Le gigolo et l'assassin

Série: Gundam Wing (comme si j'écrivais autre chose ces temps-ci ^___^)
Auteur: Asuka Kureru
Genre: Univers alternatif urbain (pas de gundams, les pilots ont entre seize- dix-sept et dix-neuf -vingt ans), violence, lime (ou lemon? dur à dire, enfin c'est pas super descriptif #^^#), angst (autrement dit c'est pas la vie en rose les enfants)
Couples: 1x2 ^^

(heu, oui, au fait, vous comprendriez vite de toute façon... mais les personnages sont Heero et Duo. Me suis amusée à ne pas me servir d'un seul de leurs nom dans la première partie, sauf à la fin ^__^)

^^^^^^^^^^^^^^ : changement de POV
* * * * * * * * * : changement de temps.

Première partie

Les appels et les coups de sifflets retentirent quand le jeune homme descendit enfin de sa chambre pour aller s'installer au coin de la rue avec le groupe de ses camarades prostitués mâles et femelles. Il était tard déjà, mais avec l'argent qu'il gagnait, il pouvait se le permettre; il gagnait bien plus que la plupart de ses camarades. Personne ne le détestait pour ça, cependant. Il était toujours prompt à inviter ses amis à manger quand il faisait une bonne nuit, et à prêter de l'argent en cas de besoin; de plus, il était resté malgré l'adversité ce qu'on appelait un mec bien. Sympathique, attentionné envers ses amis, solidaire. Et puis il fallait avouer que le garçon méritait chaque centime de l'argent qu'il gagnait.
Les flics qui le ramassaient de temps en temps ne voulaient jamais croire qu'il était majeur. Il avait déjà dix-neuf ans, mais paraissait plus jeune, son corps mince et très bien proportionné encore plein d'une grâce adolescente, et son minois presque triangulaire toujours aussi lisse et frais, d'une beauté troublante que bien des filles lui enviaient. Ses meilleurs attraits, avec sa minceur androgyne, c'étaient ses yeux, grands, bordés d'épais cils noirs qu'il n'avait presque pas besoin d'accentuer au mascara, et d'une couleur étonnante, presque bleu mauve en plein jour, et violets sous la lumière du crépuscule; ses lèvres pleines au sourire invitant, et surtout ses cheveux, une longue crinière couleur de miel qui lui tombait jusqu'aux reins et qu'il gardait nattée serrée; sa marque de fabrique. Personne ne l'avait jamais vu avec les cheveux détachés; ça faisait partie du mystère qui le rendait si attirant. On ne savait pas d'où il venait, comment il était arrivé là; étrange dans un quartier où les gens ne se privaient que rarement d'essayer d'attirer la sympathie sur eux en racontant l'histoire de leur déchéance. Jamais il ne se plaignait de son sort, toujours de bonne humeur, toujours riant et plaisantant.
"Alors, qu'est-ce que j'ai raté?" demanda-t-il à sa meilleure amie, une brunette délurée aux cheveux courts et aux yeux bleus scintillants de malice et d'énergie. Ils s'étaient mutuellement adoptés, ayant été mis sur le trottoir à peu près en même temps et ayant bien besoin d'un allié pour survivre les premiers mois. Mais même sans la nécessité de se serrer les coudes, ils se seraient bien entendus. Ils avaient le même sens de l'humour et s'entendaient comme frère et sœur.
"Bof! Toi, rien. On a juste eu quelques hétéros, alors..." le plaisanta-t-elle.
Quelquefois, des clients pressés de passer à l'acte prenaient le jeune homme pour une fille, malgré la foule de petits détails qui prouvaient à l'observateur consciencieux qu'il était bien indéniablement mâle, et l'emmenaient quand même; mais même si quelques-uns en étaient choqués quand ils s'apercevaient de leur méprise, très peu s'en plaignaient encore une fois leur heure finie. Il en avait converti plusieurs, qui revenaient le prendre assez régulièrement.
"C'est une nuit plutôt calme," remarqua-t-elle en s'adossant au mur.
Le garçon s'appuya de l'épaule à côté d'elle et ils continuèrent à discuter à voix basse, sans cesser de regarder d'un œil critique les clients qui passaient, allaient et venaient. Ca les faisait toujours rire de se moquer d'eux; la plupart de ceux qui arrivaient à cette heure de la soirée n'étaient pas très sûrs d'eux et décrivaient quelquefois plusieurs allers et retours avant de s'arrêter pour embarquer leur choix. Ceux qui arriveraient plus tard seraient moins hésitants, mais c'était surtout parce qu'une bonne partie était ivre ou en voie de l'être.
Une heure plus tard, ils n'avaient toujours pas eu de clients, cachés contre le mur comme ils l'étaient, mais le nombre de leurs camarades avait bien diminué. Il restait plus de filles que de garçons cette nuit-là; mais les garçons étaient moins nombreux au départ, aussi on ne pouvait pas vraiment juger.
Un ami des deux bavards approcha en silence, revenant de chez son premier client, et s'arrêta sans rien dire de l'autre côté de la jeune fille.
"Salut, ô gars sans nom!" le salua gaiement le garçon à la natte.
Le sans-nom étaient un garçon mince aux jambes immenses qu'il avait gainées dans un pantalon de skaï noir moulant. Son torse était recouvert par un pull à col roulé très serré, sans manches. Une mèche de cheveux rebelles tombait sur son visage si sérieux, cachait un de ses yeux verts, lui donnant un air mystérieux.
Et mystérieux, il l'était... même pour lui. Il était arrivé il y avait deux ans, affamé, complètement amnésique. Sans autre choix s'il voulait manger, il s'était mis à faire le trottoir, poussé par Mueller, l'un des deux principaux macs de ce quartier. Le duo dynamique l'avait pris sous son aile, lui apprenant les trucs de la rue.
"Comment va, Nanashi?" demanda le garçon à la natte.
Il avait un intérêt aiguisé pour tout ce qui venait de l'Asie en général et du Japon en particulier, et émaillait souvent ses phrases d'expressions japonaises, au grand dam de ses amis qui n'y comprenaient rien. Il leur donnait aussi souvent des surnoms dans cette langue. A ses oreilles, même si ça voulait dire pareil, Nanashi sonnait bien plus classe que sans-nom.
Le sans-nom haussa les épaules sans changer d'expression et tourna les yeux vers une voiture qui approchait.
"Ah, ça c'est pour moi!" lâcha la brunette en s'approchant de la voiture d'un pas sensuel, relevant son béret avec un clin d'œil.
"Amuse-toi bien, Hilde!" lui lança le garçon à la natte tandis qu'elle grimpait sur le siège passager.
La voiture démarra et il se retrouva seul avec l'amnésique.
"Ton client était pas trop grave, Nanashi?" demanda-t-il.
Encore une fois, le garçon à la mèche haussa les épaules.
Souvent les gens qui rencontraient pour la première fois le garçon aux yeux verts croyaient qu'il était muet. Et pour eux il aurait aussi bien pu l'être. Il n'adressait jamais la parole à quelqu'un qu'il ne connaissait pas bien, et jamais n'ouvrait la bouche devant un étranger. Sauf en cas d'extrême urgence. Ca plaisait à certains de ses clients... De toute façon il savait se faire comprendre sans parler.
Un homme seul descendait la rue, et le groupe de prostitués le dévisagea avant de retourner aux autres personnes. Il n'avait pas l'air d'un client. Son pas était trop rapide, trop déterminé, et il ne dévisageait pas les prostitués.
Le gigolo natté le regarda encore quelque temps, intrigué. L'autre était jeune et énergique. Il était vêtu d'habits tout ce qu'il y avait de plus banals, son seul signe distinctif étant ses gros godillots jaunes. Et pourtant même derrière la chemise informelle et le pantalon indescriptible, ses yeux exercés pouvaient voir qu'il était très bien foutu. Et jeune. Qu'un mec de son âge ait assez de cran pour se balader dans le quartier des maisons closes sans avoir l'air gêné, surtout s'il n'était pas intéressé par ce qu'on y proposait, était plutôt inattendu.
"Hé, beau gosse, t'es tout seul?" lui lança-t-il espièglement comme l'autre passait sans ralentir, sans même regarder le groupe de prostitués qu'il traversait.
S'arrêtant, l'autre jeune homme se retourna vers lui et le dévisagea.
Le gigolo à la natte en oublia brièvement de respirer. Puis il sourit, d'un sourire immense. Ce mec avait de ces yeux... D'une couleur magnifique, et si intenses que pour un peu ils en auraient tiré des lasers. Ce mec avait des yeux dangereux. Et ils étaient imperceptiblement bridés, indiquant une possible origine asiatique, son péché mignon. Sexyyyyyy...
"Alors?" ajouta-t-il quand il se rendit compte que le garçon n'avait pas l'intention de parler en premier, seulement de rester là à le dévisager.

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Cuisses musclées et hanches étroites moulées dans du cuir noir, un top noir qui avait l'air d'être peint sur ses pectoraux et dévoilait son nombril, les côtés du top non pas du tissu mais de la maille fine transparente, des grosses bottes à plates-formes ferrées et fermées de grosses lanières de cuir jusqu'aux genoux... Et des yeux d'un mauve-violet scintillant encore accentués par une seule ligne fine d'eye-liner noir. Un prostitué... Il avait du cran, ou il était complètement stupide; le regard que l'assassin lui envoyait avait fait plier des hommes plus aguerris que lui.
Le tueur allait se détourner quand un bruit de sirènes le fit réfléchir. Il devait être recherché... La police n'était pas un problème, ils avaient des contraintes à suivre, et de toute façon tout le monde savait que le pouvoir leur avait échappé depuis longtemps, mais la milice de l'organisation à laquelle avait appartenu sa victime était un tout autre problème. S'il se faisait coffrer ou même juste repérer, il ne faudrait pas quinze minutes avant que ces types soient avertis par un de leurs indics.
"Tu as une chambre?" demanda-t-il soudain.
"Ca coûte plus cher," le prévint le garçon sans perdre son sourire insolent, après l'avoir dévisagé quelques minutes, décidant visiblement s'il avait envie de le ramener chez lui.
Il haussa les épaules, sans le quitter des yeux. Le gigolo lui dédia un lever de sourcil expressif.
"Pour la nuit alors."
"Je te crèverai tellement que tu ne tiendras sûrement pas autant de temps," le prévint le garçon natté avec un sourire ironique. "Et tu vas te ruiner, mec ... Parce que je dois compenser pour tous les autres clients que j'aurais eus sans toi, plus la chambre... ça fait un max ..."
L'assassin lui dédia un regard acéré, puis eut un minuscule sourire ironique.
"Tu te soucies de mon porte-monnaie? Moi qui pensais que plus tu gagnais d'argent, plus tu serais content... "
"C'est juste histoire que t'ailles pas râler devant le prix... Allez, ramène-toi, Yeux-bleus," lâcha le prostitué avec un haussement d'épaules avant de faire demi-tour vers l'entrée d'un immeubles à quelques mètres. "Salut Nash'!"
L'autre gigolo lui lança un petit salut de la tête avant de se détourner.

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Le tueur à gages suivit le jeune homme dans l'entrée de l'immeuble, jusqu'au moment où celui ci s'arrêta devant l'escalier.
"C'est pas pour être radin, mais j'ai assez de blems comme ça sans oublier de me faire payer d'avance," lui sourit-il avec un petit haussement d'épaules en guise d'excuse.
Sans changer d'expression, le jeune homme ouvrit son sac à dos et sortit un porte-monnaie, d'où il tira une liasse de billets qui couvrait ce que le gigolo lui demandait, et même un peu plus. Il les lui tendit et rangea ses affaires, mais pas avant que le garçon en face ait aperçu une liasse encore plus importante qui lui montrait qu'en effet, il n'avait pas de problèmes d'argent, et quelque chose de noir et de luisant ressemblant fort à une crosse de revolver.
Il prit l'argent, décidant de ne pas s'intéresser à l'arme. Ce quartier n'était pas sûr du tout, et des gens portant une arme, il en voyait tous les jours, même si c'était interdit. Même lui, il en avait un de revolver, qu'il cachait sous la tête de son lit au cas où un client deviendrait violent, et il portait toujours des couteaux sur lui, nuit et jour. Alors que ce mec soit armé, au final, ça ne le dérangeait pas. S'il ne la portait pas de manière ostensible, c'était qu'il n'était pas de ces branleurs qui aiment terroriser leur monde en faisant ostensiblement mumuse avec leurs gros calibres et qui sont les plus dangereux par pure stupidité. S'il le cachait, c'était qu'il était réellement dangereux, puisqu'il prenait la peine de le dissimuler.
Intéressant... pensa-t-il. Au moins celui-là ne prendrait pas la peine d'essayer de l'impressionner toute la nuit avec son calibre, comme ce gros pervers qui s'était amusé à le baiser avec son pistolet.
"Ca va," lâcha-t-il sans prendre la peine de vraiment compter la liasse.
Il la confia à la concierge, une de ses amies, et guida l'autre jeune homme vers son petit deux pièces au troisième étage.

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L'assassin remarqua avec intérêt que la vue de son revolver n'avait pas paru l'impressionner du tout; pourtant, il savait qu'il l'avait vu. Intéressant. Toujours dur de déterminer si c'était du cran ou de la stupidité, cependant. Enfin, il avait la prudence de ne pas garder son argent dans sa chambre avec un client armé, alors... Et dans sa grande botte, il y avait un renflement presque imperceptible désignant l'emplacement d'un couteau. Il ne devait pas être si bête que ça; on survivait rarement longtemps dans un métier comme le sien si on l'était de manière incurable.

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Le garçon à la natte ouvrit la porte et précéda son client à l'intérieur, allant fermer la porte de la cuisine. Mis à part les toilettes- salle de bain et sa chambre, c'était la seule pièce de toute façon, l'autre n'avait pas besoin de guide. L'autre le suivit sans rien dire jusqu'à la chambre, déposa son sac près de la porte, sur une chaise dans un coin.
"Mets-toi à l'aise," lui conseilla le gigolo quand il vit qu'il n'avait pas l'intention de bouger et se contentait de le fixer et de regarder la pièce.
Il avait l'impression qu'il mesurait du regard la distance qui le séparait des fenêtres. Ce type devait être un vrai hors la loi pour laisser sa garde sur position haute comme ça. A se demander ce qu'il attendait d'un prostitué. Peut-être se rendait-il compte qu'il avait un besoin sérieux de relaxation? C'était compréhensible...
Mais le garçon à la natte ne pouvait s'empêcher de se rappeler qu'il n'avait pas du tout eu envie d'engager un prostitué avant qu'il ne l'interpelle. Et ce n'était pas un soudain coup de désir à son encontre. Pas qu'il n'ait pas l'habitude que des gens flashent sur lui; mais si ça avait été le cas, il ne l'aurait pas regardé comme ça... Il aurait regardé ses fesses par exemple, pas ses mouvements, comme s'il avait l'intention de l'attaquer dès qu'il tournerait son attention ailleurs. Que voulait-il vraiment?
Pour tester sa théorie et essayer de trouver des indices, le gigolo s'approcha de l'autre, ajoutant juste un soupçon de roulement de hanches dans sa démarche, et posa les deux mains sur ses épaules, juste à côté du col de sa chemise. Il attendit que l'autre cesse de se demander s'il fallait ou non attaquer pour poser les doigts sur le col de sa chemise. Il défit le premier bouton... Et l'autre leva les mains et saisit ses poignets dans une étreinte impossible à briser, si vite qu'il n'eut pas le temps de réagir. Il ne lui faisait pas vraiment mal, se contentant de l'immobiliser, mais le prostitué pouvait sentir qu'il n'aurait aucun mal à lui écraser les poignets s'il en avait envie. Il le dévisagea avec un petit sourire moqueur, attendant que l'autre le lâche.

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L'assassin dévisagea longtemps le garçon, cherchant à deviner ses intentions sur son visage, avant de rabaisser les bras et de lâcher précautionneusement ses poignets. Puis il défit lui-même les boutons de sa chemise en se détournant à demi, le congédiant sans un mot.
L'autre n'avait pas peur de lui. Mais d'un autre côté, il savait déjà qu'il était armé et probablement un hors la loi, et pourtant il continuait à se comporter comme si ça ne faisait rien. Autant lui faire confiance, il ne lui montrerait rien qu'il n'ait déjà deviné comme probable.
"Tu aurais de quoi faire des bandages?" demanda-t-il d'une voix atone.
"Bien sûr, dans la salle de bains," répondit le gigolo après un temps d'arrêt. Il ne posa pas de questions ; un point pour lui.
Il sortit de la pièce, et l'assassin se déplaça en silence pour vérifier qu'il allait bien dans la salle de bain, puis ôta en vitesse sa chemise et se débarrassa de son holster. Il le posa sur la chaise et déposa sa chemise par dessus. Elle avait un trou, remarqua-t-il, et il devrait la jeter.
Le gigolo rentra dans la pièce, et stoppa une infime fraction de seconde avant d'avancer vers l'homme.
"Ok, assieds-toi sur le lit," lâcha-t-il sans expression particulière.
Le tueur le regarda en relevant un sourcil. Le gigolo lâcha un énorme soupir et leva les bras au ciel, un poil théâtral.
"Si tu essayes de bander ça tout seul, tu vas étirer la plaie. Assieds-toi et laisse faire, je sais panser, ok?"

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Le garçon à la natte se força à garder son visage neutre tandis que l'homme s'asseyait lentement sur le lit, mais dans son esprit, il ne pouvait s'empêcher de revoir à la hausse son observation de son client. Le bougre n'avait pas montré un seul poil d'inconfort, et il avait marché d'un pas souple, sans même avoir l'air d'avoir mal, pourtant, il avait une blessure au côté qui devait le tirer affreusement, entourée d'une ecchymose qui s'étendait de sa hanche jusqu'à son aisselle ou presque; et la blessure, c'était une trace de balle qui avait arraché un joli morceau de chair; pas mortel mais définitivement douloureux et gênant. Et ça saignait encore.
"J'ai de la pommade pour le bleu, si tu veux," suggéra-t-il en sortant le tube de sa poche.
Il montra le nom de la marque à l'homme pour que celui-ci ne s'imagine pas des choses, puis lui releva précautionneusement le bras pour commencer à appliquer la pommade, essayant de garder la pression de ses doigts la plus faible possible. Comme il ne savait pas comment se mettre, il s'assit d'une fesse sur le lit et posa le coude de son client sur son épaule, pour lui garder le bras en l'air sans qu'il ait à tirer sur le muscle, et continua à appliquer sa pommade. Il ne put s'empêcher de l'admirer; la pommade était froide, et vue la couleur violacée de la blessure, elle devait le faire souffrir; mais son visage restait de pierre.
Il continua à étaler doucement la pommade, pestant un peu parce que ses doigts allaient en porter l'odeur pendant des heures maintenant, puis une fois qu'elle eut pénétré, il passa un linge humidifié autour de la croûte, pour ôter le sang séché, et commença à bander la plaie. Ses gestes étaient précis et efficaces... Et puis il sentit que l'homme le regardait, si intensément que c'était tout juste si un trou ne commençait pas à se forer dans sa tête. Alors, aguicheur, il s'amusa à laisser ses mains effleurer les abdominaux très développés de l'homme quand il faisait le tour de son torse pour reprendre le bandage, et à laisser son haleine caresser la partie sensibilisée de son flanc. Il sentait bon, le bougre... Une odeur virile, une pointe de sueur épicée, la poudre et le métal de son arme mêlés à d'autres parfums plus complexes...
Le gigolo eut un petit sourire. Il n'aimait pas spécialement son métier, mais il y était bon. Et il y avait des clients qu'il détestait moins que d'autres. Celui-là était... Intéressant.

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L'assassin sentit un frisson se former sur sa peau, et dut se contracter légèrement pour ne pas le laisser paraître. Il souhaitait presque que le prostitué ait été un peu moins doux avec lui quand il le pansait. Il avait l'habitude de se faire soigner, et il avait l'habitude que ça fasse presque aussi mal que de se faire blesser... Les gens qui le faisaient n'étaient pas en général très tendres. Mais ce garçon... Son toucher était si léger qu'il le sentait à peine, et ça avait fait un contraste saisissant avec la froideur de la pommade; et puis au fur et à mesure qu'il réchauffait le baume en l'appliquant, l'assassin sentait la douleur s'engourdir... mais pas son contact.
"La balle c'est pas si grave, mais le bleu, me demande si tu n'as pas des côtes fêlées dessous," lâcha d'une voix tranquille le gigolo tout en continuant de le masser avec les doigts.
Le tueur étrécit les yeux, se demandant s'il devrait tuer aussi le garçon pour qu'il se taise... Non, pas la peine. Il avait déjà vu beaucoup avant ça; l'assassin lui d'ailleurs avait laissé voir, ce ne serait pas juste de le tuer alors que lui-même n'avait même pas cherché très fort à le garder secret. Et puis, il était habitué des bas-fonds, et sa petite phrase anodine révélait qu'il avait très bien compris que c'était une blessure d'arme à feu et qu'il n'avait aucune envie de poser plus de questions dessus.
C'était vrai que le bleu lui faisait mal; le garde du corps de cet enfoiré lui avait fait glisser une table dessus de tout son poids, le coinçant entre le mur et son propre revolver. Il était sûr que ce fichu bleu avait la forme exacte du revolver dans son holster.
Le garçon se mit à poser le bandage, et le tueur dut s'avouer qu'il savait ce qu'il faisait. Ses gestes étaient précis et efficaces, mais toujours aussi doux.
Et puis, il se rendit compte qu'à chaque passage, les mains du garçon effleuraient son flanc opposé et ses côtes presque jusqu'au milieu de son ventre, sensibilisant progressivement la peau à ces caresses involontaires. Combiné à son souffle chaud de l'autre côté et à juste quelques mèches échappées de sa natte qui le chatouillaient... Ce fut là qu'il dut se retenir de frissonner.
Pourquoi était-il si doux? Avait-il peur de le mettre en colère? ... Non, il n'avait pas l'air d'avoir peur du tout.
L'assassin baissa les yeux sur la tête châtain sombre du jeune homme, dont il ne voyait que le haut du crâne, et regarda la lumière de la misérable ampoule jaune jeter dessus des reflets d'or.
Le rouleau échappa des mains du garçon du côté opposé à celui où il se tenait, et il se pencha par-dessus les cuisses de son client en marmonnant un juron étranger. Sa natte roula de son épaule et tomba sur le haut de la cuisse du tueur, s'enroulant sur ses jambes. Sans y penser, celui-ci leva une main et frôla l'arrière de sa tête. Le prostitué stoppa net, puis lui lança un regard prudent et suspicieux, toujours sans bouger d'un pouce. Il se rendit compte que le garçon ne s'était pas attendu à ce qu'il le touche et qu'en général les clients qui agrippaient l'arrière de sa tête voulaient sans doute le forcer à quelque chose de précis, surtout dans la position où il était; il laissa sa main glisser lentement vers le bas, effleurant la tresse sur quelques crans, avant de retirer lentement la main et de la reposer sur le dossier du lit, désinvolte.
Il leva un sourcil devant la vitesse à laquelle le prostitué ramenait sa natte dans son dos, vaguement surpris.
"Désolé, mec, j'aurais dû te dire avant," lui lança le gigolo avec un grand sourire pas tout à fait aussi détendu que les autres. "Première loi de la maison, la natte c'est pas touche. J'en ai assez que des connards s'en servent comme d'une laisse."
L'assassin laissa un petit sourire pointer sur ses lèvres. Il comprenait fort bien, oui... Il hocha la tête pour lui dire qu'il acceptait cette règle. Dommage, l'autre avait les cheveux très doux.
"Dans ce cas, pourquoi ne pas les couper?" demanda-t-il, très sérieusement. "Peu de gens doivent comprendre que ce n'est pas le but de sa présence."
Un regard blanc et vide, presque vitreux, effleura brièvement la surface de ses magnifiques yeux si expressifs.
"Tu veux vraiment le savoir?"
L'assassin réfléchit puis hocha la tête. Il venait de se rendre compte qu'il était honnêtement intéressé par la réponse.

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Le gigolo hésita d'abord sur ce qu'il voulait dire. Il ne savait pas à quel point il pouvait être honnête avec l'autre. Mais il était inutile de se cacher, et il avait la sensation que l'autre prisait l'honnêteté de paroles, plus qu'une jolie réponse bien tournée.
"Parce que j'aime les cheveux longs, et j'aime le look que ça me donne. Je m'en fous que certaines personnes trouvent ça excitant et je me balance encore plus que ça ne soit pas à la mode. Parce que ça contient des souvenirs très importants pour moi. Et parce que tout en moi n'est pas là juste pour satisfaire le client. J'ai le droit d'avoir des choses juste pour moi."
La dernière phrase, il ne l'aurait jamais dite devant un autre client; ces types voulaient en général sentir que justement, les prostitués n'étaient là que pour eux et qu'ils ne faisaient et ne voulaient que ça. Ca leur permettait de les avilir encore un peu, ce qui malgré ce que la plupart d'entre eux soutenaient, était l'une des plus fortes raisons pour lesquelles un homme venait voir les putes. La sensation de déchéance était un fantasme courant.
Le client se contenta de hocher la tête, comme s'il prenait en compte ces informations éclairantes.

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Haussant ses épaules rondes, le gigolo se releva avant de se tourner vers son client et de lui jeter un sourire ravageur. Le tueur se demanda ce à quoi il pensait pour qu'il sourie comme ça. En tout cas, ses sourires étaient définitivement l'un de ses plus grands atouts dans son métier, se dit-il. Ils étaient si expressifs, si communicatifs qu'il se rendit compte qu'il avait envie de les lui rendre, inconsciemment.
Le jeune homme à la natte posa les mains sur ses épaules, massant doucement les muscles, et, écartant les jambes pour s'agenouiller sur le lit, s'assit lentement à califourchon sur ses cuisses, torses frôlant, leurs figures tout près l'une de l'autre. Il laissa sensuellement glisser ses mains le long de la colonne vertébrale de l'assassin, qui frissonna malgré lui. Il savait s'y prendre, le bougre, se dit celui-ci avait de repousser doucement le garçon d'une main à plat sur son torse.
Le garçon leva un sourcil et le questionna en silence, attendant qu'il lui dise ce qu'il avait fait qui lui déplaisait. Sans mot dire, le tueur posa ses deux mains sur sa taille et le souleva de quelques centimètres, suffisamment pour le déplacer et l'asseoir sur le lit, à côté de lui, du côté non blessé. La cuisse du jeune homme s'appuya au travers des siennes et il saisit sa cheville fine pour la lui replier à son côté.
"Tu as peur pour ta blessure? Je peux faire attention, tu sais," protesta le gigolo d'un air amusé.
"Ce n'est pas ça," répondit le jeune homme aux yeux bridés en vérifiant que son bandage tenait bien.
'C'est juste que je ne sais pas si c'est une bonne idée de baisser ma garde devant toi' pensa-t-il en passant en revue tout ce qui rendait ce garçon plus dangereux qu'il ne l'avait d'abord cru.

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Le garçon à la natte haussa les épaules et s'assit en tailleur sur le lit, appuyant ses plantes de pied l'une contre l'autre. Il dévisagea l'autre d'un air aussi curieux que celui d'un jeune chat, laissant ses yeux jouer sur son profil et les mèches qui lui tombaient sur le visage.
"Si tu n'as pas envie de baiser" demanda-t-il crûment pour avoir confirmation de ce qu'il pensait," pourquoi tu es là?"
"Il me fallait un endroit où dormir," répondit son client d'une voix sans inflexion particulière.
"Tu sais que ça t'aurait coûté moins cher à l'hôtel, hein?"
L'assassin haussa les épaules pour montrer que l'argent, il s'en foutait royalement. Le garçon à la natte comprit qu'il avait eu raison, au final, la seule chose qui intéressait ce type était de passer la nuit dans un coin où il passerait inaperçu. Dans un hôtel, on lui demanderait fatalement une pièce d'identité, et même s'il en trouvait un de bas étage où on ne posait pas de questions, il serait sûrement aperçu par le manager et quelques clients. On se souviendrait de lui. Peut-être à l'instant même était-il recherché...
"Je suis fatigué, de toute façon, et pas spécialement d'humeur à ...ça," répondit finalement le brun, comme une concession.
"Dis-donc, tu attaques ma fierté professionnelle là, tu sais? Je vais finir par croire que je suis pas assez bien pour toi..." rit le garçon à la natte en se laissant aller en arrière, s'appuyant sur ses bras posés derrière lui.
"Je ne pensais pas que ça te dérangerait réellement. ...Prends ça comme des congés payés," répondit l'homme en haussant une épaule.
Le prostitué éclata de rire et se laissa tomber sur les coudes, s'esclaffant longuement. Son rire ne s'éteignit que quand il sentit une main se poser sur son ventre avant de disparaître, laissant sa chaleur en empreinte. Il ouvrit les yeux, un peu surpris. Le jeune homme au revolver était penché au-dessus de lui, l'observant avec intensité, son visage toujours aussi sérieux.
"Si ça peut te soulager, ce n'est pas parce que tu me déplais personnellement," ajouta-t-il avec un sourire moqueur avant de reculer.
Il se leva et se débarrassa de son pantalon en un tournemain, le pliant avant de le déposer sur la chaise où il avait posé son holster. Quand il se retourna, le gigolo le regardait toujours, et il leva un sourcil sarcastique dans sa direction.
"Tu comptes dormir habillé?" demanda-t-il.
"Tu veux que je dorme avec toi? Je pensais que tu voulais juste le lit..."
"Comme tu veux." répondit l'autre d'un ton indifférent, haussant l'épaule du côté qui ne le faisait pas souffrir.
Il découvrit avec surprise qu'en effet, il avait envie que le magnifique jeune homme dorme avec lui. Peut-être même un peu plus... Mais ça attendrait qu'il se soit reposé. Il avait conscience de ses priorités.

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"... A moins que tu ne préfères utiliser la chaise...?"
"Non merci," répondit en riant le garçon.
Il se demanda un moment si l'homme le laisserait ressortir pour aller faire le trottoir alors qu'il était là, mais décida de ne pas le demander. Il était quand même payé pour toute la nuit, et c'était plus que ce qu'il gagnait d'habitude, il n'allait pas faire des heures supp'. Et puis il doutait que l'autre lui laisse l'occasion d'aller répandre le bruit de sa présence dans sa chambre. Si il avait besoin de se cacher, il ne laisserait pas se balader la seule personne qui savait où il était pour la nuit, même avec le peu de chances que le gigolo aille le dire à quelqu'un que ça intéresserait.
Il se leva d'un bond et se débarrassa de son haut moulant, puis de son pantalon. Ses bottes, il les avait laissées à l'entrée de la salle de bains quand il était allé chercher des bandages. Il plia vaguement ses affaires et alla les déposer dans sa salle de bains, puis retourna dans la chambre.
Le plafonnier était éteint, et il ne restait que la lampe de chevet. L'homme était allongé sur le lit, les jambes pendant sur le côté du matelas, les mains croisées derrière la tête, et regardait le plafond. Son regard se fixa sur lui au moment où il ferma la porte derrière lui, et il le regarda avancer vers le lit sans le quitter des yeux une seule seconde.
Le garçon aux cheveux longs lui sourit et se pencha sur lui, prenant appui sur l'un de ses biceps.
"Tu sais, j'ai la furieuse impression d'être payé à rien faire... J'ai la sensation que tu me fais plus ou moins la charité. Ca me met mal à l'aise..."

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L'assassin le dévisagea longtemps avant de répondre, formulant sa phrase avec précaution.
"Alors, si ça peut t'aider, fais moi ce que tu veux."
Le gigolo cligna des yeux.
"Ce que je veux...?"
"Si tu as envie de me faire quelque chose," lâcha le jeune homme aux cheveux courts sans changer d'expression, toujours aussi impassible. "Je ne demande rien."
"Ce que je veux... Tu en es sûr?" demanda le prostitué avec une pointe de malice.
"Tant que ce n'est pas désagréable," répondit son client.
Une expression bizarre passa sur le visage du garçon, mais trop vite pour qu'il l'identifie.
"Ok, Yeux-bleus, retourne-toi et allonge-toi sur le ventre."
Le garçon natté se reçut un regard-de-la-mort de sous les mèches emmêlées du jeune homme froid et se mit à rire.
"Juste un massage, idiot. Tu as les épaules si tendues qu'on pourrait casser un marteau dessus..."
"Hn," se contenta de lâcher l'assassin avant de se retourner sur le ventre comme l'autre le lui avait demandé.
Bah, ça ne lui ferait probablement aucun mal. L'autre n'allait pas l'attaquer.
Il dut se retenir d'agresser le garçon quand il sentit le lit plier sous le poids du jeune homme à la natte et ses genoux se poser de chaque côté de ses cuisses. Il était en position de faiblesse, et tous ses instincts lui ordonnaient de rétablir la situation vite fait. Mais il se retint avec effort. C'était juste un massage. Juste un massage.
Les mains chaudes du garçon se posèrent sur ses épaules et commencèrent à masser doucement ses muscles tendus, et il posa la tête sur un oreiller, essayant de se laisser aller.
Les mains talentueuses du gigolo massèrent, appuyèrent, pincèrent, caressèrent ses épaules et son dos pendant trois bons quarts d'heure dans un rythme relaxant avant qu'il ne s'autorise à fermer brièvement les yeux. Il se sentait réchauffé, et plus détendu qu'il ne l'avait été depuis des années.
Il était au bord de l'assoupissement quand il se rendit compte que le garçon évoluait du massage professionnel à la caresse. Il ne se trouva pas l'envie de l'arrêter. Pour quoi faire? Après tout, l'assassin ne le forçait pas à le toucher ainsi, il le faisait de son plein gré, et puis c'était agréable. Comme le contact de ses cuisses enserrant ses hanches ou son poids sur ses reins...
"Tu es vraiment décidé à me séduire, hein?" demanda-t-il, yeux fermés, un peu moins détendu qu'il ne l'aurait aimé.
Un rire cristallin se fit entendre, et une main chassa doucement de son visage une mèche collée par la sueur.
"Déformation professionnelle. Ca marche au moins?"
Il roula sur le côté, délogeant le garçon de sa position sur son dos, et saisit son poignet dans une main pour l'attirer sur le lit. Forçant son bras à se plier, il entraîna son corps contre le sien.
"Ca a l'air de marcher?" demanda l'assassin, d'une voix basse et grondante.

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Le gigolo écarquilla imperceptiblement les yeux quand il sentit le membre durci presser contre sa cuisse au travers du tissu.
"Tu ferais bien d'arrêter maintenant si tu ne préfères pas aller plus loin qu'un massage, cette nuit," le prévint son client.
Levant les yeux vers le visage du jeune homme, le garçon aux cheveux châtain l'observa longuement. Il savait que ce type était dangereux, probablement capable de tuer sans hésitation, mais il savait aussi qu'il l'avait traité bien mieux qu'il ne l'avait jamais été par un de ses clients, en être humain, pas en objet; et il lui proposait même de le payer toute une nuit à ne rien faire d'autre que dormir à côté de lui. Il lui donnait le choix...
Le fait qu'il soit beau à en tomber raide mort et que son corps rappelle celui d'une statue grecque ne gâchait rien à l'affaire.
Avec un sourire diabolique, le garçon posa ses deux mains à plat sur le torse de l'autre et les laissa glisser vers le bas, lentement, effleurant seulement la peau, prenant soin de passer ses paumes sur les tétons puis de laisser ses ongles glisser le long de ses côtes. Le bandage empêchait à ses actions de prendre toute leur efficacité, mais ce n'était pas non plus totalement inefficace s'il en croyait l'expression de surprise du jeune homme ordinairement si impassible.
Il glissa ses mains sur le boxer de son client, caressant le creux où ses hanches rencontraient son bas-ventre par-dessus le tissu avant de poser ses doigts sur l'intérieur de ses cuisses, s'amusant à les remonter sous le tissu avant de les ôter. Le tueur poussa un grognement inintelligible, et ses doigts tressaillirent comme s'il avait envie de les refermer sur quelque chose.
Le gigolo se mit à caresser l'intérieur des bras du brun, jouant à l'effleurer juste du bout de l'ongle. Il avait envie de le forcer à frissonner, et il y arriverait. Il allait faire ça comme il fallait.
"Aie! Arrête, idiot!" protesta le garçon au revolver quand il sentit ses muscles qui se tendaient douloureusement par-dessus son hématome.
"Désolé" souffla le prostitué d'une voix de gorge, juste à son oreille. "Tu veux que je me fasse pardonner?"
Et sans lui laisser le temps de dire quoi que ce soit, il passa les pouces sous l'élastique des boxers et l'abaissa de quelques centimètres, tout en laissant tomber des baisers et des légers mordillements sur le torse et les épaules si musclés de l'autre.
Il entendit un sifflement surpris, et eut un sourire amusé.

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L'assassin se laissa faire, à la fois confondu de l'audace du gigolo et agréablement surpris de ses capacités et de la manière dont son traître de corps réagissait à ses audacieuses caresses. Il se sentit incité à soulever les reins et obtempéra; son caleçon disparut en vitesse et il se retrouva à l'air libre. Il ferma les yeux, emporté par la douce chaleur qui émanait du corps de l'autre et le plaisir qui le traversait comme une pluie d'étincelles. Il entendit un bout de plastique se déchirer, sentit le préservatif que l'autre appliquait en se débrouillant pour le faire en une caresse...
Et puis il ouvrit les yeux tout grand, et essaya de s'asseoir malgré son bandage et la main de l'autre sur son torse qui le maintenait allongé, quand quelque chose d'humide effleura doucement la base de son sexe, en une longue caresse sinueuse. Il dut se contenter de rester sur les coudes pour observer ce qui se passait "en bas".
Il s'entendit gémir quand il vit entre ses paupières entrouvertes la tête châtain du jeune homme à la natte aller et venir entre ses cuisses, et rabattit la tête en arrière, fermant les yeux, se concentrant sur la sensation. Il crispa les mains dans les draps pour s'empêcher de les refermer sur les cheveux ou les épaules du gigolo et employa toute sa volonté chancelante à ne pas se mettre à donner des coups de reins; il savait qu'il lui ferait mal, et se força à garder ça en tête même s'il avait de plus en plus de peine à réfléchir. Il avait très chaud à présent, et les étincelles de plaisir étaient devenues un rayonnement blanc sous ses paupières ; c'était bon... Il se retint de gémir de plaisir tant bien que mal, jusqu'au moment où il sentit une main caresser rudement l'intérieur de ses cuisses avant de glisser sous ses testicules, et le rythme de la bouche accélérer.
Il entendit un grognement étranglé qui devenait un gémissement de plaisir, mais emporté par l'orgasme, il ne se rendit pas compte, ou ne se soucia pas, qu'il venait de lui.

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Le prostitué laissa échapper un sourire satisfait et se dégagea d'entre les jambes de son partenaire avant de remonter à quatre pattes vers sa tête.
"Alors? Je suis pardonné?"
"Hein?"
Il retint un rire. Visiblement, Yeux-bleus n'avait pas encore regagné toutes ses capacités intellectuelles... ou alors, il n'avait pas enregistré.
"Pour t'avoir fait contracter ton côté blessé... Pardonné?"
"... si tu t'excuses comme ça à chaque fois..." souffla l'homme, encore haletant.
Il leva une main et la tendit vers sa joue. Le garçon à la natte se demanda ce qu'il voulait faire; il n'avait pas l'habitude des clients qui voulaient encore le toucher après qu'ils aient eu leur plaisir avec lui. Surtout pas au visage, qui était plutôt l'endroit où ils essayaient de le frapper. Il écarquilla légèrement les yeux quand les doigts repliés du garçon aux yeux bleus caressèrent doucement sa peau, avec tant de délicatesse qu'il se sentit, à son immense surprise, commencer à rougir. Il n'avait pas l'habitude d'être touché comme une poupée précieuse et fragile. La main se posa sur le côté de son cou, et l'homme se releva à demi, et déposa un rapide baiser léger comme une plume sur ses lèvres avant de se laisser à nouveau aller sur le dos, yeux fermés.
Stupéfait, le garçon aux yeux mauve n'eut pas le temps de détourner la tête pour refuser le baiser. Il en était encore à bloquer sur l'événement quand la main de l'autre sur son cou passa dans son dos, l'allongeant doucement contre le côté non endommagé du tueur. Le bras s'enroula autour de ses épaules et l'assassin changea brièvement de place, se mettant à l'aise, avant de pousser un imperceptible soupir et de glisser dans le sommeil.
"J'aurais dû lui dire la deuxième loi de la maison," se dit-il. "Après pas touche à la natte... Deuxième loi: j'embrasse pas." Habituellement, peu de ses clients désiraient embrasser un prostitué comme lui. Ce qui lui allait très bien, d'ailleurs, parce qu'il n'avait aucune envie de les embrasser. Un baiser, c'était pour exprimer des sentiments; ce qu'il vendait, c'était du sexe, rien de plus, rien de moins. Mais il l'avait pris par surprise...
Bon, tant pis, ce n'était pas comme s'il lui avait roulé une pelle après tout. C'était juste un smack. Ce n'était pas la peine de le réveiller pour ça...
Il ferma les yeux et se blottit contre le corps musclé de son compagnon de lit, une main en travers de son torse.

* * * * * * * * *

Il avait chaud, et il y avait quelque chose, quelqu'un entre ses bras, quelqu'un sur qui il était à demi allongé et qui avait un bras enroulé autour de sa taille.
Rare de ne pas se réveiller seul.
Ce n'était pas Hilde, ni Nash'. Des fois, après une nuit dure, ils dormaient ensemble, pour le réconfort et la présence humaine, même s'ils ne faisaient bien évidemment rien. Le sexe n'était pas vraiment une idée attirante quand on faisait ça toutes les nuits avec le premier venu. Ca cassait un peu l'envie. Ca ne voulait plus rien dire du tout.
Mais l'odeur, bien que masculine, n'était pas celle de Nash'. Ca sentait la poudre...
Sans bouger, le gigolo ouvrit lentement les yeux, confirmant visuellement la présence de son client si inhabituel. Yep, Yeux-Bleus était toujours là. Mais enfin, vu la manière dont le garçon aux cheveux longs était enroulé autour de lui, le pauvre aurait eu du mal à se glisser dehors inaperçu...
Ca faisait du bien, d'une certaine manière. Le corps chaud et musclé collé contre le sien, sa respiration lente et calme qui faisait danser ses mèches, le bras qui pesait au creux de ses reins, même la main refermée sur sa natte.
... La main sur sa natte? Il se tordit légèrement le cou pour voir ce qu'il en était. La grande main forte de son client n'était pas seulement refermée sur sa tresse, comme il avait cru le sentir, mais avait en plus les longs cheveux enroulés deux ou trois fois autour de son poignet.
Le gigolo essaya de se tourner pour lui faire lâcher sa natte sans le réveiller, mais à peine avait-il bougé que l'autre fronçait les sourcils et commençait à remuer. Le garçon aux yeux mauves s'immobilisa, osant à peine respirer. Il ne savait pas pourquoi il tenait à rester encore un peu dans leur position, mais le fait était là, il y tenait, c'était trop confortable.
Mais il ne devait pas s'habituer, ça lui ferait mal quand l'autre partirait.
Il essaya encore d'atteindre le bout de ses cheveux, tordant son bras en arrière.
Inconsciemment, le dormeur malaxait ses cheveux, passait son pouce sur les mèches en liberté tout au bout. Il resserra sa prise sur le gigolo, l'attirant plus près de lui, désirant combler le vide entre leurs deux peaux causé par les mouvements de son compagnon de lit.
Le garçon aux yeux mauves se mordit les lèvres pour ne pas pousser un soupir de bien-être. Bon, tant pis pour la natte. Après tout, il ne tirait pas dessus. Il se sentit fondre quand le poignet du jeune homme frôla une partie de sa colonne vertébrale à découvert, et poussa un soupir, presque un ronronnement comme la main continuait ses mouvements lents le long de son dos.
Un petit rire amusé lui fit lever la tête.

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C'était la première fois que le tueur rencontrait un humain qui ronronnait.
Il avait commencé à se réveiller quand l'autre avait bougé, mais était encore suffisamment endormi pour que le retenir ait été un réflexe. Quand son bras frôla le dos du garçon et que celui-ci laissa échapper ce bruit étrange, il ne put retenir le rire qui montait tout seul. Un rire honnête, pour une fois. Ni sarcastique, ni méprisant, juste amusé. C'était si rare chez lui qu'il se surprit à ne pas se souvenir de la dernière fois que c'était arrivé, puis à se souvenir très précisément de quand c'était arrivé. C'était encore pire. C'était il y avait des siècles... Sa vie était-elle réellement si morne?
Il s'amusa deux secondes des efforts du jeune homme pour se libérer, puis se rendit compte que sa main était refermée sur la lourde torsade de ses cheveux. Avec un froncement de sourcils, il se souvint de l'expression du gigolo quand il lui avait raconté pourquoi il tenait à ses cheveux, et s'étonnant de sa propre répugnance, il se força à lâcher la natte, qu'il avait dû agripper en dormant puisqu'il ne se souvenait absolument pas de l'avoir attrapée consciemment.
En s'écartant des longs cheveux du gigolo, sa main passa sur sa hanche en une caresse qu'il n'avait pas prévue. Il sentit le prostitué pousser un imperceptible soupir, et recommença.
Le gigolo ronronna encore, s'étirant doucement sur lui, et déposa un baiser dans son cou.
"Bonjour! Bien dormi?" demanda-t-il d'une voix joyeuse.
'Trop joyeuse', décida le jeune homme aux yeux bleus. Il referma les mains sur ses hanches et remonta sur les côtes d'une caresse un peu plus appuyée, se rappelant que si c'était sensible chez lui comme l'autre le lui avait démontré hier, ça devait l'être aussi chez le garçon.

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Le gigolo poussa un petit cri de surprise et se mit à rire.
"On est d'humeur joyeuse ce matin, à ce que je vois... " plaisanta-t-il. "Ah, la nuit finit à huit heures, et c'est... laisse moi regarder, neuf heures et demie. Va falloir me payer en heures supp', Yeux-bleus..."
Il se mit à lui mordiller le cou pour lui faire comprendre qu'il n'était pas sérieux, et passa une paume sur ses tétons. L'autre grogna, et il rit encore plus.
... Et se retrouva à sa grande surprise étalé sur le dos, poignets bloqués au-dessus de sa tête dans une seule main, l'autre jeune homme penché au-dessus de lui, ses genoux enserrant ses hanches, lui interdisant tout mouvement. Il n'avait rien vu venir. Surpris, il se tortilla et essaya de se dégager, mais il savait que c'était sans trop d'espoir. L'autre était plus lourd et trop fort, et sa position lui donnait l'avantage.
Finalement, avec un soupir agacé, il abandonna la lutte et leva des yeux semblant intimidés vers l'homme à qui il pensait de moins en moins comme à un client. Si la dominance était ce qui plaisait à l'autre, autant jouer le jeu.

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L'assassin laissa ses yeux jouer sur le corps alangui de son partenaire de lit. Quand il luttait, il avait eu un petit air surpris, et puis son regard était devenu féroce, comme un chat, et le tueur s'était dit que s'il le lâchait maintenant, il se prendrait un coup de griffe. Et puis il s'était abandonné, offert... Mais dans ses yeux, dansait encore une lueur de défiance, de jeu. Il n'était pas sérieux, il n'admettait pas vraiment sa soumission. Il allait encore essayer de se libérer, dès que le tueur aurait relâché son attention.
Avec un grondement agacé de son propre manque de contrôle, l'assassin appuya soudain tout son corps sur le corps de l'autre, enfouissant sa figure dans le creux de son cou, et se mit à lui mordiller l'oreille. Le garçon était chaud, et avait la peau si douce...

Mais quelle heure avait-il dit déjà? Neuf heures et demie? Ses employeurs allaient s'inquiéter...
Le devoir ou le plaisir? Son patron, ou... Lui?
La réponse aurait dû être évidente. Pourtant... C'était dur de décider.

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Le gigolo sentit un soupir dans son cou, et puis l'autre lâcha ses poignets et se releva pour s'asseoir au bord du lit.
"Je n'ai pas le temps, je dois partir." admit-il avec un soupçon de déception dans la voix d'ordinaire totalement monotone.
Le gigolo ne sut pas trop quoi dire. Pour une fois qu'il s'amusait avec un client...
"Oh... "
Yeux-bleus se releva et se mit en devoir de rassembler ses affaires et de se rhabiller.
"Tu pourrais me dire ton prénom? ... que je sache qui demander, au cas où..." ajouta-t-il avec une pointe d'humour dans les yeux.
Avait-il la moindre idée de ce qu'il lui demandait là? Et faire cette demande à la fin de la nuit, comme si...
... comme s'il s'y intéressait vraiment...
L'homme aux yeux trop bleus le regarda, et il céda.
"...Duo. Juste Duo." murmura-t-il, se demandant ce qui lui arrivait.
"Duo..." répéta l'homme lentement, d'une voix pensive, tout en reboutonnant sa chemise par-dessous le holster.
Passant les doigts dans ses cheveux encore plus emmêlés que la veille, il leur rendit un semblant d'ordre, puis se retourna vers le lit encore une fois.
Et puis prit Duo totalement par surprise en se penchant sur le lit et en saisissant son menton entre ses mains.
"Hé, mec, qu'est-ce ...?"
Des lèvres chaudes se posèrent sur les siennes.
'Merde, ça fait deux fois', pensa le coin de son cerveau qui n'était pas totalement bloqué par la stupéfaction venue du geste et de la sensation inhabituelle.
"Au revoir, Duo..."
Il était encore totalement paralysé quand l'autre passa la porte de sa chambre dans l'autre sens et sortit de l'appartement.

* * * * * * * * *

"Duo? Duo, est-ce que ça va?" demanda Hilde en se risquant dans l'appartement de son ami.
Pas de réponse. La petite brunette commença à réellement s'inquiéter. D'après ce que lui avaient dit ses amis, le garçon à la natte avait passé toute une nuit avec le même client... et ce matin, quand elle l'avait vu repartir, l'air si froid et si sérieux, remontant sous ses vêtements la lanière d'un holster, elle avait eu peur.
Elle était montée vérifier comment allait son ami... La porte n'était pas fermée à clef. Elle se demanda s'il fallait paniquer.
Dans ce métier, on entendait trop souvent des histoires effrayantes sur ces trucs atroces qui étaient arrivés à des amis d'une amie, ou même ses propres amis.
"DUO!!" cria-t-elle, prête à réellement paniquer.
"Hildie-baby? " lâcha la voix totalement époustouflée de son ami, et elle poussa un soupir de soulagement. A en juger par sa voix, il n'avait pas l'air d'être blessé. Elle parcourut le court chemin de l'entrée à la chambre en quelques grandes enjambées pressées, ayant hâte d'être entièrement rassurée.
"Eh, ça va? Qu'est-ce qui s'est passé?" demanda-t-elle en s'approchant du lit, où Duo était toujours assis et regardait dans le vide. "... Duo?"
Il sursauta et tourna la tête vers elle, comme s'il se réveillait juste, et si elle n'avait pas su que Duo refusait catégoriquement toutes sortes de drogues, elle aurait cru qu'il était en train de planer.
"Nash' m'a dit que tu étais monté avec un client pour toute la nuit... C'est rare que tu les laisses venir dans ton appart!"
Il haussa les épaules sans répondre, et elle se retint de lui arracher les cheveux. Elle s'inquiétait et lui n'avait même pas l'air de le réaliser!
"Pourquoi tu as pas répondu quand je t'ai appelée?"
"... je réfléchissais, Hilde," marmonna-t-il en lui lançant un regard noir. Elle tapa du pied, refusant de se laisser intimider. Il avait beau se plaindre qu'elle était trop mère poule, il savait comme elle que s'il la prévenait quand il avait un problème, elle n'aurait pas besoin de lui arracher ses aveux mot par mot. Ils étaient censés s'entraider, mais il aidait sans cesse et oubliait toujours d'accepter d'être aidé.
"T'es même pas allé refermer derrière lui! T'es cinglé... Et si quelqu'un entrait?" lança-t-elle à la volée.
Duo fronça les sourcils et s'assit au bord du lit, traînant la couverture avec lui pour s'emmitoufler dedans. Il était nu, remarqua la jeune fille, mais ne bougeait pas comme s'il avait mal et ne portait aucune marque apparente sur les parties qu'elle voyait... aucune marque nouvelle plutôt, mais les cicatrices avaient pour la plupart au moins deux ou trois ans.
"Est-ce que tu l'avais mal jugé? Il t'a pas fait mal? Il t'a dit quelque chose? non, ca peut pas être ça... Il a fait quoi, bon sang?"
"Rien... Rien."
'Et mon cul c'est du poulet', pensa la brunette.
"Pourquoi tu répondais pas?" redemanda-t-elle, ennuyée par son refus de coopérer.
"Oh, je ... réfléchissais juste. Je te l'ai dit."
Nanashi s'encadra dans la porte et les fixa en silence, les questionnant juste par le regard. La brunette s'interdit de sursauter. 'Nash leur avait fait le coup du fantôme tellement de fois, ils commençaient tous à avoir l'habitude.
"Quoi?! vous me prenez pour un tel abruti que vous vous inquiétez quand je pense?!??" s'offusqua Duo.
Hilde posa les mains sur les hanches et le regarda de haut avec un petit sourire moqueur, lui signifiant sans mot dire que c'était exactement ce qu'elle pensait. Nanashi se contenta de relever un sourcil d'un millimètre, sa manière à lui de dire qu'il ne marchait pas pour la diversion et que Duo arrête d'essayer de noyer le poisson.
"Non, il a été très ...gentil... On a parlé un peu..."
Hilde cligna des yeux. Un client qui voulait discuter avec le prostitué qu'il vient d'embaucher, elle n'en avait encore jamais entendu parler.
"Non, c'était une bonne nuit... Il m'a donné un bonus sur ce que je lui demandais, alors que j'aurais même pu marchander un peu sur le prix... Il ne m'a pratiquement rien demandé en plus, il était ok..."
Eh ben, il avait trouvé la perle rare. Elle se sentit envieuse un moment, puis se sentit contente pour Duo.
... Mais alors où était le problème?
"...On a dormi ensemble, dans les bras l'un de l'autre, j'vous jure j'avais l'impression d'être une peluche, c'était ... intéressant, d'une certaine manière, et puis..."
"...Et puis?"
Sourcil levé d'un millimètre en plus de la part de Nanashi.
"J'ai pas eu le temps de voir venir..."
"Ouiiiiiiiii??" grinça la jeune femme, agacée de sa manière de tourner autour du pot.
Duo rougit.
"Juste avant de partir, il... Il m'a demandé mon nom..."
"Wow," murmura Hilde. Elle ne saurait pas comment expliquer en quoi exactement c'était si extraordinaire, mais elle comprenait. "Et en plus il était réglo et pas radin... Avec un peu de chance, tu vas réussir à t'accrocher un client régulier!" s'enthousiasma-t-elle, soudain ravie pour son ami.
'C'est bien ce que je crains,' pensa Duo en repensant à ses lèvres sur les siennes.
"... Il y a quelque chose d'autre?" demanda Hilde indécise, se rappelant que son ami avait l'air plus troublé qu'heureux de la perspective.
"... Il m'a embrassé," murmura Duo en baissant les yeux, déjà presque oubliant ses amis pour se replonger dans la tempête intérieure que l'homme avait soulevée.
Ce type était finalement bien plus dangereux qu'il ne l'avait cru, mais pas de la manière dont il l'avait pensé.
Non, il était pire.
Il avait passé ses défenses, érigées couche après couche pour se protéger de la rue, sans même s'apercevoir de leur présence, comme si elles n'existaient pas. Ses mots avaient fait résonner une partie de lui que Duo avait endormie il y avait des années, avait cachée pour ne pas la voir mourir étouffée.
Il l'avait atteint.