Après une ou deux semaines, pendant lesquelles le peu de missions qu'on
leur présentait et l'apparente baisse d'activités de l'Alliance
et d'Oz les obligeaient à garder profil bas, Heero finit vite par venir
à bout des choses qu'il avait à faire. Il avait révisé
Wing deux ou trois fois à fond de suite, l'avait nettoyé jusqu'à
ce qu'il apparaisse neuf même dans les joints les plus inaccessibles au
regard extérieur, il avait trouvé un livre de physique de haut
niveau et révisé tout ce que J lui avait appris, il avait refait
à zéro la programmation de son ordinateur portable, il avait créé
six méchants petits virus informatiques… Et il ne savait plus quoi faire
d'autre pour se dissimuler que ça ne lui suffisait pas.
Il en avait assez d'être à l'affût. Il voulait attaquer …
ou non, pas forcément. Mais au moins, faire quelque chose pour améliorer
leur position, pas juste attendre que le temps passe. C'était extrêmement
agaçant, de rester dans le vague comme ça sans savoir ce qui se
passait ailleurs /sur le terrain de chasse/ là où l'action
avait lieu.
Il aurait pu aller en cours; d'ailleurs il était déjà inscrit
dans une école tout près juste avant d'arriver à cette
maison. Mais il avait annulé. Pas seulement parce qu'ils ne pouvaient
rien lui apprendre l'intéressant qu'il ne sût déjà
mieux que le professeur.
Devoir traiter avec tous ces gamins… Il s'en savait incapable. Totalement incapable.
Il avait déjà du mal en temps ordinaire… Là, il savait
que s'il voulait ne pas se faire remarquer, il valait largement mieux rester
caché dans la maison comme s'il n'était pas là du tout,
plutôt que d'avoir des ennuis parce qu'il avait /brisé la nuque/
cassé la figure d'un de ses camarades de classes… ou pire, de se faire
repérer par la Peacecraft. Ils en avaient besoin intacte pour toute cette
connerie d'ambassadrice de la Paix, sinon, il l'aurait tuée depuis longtemps
en tant que témoin de son arrivée sur Terre, et l'une des rares
personnes qui pouvaient l'identifier… mais cette idiote semblait prendre son
impossibilité à la tuer comme une preuve d'affection. C'était
vrai, au début, il n'avait pas pu la tuer car son regard innocent lui
rappelait trop celui de la petite fille… Mais ce qui, chez la petite fille,
était de la pure innocence enfantine, n'était chez cette jeune
fille bizarrement obsédée par lui rien d'autre qu'un romantisme
stupide et un manque d'ancrage dans la vie réelle, basé sur une
aberration, une méprise sur ce qu'il était réellement.
Certainement pas, en tout cas, une sorte de chevalier tombé du ciel pour
secourir une damoiselle en détresse… Il était un tueur, sacré
nom de nom!! Pas un agneau! /Un prédateur, pas une proie… et un de
ces jours je le lui prouverai/
Bon bref, il ne pouvait pas se permettre de laisser sa présence se faire
connaître de quelque manière que ce soit. Ce qui impliquait qu'il
ne pouvait sortir que lorsqu'on ne risquait presque pas de le voir… la nuit.
Plein d'énergie inutilisée comme il l'était et brûlant
d'envie de se défouler, il était hors de question qu'il reste
à l'intérieur de la maison plus que le strict nécessaire.
Aussi… Un soir où il n'arrivait pas à dormir, il décida
d'aller courir un peu dans les environs.
Il attendit que les bruits que faisaient ses camarades en se couchant s'éteignent,
puis une demi-heure en plus pour être sûr qu'ils dormaient tous,
et se glissa silencieusement dehors par la fenêtre de sa chambre. Il atterrit
sur le sol à quatre pattes, souplement, puis descendit l'allée
de terre au petit trot. Stoppant à la grille juste avant de sortir, une
impulsion le poussa à faire le tour complet du terrain sur lequel était
bâtie la maison, à la recherche de traces d'intrusion et de possibles
passages dans le grillage rouillé. N'en trouvant aucun, il eut un sourire
satisfait / terrain sécurisé/ puis décida d'aller
courir un peu sur les petites routes autour de la maison. Il avait besoin de
maintenir sa forme physique; et de se défouler un peu.
Il s'étira lentement dans son short et son débardeur, longuement,
heureux de sentir ses muscles jouer si librement, lui répondre au quart
de tour, heureux de sentir l'air frais de la nuit caresser son corps prêt
à l'action… puis en une seule brusque explosion de mouvements, il disparut
silencieusement dans les fourrés et s'enfonça dans le petit bois.
* * *
Au petit matin, quand il rentra enfin de sa longue trotte, il ne se sentait
pas le moins du monde fatigué… tout juste débarrassé de
ce trop-plein d'énergie qui le rendait si nerveux.
Malheureusement, après une douche pour laver la boue qu'il avait ramassé
et un repas pantagruélique, ce sentiment d'oppression était revenu…
La stalle de douche était trop étroite, sans visibilité
aucune, sans chemin d'évasion. La lotion de rasage que le précédent
locataire avait oubliée sur la tablette agressait son odorat. Les lumières
de la cuisine étaient trop brillantes, trop artificielles, le sol de
céramique trop froid, le métal des appareils presque menaçant.
Le toit de la maison semblait lui peser, réellement lui peser. Il se
sentait à la fois prisonnier et exposé de toutes parts.
Il joua avec l'idée d'aller dormir dehors, mais abandonna aussitôt.
Il n'avait pas le moins du monde envie de s'exposer à tout venant dans
un moment de vulnérabilité totale tel que le sommeil. Dans sa
chambre… Dans sa chambre, il serait bien.
Il ferma les volets de manière à ne laisser aucune lumière
filtrer dans sa chambre, mais sans verrouiller ni la petite clenche sur les
battants qui l'empêcherait de les ouvrir d'une poussée, ni la vitre
elle-même. Ceci fait, il tira son bureau entre le lit et la porte pour
cacher l'endroit où il dormirait à un éventuel intrus,
puis se débarrassant de ses vêtements, il s'allongea enfin sur
le matelas. En quelques secondes, il dormait… Tout en laissant ses sens aux
aguets. Si quoi que ce soit essayait de rentrer dans sa chambre… il allait le
regretter.
Pas une seule seconde il n'avait stoppé pour se demander ce qu'il faisait.
C'était venu tout seul… par instinct.
* * *
Le jour suivant, le jeune homme resta dans sa chambre, dans le noir; dormant,
somnolant, laissant errer ses pensées sans but, rêvassant… souvent
ses pensées revenaient d'elles-mêmes au loup qui l'avait mordu.
Il ne savait pas pourquoi. C'était un mystère qu'ils n'avaient
pas pu résoudre, certes, et son esprit analytique avait du mal à
accepter la chose, mais depuis le temps il aurait dû changer de sujet
de préoccupation… Il savait juste qu'une voix dans sa conscience disait
que c'était important. Mais toutes les recherches que Quatre avait menées
n'avaient rien donné… tous les espions disaient pareil… OZ n'avait absolument
rien à voir dans l'élevage de chiens de guerre; ni non plus aucun
laboratoire dans la région.
Mais quelque chose l'embêtait dans cette hypothèse depuis le départ
et il ne savait pas quoi. Finalement, peu avant le repas du soir, Heero mit
le doigt sur deux ou trois petites choses parmi tout ce qui l'embêtait
avec l'image du loup qui était gravée dans sa tête. Deux
ou trois petites choses qui envoyaient joliment en l'air leur hypothèse.
Son épaisse fourrure si dense ne montrait aucune trace d'avoir jamais
porté un collier. Cette bête avait toujours été sauvage
et libre…
Et ses pattes arrière, aux griffes bien trop longues et trop acérées
pour un canidé, portaient cinq doigts.
Un de trop.
* * *
Pendant les deux semaines qui suivirent, Heero se comporta si… Si peu comme
Heero que même Trowa lui-même montra quelques signes de souci. D'abord,
il était irritable, plus qu'irritable. Il combattait les mobile suits
avec une rage effarante et un rire encore plus effarant. Il prenait la mouche
pour un rien, et plus d'une fois même Quatre lui-même avait expérimenté
le regard-de-la-mort-qui-tue©. Pas qu'il agisse réellement visiblement
pour quelqu'un qui ne le connaissait pas, mais justement, les quatre autre pilotes
les connaissaient, ces petits détails qui en disent plus que de longs
discours, et ils s'inquiétaient. Il fronçait les sourcils encore
plus que d'habitude, sa voix était encore plus rude la plupart du temps,
il n'avait aucune patience (pas qu'il en ait eu beaucoup pour commencer certes),
il claquait des portes quand quelqu'un lui avait dit quelque chose qui le contrariait
un tant soit peu…
Il avait même lancé une assiette à Duo une fois, tout en
lui hurlant de lui foutre la paix. Rien que cette action montrait des tas de
choses sur ce qui n'allait pas.
Premièrement, il avait essayé de blesser Duo, alors que normalement,
il l'ignorait juste, ou quittait la pièce, ou lui ordonnait tranquillement
de se taire, à l'extrême rigueur. Après tout il était
entièrement conscient du fait que pour que Maxwell soit pleinement efficace,
il fallait qu'il soit intact.
Deuxièmement, il avait élevé la voix. Perte de contrôle.
Incompatible avec l'image du "Soldat".
Troisièmement, il avait poussé des jurons, ce qu'il ne faisait
presque jamais. Et des jurons que même Trowa n'avait que rarement entendus
dans tous ses voyages au cours de sa jeunesse. Pourtant, grandir avec des mercenaires
comme Barton l'avait fait ne poussait pas à apprendre un langage de gentleman.
Quatrièmement, il avait –raté- Duo. Alors que ça se voyait
fort bien qu'il avait –voulu- le toucher. Et que Duo ait esquivé n'était
pas une excuse pour quelqu'un d'aussi précis que lui. Mais il était
si énervé qu'il n'avait pas pu viser correctement.
Ensuite, alors que Maxwell restait accroupi à terre, là où
il s'était jeté pour esquiver, à côté des
débris de porcelaine et de la nourriture étalés par terre,
il s'était rué hors de la pièce, en manquant briser la
porte en la claquant, comme pour s'empêcher de se précipiter sur
l'américain pour finir le travail. Ce qu'il avait réellement cru
qu'il allait faire, et les autres pilotes aussi.
-Mais j'ai seulement plaisanté sur ce qu'il mangeait… laissa échapper
Duo, son cœur toujours martelant sa poitrine. Pourquoi il a réagi comme
ça? Putain, il essaye de faire un régime ou quoi, pour s'énerver
comme ça juste parce que je lui ai dit de ralentir sur la bouffe s'il
voulait porter ses shorts en spandex longtemps!?!
-Je ne sais pas, Duo… je ne sais vraiment pas, répondit Quatre, ses yeux
fixés sur le creux dans le mur qu'avait laissé la porte en rebondissant,
sa main crispée sur son torse.
La rage aveugle du japonais réveillait des échos en lui, des échos
qu'il avait crus disparus entièrement au réveil.
-Ca ne lui ressemble réellement pas… accorda Wufei. C'était juste
une plaisanterie. Stupide, mais une plaisanterie.
-Merci de ton soutien, Wu-minou, marmonna Duo, légèrement vexé.
-MAXWELL!! Wu-FEI!… et fondée, en plus. Il mange plus que Maxwell ces
temps-ci!
-Maiheu! je mange pas tant que ça!!!
Pendant que Wufei et Duo partaient dans une autre bataille de langues aiguisées,
et que Quatre essayait de les réconcilier, Trowa, toujours assis au même
endroit, glissa un long regard suspicieux vers la porte qui bâillait,
à demi ouverte.
* * *
-Pourquoi me suis-je emporté comme ça? se demandait Heero au même
moment, enfermé dans sa chambre à double tour.
Il secoua la tête et, étouffant un large bâillement, alla
s'enfouir dans le nid que formaient ses couvertures. Il s'endormit presque aussitôt,
mort de fatigue sans savoir pourquoi. Il n'était pas deux heures de l'après-midi,
mais ni l'heure ni la lumière ne le dérangèrent. Après
tout, ça faisait déjà une semaine que ses volets ne s'ouvraient
que la nuit.
* * * * * *
Duo resserra l'écrou qui lui avait donné tant de problèmes
dans le joint du coude de Deathscythe, puis se redressa et épongea son
front. Il faisait une chaleur à crever dans le hangar. C'était
peut-être dû au fait que l'américain avait dû tester
sa faux thermique sur place… Il se laissa glisser le long du bras de son Gundam
et se redirigea vers l'autre bras. Maintenant, égalisation de la pression
dans les deux joints pour garder la balance entre les deux côtés…
Après tout si le premier joint avait cédé, le deuxième
pouvait le faire aussi. Ca n'avait l'air de rien, mais dans une situation de
vie ou de mort, il ne voulait pas courir de risque inutile. Etre un junkie d'adrénaline
ne voulait pas dire être un imbécile suicidaire.
Il s'interrompit quelques secondes pour jeter un regard au Gundam blanc assis
à côté du sien. Ca faisait bizarre de ne pas voir Heero
travailler sur son propre véhicule… Pourtant, il était visible
que le japonais travaillait sur le robot… seulement il ne le faisait à
aucun moment où un des autres pilotes pouvait le voir faire. Quand on
savait qu'en général il arrivait ici avant tout le monde et devait
être ennuyé sans fin pour repartir, c'était plus que bizarre…
Distrait, le garçon à la natte laissa glisser de sa main la clef
à molette dont il se servait. Il jura et essaya de la rattraper, mais
peine perdue. Mince. Maintenant il devait redescendre tout le long du chemin
pour aller la chercher et remonter ensuite. Aucune des autres clefs qu'il avait
dans sa ceinture à outils ne convenait pour ce travail.
Trowa s'extirpa de sous le genou de son propre Gundam et ramassa la clef sans
mot dire, puis la lui lança avec précision.
-Merci vieux!! s'exclama l'américain soulagé.
-Tu devrais être moins distrait… lui reprocha le brun.
-Oh, ça va… Dis, Tro?
Le garçon se retourna alors qu'il s'apprêtait à partir et
leva les yeux vers lui. Duo s'étonna un instant que le silencieux pilote
d'Heavyarms prenne le temps de l'écouter, lui qui était toujours
en train de bavarder sur tout et rien. Mais il avait dû entendre dans
sa voix que c'était une vraie question qu'il voulait lui poser cette
fois et pas juste la marque de son gel coiffant.
-Qu'est-ce que tu penses de… demanda-t-il en indiquant de la tête le Gundam
Wing. Je veux dire, ça fait des jours que Heero est pas dessus ni rien…
-Il a fini les réparations, répondit le grand pilote en haussant
les épaules.
-Je sais bien, qu'il les a fini! Comme s'il avait l'habitude de s'autoriser
ne serait-ce qu'à dormir et manger tant que son précieux Gundam
est pas à cent pour cent… Non ce que je veux dire c'est que normalement,
même quand il n'a rien à réparer, il est toujours dessus…
Tu sais, à vérifier et à revérifier ses vérifications,
à améliorer la programmation des ordinateurs, à nettoyer
la crasse… Tu vois quoi! A faire de la rétention anale!!!
Barton hocha la tête. En effet, il voyait…
-Alors t'as remarqué toi aussi? T'as une idée de ce qui se passe?
demanda Duo en se penchant par-dessus le bras de Deathscythe pour avoir une
meilleure vue sur son camarade. Il est tellement bizarre ces temps-ci… Je le
comprends plus du tout!! Il est devenu si agressif…
-Peut-être le manque de missions, suggéra Trowa en s'adossant à
la jambe de Shinigami.
-Je l'ai déjà vu entre deux missions et il était pas comme
ça.
-Mais ça l'aiderait peut-être à faire baisser la pression.
-Le problème, Trowa, c'est qu'il semble plus se contrôler entièrement.
Personnellement je trouve pas que ça soit si grave que ça, mais
pour une personne comme Yuy, tu m'excuseras si je trouve que c'est une des choses
les plus alarmantes qui peuvent lui arriver! Il est tellement obsédé
avec les détails, d'habitude, tellement porté sur le contrôle…Il
arrête pas de me reprocher mon manque de contrôle sur moi-même,
mais regarde-le!
-Il a peut-être des problèmes personnels à régler,
intervint Wufei qui s'était glissé à bas de Shenlong en
les entendant parler.
Duo lui jeta un regard incrédule. De tous les pilotes, il s'attendait
le moins à Wufei pour lui sortir une réflexion comme ça.
-Laisse-moi rire!! Faudrait déjà qu'il ait une personnalité!
ronchonna Maxwell. … Non, je retire. C'est méchant… Je suis juste inquiet…
C'est pas du tout normal. Alors là, vraiment.
-Sans compter que s'il continue à perdre contrôle comme ça,
il serait peut-être peu prudent de l'envoyer en mission…
-Tu blagues Tro? Tu as dit toi-même que c'était la chose qui pouvait
l'aider à faire baisser la pression!!
-Oui, mais ce n'est pas pour ça que nous pouvons le laisser faire. Il
risquerait d'être erratique et irrationnel.
-Je SUIS erratique et irrationnel, le contra Duo en faisant la moue.
-Mais ta sorte d'irrationalité, nous y sommes habitués. Et tu
nous as déjà prouvés qu'elle est… efficace, avoua malgré
lui le pilote de Nataku. Nous nous ATTENDONS à ce que tu sois erratique
et irrationnel. C'est pris en compte dans nos comportements. Yuy n'a pas l'habitude
d'employer ce genre de techniques. Ca risquerait d'être un désastre
sur un champ de bataille.
-Merci pour le compliment Wuffie-kun, répliqua Duo en lui lançant
un clin d'œil. Mais bon… On fait quoi?
-Rien, soupira Wufei. C'est un problème personnel qu'il a. Tant qu'il
n'interfère pas avec la mission, tu sais très bien comment il
prendra une intervention de notre part. Nous n'avons pas le droit d'aller fourrer
le nez dans ses affaires.
-On devrait quand même garder un œil sur lui, admit Trowa d'un ton pensif.
S'il ne résolve pas son problème tout seul, nous devront intervenir.
-Mouais… Ca me plaît pas du tout ça… grommela Duo en triturant
sa natte. Je veux dire, on doit attendre qu'il foire une mission pour régler
le problème? Ca sera un peu tard!! Et puis, je me soucie pas de lui juste
pour les misions, merde!! C'est mon ami!
Wufei haussa un sourcil.
-Un ami? Je ne trouve pas qu'il se comporte avec toi comme on le ferait avec
un ami…
-Oui bah peut-être que je suis pas son ami, mais lui il est le mien, si
vous comprenez la différence! Et vous deux aussi d'ailleurs, ajouta le
pilote à la natte en reculant sur le bras de Deathscythe, gêné
de l'aveu et de la manière dont les autres pilotes si stoïques et
si antisociaux pouvaient le prendre.
Les deux autres pilotes échangèrent un regard, surpris de sa véhémence.
Wufei eut un petit sourire.
-Essaye de ne pas garder ça en tête, Duo, mais… Il y a des fois
ou je peux presque dire la même chose.
La tête châtain du garçon réapparut vivement par-dessus
le bras de son Gundam et il se pencha vers eux, sa natte pendant dans le vide.
-WUFEI?!? Tu… Tu… Tu m'as appelé par mon prénom!!! YATTA!!!
-Ne laisse pas ça te monter à la tête, Maxwell… répondit
froidement le pilote chinois.
-Je savais bien que c'était trop beau pour durer, bouda Duo.
Tandis que le dragon s'éloignait, il jeta un regard prudent au troisième
pilote. Trowa ne le regardait pas. Toujours appuyé sur la jambe de Deatscythe,
il regardait le sol à quelques mètres, perdu dans ses pensées.
/ probablement toujours en train de réfléchir sur le problème
Heero/ soupira Duo. Bah, ce n'était pas si mal d'avoir eu l'un des
deux pilotes répondre à ses avances amicales; même franchement
exceptionnel. Il ne fallait pas rêver d'avoir les deux s'ouvrir à
lui non plus.
Trowa se détacha du Gundam et s'éloigna de quelques pas vers la
direction de la porte, suivi du regard par un Duo pensif. Puis, il s'arrêta
et se pencha pour ramasser quelque chose.
Duo ne dut qu'à ses réflexes d'une rapidité féline
de ne pas se prendre la clef à molette au beau milieu du front.
-Je vais peut-être t'offrir un élastique à pince auquel
la pendre. Tu sais, comme ce dont les bébés se servent pour leur
sucette, suggéra Trowa d'un ton pince-sans-rire.
Duo eut un immense sourire.
* * * * * *
"Encore ce rêve"… soupira Quatre en essayant de se repérer dans
la forêt de brume.
Il se retrouvait apparemment dans le même bois qu'auparavant, mais la
sensation de désorientation était aussi forte, sinon plus. S'il
était déjà passé par là, il ne reconnaissait
pas. Mais de toute façon il avait l'impression que la forêt était
vivante, qu'elle se modifiait quand il ne regardait pas. Alors… Ca ne servait
à rien d'en retenir le plan.
Il ne servait à rien non plus de rester là. Puisqu'il était
coincé ici, autant explorer un peu. Il partit droit devant lui.
Bientôt, il sentit à nouveau la présence dans les buissons.
Cette fois elle était encore plus forte, plus agressive. Il sentait de
la colère en elle, de la rage contre l' envahisseur qu'il était,
et il en fut encore plus terrifié. Il s'enfuit à nouveau.
Comme pour la première fois, il lui parut fuir des heures avant que la
chasse ne le rabatte vers le lac sans fond qu'il avait atteint la fois précédente,
avant que Trowa ne le réveille. Mais cette fois-là il doutait
qu'il aie la chance. Il semblait qu'il allait connaître la fin du rêve…
Il se sentit pris d'une horreur sans fond à l'idée de découvrir
ce qui se cachait dans les ombres de la forêt et reprit la fuite le long
de la rive.
Bêtement, il finit par se retourner pour essayer, au moins, de VOIR qui
le poursuivait… Même si instinctivement, il le savait déjà.
Il se prit le pied dans une racine et tomba tout au bord de la rive, dans la
boue, le choc lui coupant le souffle.
Une haleine chaude dans son cou…
"NOOOOOOON!!!!!" hurla-t-il, terrorisé.
Cette fois Trowa ne le réveilla pas.
Les yeux de glace plongèrent dans les siens, les crocs ivoirins couverts
de salive scintillèrent brièvement à la lumière
de la lune, en une sorte de sourire moqueur et victorieux, avant de se planter
vicieusement dans sa gorge.
"NOOOOOOOOON!!" hurla Quatre en s'asseyant d'un bond, yeux grands ouverts, mais
ne voyant rien, couvert d'une sueur froide, levant les mains devant lui dans
un futile essai pour se protéger du monstre de son rêve. "Non,
laisse-moi, laisse-moI!!!! Je t'en prie, Heeerooooo!!!!!!"
Au fond du lac, deux yeux clairs et froids lui rendaient son dernier regard.
* * *
Dans une chambre à deux portes de la sienne, un adolescent se retourna
une dernière fois dans son sommeil et se réenfouit confortablement
sous ses couvertures. Sa main eut un vague mouvement dans les airs, comme pour
chasser la présence fâcheuse d'un moustique, puis il redevint immobile.
Il pouvait retourner à un sommeil plus calme à présent.
L'être embarrassant et inopportun qui envahissait le territoire de ses
rêves avait disparu.