Alizea n'était pas dans le monde magique depuis une heure qu'elle était
déjà poursuivie par des orques. Elle courait aussi vite qu'elle
le pouvait, mais ils étaient toujours sur ses talons. Elle ne pouvait
pas utiliser de sorts contre eux car nulle part dans ce grimoire il n'y avait
de sorts d'attaque adaptés à sa sorte de magie, et les seuls sorts
de protection assez puissants pour les contrer lui auraient demandé soit
trop de temps, soit plus de puissance qu'il ne lui en restait après l'ouverture
du pentacle.
Donc, elle courait.
Ils avaient l'air gros, se disait-elle. Peut-être qu'ils s'essouffleraient
vite? Quoique
Après vingt minutes de course, elle avait l'air bien
plus fatiguée qu'eux. Elle réfléchissait si intensément
aux moyens à sa disposition pour les semer qu'elle ne vit pas la racine
traîtreusement dissimulée devant ses pieds. Elle tomba brutalement
sur un genou. Le temps qu'elle se relève et ils étaient presque
sur elle. Avant d'avoir retrouvé son équilibre, elle se précipita
dans un buisson, trébucha encore une fois, puis s'étala de tout
son long dans la petite clairière derrière le buisson. Le choc
lui coupa le souffle. Sonnée, elle attendit, impuissante, qu'ils se jettent
sur elle.
Rien.
Lentement, Alizea se retourna, appuyée sur les coudes. L'avaient-ils
perdue de vue?
Ils étaient figés derrière elle, à deux mètres,
et regardaient par dessus sa tête d'un air terrorisé. Ils firent
brusquement demi-tour et s'enfuirent sans demander leur reste, la laissant stupéfaite.
Elle se retourna, encore plus lentement. Une chose assez terrifiante pour faire
fuir des orques était sûrement
Plus qu'assez pour la faire fuir aussi, si elle avait seulement osé
se relever.
Une créature immense, de deux mètres au moins, couverte de poils
noirs, se dressait de toute sa hauteur à un mètre à peine
d'elle, et elle dut se tordre le cou pour le voir jusqu'en haut. L'être
était mi homme, mi loup. Sa tête, ses pattes arrière, étaient
celles d'un loup. Il avait une queue longue et poilue. D'un autre côté,
son torse et ses bras étaient humains. Mais ses ongles étaient
de vraies griffes, acérées comme des rasoirs et longues comme
les doigts d'Alizea. Et ses crocs longs, blancs et recourbés n'avaient
rien d'humanoïde
Dressé sur ses pattes arrière comme
un homme. Atrocement paralysant. Un monstre lycanthrope.
Il baissa le museau pour la regarder, fixant sur elle le feu de ses iris émeraude,
si intenses qu'ils semblaient luire. Elle était tétanisée.
Posément, il s'accroupit face à elle, l'observant de ses prunelles
qui ne révélaient rien de ses pensées. Mais, pensait-il
seulement? Comment le savoir? Elle ne recevait rien de lui, aucune impression.
Il tendit une main griffue vers elle, la posa sur son épaule. Allait-il
lui arracher le bras? Il la releva, sans paraître faire le moindre effort.
Il la dominait de si haut
Il lui rendait presque cinquante centimètres,
et en largeur
Il s'éloigna de quelques pas, lui tournant le dos,
puis s'arrêta. Il la considéra du coin de l'il pendant quelques
secondes, puis lui fit signe de le suivre. Après un instant d'hésitation,
elle obéit prudemment.
Le soir, il avait allumé un feu dans un recoin au pied d'une falaise
et faisait cuire un lapin qu'il avait attrapé. Alizea ne cessait pas
de l'observer dans ses moindre faits et gestes. Il avait un comportement étonnamment
humain pour un type à tête de loup. Il avait l'air dangereux à
première vue -à la seconde et à la troisième aussi,
pour être exact
- mais il n'avait pas montré le moindre signe
d'agressivité envers elle. Elle ne pouvait pas lire ses traits pour connaître
son humeur et ses pensées, mais
Et puis, il l'avait aidée
contre les orques, il l'acceptait auprès de son feu, il lui donnait même
à manger
Elle dévora le morceau de lapin qu'il lui offrait
en quelques instants, se cala contre son sac et s'endormit, sans plus réfléchir.
Elle avait décidé de lui faire confiance, et dans ce domaine,
elle se trompait rarement.
Quand elle se réveilla, il était roulé en boule à
quelques pas d'elle. Il s'éveilla instantanément en l'entendant
bouger et s'étira comme un chat avant de se lever, faisant le dos rond
avant de se cambrer en arrière. Quand il renversa le museau vers le ciel,
elle vit une tache blanche sur sa gorge, juste sous la mâchoire. Cette
tache lui rappelait vaguement quelque chose
Bizarre, cette sensation.
Elle n'avait jamais rencontré de loup-garou avant, tache blanche sur
la gorge ou pas.
Elle ne savait pas d'où lui venait la sensation qu'il n'était
pas bien vieux, mais c'était l'impression qu'il lui faisait. Peut-être
à cause de sa souplesse et de sa vigueur
Et elle savait au moins
à présent qu'il ne lui voulait absolument aucun mal. Il avait
eu trop d'occasions.
Quand elle partit pour la cité des Anges, il la suivit, cheminant tranquillement
à deux pas d'elle. Sans rien dire, sans montrer quoi que ce soit. Comme
si sa place était ici, à côté d'elle. Après
tout, il ne la dérangeait pas, et si sa présence décourageait
les mauvaises rencontres d'attaquer
Tout en marchant, elle ne pouvait
s'empêcher de lui lancer des petits coups d'il curieux. Finalement,
sa forme n'était pas si laide
Esthétiquement parlant, il
était même très beau
Même si ce n'était
pas ça qui le rendait moins effrayant.
Pas une seule fois il ne daigna baisser les yeux sur elle du haut de ses deux
mètres, tournant lentement le museau au vent, tranquille comme quelqu'un
qui sait que seul un fou voudrait lui causer des ennuis.
Au bout d'une heure, elle finit par avoir trop mal aux pieds pour pouvoir marcher,
et s'assit au bord du sentier, ou plutôt se laissa tomber comme une masse.
Elle poussa un soupir de fatigue à défeuiller les arbres, et pesta
tout bas contre son manque d'endurance.
Elle cligna des yeux quand elle vit les grosses pattes griffues du loup devant
elle, et leva les yeux vers sa tête. Il se penchait sur elle
Hein?
Mais pour quoi faire?
Le loup la saisit par la taille et la posa sur ses épaules d'un seul
mouvement fluide. Puis il continua à suivre le chemin, Alizea perchée
sur ses épaules à plus de deux mètres de haut, sans se
préoccuper de sa réaction de stupéfaction. Mais après
tout, elle était assise plutôt confortablement, les deux jambes
perdues dans son épaisse fourrure noir d'ébène, et le loup-garou
avait l'air de pouvoir marcher des heures en la portant sans faire un effort
particulier. Elle le laissa faire- comme si elle pouvait l'en empêcher
de toute façon
Pendant les deux heures que leur prit le trajet, elle rêvassa. Surtout
sur le loup, évidemment. Et surtout sur la petite tache blanche sur sa
gorge. Après beaucoup d'efforts, elle finit par se rappeler où
elle en avait vu une semblable. Sur le petit louveteau qu'elle avait sauvé
en rentrant chez elle. Mais c'était sûrement une coïncidence
Non?
-Petit loup? C'est toi le petit loup que j'ai rencontré il y a sept mois?
Non, c'est stupide
C'était une idée ridicule. En sept mois seulement, il n'avait
pas pu grandir à ce point, et le louveteau était normalement formé,
pas hybride comme celui-là.
-C'est moi, dit-il d'une voix rauque, basse et pas tout à fait humaine,
qui tenait à la fois du feulement et du grondement.
En lui adressant la parole, Alizea voulait simplement faire quelque chose qui
la distrairait un peu, histoire de meubler le silence qui commençait
à lui peser; elle s'attendait à tout sauf à une réponse.
Pendant quelques minutes, elle ne sut quoi dire, stupéfaite. Autant du
fait qu'il ait répondu que de la réponse elle-même.
"Miiiince
Heureusement que je ne l'ai pas embarqué chez moi,
finalement
"
-Ah bon
Excuse-moi si je ne t'ai pas reconnu tout de suite
-Tu aurais eu du mal, lâcha-t-il, laconique.
-Oui, c'est sûr! rit-elle, soulagée qu'il ne semble pas le prendre
mal. Tu
Voudrais m'aider?
Il attendit quelque temps avant de répondre, comme s'il lui fallait le
temps de traduire et de chercher ses mots.
-Oui. Tu as sauvé ma vie. Je te suivrai.
-Oh, si tu veux! s'exclama-t-elle, ravie de cet allié de poids plutôt
inattendu. Je suis contente de me faire un ami en plus
Comment tu t'appelles?
-
Fenris le Noir, fils de Fenris le Rouge. Du clan de la Lune de Sang.
Il avait encore hésité avant de répondre. Et elle ne savait
pas trop comment reconnaître de la réticence dans ce genre de voix,
mais là
Il aurait fallu le vouloir pour ne pas l'entendre.
-Moi, c'est Alizea, euh
fille de Gabriel.
L'usage de ce monde voulait qu'on se présente avec le nom de son père
et celui de son clan, on ne se servait pas de noms de famille. Mais Alizea n'avait
pas de clan à proprement parler. On se servait beaucoup de surnoms aussi,
comme lui- le Noir-, ou comme le père d'Ashram -sans -pitié. Elle
se souvint de quelque chose qui l'avait intriguée dans sa présentation.
-Tu portes le même prénom que ton père?
Il ne répondit pas verbalement, se contentant de hocher la tête.
Alizea se tut, sachant reconnaître une envie de changer de sujet.
Il se mit brusquement à trotter dans une montée. Arrivé
au somment de la crête, il stoppa net. Devant eux, entourée de
petites collines sillonnées de ruisseaux, se dressait une ville immense.
Blanche en majorité, elle se composait de hautes tours effilées,
de remparts tarabiscotés, de châteaux merveilleux
Le tout
composait un chaos apparent, mais en même temps remarquablement harmonieux.
Fenris resta en haut du chemin quoi serpentant la vallée quelques minutes,
puis tourna la tête vers Alizea, toujours sur ses épaules.
-Oui, c'est là que je vais. Tu veux me laisser ici?
Pour toute réponse, il émit un grondement caverneux et reprit
le chemin qui descendait vers la ville.
Ils arrivèrent enfin à la porte de la cité des anges. Cette
cité était occupée uniquement par des anges de pure souche
et des métis à forte proportion d'ange, et des ambassadeurs des
autres races, comme leur expliqua d'un ton hautain un ange de basse caste qui
servait de garde-barrière. Autrement dit, seuls les anges pouvaient y
entrer. Les manières de ce prétentieux commencèrent à
chauffer les oreilles d'Alizea, qui était déjà fatiguée
de ce voyage interminable et tendue à cause de sa future rencontre avec
son père et de ses révélations. Elle l'interrompit brutalement
au milieu d'une phrase.
-Si je suis une ange, je pourrai entrer sans problèmes, c'est ça?
-Oui, si vous étiez
Alizea concentra sa magie comme pour utiliser un sort, aidée par sa mauvaise
humeur. Elle dégageait énormément d'énergie. Elle
finit par réussir à faire jaillir ses ailes, à l'ébahissement
du portier. Elle toisa celui-ci d'un air aussi hautain que le sien quelques
secondes auparavant.
-Et à présent, je peux entrer?
Il fallut au type deux bonnes minutes pour se sortir de sa stupéfaction.
Quand il arriva à reparler, ce fut sur un ton beaucoup plus respectueux.
Mais s'il avait accepté le passage d'Alizea, il refusa tout net celui
de Fenris.
-Votre
Garde du corps ne peut pas entrer, je suis désolé
Dites-lui d'attendre devant la porte
-Mais vous faites chier!!
Alizea avait vraiment été influencée par Ashram plus qu'elle
ne le croyait. Et puis, il faisait vraiment chier, ce type, elle savait très
bien ce qu'il pensait vraiment, ce n'était pas garde du corps qu'il avait
voulu dire, plutôt chien de garde! Elle se passa les mains dans les cheveux
en soupirant fortement avant de reprendre.
-Y a pas moyen de lever l'interdiction?
-Elle a été posée par les Archanges en personne, personne
ne peut rien faire, sauf eux. Ils sont les seuls à décider des
exceptions, déclara le gardien d'un ton pincé qui semblait dire
que ces demi-anges, décidément, on ne pouvait pas en attendre
un comportement plus civilisé
- C'est un archange qu'il vous faut? Bougez pas! PAPAAAA!!!! hurla-t-elle en
direction du palais des Archanges, qui surplombait la muraille juste au-dessus
d'eux.
Dix minutes plus tard, Gabriel descendit tranquillement d'une fenêtre.
Pas trop tôt!! La situation était en effet en train de dégénérer.
Le portier avait appelé la garde pour la chasser quand elle avait crié.
Résultat: Fenris était enfin sorti de son impassibilité,
mais pas en bien pour les gardes. Il avait foncé sur eux au moment précis
où l'un d'eux attrapait Alizea par le bras. Le malheureux avait été
projeté sur un mur, quand aux autres, après le passage en trombe
du loup-garou dans leurs rangs, ils faisaient penser à un jeu de quilles
après un strike. Il y avait des plumes partout.
Pourtant, Fenris ne les avait pas vraiment attaqués, il les avait juste
renversés pour les empêcher d'atteindre Alizea. Elle avait été
très surprise de sa vitesse de réaction: elle n'avait compris
qu'il bougeait que quand il se fut placé devant elle. Autrement dit,
quand il s'immobilisa. Il se campa sur ses pattes en position d'attaque, en
poussant un grondement bas qui, pour n'être qu'un son non articulé,
était quand même très compréhensible: 'vous bougez,
j'attaque'. Ses crocs blancs étaient vraiment très longs.
La situation en était là quand Gabriel se posa entre le loup et
les soldats et se tourna vers sa fille. Les gardes baissèrent leurs armes
et s'inclinèrent bien bas, l'air très impressionnés qu'il
se déplace en personne. Quand à Fenris, il paraissait beaucoup
moins assuré, mais il continuait néanmoins à montrer les
dents sans s'écarter d'un pouce. Alizea fut très surprise de sa
fidélité inattendue: il savait visiblement qui était Gabriel,
ou du moins ce qu'il représentait, il savait ce qu'il risquait, et il
continuait à la protéger, bien qu'elle ne lui ait rien demandé.
Elle commençait même à penser qu'il serait capable d'attaquer
l'archange.
-C'est bon, Fenris, lui dit-elle à voix basse, en touchant son bras pour
attirer son attention. C'est mon père.
Le loup la fixa d'un il que la surprise rendait presque rond.
-Ton
commença-t-il, mais il fut incapable de continuer: la stupéfaction
étranglait sa voix.
-Mon père, oui, malheureusement, répondit-elle en lançant
un regard lourd de rancur à Gabriel.
Le loup les regardait alternativement, tournant son long museau d'un côté
puis de l'autre. Il finit par s'écarter avec un grognement dubitatif.
Gabriel garda un il sur lui tandis qu'il se rapprochait de sa fille. Il
s'arrêta à deux mètres, tenu à distance par sa froideur,
et lui adressa la parole, très étonné.
-Je peux savoir comment tu as réussi à t'attacher un garou?! Tu
l'as vaincu en combat singulier, pour qu'il t'obéisse, ou quoi?!
-Ca va pas?! répliqua-t-elle d'un ton agressif. Je n'ai pas combattu
Fenris!
Il ne lui avait même pas demandé comment elle allait.
-Alors, comment tu as fait? C'est bizarre, mais j'ai du mal à admettre
qu'un garou de deux mètres ait besoin d'être sauvé par une
gamine comme toi
Elle haussa les épaules sans le regarder. Comment savait-il qu'elle l'avait
sauvé?
-Il était petit, c'est quand je suis repartie dans le monde des humains.
-Après tout, ça te sera sûrement utile, dit-il d'un ton
songeur, un esclave aussi fort, pour la mission que je vais te donner
-Un esclave?!! Fenris est mon ami, ce n'est pas mon esclave!!!
-Si.
Mais c'était Fenris qui avait répondu, sa voix rauque laissant
passer quelque chose qui ressemblait à de l'amertume.
-Mais
Je veux pas!! Pourquoi tu serais mon esclave?! s'exclama-t-elle,
stupéfaite et n'y comprenant plus rien. Je veux qu'on soit amis, moi
-On n'est pas ami avec un garou, Alizea, lui dit son père. On peut être
allié, à la rigueur, ou employeur, s'il fait partie d'un clan
mercenaire, mais les loups ne frayent pas avec les autres races. Jamais. Sauf
quand ils doivent la vie à quelqu'un qui n'est pas un loup. Dans ce cas,
ils en deviennent l'esclave, ajouta-t-il en haussant les épaules.
-Mais
C'était juste un bébé!! Il ne pouvait PAS se
défendre tout seul!
-Alors il aurait dû mourir. C'est une loi de la nature, Alizea. De quel
clan es-tu, au fait? demanda-t-il à Fenris.
-La Lune de Sang, répondit Fenris, toujours aussi laconique.
-KWAAAA!!!??! (retranscription approximative de la réaction de Gabriel.)
Alors là, ma fille, j'aurai plus jamais peur pour toi!! rit-il, un peu
nerveusement.
L'incompréhension d'Alizea était tellement visible qu'il commença
à lui expliquer.
-Je suppose que tu n'en sais rien, évidemment
Le chef de chaque
clan, chez les loups, est toujours le plus fort du clan. Le roi des Loups, c'est
à dire le chef de tous les clans, peut être de n'importe lequel
tant qu'il est le plus fort de tous. Mais dans la pratique, ceux de la Lune
de Sang sont si forts qu'il a toujours fait partie de celui-là
- C'est mon père, dit Fenris en regardant par terre.
-Le Roi?! En plus!! S'esclaffa Gabriel. Chérie, tu ne crains plus RIEN!
Alizea laissa échapper un soupir exaspéré.
-Tu pourrais peut-être me dire pourquoi tu m'as convoqué, au lieu
de te ficher de Fenris?
-Euh
Oui
Suivez-moi.
Il pénétra dans la cité des anges. Après un instant
de flottement, Alizea le suivit, accompagnée de Fenris qui marchait un
pas sur le côté derrière elle, comme une escorte. Elle ne
put s'empêcher de tirer la langue au portier, qui était si effrayé
qu'il en faisait tomber des plumes tant il tremblait.
Gabriel les conduisit dans une salle attenante à la Salle du Conseil.
Cette pièce faisait très Renaissance Italienne. Il y avait des
dorures et des fioritures partout, et des miroirs à ne savoir qu'en faire.
Fenris avait l'air très mal à l'aise, il ne cessait de coller
aux basques d'Alizea en jetant des coups d'il de tous côtés.
-Bon, tu me veux quoi?
-Parlons peu, parlons bien
-Comme je te connais, ce sera dur, le coupa-t-elle.
-Alizea!! Je suis ton père, tu te souviens?!
-Je m'en souviens plus que toi!! Tu ne m'as même pas demandé comment
j'allais!
-Parce que je le sais, ma chérie
soupira-t-il. Tu n'imagines même
pas le nombre de mes espions qui se trouvent actuellement dans ta ville.
-Tu me fais espionner? demanda-t-elle en étrécissant les yeux.
-Non, je me contente de m'assurer que tu vas bien. Bon, passons à autre
chose. Quand tu es partie dans l'autre monde, tu as laissé le passage
ouvert derrière toi. Et le temps que Drao revienne nous prévenir
et retrouve le pentacle que tu avais utilisé, et qu'on arrive à
vaincre ta formule, des créatures magiques avaient sauté sur l'occasion
pour s'enfuir dans ton monde
Et comme tu étais la déclencheuse
du sort, et que celui que tu as utilisé est d'un genre spécial,
le passage est resté dirigé sur toi. Ils sont arrivés dans
ta région. Nous ne savons malheureusement pas quelles créatures,
ni combien, mais imagine un peu la réaction des humains face à
un elfe où à un centaure
Imagine aussi la réaction
des autorités!
Alizea frissonna.
-Alors, le conseil a décidé que puisque c'était de ta faute,
et que c'était un monde où nous n'avions pas le droit d'aller,
c'était à toi de t'en charger. Tu as le droit de te faire aider
par quelques personnes, si tu es sûre qu'elles ne commettront pas de plus
gros dégâts que celles qui y sont déjà et qu'elles
resteront discrètes; le Pacte fermera les yeux
J'ai préféré
te l'annoncer moi-même, pour en profiter pour te voir.
-Comment ça vous n'avez pas le droit d'aller dans notre monde? demanda-t-elle
en ne relevant pas la dernière phrase intentionnellement. Tu y étais
bien, toi
Gabriel rougit.
-En fait, je n'avais pas vraiment le droit
Je pensais n'y rester que quelques
heures, mais
J'ai rencontré ta mère.
-On m'avait dit que vous étiez amis d'enfance
- D'une certaine façon, c'est vrai
Il se souvient.
-Voilà
C'est comme ça que j'ai rencontré ta mère
Cinq ans plus tard, on était mariés, et un an après tu
étais née et elle était morte
A ce moment, le conseil
avait découvert ce que j'avais fait, et j'ai eu droit à de belles
engueulades, mais j'ai fini par obtenir une dispense spéciale pour t'élever
dans le monde de ta mère jusqu'à ce que tu sois en âge de
comprendre et de juger par toi-même ce que tu voulais faire. Les choses
ne se sont pas passées comme j'espérais.
Il avait aimé sa mère, oui. C'était une histoire attendrissante.
Mais ça ne changeait pas qu'il l'avait abandonnée. Elle prit le
temps de ruminer ce qu'elle avait appris avant de répondre, pour mesurer
ses mots.
-J'ai cru que tu étais mort. Et ça
Je t'aime, papa, mais
je ne te le pardonnerai jamais. Au fait, j'accepte la mission.
Elle tourna les talons et sortit de la pièce, Fenris sur les talons.