Cercle de Silence
4e partie: Travail d'équipe…?

Petit avertissement. Dans le chapitre suivant se trouve un morceau de fic que j'ai perdu dans le suicide de mon dernier ordinateur. Je n'avais pas eu le temps de le recopier, et maintenant ca fait si longtemps que je ne me rappelle plus comment ça se passait. Alors le prochain épisode pourrait prendre du temps avant de sortir... ou alors je vais juste boucher le trou avec un résumé à la con de ce qui est censé se passer et poster deux épisodes au lieu d'un pour compenser. Je sais pas. *soupir*
Tiens, j'ai fait les fiches des personnages, aussi. ^-^ Et j'ai un poil réécrit le hors série de Reiyel. Pas grand-chose, juste changé des trucs sur Killian et corrigé des bouts de phrases. C'est juste histoire que ca colle mieux si jamais je me décide enfin à écrire le hors-série sur Killian, Ashriel et Aras.

Chapitre 1 : Pleine lune


Alizea avait appris au cours de la dernière semaine à vivre en se trouvant constamment entre Ashram et Askerian. On ne pouvait pas les laisser seuls tous les deux ou on aurait retrouvé des petits morceaux de partout, elle en avait fait l'expérience. L'avantage, c'est qu'aucun des deux ne prenait le temps d'ennuyer Fenris.
Il était obligé de vivre sous forme humaine et cela le déstabilisait énormément. Il n'avait connu jusque lors que sa forme loup, sous laquelle il était né, et sa forme hybride, sous laquelle il avait appris à combattre. Il passait son temps dans le jardin, refusant de dormir dans une pièce et même d'y séjourner sans nécessité. Il s'étiolait à vue d'œil, et Alizea était très inquiète pour lui. C'était l'atmosphère de la ville et son manque de végétation qui le dérangeaient le plus. Il avait besoin de courir en liberté presque autant que de respirer. Et pour couronner le tout, c'était bientôt la pleine lune.
Les garous n'étaient pas forcés de se transformer, mais plus la lune était pleine et plus cela leur devenait facile. Le soir de la pleine lune, ça lui serait si facile qu'il suffirait qu'il éprouve le plus petit agacement pour se retrouver un fauve. Et la raison pour laquelle il restait dès qu'il le pouvait sous forme hybride, c'était qu'elle combinait les atouts des deux formes sans leurs défauts. La puissance et les sens du loup plus l'intelligence logique de l'homme, sans la faiblesse de celui-ci… Ni, et surtout, les instincts presque incontrôlables du loup.
Quand il deviendrait loup, il aurait le plus grand mal à maîtriser ses réactions. Il suffirait d'un geste trop vif de n'importe qui… Il avait longuement hésité à mettre Alizea au courant, mais les risques étaient trop importants de blesser quelqu'un.


Alizea réunit la petite bande un soir pour trouver une solution.
-On n'a qu'à l'enfermer ce soir-là, proposa Askerian. Et les autres soirs aussi, d'ailleurs, ça nous fera des vacances…
Fenris secoua la tête, impavide.
-Si on m'enferme, je deviendrai fou. Et les murs ne me retiendront pas longtemps.
-Ceux de la cave font vingt centimètres d'épaisseur, lui signala la licorne.
-Et alors?
Pris par surprise par les implications de cette réponse, Askerian ne sut pas quoi répliquer.
-Tu ne tiendrais même pas si on te donnait à bouffer pour t'occuper un peu? lui demanda Ashram en riant d'avance de la vacherie qu'il allait sortir. Une bonne grosse proie, encore vivante pour que tu fasses mumuse un peu, du genre d'un mouton… Ou d'un cheval… Tiens, j'y pense! Une licorne ferait l'affaire, non? Une bonne licorne bien grasse…
-Va te faire foutre!!
Askerian se dressa par-dessus la table, prêt à frapper.
-Je ne dirais pas non, malheureusement, je ne digère pas les bouclettes.
Apparemment, Ashram et Fenris venaient de conclure un pacte tacite contre l'ennemi commun. Alizea faillit éclater de rire en entendant la réponse du garou. Elle ignorait qu'il avait le sens de la répartie… Mais elle se contint de justesse en apercevant l'expression d'Askerian. Il ne savait plus sur quel front se défendre, furieux mais impuissant.
-Comment fais-tu chez nous? demanda à point nommé Drao, que l'on avait presque oublié tant il était discret.
-Le problème ne se pose pas. Je suis en liberté, seul dans la nature. Je chasse. Et si je rencontre un autre loup…
-Oui?
-Classique: on se bat pour savoir qui est le chef, suivant le code des loups: pas de morts si l'un se soumet.
-Et avec un humain, tu réagis comment?
-Sais pas. Jamais de métahumains sur nos terres, 'core moins à ce moment. Sont pas fous.
Il commençait apparemment à en avoir assez de faire des phrases. Bientôt, il allait recommencer à s'exprimer par monosyllabes… Alizea eut soudain l'impression que c'était pour ne pas finir sa pensée.
-Mais tu dois bien avoir une idée de ce que tu ferais, comment tu les traiterais, insista-t-elle.
-Je sais pas…
-Moi je crois que si. Fenris…
Il baissa la tête, gratouilla la nappe de l'ongle, puis la regarda au fond des yeux, avec une expression d'une froideur inhumaine, qui lui rappela immédiatement qu'il ne l'était pas, humain, contrairement à la manière dont elle le traitait. Et lâcha un mot, un seul.
-Proie.
Elle se sentit glacée des pieds à la tête.
-Tu ne ferais pas ça…
Il haussa les épaules, fataliste.
-Maintenant, non. Demain soir je serai loup. Entièrement. Mon mental risque de ne pas suivre. Si je me laisse emporter par la Lune… Pas juste si j'ai faim, mais, si l'humain fait un geste menaçant, ou même simplement, s'enfuit…
-Eh bien, sourit Drao pour essayer de détendre l'atmosphère, il suffit de te trouver un endroit écarté des habitations humaines où tu pourras courir…
-Drao, j'ai l'impression que tu ne connais pas trop la région… soupira Alizea. Si c'était aussi simple… Ici, il n'y a plus de prédateur naturel plus gros qu'un renard depuis des siècles, et quand à des lieux sans présence humaine du tout, le plus proche est à trois cent kilomètres. Sans compter que si on laisse Fenris courir, il va faire des ravages parmi le bétail. Il va se faire tirer comme un lapin, et si la personne qui lui tire dessus le rate, lui, il ne la ratera pas…
-En gros, récapitula Ashram, il lui faut un endroit grand, sauvage, et sans hommes ni bétail. Et fermé de préférence, pour qu'il n'aille pas courir la campagne trop près d'une maison. Si mes souvenirs sont bons, on appelle ça un parc national, non? L'est pas censé en avoir un pas loin de la ville?
-Comment tu sais ça, toi? lui demanda Alizea, stupéfaite de son savoir.
-J'avais rien à faire en t'attendait, alors j'ai regardé la télé. Intéressante cette invention, d'ailleurs…


Le soir de la pleine lune arriva enfin. Peu avant le crépuscule, Ashram, Fenris et Alizea avaient pris le bus jusqu'au parc naturel. Askerian avait préféré rester à brouter dans l'arrière-cour, boudant consciencieusement la coalition démonogarouesque. Drao faisait le ménage avec détermination (ce qui amusait beaucoup Alizea. Drao devenait un vrai homme d'intérieur).
Fenris flaira les environs d'un air très satisfait, puis il se retourna vers Alizea, attendant sa permission.
-Eh bien, vas-y, va courir!! N'attends pas, on sait que tu en meurs d'envie… On sera là demain vers neuf heures environs, d'accord?
-Je n'aime pas te laisser…
-Je m'occupe d'elle, répliqua Ashram en passant un bras possessif sur l'épaule de la jeune fille.
Elle soupira, faussement agacée.
Fenris jaugea son remplaçant puis haussa les épaules.
-Alizea, tu peux me délivrer du sort, s'il te plaît?
Il reprit sa propre forme d'humain. Elle n'était pas vraiment différente, mis à part qu'il gardait certains détails du loup, comme les oreilles longues et poilues, la couleur fluorescente des yeux, et la queue touffue…
Il regarda la clôture, puis, reculant d'un pas, il prit son élan. Le grillage faisait bien trois à quatre mètres, mais il le passa dans la foulée… Il s'enfonça dans les buissons.


De ce qui se passa ensuite, Alizea n'eut droit qu'à une version remarquablement épurée.


Fenris se débarrassa le plus vite qu'il le put de ses vêtements, qu'il roula en boule puis jeta sur une branche haute pour ne pas risquer d'y retrouver une surprise désagréable au retour, comme une vipère ronchon d'être réveillée. Puis il regarda de tous les cotés pour voir s'il n'y avait personne aux alentours, mais il ne sentit que deux ou trois écureuils et une nichée de moineaux, dont il se souciait autant qu'un chêne d'un cure-dents. Il respira profondément puis s'étira avant de se glisser entre les arbres, sa peau nue fouettée par les branches. Mais il n'en avait cure, il en fallait plus pour le faire souffrir, et bientôt…
Il se trouva une clairière et attendit patiemment que le soleil se couche pour laisser sa sœur glacée grimper dans le ciel, et l'esprit du loup envahir son cerveau. Les instincts le submergeaient, lentement… Son âme ne changeait pas, c'était son comportement qui changeait. Ce que ne comprenait pas Alizea, c'était qu'il était tout autant le garçon qu'elle aimait bien que le prédateur; l'un comme l'autre avaient autant droit de cité dans son âme. L'un comme l'autre composaient son essence. Il n'était pas seulement un homme ou un loup, il était garou. Les deux, et plus que les deux.
Mais en ce moment, il était un loup…
La lune apparut, et il hurla, se laissant aller à la métamorphose, une joie sauvage l'envahissant; son cri devenait plus rauque et plus profond au fur et à mesure que sa gorge suivait la mutation. Enfin, plus de contraintes…
Au bout de trente secondes à peine, un loup noir se dressait là où avait été le garçon. Au niveau des proportions, il aurait semblé normalement formé, bien que très musclé, s'il n'avait mesuré plus d'un mètre au garrot…
Fenris s'étira comme un chat, bâilla et se coula souplement entre les buissons, en chasse. La transformation le mettait toujours en appétit, et il avait senti non loin une harde de cerfs dont l'un semblait vieux…


Une heure avant l'aube, c'est un Fenris repu et détendu qui se mit en route pour faire le tour de son nouveau territoire. Il était plus heureux qu'il ne l'avait jamais été depuis son départ à la suite d'Alizea, car enfin il avait la capacité de laisser s'exprimer une partie de son âme qu'il devait, en temps normal, réprimer. Ce parc était l'idéal pour lui. Un peu petit pour un loup capable de parcourir d'une trotte des kilomètres, certes, mais… Après tout il n'avait pas de meute. De l'eau, du gibier à profusion, pas de concurrents, pas d'hommes en dehors des sentiers, et encore moins après la tombée de la nuit…
Minute. Pas d'hommes? Le vent venait de lui apporter une effluve incontestablement humaine. Une odeur de femme, de jeune fille pour être précis… Très jeune. Il la suivit jusqu'à sa source, intrigué par ce comportement inhabituel.
Sous une tente de fortune faite d'une bâche posée par-dessus une branche basse, dormait une gamine aux cheveux cuivrés, couverte de taches de rousseur, d'environ treize à quatorze ans, roulée en boule dans un gros pull qui ne suffisait apparemment pourtant pas à la réchauffer.
Le loup s'aperçut que de délicieuses effluves de saucisson émanaient de son sac. S'il pouvait le lui prendre sans la réveiller…
Il avait saisi le sac par la lanière et s'apprêtait à le tirer hors d'atteinte quand il jeta un coup d'œil à la fille. Elle tremblait misérablement, recroquevillée pour échapper à la température de cette nuit. Fenris se força à réfléchir en homme, chose inhabituelle pour ce corps. Elle avait sûrement fait une fugue… Il n'allait pas la priver de son repas alors qu'il n'avait même pas faim? Il lâcha le sac et se prépara à repartir.
Elle le regardait, encore toute ensommeillée, mais pas surprise.
-Bonjour, gros loup…
Elle tendit une main à Fenris en guise de présentation. Celui-ci, obéissant à un réflexe conditionné de sa race, vint la lui flairer pour se faire une idée de son vis-à-vis. Se mettant à sa portée.
Il fut trop surpris pour réagir tout de suite quand elle se mit à lui gratouiller le menton. Son côté humain était tellement stupéfait qu'il bloquait le réflexe de son côté loup, et heureusement pour les doigts de la jeune fille d'ailleurs!! Il se retint de la mordre, se demandant si elle était folle ou tout simplement inconsciente. Elle était passée à deux doigts -et c'était le mot- de se retrouver amputée d'une main! Heureusement, le loup en lui était calmé, et toutes ses envies de violence avaient disparu, ce qui l'aidait grandement à le maintenir.
Et puis… Avec un peu de recul… Ce n'était pas un geste menaçant, non, c'était même plutôt… Agréable…
Elle fit doucement bouger sa main de son menton au sommet de son crâne, derrière ses oreilles, caressant les poils laineux et plus courts d'une manière qui lui fit, à son immense surprise, remuer la queue. Quel délice!
Il baissa la tête pour lui offrir un accès plus facile, retenant à grand-peine le grognement doux qui roulait dans sa gorge comme un ronronnement.
A sa grande honte, Fenris entendit un petit gémissement déçu lui échapper quand elle retira sa main pour se rouler à nouveau en boule.
-Désolée, gros loup, mais j'ai si froid…
Elle ferma les yeux et se recroquevilla de nouveau, frigorifiée. Fenris hésita quelques instants, mais cette gamine l'avait caressé de façon divine, et il était si fatigué après avoir couru, chassé et hurlé toute la nuit… Il se rapprocha d'elle, puis se laissa tomber à côté d'elle et se roula en boule contre son dos. Il posa la tête sur son épaule et s'endormit aussi sec, sans réfléchir davantage. La fille, dormant aussi, se retourna par réflexe et se serra contre lui, s'enfouissant dans sa fourrure, les bras passés autour du cou du fauve.


Quand il se réveilla, c'était l'aurore et il était sous forme humaine. Et elle était toujours serrée contre lui. Il faillit laisser échapper une bordée de jurons. C'était vrai, à présent que le jour était levé… La pleine lune était repartie, et son influence sur sa forme aussi.
Il se dégagea prudemment, priant pour ne pas la réveiller, et alla se cacher dans les buissons pour reprendre sa forme de loup. Mais ça lui était bien plus dur, pour ce qui était de la concentration nécessaire, et la fille toute proche ne l'aidait pas vraiment à faire le vide dans son esprit! Il mit bien cinq minutes avant de réussi à reprendre une forme lupine totale.
Elle se retourna dans son sommeil, cherchant sa chaleur disparue, et il se hâta de disparaître dans les buissons. Il avait été complètement inconscient!! Elle aurait pu le voir!!
Alors qu'il n'était encore qu'à quelques mètres, elle se réveilla brusquement.
-Loup? Loup!! Eh, reviens!!! cria-t-elle, d'un ton pitoyable.
Elle se releva d'un bond et partit à sa poursuite. Fenris se retourna d'un bond en grondant, par réflexe. Il n'avait jamais pu tourner le dos à un poursuivant. Elle s'arrêta face à lui.
-Allez, reviens, mon gros loup… J'ai un sandwich au saucisson dans mon sac, je te le donne pour toi tout seul si tu reviens!
Fenris poussa un grondement bas pour lui signifier de ne plus approcher, puis il remua la queue en signe d'adieu et disparut dans la forêt, se fondant à la nature pour s'y rendre invisible, comme il y réussissait étonnamment bien malgré sa taille. Elle ne put le suivre et le perdit de vue presque tout de suite.
Tout en courant, Fenris se torturait les méninges pour savoir ce qui lui avait pris. Lui, un garou du clan libre de la Lune de Sang, se laisser gratouiller sous le menton par une humaine, comme un bon chien domestique !! Heureusement que les loups ne pouvaient pas rougir, sinon il avait l'impression qu'il aurait pris feu…


Il était presque au bord du grillage quand il sentit une odeur qui lui était familière, une odeur qu'il n'avait pas sentie depuis le passage du cercle… Un elfe. Deux. Il se glissa en silence au bord de la clairière où ils se trouvaient pour les espionner.
Ils étaient tous deux du clan des elfes noirs, les plus dangereux avec la magie d'attaque. Ils s'étaient sans doute retrouvés là en raison de la ressemblance de l'endroit avec une forêt de leur monde…
Ils discutaient, mais pas calmement. Ils étaient agités, et en colère.
-Cette garce de métisse!! Je suis sûr que c'est une envoyée du Pacte! Elle a buté ce pauvre couillon d'orque… Dommage, il obéissait pas trop mal…
-Envoyée du Pacte ou pas, de quel droit se mêle-t-elle de nos affaires? Si on veut vivre dans ce monde, c'est notre droit!!
-Bah, y aura qu'à la prendre par surprise… Comme tous les anges, même si jamais elle pouvait, tuer lui fait sûrement horreur! Et comme c'est le chef, bien que je ne sache pas pourquoi, les autres seront paumés sans elle.
Avec un sursaut d'horreur, il comprit qu'ils parlaient d'Alizea. Il fallait qu'il les tue avant qu'elle revienne, sinon ils lui tendraient une embuscade.
Il ne pouvait compter que sur l'effet de surprise, car aussitôt qu'ils auraient compris ce qui se passait, ils l'attaqueraient à la magie, et là, il n'aurait plus aucune chance. Mais il était trop loin du centre de la clairière pour qu'il les approche sans se faire remarquer. Restait à espérer que le survivant n'aurait pas le temps de lancer un sort avant qu'il en ait fini avec l'autre…
Il bondit et se précipita de toute sa vitesse. Un des elfes se dressa en hurlant; l'autre ne se dresserait plus jamais: il lui avait brisé la nuque d'un coup de patte du premier coup. Sans pitié, comme le loup. Mais c'était tuer ou être tué. Ou voir Alizea tuée. Plutôt mourir cent fois que de voir ça. Il en serait déshonoré à jamais.
Fenris attaquait l'autre quand il sentit une odeur d'ozone révélatrice. Il n'eut que le temps de tordre son corps en plein bond pour essayer de dévier sa trajectoire. L'éclair le ne frappa qu'à la patte au lieu de l'atteindre de plein fouet. Mais il creusa dans le sol une faille de six mètres sous lui. Il tomba sans pouvoir se retenir. Sonné par la décharge, il se rendit vaguement compte que sa patte avant était brisée. Il se tendit, emprisonné dans la faille, et attendit le coup de grâce…
Mais il ne vint pas. Il entendit un bruit de fuite précipitée, de feuilles qu'on remuait, puis plus rien. L'elfe s'était enfui, ayant sans doute méjugé la profondeur du trou et pensant qu'il allait en jaillir pour lui sauter à la gorge si jamais il se penchait par-dessus le rebord.
Les parois du trou étaient trop abruptes pour grimper et le trou lui-même pas assez large pour sauter. Et avec sa patte cassée… Il n'avait pas le choix, il fallait se retransformer en humain pour escalader, malgré la douleur atroce que les os brisés n'allaient pas manquer de lui causer en se modifiant.
Il s'apprêtait à lancer la transformation quand il entendit un bruit de pas. Il crut que c'était l'elfe qui revenait pour l'achever, jusqu'à ce qu'il entende la voix.
-Loup? Loup! Ca va?
La gamine se pencha par-dessus le bord du trou. Elle avait dû le suivre et avait été attirée par la lumière. Oh, non, comment allait-il faire à présent? Il ne pouvait pas se transformer devant elle…
- T'es prisonnier? demanda-t-elle en tournant la tête de tous côtés pour jauger la profondeur du trou.
Il ne put que la regarder faire, priant qu'elle se décide à partir vite. Elle abandonna son examen pour le regarder dans les yeux avec un soupir.
-Tu sais, si tu étais un humain, j'arriverais peut-être à te tirer en haut, mais là t'es bien trop lourd pour moi! Est-ce que tu peux te transformer à volonté?
QUOI?! Il la fixa, les yeux ronds, et s'assit brutalement, indépendamment de sa volonté.
-Ben oui, j't'ai vu ce matin quand tu dormais! Tu sais, t'es plutôt beau gosse… rit-elle malicieusement, avec un sourire radieux. Et puis, j'ai toujours rêvé de rencontrer un loup-garou!
Elle l'avait vu. Elle l'avait vu!! Oh, non… Alizea allait être si déçue, elle lui avait dit que personne ne devait le surprendre, il lui avait désobéi!!
Il soupira. Il n'avait pas le choix s'il voulait la prévenir à temps.
Fenris entama la transformation. Comme prévu, la douleur fut atroce. Il ne desserra pas les dents, mais il ne put empêcher, malgré tous ses efforts, les larmes de lui venir aux yeux. La jeune fille le regarda d'un air inquiet quand elle s'en aperçut.
- T'es blessé? Qu'est-ce qu'il y a?
-Mon bras est cassé, lâcha-t-il sans desserrer les dents.
Il essaya plusieurs fois de saisir sa main tendue, mais il la ratait toujours de plusieurs dizaines de centimètres. Il finit par abandonner avec un cri de rage. Que faire, bon sang?! Le soleil montait, Alizea n'allait pas tarder!!
-Quelle heure est-il? lui demanda-t-il soudain.
-Euh… Neuf heures moins dix. Pourquoi?
-Mon amie va venir ici, il faut que je la prévienne, quelqu'un veut la tuer, et moi je suis coincé ici!!
Il se mit à gémir et à gronder de rage en même temps, à la fois fou de rage pour son impuissance et effrayé pour Alizea. Elle ne savait pas se battre… Ashram tuerait sûrement l'elfe, mais si elle était déjà morte, Fenris n'aurait plus qu'à se suicider sur sa tombe.
-Je peux la prévenir si tu veux. Où elle doit t'attendre?
-Là où les bus s'arrêtent…
-C'est un garou aussi?
-Je t'en prie!! Tais-toi et va, elle sera là bientôt!! supplia Fenris en trépignant d'impatience.
-Pas la peine de râler…
Elle se détourna et partit. Fenris attendit, enfermé au fond de son trou, les nerfs à fleur de peau.


Pendant ce temps, Alizea et Ashram étaient arrivés à la grille et attendaient.
-Bizarre, il est pas là… dit Alizea en se grattant le crâne. Vu comme il est, j'aurais plutôt pensé qu'il serait en avance…
-Bah! S'il était de l'autre côté du parc, laisse-lui le temps de reven… hein?
De l'autre côté du grillage, une jeune fille constellée de taches de rousseur se précipitait vers eux de toute sa vitesse. Elle n'arriva pas à freiner sa course et stoppa en rentrant dans le grillage.
-S'cusez-moi, c'est toi la copine du loup-garou?
Elle regarda la tête que faisait Alizea, puis sourit.
-C'est toi. Faut que vous veniez, il est coincé au fond d'un trou et il a une patte cassée… Enfin, un bras… On dit quoi dans ces cas-là?
-Tu connais Fenris? réussit à demander Alizea, stupéfaite par l'irruption de la jeune fille.
-Ah, il s'appelle Fenris? C'est joli! s'exclama la rouquine.
-Tu nous conduis? demanda Alizea, qui avait enfin enregistré que son loup avait besoin d'aide. Ashram, aide-moi à passer par-dessus le grillage…
Assez vite, elle se retrouva de l'autre côté. Ashram s'apprêtait à la suivre quand la fille se souvint de quelque chose.
-Ah au fait, Fenris y dit qu'y a un type qui lance des éclairs qui veut te tu…
-LIZA!!! ATTENTION!!!!!
La réaction de la demi-ange fut instinctive. Elle se retourna vers le buisson qui avait bougé et tendit les mains en avant en déployant spontanément un champ de protection. La déferlante d'éclairs crépita autour d'elles sans les atteindre. Puis Alizea utilisa sa méthode dite 'du champ de protection éjectable' ou, plus court, 'Bumper' pour envoyer le sale traître rencontrer violemment un arbre qui passait par là.
Ashram passa de l'autre côté d'un bond, ayant repris sa forme originelle, et se dirigea, une boule de feu à la main, vers l'elfe noir, qui ne bougeait absolument plus. Et pour cause. Avec l'épine dorsale brisée, il aurait eu du mal à danser la samba. Ashram l'acheva en lui brisant la nuque.
-Avec cet émigré-là au moins, plus de problèmes! rit-il, content de la rapidité avec laquelle le problème avait été réglé.
Il changea d'expression en apercevant celle d'Alizea.
-Tu vas pas pleurer pour ce connard, Ally-bébé… lui chuchota-t-il en l'attirant dans ses bras. C'était lui ou toi. Et je préfère que ce soit toi… Et puis, les elfes noirs, c'est des dangereux, sont méchants, agressifs, pire que des démons, t'imagines pas ce qu'ils auraient pu faire aux humains!
-Ben ça!! Un ange et un démon qui se font des mamours, je crois que j'aurai tout vu!!
Ils se retournèrent d'un bond. Ils avaient oublié la fillette. Elle continua, visiblement ravie.
-Décidément, c'est une journée bien plus intéressante que j'aurais cru!!
Ashram et Alizea se regardèrent. Le démon finit par éclater de rire.
-Oh, ce serait cruel de lui effacer la mémoire, non?
- T'as raison, sourit Alizea, mais Fenris attend, on en reparlera plus tard…
La jeune fille les guida jusqu'au trou où le garou pleurait presque d'inquiétude.
-Fenris? Tu vas bien? appela Alizea en courant vers le trou.
-ALIZEA!! Oh, j'ai eu si peur pour toi…
-Ca va, rassure-toi… lui sourit doucement Alizea.
L'inquiétude, ça n'avait pas que du mauvais… Fenris semblait s'être un peu ouvert…
-Eh, t'es sa copine ou quoi? finit par demander la rouquine.
Ashram sursauta.
-Alors là certainement pas!! Elle est avec moi!
-Ah bon, j'ai eu peur, j 'commençais à être jalouse…
Ashram la fixa quelques secondes, l'air las, puis s'approcha de trou et se pencha pour tendre le bras à Fenris. Il le souleva aisément.
Ils furent fort surpris tous les deux de le voir debout. Il avait pris facilement dix centimètres et semblait d'un an ou presque plus âgé. Sa métamorphose avait apparemment déclenché une petite poussée de croissance…
La gamine finit par rompre le silence en déclarant d'un ton admiratif:
-Fenris, fais-moi plaisir, reste tout nu… J'en reviens pas, mais t'es canon!
Alizea poussa un petit cri de surprise.
-Mais oui, t'es tout nu!! Où tu as mis tes habits? Vite, tu ne vas pas rentrer comme ça!!
-En haut d'un arbre, vers le grillage… Alizea… J'ai mal au bras.
Elle poussa un cri horrifié.
-Mais c'est pas vrai, où j'ai la tête?! Oh, je suis désolée… Donne ton bras!
Pendant qu'elle le guérissait, Ashram partit chercher les habits de Fenris en haut de l'arbre, tandis que la jeune fille, qui disait s'appeler Ginny, en profitait pour leur poser une bonne centaine de questions à la minute. L'ange avait décidé de répondre -enfin, quand elle lui en laissait le temps. Après tout, elle en avait vu pas mal… Et puis, si elle voulait en parler, ce qu'Alizea ne croyait pas probable, qui la croirait?
Quand à Fenris, sa blessure lui donnait un bon prétexte pour se taire et laisser la demi-ange répondre à sa place. Mais elle aurait juré que ce n'était pas seulement son mutisme habituel qui le retenait… Et elle avait la curieuse impression qu'il rougissait fugacement quand il croisait par hasard le regard de la rouquine. Peut-être à cause des regards admiratifs qu'elle lui lançait, et pas seulement au visage…
Pourtant les garous vivaient nus, il n'aurait pas dû se sentir gêné… Il y avait là anguille sous roche.


Ils durent s'habituer à voir Ginny s'incruster de plus en plus souvent. Elle draguait Fenris avec une insistance et un sans-gêne absolument extraordinaires, mais elle était si exubérante et si drôle que tout le monde lui pardonnait volontiers sa curiosité infernale. Elle était pétillante de vie, il n'y avait pas d'autre mot. Elle avait tout de suite accepté l'existence du monde magique, sans aucune incrédulité. Et elle s'entendait très bien avec tout le monde. Askerian prenait des fous rires interminables en discutant avec elle et des claques énormes quand il se moquait encore de SON Fenris- elle s'était en effet instituée protectrice officielle du lycanthrope, et guide du groupe dans l'intégration au monde des humains; elle pouvait leur expliquer chaque aspect de leur société et se montrait une mine inépuisable de renseignements. Elle échangeait des recettes de cuisine avec Drao, elle pouvait passer des heures à coiffer Alizea, et elle stupéfia tout le monde quand, après un échange de moqueries en flux tendu avec Ashram, elle lui sauta sur le dos pour se mettre à le chatouiller, le menaçant de continuer jusqu'à ce que mort s'ensuive s'il n'admettait pas qu'elle avait raison. En bref, elle commençait à faire partie de la bande. Mais elle n'était qu'une humaine on ne peut plus normale, et Alizea refusait de l'emmener quand ils partaient à la recherche des évadés de l'autre monde. Elle aurait couru trop de risques. Elle lui en voulut quelque peu, mais n'étant pas d'un naturel rancunier, elle se vengea en lui récitant pendant toute une soirée ses cours de math sur la factorisation, à la suite de quoi elles redevinrent bonnes amies.

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