Tu peux répéter?

Par Asuka

Série: Gundam Wing
Genre: POV (Duo)
Disclaimer: pas à moi, pas taper. Moi rendre les gentils pilotes une fois après bien joué avec. Presque entiers en plus. Et pratiquement pas mâchonnés. De quoi vous vous plaignez encore?
Notes: Ca peut marcher comme une suite de "tu vas me détruire", mais on peut aussi bien le lire tout seul. J'en avais un peu marre de ces tonnes de fics où c'est toujours Duo qui aime Heero en secret et Heero qui réalise lentement que peut-être il peut l'aimer aussi. Juste histoire d'alterner un peu ^___^

o O @ o O @ O o @ O o

-Pardon?
Je cligne des yeux, bêtement. Je suis sûrement mal réveillé.
Heero se tient devant moi, debout à côté de mon lit. Je le regarde, yeux légèrement exorbités. Il n'y a pas moyen que j'aie entendu ce que je crois avoir entendu.
-Excuse-moi, je suis mal réveillé… j'ajoute avec un sourire nerveux. Tu pourrais répéter s'il te plaît?
Il ouvre la bouche. Cette fois, je m'assure de bien lire sur ses lèvres, si par hasard une distorsion de l'air avait changé ce qu'il avait dit la dernière fois sur le trajet entre sa bouche et mon oreille.
La bouche énonce la même chose que mes oreilles entendent, encore une fois.
-Quoi?! je m'exclame.
Je suis trop stupéfait sur le moment pour me soucier de la manière dont mes mots peuvent le toucher en ce moment précis.
Il le répète encore, et cette fois-ci, c'est encore plus bas, comme un murmure. Les yeux baissés, déjà en train de tourner les talons vers la porte, il prépare déjà sa fuite. Mais après tout je ne lui ai pas donné de raison de penser que j'accepte qu'il reste. Mais ce n'était pas pour être méchant, juste parce que… De toutes les choses qu'il aurait pu dire, celle-ci n'était même pas sur ma liste des choses extrêmement hautement improbables même dans un million d'années et avec une méga cuite.
-Je… t'aime, Duo…
Je n'arrive pas à réagir et reste là à le regarder, bouche ouverte, œil rond, un vrai poisson hors de l'eau. Non, non, ce n'est pas du tout une réplique Yuyesque, ça. Je vais te tuer, par exemple, c'en est une bonne. Ou boucle-la, Duo. Ca aussi c'est une bonne réplique venant de lui. Ou espèce de baka. Des trucs comme ça.
Il tourne les talons et se dirige vers la porte. Tiré de ma stupeur, je lance un bras en avant et le retiens par le poignet. Il se retourne, le visage volontairement inexpressif. Comme l'expression qu'il porte toujours, un mélange d'indifférence et d'agacement qui crie: laissez-moi tranquille si vous ne voulez pas mourir dans d'atroces souffrances, je suis très bien sans vous. Exactement comme d'habitude, même le froncement de sourcils. Qu'est-ce qui me fait comprends que ce n'est qu'un masque? Seulement le souvenir de ce qu'il vient de me dire? Ou bien peut-être quelque chose au fond de ses yeux… Voilà c'est ça, c'est ses yeux. La glace est brisée et dessous, je peux voir une foule d'émotions qui se pressent, s'entremêlent.
Je le croyais dépourvu de toute émotion. Elles étaient particulièrement bien réprimées, il faut le dire.
Celle qui domine est… La souffrance. La détresse. Pourquoi?
Oh mon dieu je suis si stupide, il pense que je l'ai rejeté… Et sa douleur est telle, je la vois, que je ne peux pas le laisser comme ça. Heero est mon meilleur ami après tout, je refuse de le blesser de cette manière alors qu'il a laissé glisser l'armure qui le protégeait rien que pour moi. Il m'a donné une ouverture et je pourrais lui faire tant de mal rien qu'avec un mot de travers… Oh seigneur, pendant un moment j'ai peur de l'achever.
-Je… Ne sais pas quoi dire, j'avoue en baissant les yeux, mais sans lâcher son poignet.
Si je le lâche, il va se mettre à courir et jamais je ne le reverrai… pas le vrai Heero du moins, ce Heero que je vois depuis la première fois, le réel, celui qui ressent. Juste cette marionnette de petit soldat. Il fera semblant de rien, comme si rien ne s'était passé, et il mourra lentement à l'intérieur de sa coquille…
-Je… Heero… C'est juste… Je ne veux pas te rejeter, mais…
-Je sais, tu ne ressens pas la même chose, répond-il à voix basse, sans me regarder. Je ne m'y attendais pas.
-Ce n'est pas ça!!! Heero, je ne sais même pas ce que je ressens en ce moment!! Tu m'as pris par surprise, ok? Donne-moi un peu de temps pour … Pour enregistrer ce que tu viens de dire, d'acc? J'ai juste un peu de mal à…
Je fais des gestes avec mon autre main, mais je me garde bien de le lâcher. Il a toujours ce regard de chien battu et abandonné au bord de l'autoroute. Et il ne cesse de calculer la distance qui le sépare de la porte.
-Ecoute, laisse-moi quelque temps pour penser à ce que tu viens de me dire, et ce soir, on en reparlera, tu veux? je lui propose d'une voix douce.
Jamais j'emploierais ce genre de voix avec lui en temps ordinaire, ni à moins d'une centaines de mètres d'un adulte, seulement pour un enfant… mais il me semble si fragile soudain, si innocent, que je ne peux faire autrement que de prendre la voix que Père Maxwell utilisait sur les nouveaux qui avaient des cauchemars à l'orphelinat. N'importe quoi d'autre d'un soupçon plus rude serait mal pris.
Il acquiesce à ma proposition, mais je peux bien voir que c'est parce qu'il panique et regrette ce qu'il m'a dit, et serait prêt à dire oui à n'importe quoi pourvu qu'il puisse sortir d'ici et ne plus jamais avoir à me regarder en face.
Soupirant, je le lâche… et l'arrête juste au moment où il pose la main sur la poignée.
-Heero… Tu m'as pris au dépourvu. Laisse-moi juste un peu de temps. Mais en tout cas, ne va pas penser que je vais te détester pour ça, OK? Tu es mon ami et tu le resteras quoi qu'il arrive. D'accord?
Il hoche la tête en silence, puis ouvre la porte et la referme derrière lui, silencieux comme une ombre. Je ne sais pas si ce que je lui ai dit s'est vraiment gravé dans son crâne que je sais plutôt dur, mais en tout cas j'aurai fait ce que j'ai pu pour limiter la casse… Je retombe sur mon oreiller, mes pensées entrant dans une danse folle.
Heero est mon partenaire uniquement suite à un ordre, sinon jamais il ne se serait associé à un baka mal discipliné. Heero est le meilleur hacker qui existe; toujours rivé à son ordinateur. Heero est un putain de sacré bon pilote; LE meilleur, en fait. Heero est la seule personne au monde qui ne sourie jamais à mes blagues. Heero est froid, non émotionnel, non expressif. Heero est un tueur, l'un des hommes les plus dangereux et les plus intelligents au monde. Heero ne m'adresse la parole que pour me dire de me la boucler ou m'envoyer balader, ou me parler d'une mission à la rigueur. Heero n'a pas de VIE hors de la mission.
Heero m'aime.
Il m'aime. Moi.
Faut pas le prendre du mauvais sens, mais… Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça? Je ne suis pas sarcastique en disant ça. Je me demande, c'est tout. Je me demande vraiment. Je ne comprends pas.

Finalement, je ne vais pas en cours. Je suis trop bloqué pour penser à autre chose qu'à la confession de mon camarade. Je vais m'installer sous un arbre et je m'étale sur le dos, bras croisés derrière la tête, et je pense. Et puis je pense encore un peu. Pis encore un peu plus.
Le soir venu j'ai le cerveau prêt à me dégouliner par les oreilles.
C'est bientôt l'heure à laquelle il finit les cours. Je retourne au dortoir. Et j'attends.

-Si tu essayais d'attendre que je dorme pour éviter d'avoir à me parler, c'est raté.
Pendant un quart de seconde, Heero se fige et a un air presque penaud avant de se faufiler dans la chambre sombre. C'est là que je me rends compte à quel point il est nerveux et tendu. Mais il faut qu'on parle, et on parlera. Je lui ai promis qu'on le ferait; je ne mens jamais.
Je tapote le lit à côté de moi. Une distance correcte je trouve, pas trop loin pour qu'il ne se sente pas rejeté, pas trop près non plus. Normalement je m'en fous, j'adore les contacts, je tripote tout le monde, mais là c'est pas le moment.
-Tiens, viens t'asseoir là, je lui demande de ma voix-spéciale-Heero-émotionnel.
Il obéit, ne me regarde toujours pas. Je saisis son menton, tourne son visage vers moi, fermement.
-Heero, regarde-moi, s'il te plaît.
Il essaye, je peux voir qu'il essaye. Mais sa honte est trop forte et il garde les yeux baissé… Même s'il ne retire pas son visage de sous ma main.
J'enlève ma main, doucement. Il faut toujours que je trouve un juste milieu avec lui en ce moment, dire qu'avant je croyais qu'il se foutait de tout… Mais sur ce plan là il n'a aucune confiance en lui, ça je peux le voir. Si j'ôtais ma main trop vite, il croirait qu'il me dégoûte. Ce n'est pas vrai.
-Dis, tu pourrais me raconter pourquoi au juste tu as commencé à t'intéresser à moi? J'aimerais comprendre mieux… J'avoue que je ne te connaissais pas aussi bien que je le croyais, jamais je ne l'avais imaginé… Je veux dire, je savais que tu m'appréciais, au moins un peu, je SAVAIS que j'avais réussi à passer tes défenses et que tu me considérais presque comme un ami, mais y avait juste des moments où je me demandais si je le savais pas comme Relena sait que tu l'aime, si tu vois ce que je veux dire… Tu ne donnes pas tellement d'indications…
Heero grimace. J'ai touché un nerf. Alors il n'apprécie pas la petite princesse?
-Heero… Pourquoi moi? Pourquoi pas Quatre? Il est tellement gentil… Ou Trowa, vous vous comprenez lui et toi!
Il a un micro sourire.
-J'aurais pas voulu les séparer, chuchote-t-il, et je reste là à le fixer, ébahi.
Il vient de faire une plaisanterie. Je laisse échapper un petit rire plus surpris qu'autre chose.
-Ca a commencé comme de la simple curiosité… Je ne te comprenais pas. Je ne te comprends toujours pas d'ailleurs. Mais… Je n'arrivais pas à saisir comment tu faisais. Tu es un soldat, tu tues des gens, tu fais des choses extrêmement dangereuses requérant un maximum de concentration et de talent, et… Tu passes ton temps à faire le clown, à rire… Je ne comprenais pas comment tu pouvais réussir avec une attitude aussi désinvolte. Je me disais que tu ne comptais que sur ta chance et que bientôt, tu n'en aurais plus et tu serais tué… Et ce serait bien fait. Je te méprisait à l'époque, et tu n'inspirais pas un énorme respect.
Il me jette un regard d'entre ses cils et je hoche la tête, lui laissant comprendre que je ne suis pas vexé.
-Et puis… Tu n'as pas été tué. Tu continuais à combattre et tu continuais à réussir. Et je me suis mis à t'observer de plus près. Je me suis rendu compte que même si tu semblais te reposer uniquement sur la chance, tu étais en fait plus professionnel que ça, bien plus… Et j'ai commencé à t'estimer un peu plus. A me méfier de toi aussi. Je suis dangereux et je le montre. Tu es dangereux et personne ne s'en douterait; ça te donnait un avantage. J'ai commencé à me sentir entrer en compétition avec toi. C'était idiot bien sûr… Mais tu étais trop mystérieux pour que je puisse te juger exactement, alors je n'arrivais pas à te saisir… A savoir où exactement tu te situais par rapport à moi. C'est devenu un de mes hobbies favoris, t'observer, décortiquer tes faits et gestes… Mais tu ne révèles jamais rien. J'ai passé des heures à t'écouter et tu n'as jamais rien dit d'importance. Rien dit qui aurait pu me donner un indice de ce qu'il y avait derrière… Derrière le masque.
Je tremble, imperceptiblement. Il me regardait depuis tout ce temps…? Et je n'ai rien vu, rien du tout… Je sentais bien qu'il m'observait, mais il fait ça avec tout le monde, il se concentre sur tout le monde, c'est un de ses trucs de soldat parfait; je n'avais pas réalisé que je recevais tellement plus d'attention… Sans doute parce que nous sommes toujours ensemble. Parce que je passe mon temps à essayer de me frayer un passage derrière ses yeux de glace, pour découvrir l'humain au sang chaud qu'il y a derrière… Et il faisait la même chose.
Pendant tout ce temps nous avons été chercher derrière le masque de l'autre et nous n'avons jamais réalisé que l'autre faisait pareil.
-Tu laissais aller tes émotions librement, mais quand à tes pensées… J'avais l'impression que tu réfléchissais sur trente niveaux en même temps, tu sautes d'un sujet à l'autre sans aucune logique apparente et je ne comprenais pas, j'étais tellement frustré… Je me suis mis en colère contre toi, plusieurs fois. Je n'avais jamais été en colère contre quiconque avant. Agacé, oui, gêné, oui, mais en colère… Tu avais réussi à passer mes défenses et je n'avais pas compris comment. Et malgré toutes les fois où je te repoussais, tu revenais, tu m'offrais de l'amitié, moi qui ne savais même pas que ça pouvait exister, et tu ne me demandais rien… Et ça me faisait bizarre. Je cherchais le piège, sans arrêt. Il y avait forcément un piège, forcément. Mais tu m'ouvrais tes émotions et tu m'autorisais à te faire du mal sans rien demander en échange et je… Je ne sais pas. Et après la colère, il y a eu d'autres choses. La surprise, plusieurs fois. Quand tu préparais le petit déjeuner pour moi, ou que tu restais éveillé à m'attendre au retour d'une mission… Et…de la.. gratitude, je crois… Je ne sais pas, je ne sais pas, c'était… D'autres choses, d'autres… émotions… Je croyais qu'elles étaient mortes.
J'ai la lèvre inférieure qui tremble maintenant. J'espérais qu'il apprécie l'amitié que je lui offrais, j'espérais qu'il se réchauffe…Je pensais que ça ne marchait presque pas. Qu'il me faudrait des siècles avant d'éroder complètement sa coquille. Jamais je n'ai imaginé que je l'avais atteint si profondément. Si j'avais su, je… Qu'est-ce que j'aurais fait? Je ne sais pas si j'auras changé ça. Je veux dire, c'est ce que je voulais, non? lui apprendre à ressentir à nouveau? J'ai réussi, au delà de toutes espérances.
Comment est-il passé si discrètement de pas d'émotions du tout à une telle intensité?
Je commence à comprendre. Il les avait réprimées depuis si longtemps que quand elles ont été libérées, c'était comme si elles étaient toutes neuves. Pas encore usées.
-Et puis cette soirée…Tu te souviens après la mission avec Trowa? Quand tu nous as expliqué pourquoi tu t'appelais Shinigami, que tu nous as raconté ton passé… J'étais… Stupéfait. Je veux dire, que tu étais intelligent et dangereux, je l'avais déjà compris avant, mais que tu aies autant souffert, jamais je ne m'en serais douté… Tu es toujours si gai et optimiste… Tu es passé par l'enfer et tu étais toujours d'accord pour offrir ton cœur comme ça, alors qu'il avait déjà été brisé je ne sais combien de fois… Tu n'avais pas peur d'avoir mal encore une fois. Ca… Je ne sais pas, ça m'a fait bizarre. Et cette nuit-là, quand je t'ai vu recroquevillé sous la fenêtre… Tu ne t'autorises pas à verser une larme éveillé, mais… Tu pleurais Duo, tu pleurais dans ton sommeil, et je savais que le lendemain tu sourirais de la même manière qu'avant. Et que tu ne ferais pas semblant. Comme si de rien n'était. Je crois que c'est cette nuit-là que… Cette nuit-là que j'ai commencé à vouloir te protéger. Sauf que je ne savais pas comment, se met-il à rire, amèrement.
Je ferme les yeux, brièvement. Oh oui, il m'a vraiment observé de près. Je me rappelle cette soirée. J'en avais assez, et j'ai craqué. D'habitude je fais toujours en sorte de garder les autres pilotes à peu près de bonne humeur, de sourire sans cesse… Mais ce soir-là j'en avais trop marre pour continuer la mascarade. Pas que je fasse tout le temps semblant, non, mais quand les temps sont durs, il en faut bien un pour rendre un peu d'optimisme aux autres.
Sauf que ce soir-là, l'école où nous étions cachés s'était retrouvée détruite. Avec tous les amis que je m'y étais fait… Les filles avec lesquelles j'étais sorti… Les garçons avec qui j'avais ri et joué au basket… Ca faisait mal. Ca fait toujours plus mal quand ce sont des gens de votre âge. Encore plus quand ce sont des personnes qu'on connaît. Et j'avais craqué, mais ils s'étaient contentés de me dévisager puis de me laisser seuls. J'avais cru qu'ils s'en fichaient. Du moins j'avais cru que Trowa ne savait pas trop quoi faire, handicapé émotionnel lui aussi, et que Heero s'en foutait royalement, totalement amputé des sentiments. Ca m'avait fait presque aussi mal que le reste.
-C'est cette nuit que j'ai commencé à tomber amoureux de toi, souffle-t-il.
Il se tait, le regard fixé sur ses mains. Jamais je n'aurais pensé qu'il puisse parler aussi longtemps. Ca me fait plaisir qu'il se soit forcé. Mais à mon avis il gardait ça enfermé en lui depuis si longtemps qu'il commençait à en avoir gros sur le cœur; une fois qu'il a été lancé…
Il a l'air si seul, si fragile… Je passe un bras autour de ses épaules.
-Merci de m'avoir expliqué, Heero. Merci.
Je l'embrasse sur la joue, tout doucement. Je ne l'aime peut-être pas comme il m'aime moi, mais j'ai de l'affection pour lui; énormément. Et une grosse poussée de tendresse.
Il se tend sous mon bras, et un instant je me demande si je n'ai pas fait une erreur. Il bouge, mais se retient au dernier moment. Je comprends qu'il voudrait rendre l'accolade mais qu'il n'ose pas, effrayé que la signification ne soit pas la même chez lui que chez moi.
-Duo…
Sa voix s'étrangle d'émotion.
-Hmm?
-Duo, ce n'est pas seulement platonique… L'attraction que je ressens; ce n'est pas juste moralement…
Je rougis un poil et relâche un peu mon étreinte. Ca doit être ma hanche contre la sienne qui le gêne. Je me recule.
Bon sang, même son cou est écarlate.
-Heero, je comprends que tu aies env… Sois attiré physiquement par moi, ce n'est pas si grave, je réussis à dire, mais ma voix est quand même un peu forcée.
-Ca ne te dégoûte pas? me demande-t-il, d'une toute petite voix de petit garçon. Je ne sais pas comment arrêter ça…
-N'arrête pas alors. Tu as le droit de penser ce que tu veux, c'est ta tête… C'est normal pour un ado en pleine santé, tu sais.
-Normalement, les garçons n'aiment pas savoir que… Je veux dire, je sais que tu ne voudras jamais… Tu es hétérosexuel après tout…
Je ne peux pas m'en empêcher, je pouffe dans ma main.
-Heero, Heero… Qu'est-ce qui te fait penser ça? je le tance, amusé.
Il me regarde, étonné. Il est adorable avec ses yeux bleus ouverts tout grands et sa bouche entrouverte comme ça. Il a l'air d'avoir à peu près douze ans.
-Mais… Toutes les filles avec lesquelles tu sors?
-Je suis bi, Heero. Si tu me vois plus avec des filles qu'avec des garçons, c'est parce que les garçons d'accord pour sortir avec moi sont bien moins nombreux que les filles, et qu'en plus je peux être affectueux en public avec une fille, pas avec un mec. Mes mecs, je les cache. Ca me ferait trop remarquer, et j'aurais des ennuis en classe, en plus; tu sais comment sont certaines personnes à ce sujet.
-Oh…
-Et toi, Heero?
Il secoue la tête, puis essaye de réorienter ses pensées vers ce nouveau sujet. Plus gênant mais moins dangereux, je pense qu'il le trouve.
-Je n'en sais rien.
-Tu sais pas si tu es homo ou hétéro?
-Les seuls garçons que je fréquente, c'est vous quatre; et la seule fille que je fréquente, c'est Relena, ajoute-t-il avec un froncement de sourcils agacé. Si je te… Si je pense à toi physiquement, c'est parce que je…
Il bloque sur le mot.
-Je sais… je l'encourage. Et?
Il me jette un regard reconnaissant et continue. Vu comme il parle, lentement, pesant ses mots, je suis sûr qu'il n'a jamais pensé aux choses comme ça, qu'il les formule au fur et à mesure.
-…Alors je ne sais pas si je pense à toi comme ça et pas à Relena parce que je suis vraiment homosexuel, ou parce que c'est juste… Juste toi. Je suis presque sûr que si Relena ne m'attire pas, c'est avant tout parce qu'elle est qui elle est, pas parce qu'elle est une fille, il ajoute en faisant la moue.
C'est trop; je me mets à rire. Il me regarde, outragé.
-Je me moque pas de toi, je lui assure entre deux gloussements. C'est juste… Et dire qu'elle te court après depuis qu'elle t'a vu pour la première fois! La pauvre, qu'elle va être déçue si jamais elle apprend!
Il fronce encore plus les sourcils et détourne la tête. Je pense qu'il croit que je me fiche de lui.
-Heero, ce que tu viens de me dire, ça pourrait être compris comme: j'aime encore mieux tourner pédé que me faire Relena. Tu imagines comme c'est flatteur pour une fille?
Il a un tout petit demi-sourire et je lui donne un coup de poing joueur dans le haut du bras.
-Mince, tu parles d'un bleu à son ego!!
Il secoue la tête, désapprobateur, mais il a toujours ce petit sourire aux lèvres. Bon sang, il a l'air tellement plus approchable comme ça. Plus humain. Ca lui va bien. Je lui avais dit, avant, qu'il avait un beau visage, quand cet innocent m'avait demandé ce que lui trouvaient les filles de notre classe; mais je suis positif. Si jamais elles le voyaient comme ça, elles ne se contenteraient plus de lui sourire et de se mettre à glousser derrière son dos, et de lui faire quelques avances. Elles l'enlèveraient pour aller le violer dans un coin.
A quoi je pense, moi? Oui, je suis bi, oui, je trouve Heero mignon et vachement bien roulé, même plus que ça. Merde, ce mec est un dieu grec en devenir. Mais c'est mon meilleur ami et je refuse de prendre avantage de ses sentiments pour moi juste pour le sauter. Si je sors avec lui, ce sera du sérieux. Je ne peux pas gâcher notre amitié et son cœur tout neuf juste pour une aventure.
-Duo… Qu'est-ce qui va arriver maintenant? me demande-t-il.
Son ton est celui d'un petit garçon qui s'attend à prendre un coup d'une seconde à l'autre.
Je ne demande pas "comment ça?" bien que j'en meure d'envie. Ce serait juste gagner du temps, et on est toujours plus sincère quand on n'a pas le temps de réfléchir à ce qu'on dit de toute façon. Et Heero ne mérite pas moins que mon absolue sincérité.
-Je ne sais pas… Mais en tout cas, nous sommes amis comme avant. Merde, ça sera même mieux qu'avant. Je ne m'attends pas à ce que tu sois toujours comme ce soir, mais ne pense pas que tu vas réussir à évader mes super questions maintenant que je sais que tu es capable de tenir un bout de conversation…
-Duo, ce n'est pas… Ce que je demande, répond-il dans un souffle.
Je passe mes mains dans mes mèches.
-Je ne sais pas si je pourrai sortir avec toi, Heero. Ce que moi, je ressens pour toi, c'est une amitié énorme, sincère. On peut aimer d'amitié presque aussi fort que d'amour, tu sais. Tu es quelqu'un d'extrêmement précieux pour moi. L'une des plus précieuses. Seulement, je ne sais pas si ça pourra être plus. Je n'ai jamais pensé à ce que ça devienne plus. Peut-être que oui?
Je passe une main sur sa joue, lentement. Son visage est si proche du mien que je sens ses mèches me caresser le front.
-Je tiens trop à toi pour gâcher notre amitié dans une aventure stupide. Alors tant que je ne serai pas sûr que je t'aime comme toi tu m'aimes, je crois qu'on en restera là. Je refuse de profiter de toi. C'est vrai que tu es beau, dehors comme dedans, que je t'apprécie, mais… Tu sais, j'ai l'impression que tu m'as donné un trésor. Tu m'as donné ton cœur, et il est si fragile que je suis terrifié à l'idée de l'abîmer… Tant que je ne pourrai pas te donner le mien en échange, ce ne serait pas juste à ton égard. Est-ce que tu comprends? Je suis sûr que toi non plus tu ne veux pas moins que ça.
Il hoche la tête, mais il n'a pas l'air entièrement convaincu. Il semble si triste...
-C'est ce que je me dis, des fois, répond-il à voix basse. Que mon amour ne sert à rien si je n'ai pas le tien en échange. D'autre fois, je me dis juste que je serais si heureux de pouvoir juste l'imaginer. Parce que ce serait mieux que rien. Juste pouvoir rêver…
-Heero…
Je le serre dans mes bras. Il y a une telle souffrance dans sa voix… J'ai l'impression d'être un salaud. Il me veut, il me veut tellement. Non, c'est plus que ça. Il a besoin de moi. Est-ce que je vais être un tel égoïste et lui refuser ce dont il a besoin sous prétexte que je ne ressens pas ce besoin-là?
-Oh, Heero, je…
Il pose un doigt sur mes lèvres.
-Tu as raison… C'est mieux comme ça. Je ne veux pas que tu fasses semblant juste par pitié. Je ne veux pas de ta pitié. Je ne me contenterai pas de quelque chose de moins que ton cœur entier.
Et soudain il éclate en sanglots. Et se jette dans mes bras si fort que j'en tombe à la renverse sur le lit, et que je reste là, à regarder le plafond, stupéfait, écoutant ses sanglots et sentant son corps tressauter contre le mien, ses larmes traverser mon t-shirt. Il enfouit sa tête dans mon cou, ses lèvres cherchent ma peau, balbutiant des mots que je ne comprends pas. Son émotion l'a fait retourner à sa langue natale, mais de toute façon, les syllabes qu'il réussit à sortir sont si hachées qu'elles en deviennent incohérentes.
Et là, je fais quelque chose de vraiment stupide. Je panique.
-Heero?! Heero!! Arrête, mec, arrête!! Calme-toi, tout va bien! je lui dis en lui frottant le dos, un peu trop vite.
Je ne sais pas quoi faire, je ne sais pas. Il pleure toujours, il pleure dans mon cou. Les larmes ont complètement imbibé mon t-shirt et ça continue, mais je m'en fous. Ses bras se referment autour de moi, comme s'il se noyait. Et d'une certaine manière c'est le cas.
-Heero, s'il te plaît!! Heero, arrête! je le supplie, mais il ne m'entend pas.
Ca me fait trop mal d'entendre ses sanglots à s'en arracher le cœur… Et je suis sûr que c'est de ma faute. Je ne voulais pas lui faire de mal, j'aurais dû savoir que c'était illusoire, je fais du mal à tout ceux qui me touchent. Je n'ai pas fait attention, c'était de ma faute, j'aurais dû dire autre chose, autrement…
-Suki da, suki da, il répète, et là je comprends. Ai shiteru, Duo … Je t'aime, je t'aime, je t'aime, répète-t-il, une litanie de mots d'amour, si pleins d'émotion que ça me fait mal.
Il se met à m'embrasser, un baiser après chaque "je t'aime" désespéré, dans le cou d'abord, puis sur chaque centimètre carré de peau qu'il peut atteindre. Mes joues, mes paupières, mon front, le bout de mon nez, tout y passe. Et je suis toujours en train de le supplier d'arrêter de pleurer, d'une voix qui craque elle aussi.
-Ca va aller, Heero ça va aller… Calme-toi, Heero, ça va aller…
Je pleure moi aussi et je ne m'en étais même pas rendu compte, persuadé que l'humidité sur mes joues venait de lui. Il n'a pas touché une fois mes lèvres, peut-être effrayé de prendre trop de ce que je ne lui ai pas donné, de passer le point de non-retour.
Son visage est à quelques centimètres du mien et il me regarde à travers ses paupières gonflées, ses cils collés.
-…Duo…?
-Ca va aller, je répète en continuant à frotter son dos en gestes circulaires. Ca va aller… Heero, je murmure, avant de dégager un de mes bras pour décoller doucement ses mèches se son visage et les repousser en arrière.
Ma main se glisse derrière son crâne et je l'embrasse tout doucement sur ses lèvres closes, chastement. J'attire sa tête dans le creux de mon cou encore une fois, et je referme les bras sur lui. Il se tend brièvement, avant de se laisser aller, trop épuisé pour résister encore.
-Chhh, je suis là…
Nous restons immobiles pendant longtemps. Si longtemps que nous finissons par nous endormir, toujours enlacés.

Au matin, la position n'a pas changé beaucoup. Mis à part qu'il a roulé sur le côté et que nous sommes à présent tous les deux sur le flanc, nous sommes toujours enlacés serré, et sa tête dans le creux de ma gorge. Ses jambes sont mêlées aux miennes. J'ai le visage tout bouffi de larmes. Je suppose que lui aussi.
Il commence à se réveiller, je le sens. Je resserre ma prise; je ne veux pas qu'il me laisse. C'est trop confortable pour bouger.
-Heero… je murmure dans ses cheveux, tout doucement.
Ils sentent l'odeur de mon propre shampoing. Ca me fait une drôle de petite vrille au cœur.
-Heero, j'essaye encore, et cette fois je le sens réagir, même s'il lutte pour ne pas bouger. Est-ce que lui aussi a peur de briser le moment?
-Tu sais, tu es la première personne à m'avoir jamais dit ça… je chuchote. A me l'avoir dit sérieusement je veux dire. Il y a eu juste sœur Helen avant toi, personne d'autre… C'était la sœur responsable de l'orphelinat, ma seule vraie mère… Ma mère biologique ne m'aimait pas, elle m'a abandonné dès qu'elle a trouvé que les allocations ne valaient plus la peine de me supporter.
Sa prise se resserre sur mes flancs, et je le remercie de son support en lui caressant les cheveux. C'est dur de parler de ça, mais c'est le moins que je puisse faire.
-J'ai été un gosse des rues, avant d'être recueilli par l'orphelinat. Sœur Helen était débordée et je l'énervais avec mes bêtises, père Maxwell aussi… Je savais qu'ils m'aimaient mais ils n'avaient jamais le temps de me le dire… Et puis je me battais sans arrêt. Alors ils devaient me punir. Et il y avait tellement d'autres enfants, j'étais jaloux… Et après je me sentais mal d'être jaloux. J'avais l'impression de les décevoir, de ne pas les mériter. Solo, c'était le leader de mon gang avant l'orphelinat, il avait autre chose à foutre… Il était dur, il ne croyait pas en des trucs comme ça. C'était pour les femmelettes, selon lui.
Sa main bouge en cercles contre mon dos, comme la mienne le faisait hier.
-Je ne t'ai jamais rien demandé à ce sujet parce que je croyais que personne ne pouvait me les dire, et tu me donnes quand même, ces mots… Ca me va droit au cœur, tu sais, Heero, vraiment. Je… Merci.
Il ne répond pas, se contente de reculer et de me regarder dans les yeux. Ma lèvre tremble sous le souvenir.
-S'il te plaît… Dis-le moi encore…
Il me fixe pendant une éternité avant de se pencher sur mon oreille.
-Je t'aime, Duo… me dit-il avec force et une détermination que je n'avais pas entendue hier.
Fini le désespoir dans sa voix. J'ai accepté ses émotions et même si je ne les lui rends pas, il sait que je suis loin de les rejeter.
-Merci, je souffle. Tu sais, Heero… Je ne sais pas si je pourrai t'aimer comme tu le mérites… Mais je te jure que j'essayerai. J'essayerai de toutes mes forces.
Il se recule d'un bond et me regarde, stupéfait. Apparemment il n'a jamais pensé qu'il méritait d'être aimé. Je sens mon instinct de protection se réveiller et monter au front en flèche.
-Je t'aime, Duo, répète-t-il, mais cette fois, très fermement. Je t'aime.
Il a regagné de la confiance, de la fierté. Il n'a plus honte de ses sentiments…
Quand il se serre contre moi et enfouit sa tête dans mon cou avec un petit soupir, et puis se rendort dans mes bras, en toute confiance, je me demande si ce sera réellement un si grand effort que ça.

~owari~

[Tu vas me détruire]