Aussitôt qu'ils furent à l'abri (et accessoirement que Heero se
fut rhabillé) le jeune homme mortifié essaya de faire passer à
ses lèvres ce qui ressemblait fort à un début d'excuses.
Il était si visiblement mal à l'aise et ne savait si visiblement
pas comment faire que Quatre l'arrêta avec un sourire.
-Heero… Ce n'était pas de ta faute.
-J'aurais dû m'en douter… J'aurais dû prévoir que ça
arriverait…
-Tu ne connais pas encore assez ton Loup pour comprendre immédiatement
les réactions qu'il peut avoir, et…
-Tu lui pardonnes bien facilement, intervint Trowa.
-Je ne t'ai pas entendu proposer une autre cachette, rétorqua Quatre
en fronçant les sourcils. Ce n'était pas une très bonne
cachette, j'en conviens, mais c'était la seule qui était disponible.
Nous n'avions pas le choix. Et il ne s'est rien passé de si grave que
ça. Personne parmi nous n'a été mordu ou même égratigné
que je sache?
-Tu as été enlevé, qui sait ce qu'ils auraient pu te faire?
-Mais Heero est venu me sauver! Quand au traumatisme que je pourrais avoir subi,
je DORMAIS, Trowa. Je n'avais presque pas conscience de ce qui se passait. Alors
non, il n'y a aucune séquelle que je pourrais reprocher à Heero.
-Je ne pense pas qu'ils voulaient lui faire du mal de toute façon, intervint
Yuy à voix basse. Je veux dire, s'ils avaient voulu le tuer, ils l'auraient
égorgé sur place. Je crois… je crois qu'ils voulaient juste agrandir
leur meute.
-Pourquoi ils ont pas essayé de te prendre toi alors? demanda Wufei.
Le garou eut un demi-sourire moqueur.
-Je suis un alpha, voilà pourquoi. Et un seul dans une meute, c'est largement
suffisant.
-Un alpha?
-Un mâle dominant.
-Est-ce que ça veut dire que tu nous considères comme ta meute
alors? demanda Duo d'une voix hésitante.
Il y avait tellement de sous-entendus dans cette question, tant de significations
possibles… Heero hésita avant de hocher sobrement la tête.
-Oh, sourit l'américain. Est-ce que ça veut dire que tu t'attendras
à ce qu'on t'obéisse alors? ajouta-t-il en grimaçant. Je
veux dire, puisque tu te considères le mâle alpha et que tu pourrais
sans doute nous casser en petits bouts d'une main?
-Non, je ne vous demande pas obéissance. C'est… un instinct, Duo. Les
dominés ont l'instinct de s'en remettre à leur chef, de lui obéir.
En échange, le dominant a l'instinct de les protéger. Je… Dorénavant
vous risquerez de me trouver un peu trop…
-Mère poule? rigola le garçon à la natte.
Heero la lui tira. Vigoureusement.
-C'est un peu injuste comme système pour toi non? je veux dire, tu te
sens obligé de nous protéger, et nous on ne se sent pas du tout
obligés de t'obéir…
-Ca n'a rien à voir avec la justice. C'est de l'instinct. Ca vient des
tripes, pas du cerveau. Et il faudra que j'apprenne à le dominer… Alors
n'hésitez pas à faire la remarque si je me laisse dériver,
d'accord?
-Pas de blems, mon pote… Tiens au fait, comment on dit un loup en japonais?
demanda l'américain, sautant du coq à l'âne.
-… Ookami, pourquoi?
-Heerookami, c'est marrant, répliqua Duo avec le sourire.
Heero grogna et se reprocha sa bêtise. Il venait de se gagner un nouveau
surnom… Enfin, Maxwell l'en avait affublé de pires. En comparaison, celui-ci
était presque… Presque acceptable.
Les quatre autres pilotes continuèrent à parler longuement du
sujet de ses instincts, questionnant le japonais jusque tard dans la nuit.
Le lendemain ils avaient prévu de prévenir le docteur J des petits
problèmes que traversait son protégé. Comme Heero disait,
il ne pouvait pas être à son maximum d'efficacité maintenant
que ses paramètres de fonctionnement avaient changé.
Comme Duo disait, y allait falloir leur faire accepter la raison pour laquelle
01 serait indisponible et de mauvais poil pendant une période de trois
soirs par mois. Il en rigolait tout seul, leur racontant les bases d'un manga
de la fin du vingtième siècle qu'il aimait à la folie.
Les autres avaient dû le battre à coups de coussins sur la tête
jusqu'à ce qu'il demande grâce pour lui faire passer l'idée
de faire croire aux professeurs que le pauvre pilote était tombé
dans la source de la Jeune Fille, au nom d'une ancienne fête terrienne
qui avait lieu le premier avril.
* * * * * * * * *
Les professeurs avaient pour une fois réussi à se réunir,
et se trouvaient en ce moment même non loin de la position des pilotes
eux-mêmes. Quand ils reçurent la demande de rencontre par leurs
pilotes, ils ne purent qu'accepter, curieux de savoir pourquoi Heero, d'habitude
si obéissant, refusait d'obéir à l'ordre d'expliquer le
problème par e-mail, comme d'habitude.
Les cinq g-boys s'alignèrent presque inconsciemment devant les Mad Five,
comme les appelait Duo, et échangèrent des regards mal à
l'aise sous le feu de leur regard scrutateur.
-Vous aviez quelque chose à nous dire…? demanda J.
Heero prit une profonde inspiration et s'avança d'un pas vers les professeurs.
-J'ai un problème.
Il avala nerveusement sa salive et dut se retenir de porter la main à
son cou. Il se sentait oppressé, dans ce petit laboratoire aux murs épais
et à la fenêtre masquée derrière un lourd rideau.
-Rapport, lui ordonna J en fronçant les sourcils.
Automatiquement, il se laissa retomber dans les modes de pensée du Soldat,
et commença à faire son rapport, utilisant des phrases courtes,
concises. Il expliqua d'une manière concise tout ce qui s'était
passé depuis cette nuit précise il y avait plus d'un mois à
présent, et tous les tenants et aboutissants de ses répercussions
sur lui.
* * * * * *
-Un… Garou…?
O secoua la tête, incrédule au plus haut point. G le regardait,
yeux écarquillés sous ses cheveux. L'autre tournait et retournait
ses moustaches dans un effort pour rester cool. Heero soupira imperceptiblement
et leva une main devant lui.
-Que…?
Des poils bruns et drus commencèrent à percer sur la peau qui
s'assombrissait lentement. Lentement, puis plus vite, jusqu'à ce qu'ils
ressemblent à ces films qui montrent la croissance des plantes en accéléré.
Quelques secondes après le début de la pousse de la pilosité,
la main du pilote sembla se crisper. Il leur fallut quelques secondes et quelques
craquements reconnaissables pour comprendre que la paume se refermant n'était
pas un acte volontaire. C'étaient juste les os des doigts qui raccourcissaient.
Un grincement de tendons roulant sur des cartilages et des os leur signala la
modification du dos de la main, tandis que la chair semblait devenir plus épaisse
et plus dure, la peau presque tannée, et qu'à la place de l'intérieur
des doigts les coussinets se formaient progressivement. Puis enfin, les griffes
noires jaillirent des doigts courts de la patte qui terminait à présent
le bras du pilote… un bras sur lequel la pilosité gagnait du terrain.
Son coude commença à craquer à son tour et Heero serra
les dents, se mordant les lèvres. Il y avait de la transpiration sur
la lèvre supérieure du pilote quand il réussit enfin à
inverser la transformation et à l'empêcher de se répandre
dans son corps entier.
-Seigneur, entendit-il l'un des scientifiques murmurer. Ce n'est pas possible…
-J'aimerais bien, cingla Heero avant d'avoir eu le temps de tourner sept fois
la langue dans sa bouche.
-Ouais, ajouta Duo pour le soutenir et aider sa petite rébellion à
passer plus inaperçue. Venez courir devant lui un soir de pleine lune
et vous verrez à quel point c'est impossible. Les soldats de la dernière
base ont pas mal apprécié la surprise, je crois. Il a dû
en tuer une quinzaine à coups de dents…
-Armés? demanda le professeur G en clignant des yeux.
-Bien sûr que oui! répondit Duo d'un ton presque insolent. Un détachement
qui lui est tombé dessus… Z'ont pas fait long feu les pauvres. Berk.
Le moins qu'on puisse dire c'est qu'il mange pas proprement.
-Duo…
Le sifflement excédé de son camarade japonais le fit sourire avec
malice.
Mais aussi soudainement qu'il avait semblé prêt à frapper
l'américain pour avoir suggéré qu'il avait des penchants
cannibales, il se désintéressa de lui pour se tourner vers la
porte de la salle, celle qui menait aux couloirs. Ses yeux s'étrécirent
et il sembla se pencher imperceptiblement en avant. Il découvrit inconsciemment
les dents en un geste menaçant.
-Hee…
Le japonais leva la main avec vivacité, coupant la parole à quiconque
aurait pu vouloir lui poser une question. Il se mit à avancer vers la
porte d'un pas léger et entièrement silencieux. Posa la main sur
la poignée, doucement, précautionneusement…
Et tira vivement avant de saisir l'homme qui essayait de récupérer
son équilibre par le col pour le précipiter à terre dans
la petite salle.
L'homme habillé d'une tenue de mécano pesta et poussa une bordée
de jurons. Il essaya de se relever, mais le garou avait saisi son coude et appuya
précisément sur le nerf, lui paralysant tout le bras jusqu'à
l'omoplate.
-Eh bien… sourit Maître O. On écoute aux portes?
-Je m'appuyais seulement pour refaire mon lacet, c'est interdit? s'exclama l'homme
offensé.
Heero gronda, et avant que quiconque ait pu faire un mouvement, il avait relevé
l'homme par le col et l'avait plaqué contre le mur. Il referma la porte
d'un coup de pied et lâcha d'une voix atone:
-Il ment, cela fait plus de dix minutes qu'il était derrière la
porte, lâcha le pilote, sans expression.
-J'ai eu du mal avec mes lacets, et alors? s'exclama l'homme d'un air insolent,
essayant de repousser Heero en utilisant sa taille et son poids supérieurs.
-C'est un espion, affirma le japonais sans plus s'occuper des tentatives d'évasion
de l'homme qu'il immobilisait d'un seul bras.
-Qu'est-ce qui te fait dire ça Heero? Ce nouveau mécanicien a
été chaudement recommandé par des personnes de confiance,
et…
-Je recommande chaudement que vous vérifiiez ces personnes de confiance.
A moins qu'il ne puisse donner une raison valable pour laquelle il est imbibé
de l'odeur spécifique de l'huile de moteur qu'OZ utilise pour ses Ariès.
-Mais.. mais non, je… s'exclama l'homme, soudain terrifié. Tu racontes
n'importe quoi, comment tu pourrais sentir cette odeur sur moi et en plus la
reconnaître, elles se ressemblent toutes!
-Et c'est une odeur qui est incrustée profond, ajouta le jeune homme
sans l'écouter.
Soudain, le captif frappa le plus violemment qu'il put le visage du garçon
de son coude, mettant tout son poids dans le coup pour le faire lâcher.
Heero se contenta de laisser sa tête suivre le mouvement pour amortir
le choc, puis de tourner à nouveau le visage vers lui, ses yeux légèrement
plissés.
-Docteur? Puis-je? demanda le garçon d'un ton apparemment inexpressif
mais où on pouvait entendre quand on le connaissait une anticipation
et un agacement intenses.
-Vas-y, répondit J sans paraître s'intéresser à ce
qui se passait. Il faudra se trouver un autre aide mécano, marmonna-t-il
distraitement à l'adresse de G qui secouait la tête.
-Espèce de… lâche-moi sale petit merdeux!!!
L'espion essaya encore une fois de frapper Heero, mais cette fois sa main n'alla
pas loin. Il n'avait pas fini son geste que son poing était saisi au
vol, et serré, tout doucement, jusqu'à ce qu'il entende et surtout
sente les os se briser un par un. Et les yeux trop bleus du garçon étaient
toujours vrillés au fond des siens.
Il hurla, essaya de frapper encore, comme il le pouvait. Heero le maîtrisa
sans problèmes.
/agacement, colère/
Le soldat essaya de reprendre le dessus, mais il dut lutter pour se souvenir
des préceptes de J.
'rester objectif. Froid comme de la glace. Lisse, rien n'accroche. Pas d'émotions.
Les émotions sont une faiblesse, une craquelure dans le mur de glace'
/la proie ne devrait pas se prendre pour le prédateur… ça ne me
plaît pas/
'je devrais rester plus calme, mais…'
/pas du tout/
-Je te suggère de ne pas chercher à me mentir ou à résister
encore, lui conseilla le pilote à voix basse. Je ne suis pas patient
aujourd'hui.
-Petit connard!!!
/conflit de dominance…? comment peut-il ne pas sentir que je lui suis supérieur…?
stupide, si stupide…/
/il mérite une leçon/
Heero sourit, et son poing s'écrasa contre la joue de l'homme, fracturant
sa pommette. Il passa ses mains sur la joue brisée, fit courir ses ongles
qui s'allongeaient sur la peau déjà ecchymosée.
-On va jouer à un jeu, toi et moi… Tu écoutes?
Son sourire s'agrandit encore, ses crocs se firent saillants. Il sentait des
picotis sur sa nuque, là où les poils durs commençaient
à percer, mais il n'en avait cure. L'odeur de peur qui montait de l'homme
devant lui était si enivrante qu'il avait envie de se mettre à
rire. Très loin, il se demanda vaguement s'il n'était pas en train
de perdre le contrôle, mais après quelques instants de réflexion,
il décida qu'il pouvait avoir les informations nécessaires bien
plus vite en laissant faire le Loup… Et puis, ça le calmerait un peu.
Il valait mieux qu'il lâche un instant le contrôle, à un
endroit et à un moment qu'il avait décidés plutôt
qu'il ne lui échappe totalement quand ce serait réellement emmerdant.
La facilité avec laquelle il justifia son comportement ne l'ennuya pas
longtemps elle non plus.
-Tu écoutes? redemanda-t-il d'une voix rauque et bizarrement sensuelle,
giflant l'homme presque gentiment.
-Tu … Ne me tue pas… supplia l'homme.
-Oh, tu mourras de toute façon, mais je peux faire en sorte que ce soit
avec ou sans souffrances… Ton choix.
Il tremblait de plus en plus fort. Le ton du garçon, de ce qu'il avait
pris pour un simple apprenti sans importance avant qu'il ne le détrompe,
devenait de seconde en seconde plus empli de violence contenue et de joie démente.
Il était complètement schizophrène, ce gosse!!! Il se tourna
vers les scientifiques qui regardaient de loin, vers les autres garçons,
mais aucun ne fit mine de vouloir faire quoi que ce soit.
Heero n'apprécia pas que sa victime refuse de le regarder, et avec un
grondement du fond de la gorge, il le gifla sur l'autre joue. Du sang coula
de trois coupures parallèles.
Les scientifiques regardèrent d'un air légèrement incrédule
les griffes noires et épaisses qui terminaient les mains raccourcies
du pilote.
-Le jeu est très facile… Tu cours, je te poursuis. Tu te laisse rattraper,
je te tue. Simple, non?
L'homme refusa de croiser son regard. Heero planta son poing à côté
de sa tête, laissant une empreinte de phalanges sur le béton.
-Regarde-moi!!
Un gémissement pitoyable échappa à l'espion.
* * *
Les professeurs ne purent s'empêcher de se sentir stupéfaits et
un peu effarés et durent lutter pour ne pas avoir l'air plus que légèrement
impressionnés. L'intensité et la brutalité qu'il y avait
dans la voix et dans les actes du premier pilote étaient vraiment… effarantes.
Ils regardèrent sans rien dire pendant tout le long de l'opération,
prenant des notes sur tout ce que l'espion avouait avoir appris, sur ses contacts,
sur les autres espions qui essayaient ou avaient réussi à infiltrer.
Ils regardèrent sans rien dire quand l'homme, blessé, terrifié,
glissa au sol dans une flaque de sa propre urine.
Ils regardèrent sans rien dire quand Heero s'en détourna, dégoûté
de sa lâcheté.
Ils regardèrent sans rien dire quand l'homme leva une main qui tenait
un couteau vers le dos du pilote qui l'avait interrogé. Plus par surprise
devant la manière dont les yeux de Yuy scintillaient, iris trop grands,
et tout à fait conscient des mouvements derrière lui, que par
refus de l'avertir.
Ils se turent encore quand, d'un seul mouvement dédaigneux, Heero se
retourna sur l'homme, se laissant tomber souplement sur ses talons avant d'effectuer
un mouvement tournant vers le haut, main griffue en avant, lui ouvrant le ventre,
rompant sa paroi abdominale.
Quand ses tripes se déversèrent à terre, sa nuque était
déjà brisée par la force avec laquelle 01 avait bondi à
sa gorge.
Le pilote tomba sur le sol, entraînant le corps avec lui, grondant de
rage, ses dents refermées sur son cou, ses griffes labourant le cadavre
par réflexe. Une ligne de poils sombres se répandant sur le dos
de Heero, s'élargissant, gagnant ses omoplates, et ses os craquaient
dans le silence de la pièce. La couture à l'arrière du
spandex cédait lentement sous la poussée des vertèbres
caudales, et ses griffes crissaient sur le carrelage, creusant leur marque,
marque qui s'emplissait lentement du sang de l'homme.
-Ca suffit, Heero, il est mort, finit par dire J, rompant le silence.
Le garou se contenta de gronder.
* * *
-N'approchez pas! ordonna Trowa de la voix la plus autoritaire qu'il pouvait
montrer sans la hausser.
Ce n'était pas le moment d'énerver encore plus le garou, alors
qu'il oscillait au bord de la transformation. Franchement pas.
-Docteur J, il ne pense pas comme un soldat en ce moment, il pense comme un
loup. Vous avancez vers ce qu'il considère sa proie… il pourrait fort
bien vous attaquer pour la garder.
-Je croyais qu'il pouvait réfléchir humainement même sous
une forme lupine?
-Il PEUT penser en ce moment, mais ses instincts ont tendance à l'empêcher
d'y prêter attention, déclara Quatre d'une voix douce en se plaçant
entre le scientifique et le garçon qui grondait toujours sourdement.
-Comment ça?
-Il sait ce qui se passe, il sait quelles seront les conséquences. C'est
juste qu'en ce moment, il …s'en fiche. Il est en train d'osciller entre deux
modes de pensée complètement différents. Il peut se pousser
à réfléchir d'une manière humaine dans les deux,
mais en ce moment il est instable. Ses instincts prendraient le contrôle
de ses réactions avait qu'il ait eu le temps de se réhabituer
à penser dans un corps animal. Comment dire…
-L'animal est moins fort mais plus rapide, lâcha Trowa. Laissez-lui le
temps.
-Heero, laisse-toi aller, suggéra Duo. Transforme-toi. Le besoin ne disparaîtra
pas tant que tu ne l'auras pas fait et tu le sais, et plus tu résistes,
pire ce sera. T'arriveras jamais à te relaxer assez pour faire baisser
la pression sans ça…
Heero ferma brièvement les yeux, ses grondements moins forts et moins
fermes.
-Non… gronda-t-il à travers ses dents serrées. Vais… vous attaquer…
Peux pas…
-Non, Heero, tu ne vas rien nous faire, souffla Trowa. Tant que nous ne bougeons
pas… Laisse-toi aller… Duo a raison.
Avec un faible cri à mi-chemin entre un gémissement de douleur
et un grondement féroce, Heero commença à arracher ses
shorts et à se débarrasser de ses chaussures. Il était
encore à mi-chemin de déloger la deuxième quand son échine
se courba si brutalement qu'il en tomba au sol, avec un craquement atroce. Il
resta là à se tordre par spasmes, ses épaules secouées
par vagues comme s'il avait la nausée, recroquevillé au maximum.
La transformation vint d'un seul coup, comme une explosion. En quelques secondes
la fourrure le couvrait tout entier, et ses membres se modifiaient. Il poussa
un grognement bas quand ses côtes et ses entrailles changèrent
de forme et de place, puis resta à panteler sur le sol un moment une
fois que tout fut fini.
Les professeurs n'eurent cette fois pas besoin d'une incitation à rester
immobiles. Heero bâillait par réflexe pour étirer ses muscles
endoloris, et ses crocs bancs scintillant de salive saillaient sous ses babines
retroussées.
Les quatre autres pilotes avaient bougé lentement pendant la transformation
pour se placer entre le loup et les anciens, et ils attendirent de voir si Heero
avait repris le contrôle.
Le loup se releva lentement, d'abord l'avant puis l'arrière-train, et
se secoua de tout le corps avant de lever le museau pour renifler l'air. Il
baissa la tête vers le groupe et laissa échapper un grondement
bas pour leur rappeler de se tenir à carreau. Une fois rassuré
qu'ils n'allaient pas bouger, il commença à faire très
lentement et très prudemment le tour de son coin des laboratoires. Il
renifla le cadavre quelques secondes avant de planter solidement ses dents dans
sa nuque et de le traîner sous la table de fer dans le coin le plus éloigné
de la porte.
-Ce n'est pas logique, souffla J. A moins qu'il ait les os creux et pas d'organes
internes, la masse de cet animal est bien deux fois supérieure à
celle de la version humaine de Heero… Où a-t-il trouvé la masse
excédentaire?
Duo haussa les épaules pour montrer qu'il s'en foutait et lui lança
un regard d'avertissement: la voix humaine avait fait faire volte-face au loup
brun dans la seconde, et il les regardait fixement, sans gronder, mais avec
les babines qui frémissaient de l'envie de découvrir les crocs
en dessous. Et l'américain les avait assez vues pour savoir qu'elles
étaient bien trop blanches et trop pointues à son goût.
-Oi, Heero, tu es là? demanda-t-il d'une voix basse et tranquillisante.
Heero…? Réponds-moi, mon pote…
Le garou le regarda, et Duo vit une lueur de reconnaissance y passer. Puis le
loup hocha lentement la tête. Duo se mit à pouffer; c'était
trop drôle de voir un animal employer un geste si humain. Heero gronda,
mais c'était plus comme les grommellements d'agacement qu'il lui jetait
en humain que comme les menaces sanglantes du loup. Précautionneusement,
il se rapprocha du petit groupe, sa posture raide et tendue, mais plus vraiment
menaçante.
Duo lui lança un grand sourire et s'accroupit lentement en face de lui.
Les yeux bleu violets croisèrent les yeux bleu sombre et le loup se tendit,
mais Duo baissa le regard aussitôt et Heerookami se rapprocha, allant
renifler prudemment le visage de son camarade. L'américain entendit les
murmures alarmés des docteurs devant la manière dont il mettait
son visage à portée de crocs, mais il n'écouta pas. Il
savait ce qu'il faisait. Heero ne lui ferait aucun mal; il en était sûr.
Avec un grognement, Heero avança de quelques pas à côté
de Duo en direction de Wufei, Trowa et Quatre, s'assurant qu'ils étaient
ok. En passant, il frôla sans y prendre trop garde Duo de tout le corps,
et sursauta presque quand une main glissa le long de sa fourrure. Mais la sensation
était étrangement réconfortante et finalement, il le laissa
faire. Duo continua à glisser sa main le long de son dos, fourrageant
dans les poils pour grattouiller sa peau avant de les lisser en place. C'était…
calmant, rassurant… Ca lui rappelait cette sensation qu'il avait quand il léchait
sa fourrure, ce drôle de chatouillis, sauf que là c'était
une activité plus sociale, quelque chose qu'il autorisait parce qu'il
avait confiance. Quelque chose d'agréable. Qu'il appréciait. Oui,
il appréciait que Duo le caresse.
Quatre tendit sa main vers le museau et Heero renifla précautionneusement
la paume du garçon avant de l'autoriser d'un clignement des paupières
à passer lui aussi sa main dans sa fourrure. Quatre aussi était
autorisé; Quatre n'était pas une menace. Il était de sa
meute aussi. Comme un /frère de portée. compagnon de chasse./
-En contrôle, Yuy? demanda Wufei en se détendant un peu et en enlevant
la main du manche de son sabre.
Le loup lui jeta un bref coup d'œil avant de tourner la tête vers les
deux pilotes qui caressaient son dos. Il se rendit compte qu'il se laissait
approcher de trop près et s'éloigna à nouveau, toute une
vie d'entraînements le poussant à s'écarter des deux garçons
qui pénétraient son espace vital alors même que le Loup,
lui, se trouvait tout à fait relaxé en leur présence et
appréciait le contact. Il ne pouvait pas se permettre de se relaxer,
pas en présence d'autres personnes. Le soldat en lui savait cela. Et
si le professeur J savait à quel point son entraînement commençait
à prendre des fuites, il allait se retrouver reconditionné vite
fait. Pas sur la liste de ses choses préférées à
faire pour occuper son temps libre.
-Heero?
Le loup leva vivement la tête vers son mentor et le regarda.
-Si tu es pleinement en contrôle maintenant, je crois qu'il serait temps
pour un peu d'examens…
Il s'entendit gronder avant même d'avoir eu conscience de la mauvaise
humeur qu'il sentait monter au fond de lui. Il se tut en plein milieu du son,
essayant de rester en contrôle des émotions trop violentes et trop
inhabituelles que le Loup réveillait. Il secoua la tête, brièvement,
comme s'il pouvait chasser sa mauvaise humeur de cette manière, et avec
un soupir irrité, il avança vers la table d'examens que lui désignait
J.
Le métal de la table d'examens le mit mal à l'aise et il se rendit
compte qu'il s'était arrêté avant de monter dessus. Il baissa
la tête et s'y força, grimpant d'un seul bond et restant là
dans une position raide et peu naturelle. Il avait beau essayer de retrouver
l'objectivité et le stade de non –émotions qu'il connaissait autrefois,
il ne put y arriver. Il n'avait pas envie d'être sur cette table et encore
moins de jouer les cobayes. Il en avait envie de moins en moins, pensait-il
en regardant du coin de l'œil le professeur avancer avec une seringue et un
coton enduit de désinfectant en main.
-D'abord quelques prélèvements… annonça-t-il en cherchant
un endroit entre les poils où il pourrait piquer.
L'odeur âcre et piquante du désinfectant lui fit monter les larmes
aux yeux et il tordit le nez, pour une fois dégoûté de l'acuité
nouvelle de son odorat. Il essaya de relaxer ses muscles tendus comme des câbles
tandis que le docteur nettoyait un coin de peau sous son épaule, conscient
que la tension de ses épaules allait rendre impossible la piqûre.
L'aiguille approcha de lui et la seconde suivante, il était dans le coin
opposé de la pièce, ramassé sur lui-même et prêt
à bondir à la gorge de l'homme, grondant férocement, crocs
découverts jusqu'aux gencives. Il n'avait même pas décidé
consciemment de bouger.
-En voilà assez, Heero! lâcha le docteur excédé.
Remonte là-dessus tout de suite! Tu te comporte comme un enfant de cinq
ans, c'est puéril!
-Vous tenez vraiment à vous faire égorger, remarqua Maxwell avec
un sourire méprisant. C'est le loup qui domine en ce moment, et le loup
a pas envie de se faire faire une piqûre. Si vous énervez le garçon,
il réussira jamais à rester assez calme pour calmer le loup aussi.
C'est le corps du Loup, là, il a plus de facilités à prendre
le contrôle. Vous avez pas la moindre idée de la difficulté
que ça présente pour Heero…
Pendant son petit speech, il s'était approché lentement du japonais,
et se tenait à présent à quelques pas de lui, une main
tendue. Heero poussa un grognement indistinct et l'autorisa à passer
sa main sur son échine.
-Allez, mon vieux, murmura Maxwell d'une voix basse et apaisante, je sais que
t'aimes pas ça, mais plus vite tu te laisseras faire et plus vite ça
sera fini…
Le loup poussa un reniflement qui pouvait se traduire par "sans blague" et se
dirigea de nouveau vers la table. Cette fois, il tenta de ne pas regarder l'aiguille
l'approcher. Mais il ne pouvait s'empêcher de pousser un grognement bas,
presque un geignement d'inconfort.
Duo se plaça en face de lui et se mit à lui caresser le haut du
crâne et le creux derrière les oreilles, et Heero crut qu'il allait
fondre. Seigneur, il comprenait à présent plus que parfaitement
la réaction de ces animaux qui se laissaient tomber comme des masses
quand on les grattait! C'était plus qu'agréable… Il ferma à
demi les yeux et appuya davantage sa tête dans la main qui le cajolait,
demandant plus de pression.
-C'est bon, Heero, se mit soudain à rire l'américain. Tu sais,
ça fait déjà trente secondes que la piqûre est faite…
Wufei se mit à rire discrètement et se tourna vers Trowa pour
chuchoter à son oreille.
-Il a le bout de la queue qui remue… railla-t-il doucement, plus qu'amusé.
Heero poussa un grondement agacé, qui devint plus fort quand Trowa laissa
échapper un petit sourire. Lui aussi se moquait de lui… Il se demanda
si ça valait le coup de se vexer. Il n'avait même pas fait exprès
de remuer la queue.
Le docteur était en train de le mesurer en long, en large et en travers.
Il le laissa évaluer sa hauteur au garrot sans problèmes mais
se tortilla, mal à l'aise, quand il passa les bras autour de son torse
pour mesurer sa profondeur de poitrine…
/pas mon ventre pas montrer le ventre/
-Calme-toi, lâcha le docteur en montrant le chiffre à G pour qu'il
le note sur une feuille. Etends la queue.
Et avant qu'un Trowa alarmé ait pu atteindre le vieil homme et l'empêcher
d'appuyer sur le museau du Loup pour lui faire baisser la tête à
la hauteur de son dos… les terribles mâchoires s'étaient refermées
sur son bras dans un grand bruit de déchirure de tissu et le loup avait
sauté à bas de la table, tirant à demi son mentor par-dessus,
envoyant voler le mètre-ruban et les papiers au loin.
Paniqué, Duo contourna vivement la table et s'avança vers l'animal,
se demandant comment il allait lui faire lâcher prise avant qu'il ait
sectionné le bras du scientifique… et soupira de soulagement quand, à
travers la manche déchirée, il aperçut du métal
au lieu de chair. Il avait oublié que le vieux salaud était cybernétisé.
Maintenant, le calmer…
Mais le garçon avait repris contrôle presque aussitôt. Il
desserra les dents et recula vivement de quelques pas, allant s'acculer contre
le mur, et resta là à gronder fort, tête basse, queue arquée
haut dans les airs, oreilles rabattues en avant d'un air agressif, poils hérissés.
-Docteur, je crois que vous feriez bien de le laisser un peu à présent,
lâcha Wufei d'une voix forte en redressant le vieil homme qui était
resté sur le ventre sur la table d'examens, ses lunettes dirigées
vers le fauve.
Le pilote chinois écarta J sans lui demander son avis et le ramena au
niveau de ses collègue.
-Docteur, nous vous avons dit de le traiter comme il le faut! Savez-vous ce
que veut dire pour un loup de se laisser abaisser le museau comme ça?
C'est un signe de soumission.
-Je suis son supérieur!! protesta J.
L'américain perdit le peu de patience qu'il avait pour le vieux scientifique.
-Vous êtes le supérieur du Soldat! cingla Duo. Le Loup s'en fout!
Tout ce qu'il sait c'est que vous n'êtes qu'une vieille carne alors qu'il
est un mâle en pleine jeunesse et qu'il pourrait vous tuer d'un coup de
crocs bien placés!!
-Un loup n'obéit qu'à son dominant, ajouta Trowa quand il vit
le regard incompréhensif des scientifiques qui n'avaient apparemment
jamais trop pris le temps de s'intéresser au comportement animal.
-Vous savez comment on règle les questions de dominance dans une meute?
demanda Quatre tout sourires. A coups de crocs à la jugulaire. On combat
pour rester au sommet. On est trop vieux pour combattre, un jeune prend votre
place. La prochaine fois docteur J, je ne saurais trop vous conseiller de lui
demander de baisser sa tête plutôt que de le faire de force, ajouta-t-il
en remontant la manche déchirée pour découvrir le bras
de métal, complètement broyé, où des étincelles
dansaient là où les câbles avaient été sectionnés.
Si ça avait été de la chair et des os, il l'aurait tranché
net, vous vous en rendez bien compte? termina le garçon d'une voix plus
basse et mortellement sérieuse.
Considérant qu'ils avaient suffisamment enfoncé le clou, les pilotes
retournèrent à Heero.
-Eh béé… Ca va franchement pas, toi…
Quatre se sentait / sentait Heero /oppressé. Portant la main à
son torse, il leva les yeux vers la fenêtre.
-Le loup se sent piégé… murmura-t-il. Viens Heero, on va dehors.
Si tu cours un peu et que tu te défoules, tu pourras redevenir humain
plus facilement. Ok?
Avec un grognement d'accord, Heero lui emboîta le pas, sans se retourner.
Il se fichait de l'avis du vieux croûton en ce moment. C'était
l'avis de sa meute qui lui importait. Et merde pour les anciens.
* * * * * *
Ils s'étaient écartés de la base pour se trouver un endroit
où ils pourraient la rejoindre rapidement mais qui serait trop loin pour
que les microphones puissent entendre ce qu'ils avaient à dire. La base
était entourée à perte de vue d'une lande apparemment plate,
mais qui était en fait très vallonnée, et dont la végétation
pourtant dense n'atteignait que rarement plus d'un mètre cinquante. En
haut d'une butte, on pouvait voir à des kilomètres à la
ronde… sauf si ce qu'on cherchait à voir restait au niveau du sol. C'était
le maquis.
Heero avait filé en avant dès qu'ils avaient posé le pied
dehors, et courait à droite, à gauche, vérifiant le périmètre,
suivant brièvement les odeurs, découvrant les sentiers, faisant
en tout cinq fois plus de trajet qu'eux. Quand ils eurent décidé
de s'arrêter dans un creux de terrain, il vérifia immédiatement
tous les sentiers d'évasion avant de s'autoriser à rejoindre ses
amis.
-Hé ben heureusement qu'on leur a pas dit que Quatre allait pas tarder
à avoir le même problème, hein… soupira Duo en se laissant
tomber sur l'herbe.
-Quel fiasco, soupira Quatre de concert en se laissant tomber à côté
de lui. On n'a rien obtenu de concret si ce n'est des soucis en plus…
Wufei alla s'adosser à un muret de pierres effondrées juste à
côté et Trowa s'accroupit sur ses talons dans l'ouverture d'un
sentier derrière. Ils entendirent Heero fureter dans les fourrés
derrière eux. Il y eut un froissement d'herbes quand il leva un lièvre
et partit à sa poursuite par réflexe, mais le rire des deux pilotes
assis le fit vite revenir, oreilles basses.
-Grrraow… grommela-t-il, embarrassé.
-On fait quoi? demanda Trowa après quelques instants de silence où
chacun avait cherché ce qu'il devait dire.
Quatre pencha la tête, pensif, et se frotta le menton du pouce d'un geste
méditatif.
-Il est évident que les docteurs ne peuvent rien pour Heero. Mis à
part le transformer en animal de laboratoire, et ceci je crois que nous sommes
d'accord pour refuser d'y coopérer.
Les autres acquiescèrent ensemble sans même avoir à se concerter
du regard.
-Je me demande même pourquoi nous avons pris la peine de les prévenir…
Nous aurions pu nous arranger. Si nous laissons faire le docteur J, il va essayer
de le ré-entraîner…
Heerookami grogna doucement, dents découvertes en un rictus silencieux.
S'il devait subir ça encore une fois, il savait qu'il en mourrait. Pas
des tests eux-mêmes, non, mais de la perte de sa liberté mentale
toute neuve. Et il s'était découvert une farouche envie de survivre.
-Ca ne devrait pas être important. Pourquoi nous battons-nous?
-Pour les colonies, répondit Wufei. Pour la liberté et l'égalité
de tous. Pour stopper l'oppression de Romafeller.
-Et nous sommes les seuls à le faire. Du moins les seuls à avoir
les moyens que nous avons. Alors il est hors de question de permettre qu'un
membre de notre groupe soit soumis à je ne sais quelle procédure
de lavage de cerveau. Nous sommes déjà si peu nombreux que nous
ne pouvons absolument pas nous permettre de perdre un seul d'entre nous. Les
docteurs pourraient nous dire que d'altérer son comportement ne nous
le perdrait pas, mais moi je dis qu'ils se tromperaient. Ses capacités
peuvent être extrêmement intéressantes, si nous savons comment
les utiliser. S'il est ré-entrainé maintenant, après avoir
enfin réussi à assimiler à peu près le Loup, cela
le tuera, n'est-ce pas Heero? demanda Quatre, une main crispée sur son
cœur.
Il le sentait si fort que pour un peu il aurait pensé que c'était
lui-même qui ressentait tout ça… Mais il savait que ce n'était
pas le cas. Les émotions violentes de Heero avaient une couleur blanc
bleuté qui ne lui appartenait pas et un bord acéré qui
prouvait leur manque d'usage. Il se força à continuer en abordant
un point de vue entièrement objectif et froid, chassant les échos
de la colère animale du japonais loin au fond. Les autres ne lui en voudraient
pas de parler comme ça, car ils recherchaient en ce moment même
des arguments logiques propres à convaincre les docteurs, pas des vues
émotionnelles. En tant que diplomate du groupe, c'était à
lui de formuler les idées.
-Cela le tuera ou le laissera brisé, et alors il ne servira plus à
rien. J dit que Heero doit être vu comme une arme, pas comme un humain.
Mais quelle arme est meilleure que celle qui fait son travail volontairement?
Et puis, merde! Je refuse de considérer quiconque comme un objet!
Les trois autres humains hochèrent la tête.
-On le sait, ca Quatre… Alors qu'est-ce que tu essayes de nous dire? demanda
Duo, sourcils froncés.
-A part nous aider à trouver les plans de nos adversaires, les locations
de leurs bases, et nous indiquer quand et comment il serait préférable
d'attaquer, à quoi exactement nous servent les docteurs?
-Réparer nos Gundams… murmura Wufei, incertain.
-Nous savons le faire nous même, répliqua Duo, qui commençait
à saisir où venait en venir Quatre. Je sais pas pour vous, mais
G m'a fait réviser mon partenaire tellement de fois que je pourrais le
réparer en dormant, avec du chewing-gum et des ficelles pour pièces
de rechange. Et au pire… S'ils nous faut des pièces, ou si on veut des
upgrades… Nous avons Howard. Et les Sweepers. Tant que nous sommes contre Oz
et Romafeller, ils nous aideront. Ce sont des résistants eux aussi. Ils
savent qu'on doit se serrer les coudes.
-Et pour ce qui est des plans, des missions etcetera… Les espions que nous utilisons
passent le plus souvent par nous, nous passons les renseignements aux professeurs,
ils nous passent ce qu'on doit en faire. Ca nous donne trop d'occasions de nous
faire prendre. Nous pouvons le faire nous-mêmes. J'ai mes propres réseaux
d'information qui ne passent pas par eux. J'ai les Maguagnacs. Wufei a des contacts
avec la bande de résistants qui a recueilli Sally, et ils sont très
bien fournis en armes et en réseaux de renseignements. Trowa a des contacts
dans le monde du cirque et des gens du voyage qui nous procureraient des couvertures
impeccables et une excuse pour voyager comme on veut où on veut. Heero
a accès à la princesse du Royaume de Sank quand il en envie si
jamais on a besoin de ça, ajouta-t-il, ignorant le sursaut d'agacement
à la mention de la jeune fille. Pour ce qui est des contacts, on a pas
besoin des docteurs. Ils peuvent nous aider, mais on pourrait très bien
se débrouiller sans eux. Pour ce qui est des plans… Les miens vous déplaisent?
Et combien de fois avons-nous dû réécrire ceux qu'ils nous
avaient transmis?
-Alors, qu'est-ce tu proposes exactement?
Quatre leur dédia un sourire de businessman déterminé.
* * * * * *
-Comment ça vous prenez votre indépendance?!??!
-Exactement de la manière dont vous l'avez entendu. Vous êtes utiles
quelquefois, nous l'admettons. Mais nous n'avons pas besoin de vous. Il est
hors de question que nous restions à votre botte simplement parce que
vous nous avez tout appris. C'est vrai que vous nous avez tout appris, et nous
ne vous en remercierons jamais assez. Mais maintenant, nous sommes prêts
à voler de nos propres ailes. Nous sommes tout à fait prêts
à accepter à bras ouverts tout ce que vous pourrez bien nous fournir…
Mais vous nous avez entraînés pour mener cette guerre. Et NOUS
menons cette guerre, pas vous. Alors nous déciderons nous-mêmes
comment nous combattrons.
-Je vous interdis…
-Comment? Comment comptez-vous nous l'interdire, docteur J? demanda Duo, un
scintillement inquiétant dans les yeux.
Sa main glissa nonchalamment le long de sa hanche, jusque sur la gaine de cuir
qui retenait l'un de ses couteau.
-Ne vous en faites pas, messieurs, continua Quatre comme si de rien n'était.
Nous avons tout à fait l'intention de continuer à combattre du
mieux que nous pourrons. C'est pour cela que vous nous avez entraînés,
non? Pour gagner cette guerre? eh bien, nous avons estimé que les probabilités
offraient plus de chances si nous n'avons plus à nous reposer trop sur
vous. Nous devons être le plus indépendants possibles si nous voulons
ne pas être gênés par d'éventuelles découvertes
de nos soutiens par OZ. Nous continuerons à combattre, ajouta-t-il d'une
voix plus forte en fixant J qui fumait visiblement de rage; et nous verrions
d'un assez bon œil que vous vous montriez suffisamment matures et responsables
pour ne pas nous bloquer des informations que nous n'aurions pas ou même
nous en envoyer d'erronées. Plus rien ne provenant d'aucune de nos sources,
vous compris, ne sera jamais plus prise en compte sans vérification de
toute façon. Nous essayons de gagner. Pas seulement pour nous mêmes,
mais pour toutes les colonies, vous y compris. Et si vous voulez nous donner
les chances de le faire, vous nous aiderez au lieu de nous boucher le chemin.
Les enjeux sont plus importants qu'une fierté mal placée.
Il commença à faire demi-tour, mais se retourna au dernier moment
pour jeter un regard aux cinq scientifiques qui se trouvaient à différents
stages de choc.
-… Bien évidemment, pour favoriser votre propre combat, nous nous ferons
un plaisir de vous expédier toute data sur laquelle nous mettrions la
main, ainsi que les résultats de nos missions. Nous accueillons aussi
les suggestions de missions. Nous nous réservons seulement le droit de
les accepter ou de les modifier comme nous le jugerons bon. Ce serait d'une
grande aide pour vous comme pour nous si nous continuions à collaborer
étroitement dans le futur. Mais c'est cela que nous sommes désormais,
et c'est comme cela que vous devrez nous voir. Nous ne sommes plus des subordonnés,
nous sommes des alliés potentiels, des égaux.
-Et les gundams?!? protesta J, furieux. Ils sont à nous!!!
-Perso, Shinigami est à moi maintenant, sourit Duo de toutes ses dents.
J'ai jamais eu la permission pour le prendre, je vais pas en demander une maintenant.
Si vous le voulez, z'avez qu'à essayer de me le revoler. Bonne chance.
Et légalement, Sandy est à Quatre et Nataku à Wufei, parce
que ce sont leurs familles qui ont payé les matériaux et vos salaires.
Et puis vous voulez en faire quoi une fois que vous les aurez, former d'autres
pilotes? La guerre sera finie depuis trois siècles! Si jamais vous trouvez
des gens capables de se montrer même vaguement de même niveau que
nous! On a pas été choisis parce qu'on était les plus nuls,
papy, souviens t'en. Alors arrête de râler.
J semblait sur le point d'exploser.
-Heero, je t'ordonne de…
Le loup gronda sourdement, de plus en plus fort, jusqu'à ce que ça
devienne un vrai rugissement.
-Je crois que ce qu'il veut vous dire c'est que son Loup lui a vivement déconseillé
d'obéir à nouveau à vos ordres. A moins que vous vous sentiez
d'attaque pour le défier en combat singulier.
Avec ensemble, les quatre pilotes humanoïdes et le garou firent demi-tour
et partirent tranquillement en direction de l'endroit où était
rangé leur avion.
* * *
-Duo, attends!!!
Maxwell se retourna au moment où il allait s'asseoir. Le professeur G
arrivait en courant derrière eux, agitant dans l'air un tas de feuilles
couvertes de designs bleus et rouges.
-G..?
-Les nouvelles modifications pour le fuselage et les réacteurs de Deathscythe,
répondit le vieux en lui tendant les feuilles.
Duo les accepta avec un grand sourire et se mit à jeter un coup d'œil
dans les papiers.
-Tu lui fais confiance? demanda Wufei avec hauteur.
-Bien sûr, répliqua Duo sans lever le nez de ses feuilles. La prise
d'indépendance, ça change rien entre lui et moi.
-Il a toujours été opérateur indépendant, contrairement
à vous, répondit G. Après tout, je ne lui ai jamais prêté
ce Gundam, il a volé Deathscythe de lui-même pour aller sur terre
sans tenir compte des ordres qu'il avait reçus… Maintenant qu'il l'a,
autant limiter la casse en lui donnant des coups de pouce.
-Mon œil de moi-même, c'est toi qui m'as donné l'idée, protesta
Duo d'un ton bon enfant.
-Mais tu n'avais pas à suivre ce conseil. Et qui t'avait dit que j'étais
sérieux? Ca aurait pu être une plaisanterie. De toute façon
ça n'a jamais été enregistré que je sache. C'est
ta parole contre la mienne, répliqua G avec un petit sourire ironique.
Quatre lui sourit.
-C'est un soulagement d'avoir au moins l'un d'entre vous d'accord pour continuer
à nous assister, remarqua-t-il.
-Les autres aussi vont y revenir, lui assura le vieil homme, une fois passé
le bleu que vous avez fait à leur fierté. Peut-être pas
J remarquez … Je crois qu'il va prendre ça comme un affront personnel.
J'essayerai de le convaincre mais je ne promets rien.
-Je crois qu'on peut se passer de lui, hein, ronchonna Duo, qui les avait encore
là à cause de sa manière de traiter Heero comme une merde.
-Il n'a pas toujours été comme ça, soupira G. Il a toujours
été froid et renfermé, mais avant, il y avait quelque chose
derrière… Maintenant… Je me demande s'il lui reste une ombre de cœur
derrière son orgueil et son entêtement. Je crains fort que non.
Il soupira puis releva la tête, avec aux lèvres un sourire ironique
qui n'atteignait pas ses yeux. Duo le dévisagea. Il avait dû être
proche de J à cette période… Quand ils étaient encore jeunes.
Le pilote américain essaya de s'imaginer les deux docteurs à vingt
ans mais renonça, c'était impossible.
Il se demanda s'ils avaient été plus qu'amis et immédiatement,
se sentit verdir. Il avait de ces idées, berk… C'était franchement
pas une image mentale dont il avait besoin! Mais à quoi il avait pensé
encore!!! J et G… J ET G…! Berk, berk, berk et berk!!
-Tu passeras le bonjour à Howard de ma part quand tu iras faire les modifications,
sale gosse. Vous pourrez même lui demander de les adapter pour les autres
Gundams, il en est plus que capable. Ca ne devrait pas demander plus de travail.
-Ok papy! s'exclama le pilote 02 en montant à sa place.
Deux secondes plus tard Trowa avait lancé l'appareil. Duo resta à
la glace à faire des pieds de nez à G pendant tout le temps qu'il
fut visible, puis s'absorba dans ses plans en sifflotant de bonheur.
-Mon bébé va être encore plus cool qu'avant… Lalalaaa… C'est
déjà le meilleur, mais là…
-Silence, Maxwell, ronchonna Wufei, qui ne voulait pas s'avouer qu'il était
légèrement jaloux.
Lui, il n'avait pas gagné de nouvelles upgrades. C'était injuste.