La formule d'ouverture de cercle était très complexe, et Alizea
avait un mal incroyable à retenir dans l'ordre les runes compliquées
et la formule d'une longueur rebutante, et qui réclamaient un timing
parfait pour fonctionner. Elle mit au moins trois jours pour apprendre les différentes
phases et presque autant pour réussir à les assembler. La récitation
prendrait pourtant vingt minutes, pas plus.
Enfin, elle finit par la savoir assez pour pouvoir la réciter. Ce jour-là,
elle arriva chez la vieille très tendue, comme si elle passait l'oral
du bac. Eh, ce n'était pas si grave si elle ratait la formule, ça
signifierait juste qu'elle devrait supporter un peu plus Ashram- le garder encore
un peu- jusqu'à ce qu'il trouve une autre solution- et ne s'en aille
pour ne jamais revenir. Elle avait un petit pincement au cur en pensant
qu'elle ne le reverrait jamais, mais
Mais elle savait que si elle ratait
la formule, elle n'aurait plus jamais confiance en elle sur ce plan-là.
La magie était devenue tellement importante pour elle
Il fallait
qu'elle réussisse.
Elle descendit à la cave, sans regarder, pour une fois, les formidables
fresques qu'elle avait dégagé de la poussière, qui représentaient
des dragons enlacés et des loups-garous affrontant des licornes en de
mortelles étreintes et qui, d'habitude -quand elle n'avait pas un pentacle
à ouvrir- pouvaient la retenir des heures.
La vieille l'attendait en bas, dans la grande cave. Ashram était déjà
là.
- Salut minette!
La dernière fois qu'il la saluerait ainsi. Si elle réussissait.
Il lui fit un clin d'il confiant, et leva le pouce. Son monde devait lui
manquer atrocement
Elle n'allait pas rater devant Ashram, de toute façon,
parce que sinon elle devrait le supporter toute sa vie, et elle n'échapperait
à son persiflage moqueur qu'une fois qu'elle serait morte de vieillesse.
Elle repassa les runes de préparation aux endroits où elles étaient
inscrites dans le sol, puis s'assit en tailleur entre deux pointes du pentacle,
et commença la formule. Elle n'avait pas enchaîné trois
runes qu'elle avait un trou de mémoire. Elle crut qu'elle allait pleurer
de frustration.
Soudain, deux bras entourèrent ses épaules, et un souffle chaud
frôla son cou. Ashram la serra contre lui gentiment, et lui chuchota à
l'oreille, de sa voix douce qu'elle n'avait entendu qu'une fois: "Calme-toi,
Zelia, tout va bien se passer
Je te fais confiance, minette
"
Et il déposa un baiser dans son cou avant de s'écarter.
Tous ces petits noms qu'il lui donnait, à croire qu'il ne pouvait pas
l'appeler par son nom entier
Elle inspira profondément et reprit
la formule, lentement d'abord, puis d'une manière plus assurée
et plus fluide à mesure que les runes lui revenaient et s'enchaînaient,
comme une petite chanson avec un rythme bien à elle
Quand elle arriva à la partie où elle devait déclencher
le sort, il lui arriva quelque chose de très bizarre. Elle vit soudain
lui apparaître en arabesques de couleurs non répertoriées
les runes qu'elle avait tracées dans les airs, et les runes du sort de
fermeture se dévoilèrent. Elle sentait leur
Antagonisme.
Elle pouvait soudain, comme une langue maternelle longtemps oubliée,
les lire et les comprendre, et elle sut que son propre sort était trop
faible. Elle ferma les yeux, et concentra toute sa magie et toute sa volonté
pour détruire l'autre sort.
Ashram et la vieille dame furent paralysés par ce qui arriva ensuite.
Alizea était soudain entourée d'une aura d'une puissance inattendue.
Son énergie augmenta encore pendant un petit moment, puis sembla plafonner.
La vieille se tira de sa surprise et secoua la tête, soudain très
triste pour la jeune fille qui avait fourni tous ces efforts inutilement. "Très
bien, mais
Pas encore assez. Je me rappelle à présent qu'on
disait que ce sort avait été lancé par l'Archange Michaël
lui-même, ancêtre de ma famille. Elle ne pourra le bris
"
La puissance d'Alizea augmenta de façon si brutale qu'elle fut projetée
trois mètres en arrière, sur un vieux canapé élimé.
Ashram recula de deux pas et fut forcé de se protéger des éclats
de roche qui volaient derrière son aile. La lumière qui nimbait
la jeune fille et éclairait la salle entière était presque
éblouissante, mais il distingua quand même les choses étranges
qui semblaient jaillir du dos de la jeune fille, déchirant son T-shirt.
Des ailes de plumes blanches de deux mètres de long chacune, qui semblaient
briller.
Puis le sort de scellé se brisa. Ashram vit qu'Alizea, qui avait déclenché
son sort trop vite, était emportée dans l'autre monde, puis, avant
que le cercle ne se referme, il se dirigea vivement vers le pentacle pour rentrer
enfin chez lui.