune adolescent qu’il avait récupéré
chez Treize ne crise pas en se retrouvant tout nu au milieu d’un bois avec un
autre mec à poil en face de lui, et des souvenirs trop vivaces d’un drôle
de rêve pour procurer un background à ces égratignures dont
les ronces l’avaient gratifié.
Wufei haleta encore quelques secondes sur le sol, puis releva les yeux sur le
jeune homme accroupi devant lui. Ils se dévisagèrent encore, comme
ils n’avaient cessé de le faire de toute la nuit… et puis le chinois
lâcha un grand soupir, ferma les yeux et se laissa aller sur le sol, son
corps détendu. Après quelques secondes, Heero se laissa aller
à prendre son poignet pour vérifier s’il était encore en
vie. Il dormait, si profondément qu’un tremblement de terre ne l’aurait
sûrement pas réveillé. Le japonais soupira imperceptiblement,
puis le moment de fatigue post-transformation passé, ses muscles ayant
retrouvé leur force, il chargea son camarade en travers de ses épaules
et partit vers la maison. Avec de la chance, et s’il ne s’abîmait pas
les pieds, il serait rentré dans deux à trois heures… à
condition que Wufei ne se réveille pas d’humeur à essayer de filer
encore une fois.
* * * * * *
Quand Quatre arriva en trottinant tranquillement par le chemin de terre, les
deux garçons se sentirent intensément soulagés. Mais ce
soulagement ne dura pas. De tout le temps que prit le guépard pour les
rejoindre sur la terrasse, aucune autre forme quadrupède n'apparut à
sa suite.
-Quatre? Où sont les deux autres?! s'exclama Duo en envoyant balader
sa couverture et en se précipitant vers la rambarde.
Le félin miaula en contournant le coin du mur et grimpa avec lassitude
les marches qui menaient à la terrasse. A peine arrivé, il se
laissa tomber sur son arrière-train et bâilla, dévoilant
ses crocs… et le fait que ses babines et le dessous de sa gorge étaient
souillés de large taches de sang à demi séché, ainsi
que ses pattes avant et sa cage thoracique. Duo eut à peine le temps
de cligner des yeux que Trowa était déjà à genoux
à côté du fauve, ses mains le palpant délicatement
mais avec une certaine urgence pour découvrir la source de toute cette
hémoglobine. Le fauve cligna des yeux surpris, puis miaula, repoussant
d'une patte sur le bras le garçon avant de frotter le haut de son crâne
sur son bras pour le calmer. Puis il lâcha prise sur l'esprit du fauve
et le laissa retourner dans les profondeurs, emportant sa forme avec lui.
Quelques minutes plus tard, Quatre levait des yeux las vers eux, assis fesses
à l'air sur les dalles froides, ses cheveux tout emmêlés,
des petits bouts de sang séché s'émiettant sur le sol.
Il avait la bouche entourée de traînées rouge sombre qui
lui donnaient l'air d'un ange déchu tourné vampire. Il bâilla
encore, s'étirant, puis frissonna. Duo s'empressa de retourner en arrière
pour lui donner la couverture qu'il avait laissée sur le sol. Quand il
se retourna, Trowa était en train de vérifier si le petit blond
n'était pas blessé, avec obstination. Il était si inquiet
pour lui qu'il ne se rendait même pas compte qu'il était en train
de poser ses mains sur un Quatre à poil, rigola l'américain.
-Ca va, Trowa, je ne suis pas blessé… le rassura le petit arabe en saisissant
la couverture que Duo lui tendait et en s'en enveloppant. Ce n'était
pas mon sang.
-Ca vient d'où alors? demanda le jeune homme à la mèche
en chassant de la main une plaque de sang sec sur le menton du garçon.
Un sourire de bonheur absolu transforma complètement le visage du garçon.
-J'ai chassé, Trowa! Il y avait un daim dans un champ, et j'ai réussi
à l'attraper tout seul! Tu te rends compte? Moi tout seul! Il m'a vu
et il a couru vers les bois, et je savais que je le perdrais si je le laissais
aller, et j'ai couru si vite, on aurait dit que je volais! j'avais l'impression
que mes pattes ne touchaient plus le sol tellement j'allais vite… C'est presque
mieux que la première fois où j'ai volé dans Sandrock!
Et je lui suis rentré dedans, wham! C'était un sacré choc,
mais il a réussi à se relever, alors je lui ai sauté à
la gorge. Il a essayé de s'enfuir, mais je n'ai pas lâché,
même si… Bon, il m'a un peu marché dessus, mais je vais bien, Trowa,
je t'assure! C'était tellement bon…
-Tu l'as mangé? demanda Duo, luttant héroïquement contre
son fou rire.
-Pas tout, mais je l'ai caché dans les bois, j'espère que personne
ne me le volera… Si ces fichus renards essayent de me le prendre, j'irai les
extirper de leur terrier et je… enfin, je…
Quatre se rendit compte de l'emportement enfantin avec lequel il avait décrit
les événements, et rougit comme une tomate, relevant la couverture
autour de lui. Il se releva, utilisant la main que Trowa lui tendait, et passa
une main dans ses cheveux.
-Je crois que je vais aller prendre une douche…
-Vaut mieux, ouais… Oh, attends, où est Heero?!
-Il… heu… il trouvait que je me comportais comme un chaton fou, alors il est
parti traquer Wufei tout seul… Je lui ai fait comprendre, il était d'accord.
Il a plus de chances de le retrouver sans moi de toute façon, je n'ai
aucun flair et je n'arrivais pas à rester discret… Il voulait le suivre
à distance jusqu'à ce que la transformation survienne dans l'autre
sens, je suppose que ça doit être en train de se passer maintenant…
On n'a plus qu'à attendre.
-Ok, agréa l'américain, avant que quelque chose ne le frappe.
…attends une minute.
Quatre se retourna et jeta un regard curieux à Duo.
-Oui?
-Tu as dit que tu lui avais dit, qu'il pensait… mais vous étiez des animaux,
non? Alors comment vous avez pu…
Quatre écarquilla les yeux une fraction de seconde. Sur le moment, il
n'avait pas réalisé, mais Duo avait raison… Il avait encore… Encore…
Il jeta un regard affolé à Trowa, ne sachant plus que faire pour
étouffer les soupçons du garçon à la natte.
-C'est vrai… Je vais prendre une douche. A plus tard!
Duo cligna des yeux, surpris. Pourquoi Quatre avait-il paru si gêné
par sa question?
-C'est louche… murmura-t-il.
Trowa se contenta de hausser une épaule et de ramasser sa propre couverture
avant de se diriger vers l'intérieur de la maison. Duo étrécit
les yeux.
-Apparemment tu sais quelque chose que je ne sais pas… Intéressant.
Ca ressemblait trop à un challenge pour qu'il accepte de laisser courir.
* * * * * *
Heero était encore à une demi-heure de marche de la maison quand
il sentit le corps en travers de son dos se tendre légèrement.
Wufei se réveillait, marmonnant des mots inintelligibles. Prudemment,
le japonais déposa son fardeau sur un coin d'herbe dense, le soutenant
en position semi-assise d'un bras, et attendit avec impatience que ses yeux
s'ouvrent.
Les épais cils noirs battirent une ou deux fois avant de se soulever
lentement sur des yeux encore confus. La lumière du matin tombait sur
le visage de Wufei selon un angle curieux, rendant ses prunelles brun doré,
montrant que ses iris n'étaient pas vraiment noirs, juste d'un brun très
sombre.
Heero retint son souffle. Wufei avait l'air si fragile… Nu, sa peau dorée
ciselée par les ombres et la lumière de l'aube, ses longues mèches
d'ébène tombant sur ses épaules et en travers de son visage…
Le japonais croisa mentalement les doigts. Il ne savait pas ce qu'il espérait
au juste, mais il espérait de tout son cœur qu'il ne serait pas forcé
d'assommer le garçon pour le ramener. Pourvu qu'il puisse lui expliquer,
pourvu que l'autre accepte de le suivre…
Le regard du chinois se leva vers la figure de la personne penchée sur
lui, et il plissa les yeux, essayant d'éclaircir sa vision trouble. De
sombres yeux bleu acier le fixaient intensément au travers de mèches
emmêlées.
-Heero? murmura-t-il, incertain.
Le sourire immédiat qu'il reçut en réponse était…
saisissant. Il cligna des yeux, perplexe. Etait-ce bien la personne qu'il croyait?
Il était sûr qu'il ne l'avait jamais vue avec cette expression…
C'était si … déconcertant … Oui, une totale métamorphose.
-Heero?
-Hai, répondit l'autre, ses lèvres retournant à leur place
habituelle…. mais le sourire toujours au fond des yeux.
-Qu'est-ce que…?
-De quoi te rappelles-tu?
Le chinois secoua la tête et baissa brièvement les yeux… et se
rendit compte qu'il était entièrement nu, comme son camarade,
et que celui-ci le soutenait en l'appuyant contre son propre corps.
-Yuy?!? glapit-il en reculant d'un bond. Qu'est ce que je fiche à poil
au milieu d'une forêt seul avec toi?!
Le japonais cligna des yeux, puis pouffa dans sa barbe. Son camarade fronça
les sourcils, encore plus confus. Ce n'était définitivement pas
la réaction qu'il avait anticipée.
-De quoi te rappelles-tu, Wufei? répéta le japonais avec patience.
-Je…
Le chinois essaya de remettre en place les bribes confuses de souvenirs qu'il
avait de la nuit précédente.
Mais ça n'avait aucun sens.
-Je me suis réveillé… dans une maison, que je ne connaissais pas…
et j'ai entendu des voix… j'ai pris une moto pour m'enfuir… Et puis j'ai eu
mal, et j'ai perdu contrôle de la moto, je suis tombé.. et après…
des hommes… Ils me mettaient en rage, j'étais si bien, et ils me dérangeaient,
alors je… je…
Il porta une main à sa tête. Un bout de migraine commençait
à pointer.
-J'ai frappé… ajouta-t-il, en un murmure incertain, mimant inconsciemment
le geste, doigts crispés comme des griffes.
Il s'immobilisa et considéra ses mains en silence, yeux écarquillés,
essayant de les réconcilier avec son souvenir de deux grosses pattes
rayées munies de véritables crocs de boucher, assenant des coups
brutaux et sanglants à des hommes hurlant de terreur.
-Ensuite? l'encouragea doucement la voix grave de son camarade.
-J'ai couru… marmonna-t-il en portant une main à sa tempe, essayant de
comprendre ces flashes où il se glissait entre les branches, chassait
à quatre pattes, se coulait entre les buissons aussi naturellement et
facilement que s'il avait été fait pour ça.
Il leva des yeux emplis d'incompréhension et d'une pointe de terreur
vers son camarade.
-Je n'y comprends plus rien…
-Hé du calme, tout va te revenir bientôt, chuchota Heero en lui
frottant l'épaule d'une manière réconfortante. Pas la peine
de stresser, ce n'est pas si important…
Il lui tapota le dos, et avec un soupir las, Wufei se laissa aller et posa son
front sur l'épaule du japonais, réclamant son soutien en silence.
Heero passa son bras autour de ses épaules et serra brièvement.
-Je n'arrive pas à mettre mes souvenirs dans l'ordre… Et certains sont
juste trop incroyable et… étranges pour que je sache quoi en faire!
-Fais-leur confiance, Wufei… Dis-moi juste ce dont tu te rappelles, ok?
-Je courais dans la forêt… à quatre pattes, et je me souviens d'un
sentiment de force, de souplesse… et j'étais le maître absolu,
rien ne pouvait m'atteindre… Je me sentais si puissant, si sûr de moi…
J'étais le… le…
-Le prédateur en haut de la chaîne? suggéra Heero.
-Exactement! Comment tu…?
-Tu sais comment, Wu… Tu sais comment.
Les yeux du chinois s'agrandirent.
-Le loup… Le loup aux yeux si froids… Et tu… Mais comment? Ce n'est pas possible…
-Tu ne te souviens pas d'avant?
-Avant?
Heero se mordit la lèvre. Il avait été si heureux que l'autre
se souvienne, mais apparemment, Wufei avait encore des trous énormes
dans sa mémoire.
-Je sais ce que tu as ressenti cette nuit… je suis passé par là
moi aussi. Wu… Qu'est-ce que tu sais sur moi? ne réfléchis pas,
dis moi ce qui te passe par la tête.
Le chinois se redressa et se dégagea de l'étreinte de son camarade,
légèrement gêné de s'être laissé aller
maintenant qu'il reprenait contrôle de lui-même.
-D'abord… Tu ne m'appellerais pas Wu. Tu ne m'as jamais appelé comme
ça. Tu … devrais être froid, et distant, pas… Pas me sourire comme
ça, pas me… me toucher comme ça…
-J'ai changé depuis que tu as fait ma connaissance, admit le japonais
avec un petit sourire. Mais j'avoue que le mois où tu as disparu y a
été pour beaucoup. Nous étions si inquiets… Nous ne savions
pas ce qui t'était arrivé, ni même si tu étais toujours
vivant…
Wufei secoua la tête. Il avait tellement de mal à admettre que
Heero Yuy avait bien ouvertement admis avoir été très inquiet
à son sujet. Il ne savait pas s'il devait se sentir flatté ou
inquiet.
-Nous?
-Moi et les autres…
-Les autres voix que j'ai entendues? … Je me suis rappelé un peu, tout
à l'heure, mais je ne suis pas sûr… Il y avait… le silencieux,
il a des yeux… verts, non? et … et quelqu'un d'autre… mais tout ce que j'ai
comme impression, c'est qu'il est gentil… Et … je ne suis pas sûr, mais
quand tu m'as appelé Wu, j'ai pensé que… Ce n'était pas
comme toi de m'appeler comme ça, que c'était plus comme lui… mais
mis à part qu'il existe, je ne me souviens de rien de concret, soupira-t-il.
J'ai des souvenirs des fois, flottants, des phrases, des moments, mais… je ne
peux pas les rattacher les uns aux autres.
-Ca te reviendra quand tu rencontreras les garçons en question, ne t'en
fais pas…
-C'est bizarre… Quand je te regarde, je sais que je te connais. Je sais à
peu près ce que tu vas faire, comment tu es censé réagir…
Je connais les mots que tu emploierais plus volontiers, tes expressions faciales,
tout ça… mais quand j'essaye de me souvenir de la manière dont
j'ai acquis ces informations, tout devient blanc, et je ne suis même plus
sûr de le savoir, peut-être que je suis juste en train de l'imaginer…
-Détends-toi et fais-leur confiance. Ca te reviendra.
Heero se demanda si le garçon se souvenait encore des Gundams et de leur
combat, mais il n'avait pas envie d'ajouter à sa confusion maintenant.
-Allez, tu as le temps. Viens, on rentre.
Il se releva et tendit sa main à son camarade. Wufei la saisit, rougissant
légèrement quand le fait qu'il était nu se rappela à
son bon souvenir.
Heero ne put s'empêcher de lui lancer un clin d'œil, et manqua se mettre
à rire quand les joues de son ami virèrent au rose vif. Lui tournant
le dos, il se remit à ouvrir le chemin. Après quelques secondes
d'hésitation, Chang le suivit.
-J'espère juste qu'on ne rencontrera aucun randonneur égaré…
marmonna-t-il dans sa barbe.
Le rire de Heero résonna loin sous les arbres.