Restés seuls après le départ des invités, Kurama
fixa longtemps Hieï. Il ne bougeait toujours pas, serrant sans y prendre
garde Aka-chan contre lui. Le renardeau finit par lancer un piaillement de protestation.
-Hieï
dit tranquillement Kurama.
-Hn?
-Tu vas l'étouffer.
Le Jaganshi sembla sortir d'un rêve. Il lança un regard confus
à la boule de poils, et relâcha vivement son étreinte, tout
en essayant de recomposer son expression pour retrouver le masque froid et impersonnel
qu'il arborait d'habitude. Kurama sourit, un sourire doux et amusé ;
il se fichait pas mal de ce que Hieï remette ce 'masque'-- maintenant,
il savait ce qu'il y avait derrière. Le Koorime n'était peut-être
pas irrémédiablement froid et distant, finalement
-Bon, on retourne au salon ? Mon beau-père et mon frère ne vont
pas tarder à rentrer, on va passer à table. Tu as encore faim
pour un vrai repas ?
-M-m ! acquiesça le petit démon, l'air parfaitement sûr
de ce qu'il avançait- un vrai puits sans fond, à croire qu'il
faisait des réserves pour l'hiver.
Il commença à suivre Kurama vers le salon, mais stoppa juste avant
de passer la porte, et retint le Yohko par la manche.
-Kurama
Tu crois qu'elle a vraiment compris ? demanda-t-il d'un ton préoccupé.
- J'ai bien peur que oui, soupira le Kitsune sans lui demander de qui il parlait
- de sa sur, bien évidemment. Ce n'est pas plus mal, tu sais
Comme ça, elle est au courant sans que tu aies trahi ta promesse de te
taire à ce sujet. Et elle n'a pas l'air de t'en vouloir, tu as de la
chance !
-Hmmmm
Ils n'étaient pas arrivés dans le salon que la porte s'ouvrait
à la volée derrière eux.
-Eh, grand frère !
- C'est maintenant que tu rentres, Shu-chan ? demanda Kurama d'un ton faussement
sévère. Où étais-tu encore ?
Shuiichi junior avait les yeux qui brillaient d'excitation. Avec de grands mouvements
des bras, il se mit en devoir d'expliquer à son frère ce qu'il
avait fait de son temps.
- A la galerie, j'essayais le nouveau SoulKalibur. Il est génial, vraiment
! J'ai jamais joué à un jeu de baston aussi cool ! C'est bête,
j'ai pas assez d'argent pour me l'acheter
Bah, tant pis, de toute façon,
il est pas marrant quand on ne joue pas à deux.
-Est-ce que ce serait une demande déguisée de participation financière
? demanda Kurama en riant, mains sur les hanches.
-Ben
Un ch'tit peu ? rit Shu-chan avant de se rendre compte du poids de
deux yeux rouges. Tiens, c'est qui ce type ? demanda-t-il en fixait Hieï.
- C'est un de mes amis, il dort à la maison ce soir. Hieï, je te
présente Shuichi-chan, mon petit frère.
-Eh, salut ! s'exclama Shu-chan en lui tendant la main.
Hieï la fixa quelques secondes sans savoir ce qu'on attendait de lui. Heureusement,
au moment où la situation devenait gênante, Aka-chan décida
qu'il en avait assez d'être porté. Il se mit à gigoter dans
les bras du démon, et celui-ci, trop content de la diversion, le posa
au sol.
-Eh, c'est quoi cette boule de poils ? Il est à toi ?
-A demi, répondit Kurama. Il ne peut pas le garder, alors il me le laisse.
C'est un cadeau d'anniversaire
-Tu veux dire qu'on va le garder quelques jours ou
-Non, définitivement, je pense.
Shu-chan s'accroupit devant la boule de poils et la renversa au sol d'une main,
puis il se mit à lui tirailler les oreilles et à lui secouer le
museau.
-Eh, fiche-lui la paix ! s'exclama Hieï, inquiet pour sa boule de poils.
-Oh, ça va, je jouais
Marrant, ce p'tit bestiau ! Il est baptisé
?
-AkaTsuki. Mais on l'appelle Aka-chan.
-Ca lui va bien, y a pas à dire, s'esclaffa Shu-chan. (NDLA : Aka-chan
signifie bébé.) Mais c'est quoi comme race ? J'm'y connais pas
mal en chiens, mais un comme ça, j'ai jamais vu
Mince, la tuile.
-Oh, c'est un bâtard quelconque, je pense
sourit Kurama en agitant
la main d'un air indifférent. Allez, à ton tour de mettre la table!!
-Mais, je l'ai déjà mise hier midi
protesta le garçon.
-Et moi hier soir et ce midi. Ca te fait deux tours de suite. Allez, au boulot!!
Hieï suivait apparemment la conversation d'une oreille, mais en fait, il
était plutôt intéressé. C'était bizarre, les
rapports entre eux deux
Des disputes amicales, des joutes verbales, voilà
qui n'était pas habituel pour lui
Il ne se disputait jamais pour
rire. Ou pas de cette manière
Plutôt de la manière
où seul le vainqueur rit encore
La plupart du temps parce que l'autre,
de toute façon, ne peut plus.
Il regarda Shu-chan mettre la table avec l'intérêt d'un entomologiste
devant une espèce rare d'insecte aux murs inconnues. Tous ces petits
rituels de la vie entre humains le fascinaient
Il n'y comprenait rien.
Il se demanda si c'était parce qu'ils étaient humains ou parce
qu'il n'avait jamais su comment on se comportait en famille.
Après le repas, Kurama et son frère passèrent par le rituel
du bisou de bonne nuit.
- Mes fils chéris
soupira Shiori d'un ton heureux en serrant contre
elle les deux Shuichi.
Hieï leur jeta un coup d'il en coin, puis détourna les yeux,
feignant d'être fabuleusement absorbé par le mur d'en face. Shiori
s'aperçut de sa réaction, et, desserrant légèrement
son étreinte, elle se tourna vers lui.
- Eh bien, Hieï- kun, ça ne va pas? Tu es bien timide
-Moi, timide?! s'exclama le Koorime. Pas du tout!
- Pourquoi tournes-tu la tête comme ça alors? Tu n'es guère
plus vieux que Shu-chan, et même Shu-kun aime encore ça, malgré
son âge soi-disant avancé, pas vrai Shuiichi-kun? demanda-t-elle
à Kurama. Il n'y a pas d'âge pour la tendresse
Ta mère
n'a pas l'habitude de te faire des câlins de temps en temps?
Hieï se crispa, et Kurama pensa qu'il allait sortir une injure, ou se refermer
comme une huître- il était très fort pour ça, à
croire qu'il avait été un coquillage dans une vie antérieure.
Et sa mère ne comprendrait pas sa réaction. Elle ne pouvait pas
savoir, elle ne connaissait pas le caractère extraordinairement renfermé
du Koorime, et encore moins le lieu et les circonstances de son enfance.
Shiori relâcha ses fils et avança lentement vers le garçon
qui leur tournait le dos.
- Tu ne m'as pas répondu, dit-elle d'une voix très douce en passant
ses bras autour des épaules du petit brun.
Elle l'attira dans ses bras, et se pencha sur lui, affectueuse. Kurama ne put
que la fixer, stupéfait. Il allait se décider à faire quelque
chose, un geste, un signe pour que sa mère comprenne que le sujet était
tabou - mais Hieï le prit de vitesse- et par surprise.
- Elle est morte peu après ma naissance.
La femme le tenait prisonnier dans ses bras, mais il sentait qu'elle ne lui
voulait aucun mal. De toute façon, elle était cent fois trop faible
pour présenter le moindre risque
Et Hieï comprenait à
présent pourquoi Kurama tenait tant à elle. Elle avait un cur
d'or. Si gentille, si douce
Shiori poussa un petit cri de désarroi et mit une main devant sa bouche.
-Oh, mon dieu, je suis désolée, je ne savais pas
toutes
mes condoléances.
-Bah! répliqua le Koorime, haussant les épaules. Je ne l'ai pas
connue. Elle ne me manque pas.
-
Tu ne sais rien d'elle
?
- Je sais son nom, c'est tout.
Hina
Comment aurait-elle pu me manquer, je n'ai jamais su ce que c'était.
C'est ça, alors, une mère? Quelqu'un de doux, qui vous fait des
gâteaux, des câlins, qui sent quand vous allez mal? Qui s'occupe
de vous?
C'est ça, l'amour maternel?
Il secoua la tête, tentant de se débarrasser de cette vague de
faiblesse qui l'envahissait, profitant d'un point faible dont il ne s'était
jamais rendu compte de l'existence.
Mais ce n'est pas MA mère. Je n'ai pas de mère. C'est celle de
Kurama. Et je sais pourquoi il y tient
Je parie que dans le Makaï,
celle du Yohko n'était pas comme ça.Ca doit être si rare
- Je
N'ai pas l'habitude qu'on me touche. Excusez-moi, Shiori-san, mais
j'aime pas ça.
-Oh
Comme tu veux, déclara Shiori en relâchant son étreinte.
Mais tu rates quelque chose, tu sais
C'est agréable les câlins
Hieï s'écarta sans rien dire. Mais pas sans rien penser. Il avait
l'impression que son cerveau était en ébullition. Oui, c'était
vrai, pas désagréable du tout, en fait
Mais pas quelque chose
pour lui. Les "câlins", c'était pour les enfants humains
en mal d'affection, pas les démons du feu.
Un moment, il regretta de ne pas être un humain.
Pendant que Shiori allait souhaiter bonne nuit à Shu-chan et que Kurama
installait le matelas de rechange dans sa chambre, Hiei était allé
quelques minutes dans le jardin pour promener le renardeau. Il faisait froid
dehors, et noir. Les lumières des autres maisons laissaient passer de
vagues rais de clarté dans l'obscurité. Ca avait l'air confortable,
et douillet, de l'extérieur. C'était la vision qu'il avait toujours
connu. Maintenant il savait que ce n'était pas juste une impression.
Comment pourrait-il supporter d'y retourner ? Dans ce froid, cette obscurité,
cette solitude
Il regretta d'avoir laissé Yukina le convaincre
de venir. Ca avait été une erreur.
Dès qu'AkaTsuki eut fini, il le repêcha vivement par la peau du
cou et se dirigea vers l'étage, essayant d'oublier les pensées
moroses qui lui trottaient dans la tête. La mère de Kurama sortait
de la chambre de son fils adoptif avec des couvertures sur le bras.
-Bonne nuit, Shu-chan, dit encore Shiori en fermant la porte de la chambre du
garçon derrière elle.
Hieï rentra dans la chambre de Kurama à la suite de Shiori. Elle
déposa les couvertures sur le matelas que Kurama avait sorti de sous
son lit, les arrangea, puis se tourna vers son fils et son ami.
- C'est bon, je pense que vous vous débrouillerez seuls, non ? lâcha-t-elle
avec un doux sourire qui faisait ressortir les rides au coin de ses yeux. Ne
vous couchez pas trop tard !
Elle sortit, les laissant seuls.
Kurama lança un regard au démon du feu. Il était debout
près du lit. Il déposa lentement le renardeau endormi dans son
carton, puis alla à la fenêtre et l'ouvrit en grand, avant de se
laisser tomber sur le bord du matelas. Kurama protesta en sentant le vent glacial
s'infiltrer dans la chambre et rafraîchir d'un seul coup l'atmosphère.
-Hieï, ça va pas? Ferme ça, on gèle! s'exclama-t-il
en se dirigeant vers la fenêtre.
Mais il avait à peine commencé à la refermer que le démon
de feu s'était relevé d'un bond et lui avait arraché le
battant des mains.
-Laisse ça comme ça! gronda-t-il.
-Mais enfin, Hieï, on va être congelés! Il fait sept degrés
dehors!
-Hier il faisait encore plus froid et je suis toujours en vie, grommela Hieï.
Imbécile de renard. Il ne se souvenait jamais que Hieï n'avait pas,
lui, une maison douillette où se réfugier quand il avait un peu
froid
Ni une mère qui lui faisait à manger, se dit-il.
Il secoua la tête pour chasser cette pensée importune dont il ne
savait pas d'où elle venait.
Il n'avait pas besoin d'une mère. Il s'en était très bien
passé pendant quatre-vingt ans. Kurama était juste en train de
s'affaiblir à prendre ses petites habitudes, il avait bien besoin de
refaire un tour dans le Makaï pour se rappeler la vraie dureté de
la vie. Il allait avoir une sacrée surprise, le jour où il devrait
se débrouiller seul!
-Hieï, je vais attraper un rhume
Hieï le regarda fixement, puis éclata d'un rire agressif et froid.
-Yohko Kurama effrayé à l'idée d'attraper un rhume! C'en
ferait rire pas mal dans le Makaï!
Le Koorime traîna le matelas sous la fenêtre, puis s'assit dessus,
adossé au mur.
Kurama soupira. Une fois que Hieï avait décidé une chose,
il était impossible de le faire changer d'avis. Mais il ne comprenait
pas du tout en quoi cela le dérangeait de ne pas avoir froid. Il craignait
d'avoir trop chaud? Passablement bizarre pour un démon du feu
Il éteignit l'ampoule du plafond, ne laissant allumée que la lampe
de chevet, puis se dirigea vers la penderie, sortit son pyjama, et commença
à se déshabiller en vitesse, frissonnant malgré lui sous
la morsure du vent sur sa peau tiédie.
Hieï avait fermé les yeux, mais il les rouvrit en entendant un
son métallique.
"Ah, ce n'est rien," se dit-il, "seulement le portemanteau sur
la barre de fer dans l'armoire"
Mais que faisait Kurama? Il se déshabillait... Il avait la peau si pâle,
si fine, on voyait qu'il ne vivait pas à la dure
Aucune cicatrice,
aucune marque sur cette peau de bébé. Mais quand même, il
était musclé, mine de rien, sous son apparente minceur. On le
voyait bien mieux avec cette lumière tamisée, qui mettait en relief
le moindre
Mais quelle importance? Pourquoi se préoccuper de la manière dont
était bâti Kurama? C'était son problème, pas le sien.
Il referma les yeux.
Kurama finit de mettre son pyjama, et se retourna vers le Koorime. Il semblait
s'être endormi assis, immobile, et donnait l'impression d'être tout
à fait indifférent à la présence de Kurama, comme
s'il avait été un caillou ou quelque chose comme ça.
Le Yohko soupira, et se dépêcha de plonger sous sa couette, frigorifié.
C'était bien du Youkaï de se ficher du bien-être des autres.
C'était vrai, Hieï vivait à la dure d'habitude, mais en quoi
cela pouvait-il lui faire du mal, de dormir au chaud une seule fois? Il ne s'était
même pas allongé sur le matelas, remarqua-t-il. Il semblait vouloir
passer la nuit dans cette position pour le moins inconfortable.
-Tu ne t'allonges pas, Hieï?
Hieï ne lui répondit même pas, se contentant de le dévisager
de son regard comme-si-tu-ne-le-voyais-pas-toi-même-espèce-de-baka
.
-Tu serais mieux, insista Kurama.
-Je suis très bien comme ça.
-Personne ne va t'attaquer cette nuit, tu sais.
-Non, justement, je sais pas, cingla le Jaganshi.
Kurama soupira et éteignit la lampe de chevet, les plongeant dans l'obscurité.
Hieï aurait préféré mourir que le dire à
Kurama, mais il se sentait incroyablement vulnérable sans son sabre à
proximité. Il avait l'impression d'être sans aucune défense
Bon, d'accord, il avait toujours la magie, mais c'était une habitude
qu'il avait prise de dormir la main sur la garde de son arme, et il ne parvenait
pas à trouver le sommeil. Il savait très bien qu'il y avait une
probabilité très faible qu'ils soient attaqués, mais quand
même
C'était pour ça qu'il avait tellement insisté
pour garder la fenêtre ouverte: il ne supportait pas d'être enfermé,
sans une voie de repli.
"Mais si tu étais attaqué," lui fit remarquer une petite
voix, "tu pourrais bien passer sans problèmes à travers la
vitre, ce serait pareil -tu pourrais même passer à travers le mur
si tu le voulais vraiment".
Il remarqua que Kurama frissonnait, si fort que même à travers
la couverture, il le voyait. "Bon, peut-être que je peux fermer cette
fenêtre, en fin de compte", se dit-il, hésitant.
"Mais alors, je serai prisonnier."
Tant pis pour la fenêtre, Kurama s'habituerait bien. Au pire, il n'avait
qu'à prendre une autre couverture. Quelle idée d'être aussi
douillet! Espèce de mauviette!
Il se rencogna contre le mur et tenta de s'endormir. Il n'y avait pas de danger,
chez Kurama. Pas de danger du tout.
Pas du tout.
Hieï finit par s'endormir.
Il rêvait rarement, mais ne s'en portait pas plus mal - ses rêves
méritaient moins souvent ce nom que celui de cauchemars. Même si
ce qu'il voyait dans son sommeil n'était pas dû à une imagination
débordante, non -c'étaient seulement des souvenirs. Et encore,
des souvenirs considérablement flous, imprécis, incomplets, et
sous lesquels il se réveillait immanquablement avant la partie la plus
désagréable. Une chance.
En fait, les rêves les plus doux de Hieï auraient fait se réveiller
en hurlant n'importe quelle personne normalement constituée.
Mais après tout, il avait l'habitude. Il n'était pas une mauviette.
Hieï s'agita convulsivement dans son sommeil, et glissa le long du mur
jusqu'à se retrouver recroquevillé dans le coin. Il se roula en
boule par réflexe. Kurama le regarda, tiré de son assoupissement
par le mouvement inattendu du Youkaï. Le Yohko s'était emmitouflé
dans la couverture jusqu'aux oreilles pour lutter contre le froid, ne laissant
dépasser qu'un bout de sa figure. Il se dégagea légèrement
pour mieux voir le démon du feu.
Hieï tremblait, remarqua-t-il, légèrement incrédule.
Est-ce qu'il avait froid, finalement? Quoique un démon du feu ne pouvait
pas vraiment avoir froid
Pourtant, il était roulé en boule
comme s'il avait essayé de ressembler à un porc-épic.
Kurama se leva, enroulé dans sa couette, et se dirigea vers lui. Il s'arrêta
au bord du matelas pour le regarder quelque secondes, puis s'agenouilla et se
pencha vers le visage de son ami, essayant de distinguer ses traits. Il se crispa
inconsciemment sous la surprise de découvrir une expression qu'il n'avait
jamais vue avant sur ses traits, et qu'il n'avait jamais cru voir un jour tant
il avait fini par être persuadé que Hieï était d'une
dureté et d'une solidité à toute épreuve.
De la peur. De la terreur même. Une terreur impuissante d'enfant livré
à des horreurs qu'il est trop petit pour affronter et ne peut que subir,
totalement désarmé.
Kurama le vit tressaillir et trembler encore, et il se demanda s'il n'était
pas malade. Mais il ne le semblait pas. Est-ce qu'il devait le réveiller?
-Hieï? appela-t-il, hésitant encore.
Kurama se pencha sur le matelas et ramena sur Hieï la couverture que
sa mère lui avait donnée, mais qu'il ne s'était même
pas donné la peine de déplier. Il le recouvrit lentement, le borda
avec tendresse, faisant tout son possible pour ne pas le déranger.
"Voilà, il ne prendra pas froid", pensa-t-il, avant de frissonner
sous le petit vent glacé qui descendait de la fenêtre ouverte.
Hieï ne risquait pas grand-chose, mais lui
"Après tout,
maintenant, il dort. Ca ne le dérangera pas
"
Kurama se releva, enjamba précautionneusement le démon du feu,
et ferma les volets, puis la fenêtre. Voilà, plus de courant d'air.
"J'espère que ça va se réchauffer vite fait
"
Hieï commença à s'agiter, remuant la tête d'un côté
puis de l'autre, et à marmonner des syllabes incompréhensibles,
et Kurama se pencha sur lui, inquiet. Il savait que Hieï avait tendance
à parler dans son sommeil quand il était stressé- c'était
comme ça qu'il avait entendu pour la première fois le nom de Yukina,
d'ailleurs, parce que le Youkaï était si préoccupé
de son sort que même inconscient il avait réussi à l'appeler.
Mais là, il ne savait pas ce qui pouvait inquiéter son ami.
-Non
Sortir
ssez-moi sortir
Le noir
Il faisait un cauchemar. Il fallait le réveiller. Kurama posa ses mains
sur les épaules du Koorime et le secoua doucement.
-Hieï
Hieï, réveille-toi, tout va bien!
-Hieï, réveil-
"Huff!!" souffla Kurama en se prenant en pleine poitrine un coup de
pied à lui défoncer les côtes.
Il fut projeté contre le coin de son lit, qu'il heurta de plein fouet,
tenta désespérément de reprendre son souffle, ne serait-ce
que pour crier sa douleur totalement inattendue. Il glissa au sol, une main
sur la poitrine, l'autre appuyée sur le lit, et ouvrit les yeux sur le
démon du feu en face de lui.
-Non! criait-t-il, les yeux écarquillés, en se terrant contre
le mur comme un animal traqué.
Il se débarrassa de la couverture à coups de pieds affolés,
et se recula encore plus dans le coin. Kurama le regarda fixement, sans comprendre
ce qui lui prenait. Le Koorime se mettait à tourner la tête de
tous côtés, cherchant désespérément une issue
du regard - mais la pièce était close; et si sombre
Prisonnier.
-Non, pas ça, laissez-moi! hoqueta-t-il d'une toute petite voix de petit
garçon.
Le Yohko cligna des yeux, stupéfait. Mais que lui arrivait-il? Il avait
l'air terrorisé, et si impuissant
Mais qu'est-ce qui l'avait effrayé
comme ça? se demanda-t-il, sans comprendre. Le fait que Kurama le prenne
par les épaules ou quoi? Peut-être le fait qu'il soit entré
dans son espace vital sans son consentement, pendant son sommeil
Mais
il aurait plutôt pensé que dans ce cas-là, Hieï se
ferait un plaisir de lui apprendre à respecter les distances de sécurité
- c'était ce qui s'était passé, certes, mais
-Hieï, c'est moi, c'est Kurama, déclara doucement le Kitsune en
frottant sa poitrine douloureuse. Je suis désolé, je ne voulais
pas t'approcher comme ça, mais j'avais trop froid
Tu m'entends?
Hieï se redressa à quatre pattes, et entreprit de s'écarter
de Kurama sans lui tourner le dos, ses yeux affolés cherchant toujours
une issue.
"Il ne m'a pas reconnu", se rendit-il compte. "Mais pourquoi
avoir si peur? Même sans son sabre, il a toujours les flammes
"
-Laissez-moi partir! J'veux sortir d'ici!
Sa voix avait des accents hystériques, et elle sonnait complètement
terrorisée.
"Il me vouvoie
Ce n'est pas à moi, Kurama, qu'il parle. Il
me confond avec quelqu'un, quelqu'un qui lui fout les jetons. Je ne vois pas
qui le pourrait, mis à part peut-être quelqu'un qui résisterait
au Kokuryuha
"
-Hieï, calme-toi, répéta le Yohko d'une voix apaisante. Tu
ne me reconnais pas? C'est moi, Kurama, on est amis, tu te souviens? Du calme,
je rouvre la fenêtre, OK?
Il se leva lentement pour se diriger vers la fenêtre, et l'ouvrit encore
plus lentement, puis repoussa les volets. La lumière de la lune qui entrait
par la fenêtre sembla calmer le démon du feu. Il se rassit, tremblant,
contre le mur, et resserra ses bras autour de ses genoux, puis commença
à se bercer mécaniquement, les yeux dans le vague. Un rêve,
un rêve, seulement un rêve
Kurama s'accroupit à trois mètres de lui, ne voulant pas l'approcher
à ce moment où il commençait tout juste à se calmer.
-Hieï? finit-il par dire au bout de quelques instants. Je suis désolé,
je voulais simplement fermer la fenêtre, et je me suis penché sur
toi pour voir si tu n'allais pas bien, on aurait dit que tu avais un cauchemar
-J't'avais dit de pas fermer cette fenêtre, répliqua vivement le
démon du feu, tentant de regagner son self-control.
-Désolé
Je me disais que puisque tu dormais, ça ne
te ferait rien
Je ne savais pas que tu étais claustrophobe.
-Que quoi? demanda le démon en fronçant un sourcil, essayant désespérément
de penser à autre chose pour chasser le moindre souvenir de ce rêve-
de ce cauchemar - de ce souvenir - mais il tremblait toujours, d'une manière
inextinguible, et son cur ne voulait pas se calmer- il sentait trop bien
sur lui ces mains
-Que tu ne supportais pas d'être enfermé, expliqua Kurama, confus
du comportement de son ami. Je pensais que si tu te mettais toujours sur la
fenêtre quand on était à l'intérieur, c'était
parce que tu voulais pouvoir ficher le camp si on t'embêtait trop, et
Il commençait à babiller, il le sentait. Et le Koorime ne l'écoutait
plus.
-Hieï, ça va, tu es sûr?
-Hieï
Oui, c'est mon nom.
Kurama cligna des yeux, stupéfait, ne comprenant pas ce que voulait dire
le Koorime.
-Evidemment que c'est ton nom! Tu veux dire que tu en as eu d'autres?
-Je veux dire qu'il y a eu une époque où je n'en avais pas, souffla
le petit démon du feu, toujours recroquevillé dans son coin.
Il ouvrit encore la bouche, comme pour continuer à se confier, et Kurama
attendit impatiemment -c'était si rare que Hieï parle de lui; il
ne savait rien de son histoire avant leur rencontre, sauf la part racontée
par Yukina- à savoir son "expulsion" du château des glaces.
Mais le Koorime sembla se raviser au dernier moment. Il cligna des yeux et étouffa
tant bien que mal un tremblement, et referma la bouche.
-Qui t'a baptisé, alors? demanda Kurama après quelques secondes
d'attente où il finit par se rendre compte que Hieï n'avait pas
l'intention de continuer seul.
-Moi, lâcha le Jaganshi après quelques secondes. Tout seul.
-Pour quelle raison as-tu choisi ce nom-là plutôt qu'un autre?
lui demanda Kurama, curieux.
- 'Ombre' et 'voler', répondit simplement Hieï, comme si ça
expliquait tout.
-Je ne comprends pas, dit le Kitsune en fronçant un sourcil, perplexe.
-Tu connais quelque chose qui me décrit mieux? C'est ce que je suis.
Kurama réfléchit quelques instants sur ce qu'il avait appris sur
son ami- il avait moins appris par les paroles elles-mêmes que par la
manière dont elles avaient été dites, et par ses réactions.
Quelque chose l'avait complètement traumatisé, mais quoi exactement?-
Kurama savait bien qu'il n'avait pas eu une enfance rose, un enfant abandonné
dans le Makaï, il ne fallait pas croire aux fées non plus
Mais il avait pensé que Hieï l'avait plus ou moins surmonté,
vu comme il était toujours si fort, de corps et d'esprit.
Seulement, si ça avait été le cas, il n'aurait pas réagi
ainsi. Bizarre, la mention de son nom avait semblé le calmer. Mais le
Kitsune ne savait plus quoi faire. Le laisser se calmer entièrement,
refermer son cur, ou le mettre le nez sur ses peurs pour obtenir des explications?
La deuxième solution serait cruelle, mais
Il fallait le forcer
à crever l'abcès. S'il arrivait à regagner son self-control,
il se renfermerait encore en lui-même, et Kurama perdrait la moindre chance
de réussir à pénétrer ses défenses. La forteresse
que Hieï s'était construite pour s'abriter des autres était
excessivement solide- même si elle était bâtie sur un terrain
miné.
- Ombre
déclara lentement le renard, d'un ton délibérément
étudié pour toucher au vif. C'est plutôt étrange,
pour quelqu'un qui ne supporte pas le noir
Pourquoi?
- Ca ne te regarde pas! cria le Koorime. Va te faire voir!
Kurama s'inquiéta de ce qu'il réveille ses parents, et dressa
vivement une barrière sonique autour de la chambre. Au moins il avait
touché juste
Il insista.
-Pourquoi l'ombre?
-
Elle fait partie de moi
-En tant que quoi?
Pas de réponse, seulement un frisson; puis il resserra ses bras autour
de ses genoux et ferma les yeux. Sa plus grande peur? se demanda-t-il.
Il ne savait pas à quel point il tombait juste. L'ombre, dans mon âme,
qui m'envahit, me remplit de sa noirceur, de son vide
Je ne suis qu'une
ombre parmi les ombres, je ne suis presque rien. Je le me vois plus
est-ce
que j'existe vraiment encore? Ou est-ce que je rêve seulement d'être
vivant?
-Et voler? C'est bien le sens de l'oiseau, pas celui du voleur, non?
Pas de réponse non plus. Une peur, ça aussi? Hieï se définissait-il
vraiment uniquement par rapport à ses craintes?
Cette fois-ci, ce n'était pas tout à fait exact. Hieï enviait
les oiseaux, il voulait lui aussi pouvoir voler, s'envoler loin de tout, loin
de la terre
S'enfuir
Mais d'un autre côté, il en avait
peur. Il savait que le vol est toujours suivi de l'atterrissage.
Sa chute
"Essayons une autre approche." se dit Kurama quand il vit que celle-là
ne donnait rien.
-De quoi tu rêvais?
-De rien, répliqua sèchement le Jaganshi.
" Aïe! Il commence à se ressaisir. Il faut que je me dépêche
sinon il va encore se claquemurer dans sa tour d'ivoire et je perdrai la moindre
chance d'avoir jamais accès à lui."
Il rassembla toute sa force pour le saisir brusquement aux épaules et
le plaquer sous lui.
La réaction de Hieï fut bien celle qu'il prévoyait. Un cri
de terreur et de faibles velléités de résistance étouffées
par sa panique- mais ça ne servirait à rien, seulement à
se faire punir encore plus
Le maître ne voulait pas qu'il esquive
ses tortures, il voulait qu'il les subisse gentiment, qu'il accepte la punition
- De rien, vraiment? demanda Kurama d'un ton glacé, pour une fois laissant
transparaître l'expression glaciale du Yohko sur ses traits humains. Tu
as peur de RIEN?
C'était la seule solution, profiter de ce qu'il était encore déstabilisé
Même si c'était cruel.
Le Koorime le fixait avec de grands yeux terrorisés. Il y avait même
des larmes qui commençaient à apparaître
Oh, non,
Kurama n'avait pas l'intention de lui faire si mal!
Kurama se pencha sur le démon, le redressa en luttant doucement contre
sa crispation, l'attira sur ses genoux et se mit à le bercer en lui chuchotant
de petits mots d'apaisement.
-Non, non! soufflait le Youkaï en tentant vaguement de lui faire lâcher
prise- mais il ne devait pas, pas résister, ce serait pire après-
Oh seigneur, et dire qu'il avait cru un moment que c'était à jamais
terminé! Fallait-il qu'il soit naïf!
-Calme, calme, Hieï
Je ne vais pas te faire de mal, je te le jure
C'est juste que ça m'agace que tu gardes tous tes problèmes pour
toi
N'aie pas peur, je te jure que je ne te veux pas de mal
Hieï tremblait comme une feuille, crispé comme un malade du tétanos
dans les bras de Kurama. Il ouvrait toujours ses yeux immenses, fixés
sur le vide, comme s'il essayait au maximum de ne pas cligner les paupières
pour ne pas faire couler les larmes qui s'y amassaient. Pas pleurer, Jyujin
ne le supporte pas.
"IL" leva une main vers son visage, et le petit garçon se crispa-
voilà, il pleurait, il allait être puni
- mais la main ne le frappa pas
- elle ne le frappa pas - au contraire,
elle essuya doucement une larme brûlante qui avait réussi à
s'échapper et roulait sur sa joue, presque cristallisée déjà.
-Lâche-moi, finit-il par demander d'une voix étranglée-
ce n'était pas Jyujin, c'était Kurama. Kurama. Kurama ne l'avait
jamais menacé.
- Non, pas tant que je ne comprendrai pas, répliqua le renard d'une voix
douce mais très ferme. Raconte, je t'en prie
Je peux comprendre
-Non, tu ne peux pas, réussit à dire un Koorime soudain très
fatigué.
Pourquoi cet abruti de renard avait-il fait ça? Il l'avait replongé
dans le cauchemar duquel il venait juste de sortir d'une manière radicale.
Il avait vraiment cru, un moment, quand il l'avait saisi par les épaules,
qu'il avait rêvé toute sa vie depuis ce moment-là, qu'il
avait tout inventé, sa sur, sa force, Urameshi, le tournoi, le
Jagan, sa liberté, pendant un autre moment perdu dans les ténèbres;
qu'en fait, il n'était jamais sorti de la cave
Il avait failli devenir fou, il avait failli finir par plonger entièrement
dans ces ténèbres qui l'enveloppaient sans cesse, et qu'il avait
seulement commencé à repousser.
-Au moins, je peux essayer, répliqua le Kitsune d'une voix douce mais
ferme. Mais je comprendrai de toute façon bien mieux si tu me racontes
que si tu ne me dis rien, et je veux comprendre. Je ne veux pas te laisser affronter
seul tes démons, Hieï, lui chuchota-t-il à l'oreille en le
berçant lentement, tu n'y arriveras pas
On est amis, non? Je refuse
de t'abandonner à tes problèmes.
Hieï tenta soudain de se libérer des bras du renard, mais il le
tenait fermement, et refusa de le lâcher- et il se sentait si faible
- Dis-moi, je t'en prie
Je veux t'aider
Non, pas se laisser aller, pas devant quelqu'un - il ne s'autorisait aucune
faiblesse, surtout pas pleurer, non- s'il commençait à pleurer,
il ne s'arrêterait jamais- surtout pas devant quelqu'un, surtout pas Kurama!
Kurama était un de ses équipiers, comment pourrait-il continuer
à lui accorder sa confiance s'il le voyait aussi faible, aussi
-Je ne te veux pas de mal, Hieï, tu es en sécurité avec moi,
je te le jure
Soudain, avec un petit cri de chiot qu'on noie, Hieï enfouit sa figure
dans le cou de Kurama et commença à trembler. Doucement, d'abord,
puis plus fort. Les larmes qu'il retenait se mirent à dévaler
ses joues, certaines imbibant le pyjama du Yohko, certaines roulant sur le sol
en petites pierres noires.
Kurama lui passa doucement la main dans les cheveux, et recommença à
le bercer tendrement, lui chuchotant des mots sans suite. Il chantonnait distraitement,
lui murmurait des encouragements, tout en continuant à lui caresser la
tête, atteint profondément par les hoquets et les sanglots de son
ami. Il continua ainsi pendant longtemps à le câliner avant que
le petit Youkaï entre ses bras ne s'apaise.
Ca faisait si longtemps qu'il avait enterré ce souvenir, qu'il avait essayé de l'oublier- mais il était resurgi, comme ça Il lui revenait rarement en mémoire, et était toujours vivement refoulé. Et quand il lui arrivait d'en rêver, d'en rêver si totalement qu'il croyait le revivre, comme aujourd'hui, il lui suffisait de secouer la tête et de se dire que c'était fini, bien fini, et que ce connard de Jyujin ne risquait pas de reposer les mains sur lui pour finir ce qu'il avait commencé- Hieï se sentait toujours profondément soulagé quand, derrière l'horreur, lui revenait la fin de cette histoire Le problème, c'était que Kurama était intervenu justement avant cette fin, avant qu'il ait tiré d'une part encore inconnue de son être la manière d'éradiquer son cauchemar.
Hieï cessa finalement de trembler et se détendit dans les bras
de Kurama. "Mort
En cendres
Ce connard pédophile
je l'ai tué
Plus personne ne me touchera comme ça."
-Ca va mieux ? lui demanda le Yohko d'une voix douce.
-Mmm
Ouais
Lâche-moi.
Kurama soupira. Hieï avait retrouvé toute sa maîtrise, à
présent, et tout son calme
Il ne saurait jamais.
Le Yohko relâcha lentement son étreinte, mais ne put se résoudre
à ôter son bras de ses épaules. "Je n'ai jamais pu
l'approcher comme ça, jamais" pensa-t-il. "Il recule toujours,
dès que je passe la distance de sécurité. J'ai bien posé
la main sur son épaule, des fois, mais jamais plus de quelques secondes
Ne me repousse pas, je t'en prie
"
Mais Hieï leva un bras qui ne tremblait plus, saisit le poignet du Kitsune,
et le lui abaissa lentement loin de ses épaules, se désenclavant
de son étreinte, sans le regarder.
Kurama soupira encore une fois. Il ne savait pas s'il devait être déçu
d'être repoussé, ou bien soulagé de n'être pas "plus"
repoussé. Il aurait aussi bien pu se retrouver en train d'essayer d'apprendre
à voler depuis sa propre fenêtre, ou pire, transformé purement
et simplement en morceau de charbon par réflexe de protection
Tant
pis. C'était déjà pas mal d'avoir pu le tenir aussi longtemps,
c'était un immense progrès même, il ne fallait pas trop
en demander d'un coup.
Hieï se souleva et se rassit contre le mur, sur le matelas, bras autour
des genoux en un réflexe de défense et d'isolement
Mais
quand même à côté de lui. A même pas quinze
centimètres. "Pas si mal
"
- C'est bon, tu vas mieux? Vraiment?
-Mouais
Kurama avait l'air vraiment inquiet
C'était bon, pourtant, vraiment
quel abruti de renard, s'il était allé aussi mal pendant un moment,
c'était de sa faute, et de celle de personne d'autre. Mais il avait essayé
de l'aider, se rappela-t-il, même si ce n'était pas la bonne méthode
- Mais de toute façon, je n'ai pas besoin d'aide, lui rappela la partie
"féroce démon du feu" de son être.
-Peut-être mais c'était quand même sympa de sa part, répliqua
la partie "petit garçon perdu". Et il se disputa mentalement
avec lui-même pendant quelques minutes, sans que l'une des parties l'emporte.
Jusqu'au moment où il aperçut le regard triste du Kitsune, et
sa manière de baisser les yeux. Comme s'il souffrait de ce que Hieï
ne lui dise rien, ou pire, souffrait de ce qu'il avait compris.
- Il est mort et il ne s'était rien passé d'irréparable,
déclara-t-il avant d'avoir réfléchi. C'est juste que tu
m'as réveillé juste avant que je le crame
Il se tut brusquement, comme s'il se rendait compte de ce qu'il disait, et tourna
la tête vers le mur.
Le Yohko sut qu'il n'en tirerait rien de plus. Mais c'était suffisant
pour qu'il extrapole.
Bien ce qu'il avait pensé - ce qu'il avait craint - quelqu'un avait tenté
d'abuser de lui alors qu'il était enfant.
Et il n'avait pas réussi, Hieï s'en était sorti tout seul
- "que je le crame", voilà bien une manière très
"Hieïesque" de rendre la chose
Pas de chance pour l'autre,
qu'il ait découvert ses pouvoirs à ce moment-là
Et il était tellement reconnaissant au Jaganshi, qui acceptait de s'ouvrir
à lui
- Merci
sourit-il.
- Tu t'inquiètes pour moi, Kurama? lui demanda le Koorime avec un sourire
mi-timide, mi-malicieux, que Kurama eut du mal à comprendre.
Et pour cause, Hieï avait lui-même du mal à le comprendre.
Quoique, non, en réfléchissant bien
C'était agréable
de savoir que quelqu'un se souciait de lui, qu'il comptait, au moins un peu,
pour quelqu'un. Rassurant. Mais il n'avait pas besoin d'être rassuré,
lui rappela le démon du feu.
- Recouche-toi, ordonna-t-il, sourire évanoui comme s'il n'avait jamais
été là.
Il n'avait rien d'autre à faire que d'obéir. Kurama se releva
et se dirigea vers son lit, et se ré-emmitoufla dans sa couverture, toujours
frissonnant sous le vent glacé.
Il mit une bonne heure à se torturer les méninges pour savoir
comment passer le deuxième niveau de défenses avant de réussir
à trouver le sommeil.
Il ouvrit un il. Il faisait un noir presque total dans la chambre, comme
d'habitude
Sauf qu'il se rendit compte soudain qu'à cause de Hieï
il avait laissé les volets ouverts et qu'il aurait dû y voir plus
que ça, grâce aux lampadaires dans la rue.
Mais les volets étaient fermés. Est-ce que Hieï était
parti? Ce fut la première pensée qui résonna dans son cerveau,
et il fouilla le matelas du regard, inquiet, essayant de penser, pour se soulager,
qu'il ne pouvait de toute façon pas fermer les volets de l'extérieur
Mais il ne le vit pas. Pas davantage dans le coin du carton de la boule de poils.
Nulle part dans la pièce, en fait. Pas là. Oh, non
Pourvu
qu'il n'ait pas disparu
Il se concentra pour sentir son énergie - peut-être qu'il était
seulement allé boire
?
L'énergie de Hieï était toujours là. Proche
Très proche
En fait, elle venait de juste derrière lui.
Il se retourna lentement sur le dos - il ne put continuer entièrement,
quelque chose de chaud était pressé contre lui. Il tourna encore
plus lentement la tête.
Hieï était couché derrière lui sur son lit, roulé
en boule contre son dos, à même pas cinq centimètres. Son
visage était très calme- c'était très étrange
de le voir comme ça, totalement détendu, sans même les sourcils
froncés ni rien
Mais ça ne dura pas. Comme s'il sentait qu'on le regardait, il se réveilla.
- S'k'y a Kurama? Arrête de bouger, ronchonna-t-il, tu prends toute la
place
- Mais
Qu'est-ce que tu fais dans mon lit? demanda Kurama sans réfléchir,
avant de se mordre la langue - maintenant, il allait croire qu'il ne voulait
pas de ça
- T'avais froid. Tu claquais des dents tellement fort que j'pouvais pas dormir,
ronchonna le Koorime.
Exact- en partie. Il avait longuement réfléchi pendant que le
Yohko se rendormait. Sur ce cauchemar qui revenait, mais surtout sur la réaction
de Kurama.
Kurama essayait de toutes ses forces, à la fois de l'aider et de comprendre,
et de respecter ses désirs - dans la mesure du possible.
La mère de Kurama : " Il n'y a pas d'âge pour la tendresse
"
Jyujin le frappant, le jetant à la cave. Il avait vite compris sa crainte
des espaces clos, où on était à la merci du premier venu,
et en avait fait une peur panique, puis une vraie phobie.
La mère de Kurama, le serrant dans ses bras: " Tu sais, c'est agréable,
les câlins
"
Jyujin glissant ses mains glacées sous sa tunique.
Kurama le berçant, chuchotant des mots tendres pour le calmer.
Jyujin: " Je suis ton maître, tu dois m'obéir
Vilain
garçon
""tais-toi"
Kurama: "Hieï, je suis ton ami
Dis-moi, je t'en prie
Je
veux t'aider
"
Jyujin qui le jette sur l'escalier. Assommé par le choc. Ecrasé
sous son poids.
Kurama le relâchant à la première sollicitation, avec un
regard triste. " Comme tu veux
"
Kurama qui le soigne, qui rit avec lui, qui se moque gentiment - le seul à
oser- , le seul à savoir, toujours, quand quelque chose ne va pas, quand
il se sent mal, le seul à savoir toujours quoi faire, le seul à
ne pas tenter de forcer le sanctuaire de ses pensées. Kurama n'essayait
jamais de le forcer à parler, il lui demandait. Toujours.
Il se moquait de lui aussi, des fois, gentiment- comme avec l'appareil photo.
C'était facile de se laisser aller à rire avec lui
Enfin,
pas à rire, mais
A se détendre un peu, à abaisser
ses défenses
En tout cas ce n'étaient pas les autres qui
osaient en faire autant avec lui.
Et puis, il comptait pour le Yohko, il en était presque sûr
Sinon, il n'aurait pas eu l'air aussi inquiet pour lui, non? Et puis, il s'était
relevé pour lui mettre une couverture- sans penser au fait que Hieï,
étant démon du feu, régulait très bien seul sa propre
température; mais c'était l'intention qui comptait, non?
Voilà, quoi
Quand il l'avait vu trembler, il n'avait pas réfléchi
davantage, il avait fermé la fenêtre, puis s'était glissé
à côté de lui et avait étendu son aura pour l'envelopper
dans la chaleur qu'il émettait. Il n'avait pas eu l'intention de rester,
juste d'attendre qu'il se réchauffe un peu, mais
C'est vrai que
c'était très confortable, un matelas, plus que le sol
Il
avait fini par s'endormir.
Il le regrettait énormément, à présent. Kurama l'avait
surpris à se préoccuper de lui
Sa réputation était
fichue
Bah, c'était pas si grave
Kurama n'allait pas raconter à
tout le monde ce qui s'était passé ce soir
C'était
un secret qu'il garderait entre eux, il le sentait instinctivement. Il pouvait
lui faire confiance, le renard avait raison. Il lui FAISAIT confiance. Entièrement.
Allez, c'était décidé.
Kurama le fixait, stupéfait. Hieï se souciait de lui
Le
renard avait une envie folle de se mettre à rire, simplement parce qu'il
était si heureux qu'il devait expulser son trop-plein de bonheur d'une
manière ou d'une autre et qu'il savait que le démon du feu n'apprécierait
pas qu'il se jette sur lui pour l'embrasser. Mais il se retenait, héroïquement,
sachant très bien que le Koorime ne comprendrait pas autre chose que
"il se fout de ma gueule".
-Merci, Hieï
sourit-il. Moi qui me demandais pourquoi je n'avais
pas froid
-Mmm
répondit-il en s'asseyant en tailleur à côté
du renard, avec un regard désapprobateur et légèrement
moqueur. Tu t'es même pas rendu compte que j't'approchais
'Reus'ment
qu'j'étais pas un assassin
Tu te ramollis, Kura.
Le Yohko cligna des yeux, surpris. Ce n'était pas son genre de donner
des surnoms aux autres
Mais il n'allait pas relever, sinon, Hieï
penserait qu'il n'en voulait pas; or il voulait avec joie de tout ce qui pouvait
les rapprocher.
Un petit reste de fraîcheur se rappela à son bon souvenir et il
frissonna dans son pyjama.
-Hieï, ça ne te dirait pas de te rapprocher à nouveau? sourit-il,
sans s'attendre vraiment à ce qu'il obtempère, juste pour dire
quelque chose. Je ne suis pas totalement réchauffé
- T'es chiant
Hieï le regarda. Il avait très bien senti que Kurama n'avait plus
si froid que ça
Mais qu'il avait envie qu'il se rapproche. Pourquoi
exactement, il ne savait pas trop, il n'osait pas trop y réfléchir
à vrai dire, mais il ne risquait rien à obtempérer. Il
pourrait toujours s'éloigner si ça l'agaçait. Le renard
ne le retiendrait pas.
Il se laissa retomber, la tête sur l'oreiller, bras croisés derrière
la tête dans une attitude nonchalante. Il n'y avait pas de danger, chez
Kurama, pas de danger du tout - mais cette fois il le pensait vraiment.
Kurama allait de surprises en surprises. D'abord le démon se collait
à lui pour le réchauffer dans son sommeil, ensuite il s'étendait
sur le dos, yeux fermés, à côté de lui
Il eut
un choc en comprenant -en admettant- que c'était là la preuve
qu'il avait enfin gagné sa confiance absolue.
-Hieï
murmura-t-il, ému et bouleversé.
Le démon du feu ouvrit les yeux et lui jeta un coup d'il curieux.
-Mmm?
-Je
Merci.
-Merci quoi?
-De
Me faire confiance
-Bah
souffla le démon en détournant le regard, gêné
- il ne savait pas si malgré le noir Kurama pouvait voir qu'il rougissait,
mais il ne tenait pas à tenter l'expérience.
-Tu vas pas me manger, non?
-Mmm
Je sais pas!! rit Kurama en se penchant un peu vers lui, toujours
appuyé sur un coude. Le Youkaï farci, ç'est pas mauvais
-Ca va être toi le Yohko frit si tu m'embêtes, répliqua Hieï.
Comme Hieï refermait les yeux avec un reniflement agacé, il en profita
pour lui chatouiller le bout du nez avec le doigt.
-Hé!! râla Hieï en écartant sa main d'une tape, tout
près d'éternuer. Ca va pas non?
-Tu craindrais pas les chatouilles, toi?
-Hein?
Comment ça les
NONONONONON!!! ARRETE ÇA TOUT
DE SUITE!!! ARRETE!!! HYAAAA!!!
Eh oui, Hieï craignait les chatouilles. Beaucoup même. Il se tortillait,
désespéré, dans tous les sens, pour essayer d'échapper
aux doigts du renard, luttant pour réussir à respirer. Quand enfin
Kurama arrêta ses assauts, le démon de feu était à
bout de souffle, totalement épuisé.
C'était bien la première fois qu'on l'attaquait comme ça
Et la première fois qu'il riait autant.
Il lui fallut le temps de reprendre son souffle pour s'apercevoir que Kurama
était penché au-dessus de lui, l'emprisonnant à demi sous
lui. Ses yeux s'agrandirent sous le choc.
Le Kitsune sentit le changement d'humeur de son compagnon et en comprit sans
problèmes la cause, aussi il s'écarta tranquillement sans qu'il
le lui ait demandé, ne voulant pas mettre trop à l'épreuve
cette confiance toute neuve.
Hieï le fixa, vexé qu'il se permette de telles privautés
avec lui. Et les étincelles de rire contenu qui dansaient dans ses yeux
étaient autant de moqueries qu'il devait lui faire regretter
Oh, puis après tout, pas la peine de se mettre en colère, il devait
bien y avoir un autre moyen de se venger.
Expérimentalement, s'attendant à être repoussé d'une
seconde à l'autre, il tendit la main vers le ventre de Kurama, là
où la chemise bâillait un peu et laissait voir de la peau nue.
Apparemment, il n'était pas le seul à craindre les chatouilles.
Kurama se débattit autant que lui et il craignit au début de
faire une bêtise. Mais le renard se contentait de rire aux éclats
en essayant faiblement de le repousser. Hieï se trouva en train d'essayer
de le maîtriser d'un bras pour continuer à se venger sans qu'il
l'ait consciemment décidé. Mais il remuait comme une anguille
Attends
que je te tienne! Voilà
J'ai trouvé comment on fait!!
Hieï riait comme un gamin en plaquant le bras du renard sur le matelas,
tout en s'asseyant purement et simplement sur son ventre pour l'empêcher
d'échapper à ses expérimentations de ce nouveau style de
tortures. Tiens!! Sur les côtes, ça marchait aussi, et encore mieux
Il se rendit compte soudain, avec un choc, qu'il était assis sur le ventre
de Kurama, qu'il avait une main sous sa chemise, sur son torse
Le Kitsune
avait la tête renversée en arrière, il riait à en
perdre haleine, yeux clos, écarlate. Ses longs cils noirs ombraient ses
joues délicatement ciselées
Kurama cessa peu à peu de rire, reprenant son souffle. Il ouvrit les
yeux lentement, et redevint sérieux en surprenant le regard du Koorime.
-Kurama
souffla Hieï, mortellement sérieux. Pourquoi tu tiens
tant à m'aider? A devenir mon ami? J'ai jamais rien fait pour t'encourager
-Parce que
Je savais bien qu'un jour je réussirais! rit le renard.
Mais le Jaganshi ne riait pas, lui.
-Kurama, je suis sérieux.
-Ben
Tu faisais mine de n'avoir besoin de personne, mais tout le monde
a besoin de quelqu'un
Je suppose que je suis trop bon pour te laisser
simplement à ton triste sort
tu te rends compte que tu aurais pu
ne jamais faire la connaissance d'un être aussi exceptionnel que moi?
-Kuraaa
râla Hieï en le chatouillant un peu pour lui faire
passer l'envie de dire des âneries. Kurama, je
S'il
S'il te
plaît.
Là, Kurama abandonna toute velléité de transformer leur
discussion en déconnade. Hieï ne disait jamais, JAMAIS, 's'il te
plaît'. Le Koorime avait vraiment besoin d'une réponse, une vraie
réponse sérieuse, qu'il puisse accepter et comprendre. Bon, ben,
tant qu'à se déclarer
Autant maintenant qu'il était
d'humeur à parler de sentiments
-Je
Dès l'instant où je t'ai vu, je
tu m'as plu. Beaucoup.
-Et ça a suffi pour que tu te plies en quatre pour moi de toutes les
manières possibles et imaginables depuis trois ans?
Kurama leva les yeux vers le Koorime toujours assis en travers de son ventre,
et la proximité et le désir le frappèrent, le laissant
sans souffle. Il était si beau
Même dans l'obscurité,
ses yeux écarlates brillaient, brûlaient. Mais pas de colère
ou de fierté
D'impatience. Et d'appréhension.
-Je t'aime, Hieï
Ils restèrent immobiles tous deux, jusqu'à ce que le renard se
décide à reprendre la parole.
-Je t'ai aimé dès le premier regard. Au début, ce n'était
qu'une tocade, mais au fur et à mesure que j'apprenais à te connaître
Il se tut, gêné. Hieï s'était incroyablement ouvert
en même pas une journée, oui, mais était-il devenu pour
autant un incurable romantique qui n'aspirait qu'à ce qu'on lui parle
d'amûûûr? Sûrement pas
Sa vie en aurait-elle dépendu que Hieï aurait été
incapable de faire le moindre mouvement. Il
L'aimait?! Kurama l'AIMAIT?!
Vraiment?
Lui
?
Un petit démon du feu, mal élevé, grossier, brutal, froid,
silencieux, renfermé, toujours en train de faire la gueule, et puis
Petit
et loin de valoir la beauté fascinante du renard
Et jamais il ne s'en était douté
Mais comment aurait-il
pu? Il ne savait rien de l'amour, rien que ce qu'on racontait dans les tavernes
où il s'aventurait de loin en loin
Et ça, ce n'était
pas la conception du monde des humains
Pas celle de Kurama, apparemment.
Il
l'aimait
?
- C'est vrai? demanda-t-il comme un petit garçon, le besoin d'être
rassuré l'emplissant tout entier.
- C'est vrai
souffla le renard, rougissant encore plus.
-Pourquoi? Pourquoi moi? Tu
On dit que t'es très beau, Kurama,
même moi je le vois, et pourtant, je m'y intéresse pas trop à
ce genre de trucs
T'es intelligent, tout le monde t'apprécie
Tout le monde t'aime. Tu peux te faire aimer de n'importe qui, et
-Mais moi, c'est toi que j'aime, Hieï.
-Mais qu'est-ce que tu me trouves?! contra Hieï avec un grand geste de
la main, essayant désespérément de convaincre le renard
de réfléchir.
Parce que si il se faisait à l'idée que Kurama avait des sentiments
pour lui et que celui-ci change d'avis juste une fois qu'il ait accepté
ce cadeau inattendu
-Je suis un nain et j'ai des cheveux en pétard, lâcha Hieï
en se rappelant ce que lui disait toujours Kuwabara.
-Tu es musclé et très bien proportionné. Et il faut bien
que l'un d'entre nous soit plus grand que l'autre. Et comme ça tu tiens
très bien sur mes genoux. Et j'aime tes cheveux. Ils sont doux. Et crois
moi ou pas; je te trouve beau.
-Je
J'ai un caractère atroce.
-Tu es passionné. Pour un démon du feu c'est normal.
-J'arrête pas d'envoyer tout le monde balader.
-Tu essayes de te défendre parce que personne ne t'a jamais appris la
confiance.
-Je n'ai pas de cur. J'aime personne.
-Tu aimes ta sur. Pourquoi tu la défendrais sinon?
- Je suis froid et méchant et
et
je pourrais te trahir sans
y repenser à deux fois.
-Tu fais ce qu'il faut pour survivre dans le Makaï. Et non, je suis sûr
que tu ne me trahirais pas. Tu as eu trop d'occasions et tu es toujours resté
à mes côtés. Je te fais confiance. Entièrement confiance.
Et tu ne me décourageras pas comme ça, ajouta le Yohko avec un
sourire.
Poussant un grognement de détresse, Hieï se passa les mains dans
les cheveux plusieurs fois, les yeux fermés, même le Jagan. Il
ne voulait pas pénétrer dans les pensées de Kurama. C'était
une invasion et il le respectait trop pour ça. Mais ça le tentait
tellement
Mais s'il le faisait Kurama risquerait de changer d'avis.
-Je
Pourquoi?!
-Il n'y a pas une raison à donner, Hieï, l'amour ce n'est pas comme
ça
Parce que tu es toi, Hieï
Fier, indépendant,
courageux
Et tellement de choses encore
Ne doute pas de tes qualités,
tu en as plus que tu ne penses, tu sais, tu te sous-estimes
Je crois que
tu as besoin d'apprendre à t'aimer un peu.
Kurama leva une main hésitante et la posa sur son épaule, s'attendant
à être repoussé d'une seconde à l'autre. Les contacts
physiques, voilà qui ne plaisait pas trop à Hieï, et encore
moins ce genre-là, d'après ce qu'il pouvait penser de son enfance
Mais il ne le repoussa pas, bien que Kurama puisse sentir les muscles se tendre
sous sa main.
-Hieï, jamais je ne te ferai le moindre mal. Je t'aime plus que moi-même
Je serai toujours là pour t'aider, peu m'importe de quoi tu aies besoin
Ca me fait mal quand tu te renfermes, quand tu me jettes, alors que je sens
que tu souffres
-Je ne
Je ne te rejette pas
-Mais tu en as envie
Ne te force pas pour moi. On a le temps, Hieï
On a le temps de te réhabituer à des relations normales, pas la
peine que tu te fasses du mal à essayer d'accélérer les
choses
Je m'en voudrais tellement
Hieï virait lentement à l'écarlate, adorablement gêné,
et Kurama dut mettre à profit son fameux self-control pour ne pas lui
appliquer un petit bisou sur le bout du nez, comme il en crevait d'envie. "KAWAAAAAAAAAAAAAIIII!!"
Puis il décida qu'un seul baiser, ça ne pouvait pas faire de mal.
-Hieï?
Le Jaganshi le regarda, hésitant, ses yeux écarlates pleins d'incertitude.
Il battit des paupières quand le renard posa une main sur sa joue, mais
autrement ne réagit pas. Kurama approcha son visage du sien, lentement,
millimètre par millimètre, lui laissant tout le temps nécessaire
pour se reculer si jamais il ne voulait pas, son pouce caressant par réflexe
la joue veloutée du Koorime.
Hieï ne sentait plus que le souffle chaud du renard sur sa joue et ne voyait
plus que les deux lacs d'émeraude de ses yeux. Son cerveau fonctionnait
au ralenti, totalement hypnotisé par les actions du renard, et il fallut
que les lèvres de celui-ci ne soient plus qu'à quelques millimètres
à peine des siennes pour qu'il comprenne ce qui allait se passer. Il
se tendit, considéra brièvement de reculer
Et décida
qu'après tout, ça n'était pas vraiment une morsure à
quoi il s'exposait. Au pire, il pourrait arrêter si ça ne lui plaisait
pas
au mieux, il comprendrait enfin d'où venaient les papillons
qui dansaient dans son estomac.
Il ferma hermétiquement les yeux, tendu comme une corde d'arc, le cur
affolé.
-AOOOOOOOOOOOOOUUUUUUUUUUUUUUUUUH!!!!!!!!
-NANI?!
Après un saut de carpe d'un mètre sur le lit et quelques affolantes
secondes à se désemmêler l'un de l'autre, Hieï et Kurama
réussirent à se dégager et à se tourner vers la
direction du cri, prêts au combat.
Du fond de sa boîte, Akatsuki leur dédia un regard misérable
et se remit à hurler sa faim du plus fort de ses petits poumons.
-AAAOOOOOOOUUUUUUUH!!!
Kurama retomba sur le lit et enfouit sa figure dans son oreiller, murmurant
des jurons tandis que Hieï se levait d'un bond pour aller pêcher
la bestiole dans sa boîte. Il la prit dans ses bras et se retourna vers
Kurama.
-Oi, Kura, il faut lui donner à manger. Je descends à la cuisine.
Change sa caisse pendant ce temps, suggéra le Koorime.
-Pourquoi ça? demanda Kurama en se redressant.
-Il a pissé au fond, lâcha le Jaganshi en haussant les épaules,
avec Aka-chan qui ronronnait presque, confortablement roulé en boule
dans ses bras.
Derechef, le Yohko réenfouit sa figure dans son oreiller, en marmottant:
-Je déteste cette bestiole. Elle l'a fait exprès, je suis sûr.
Attends que tu sois en âge de recevoir une raclée, tiens
Elle me hait. Elle m'en veut. Oui c'est ça, c'est de la jalousie. Je
me vengerai.
Il se tut en entendant un rire. Il se retourna, incrédule, vers la chose
la plus belle qu'il ait jamais vue. Hieï riait doucement, amusé,
ses yeux d'un grenat sombre bien plus doux que d'habitude, un petit sourire
aux lèvres. Kurama ne sortit de sa transe qu'en sentant le lit plier
sous son poids.
-Hieï?
La boule de poils toujours dans les bras, le petit jaganshi se pencha sur lui
et lui déposa un rapide baiser sur la joue. Rougissant légèrement,
il attendit, perdu dans les grands yeux verts qui s'assombrissaient de désir.
-Hieï
souffla Kurama en tendant la main vers la joue de son ami,
se penchant insensiblement vers lui.
-WAOUUUUUUUUUUUUU!!!!!!!!!!!!!!!
Deux seconde plus tard, Hieï avait passé la porte et était
déjà à mi-chemin de la cuisine. Kurama envoya voler contre
le mur son oreiller et toutes ses couvertures et se mit à pousser une
série de jurons malsonnants très variés, qui pouvaient
faire rougir même les putains du Makaï, en une douzaine de langues
humaines et démoniaques, accumulés patiemment au cours de siècles
d'existence.
-Je hais cette boule de poils. Tu parles d'un cadeau d'anniversaire