Duo vint à lui le premier, au début de la guerre. Il était
curieux à propos des traditions Arabes et à propos de sa famille
et la manière dont marchaient les magnétoscopes et une centaines
d'autres choses. Il était effronté par ses mots et timide par
ses actions. Il voulait être réconforté après l'autodestruction
de Heero. Il voulait se sentir accepté, désiré, en sécurité.
Il voulait ressentir un sentiment d'appartenance, faire partie d'un groupe encore
une fois. Il avait peur qu'ils deviennent trop proches. Alors Quatre l'attira
plus près, et quand Duo réalisa qu'il était piégé
par ses sourires doux et ses gestes affectueux et sa chaude, honnêtes
affection, il ne sut pas comment le combattre. Il s'enfuit; mais ensuite il
revint. Il ressentait cette appartenance. Il appartenait à Quatre, et
Quatre prenait soin de ses captifs avec amour. Duo était affamé
d'amour. Après un moment, il cessa de le combattre, et s'autorisa à
se relaxer.
La prise de Quatre sur Duo était douce, mais ferme. Même la mort
ne le ferait pas lâcher prise. Il voulait Duo, pour le garder et le chérir.
Il ne l'abandonnerait jamais. Duo n'avait pas une chance d'y résister.
Trowa aurait dû être plus facile malgré son attitude distante.
Il était un soldat sans armée, un loup sans meute. Il était
à la dérive, solitaire. Il était aussi engourdi presque
tout entier en son cur, sauf ce noyau de culpabilité et de tendresse
et de regret d'une innocence perdue, ce noyau que Quatre avait entraperçu
quand ils avaient joué ce duo.
Avec du temps, il se serait dégelé, aurait accepté la place
que Quatre lui offrait à ses côtés, comme si c'était
la chose la plus naturelle du monde. Mais il y eut Zero, et il oublia Quatre,
oublia la musique qu'il avait partagée, et perdit tous les murs qu'il
avait érigés pour protéger son âme fragile entre-temps.
Il était juste un adolescent ordinaire quand Quatre le revit, des mois
plus tard, perdu et effrayé. A l'enfant sans mémoire, Quatre offrit
une amitié innocente et sa chaleur et combattit pour le convaincre que
ça ne se reproduirait plus, qu'il garderait contrôle de lui-même
et jamais ne le blesserait à nouveau, regagnant sa confiance en même
temps qu'il se prouvait à lui-même qu'il en était digne.
Quand le mercenaire se réveilla, la confiance était restée,
et ainsi Trowa s'autorisa à accepter la proposition, sans faire d'histoires.
Heero était un défi d'un certain côté, mais pas d'un
autre. Le chemin qui menait à lui était clair pour Quatre. Mais
c'était un chemin escarpé et glissant, dangereux.
Heero n'était pas compliqué. Ce qui le faisait tiquer était
évident. Mais le rayon de l'explosion en retour devait être calculé
soigneusement. Pour lui, Quatre ne pouvait utiliser les contacts amicaux qui
avaient conquis Duo ou le silence pensif qu'il partageait avec Trowa. Heero
était acéré et agressif, sa culpabilité et sa rage
et ses tendances autodestructrices prudemment emprisonnées. Il n'autorisait
personne à se rapprocher, préférant leur opposer un mur
d'indifférence glacé avant qu'ils ne puissent entrer en contact
avec sa colère sans cible et sa haine de lui-même, tous les brûlants,
sombres et instables sentiments obscurcissant son cur.
Alors Quatre força le passage.
Tout au fond, Heero ne voulait pas haïr qui que ce soit, mais il ne s'autorisait
pas à ressentir autre chose, alors il se haïssait lui-même
pour les sentiments qu'ils provoquaient en lui. Il cherchait à être
parfait, mais il était loin de l'être. Il se détestait davantage.
Il avait des remords pour ses échecs, pour les morts qu'il avait causées.
Il voulait, avait besoin d'être puni, mais son idée de la punition
idéale aurait été de mourir et il avait déjà
essayé d'expier avec sa vie et n'avait pas réussi. Tout le monde
l'admirait pour des choses qu'il voyait comme des tares ou l'évitait;
ce qui était mérité mais ne l'aidait pas.
Alors Quatre le punit.
Il lui donna la douleur que Heero estimait mériter, et le réprimanda
pour ses erreurs, et quand Heero explosa, concentrant sa haine sur lui, rageant
contre les chaînes de gundanium, Quatre subit l'orage sans reculer. Il
contrôlait la situation. Il punirait Heero s'il faisait encore des erreurs,
et sévèrement. Mais il s'assurerait aussi que Heero sache comment
éviter ces erreurs à l'avenir. Il lui dirait que faire pour éviter
de tuer plus d'innocents, de faire du mal aux gens qui osaient l'admirer, l'aimer.
Heero pouvait cesser de ressasser sa culpabilité maintenant, et relâcher
cette tempête de douleur et de méfiance qui l'avait forcé
à éviter les autres. Quatre le contrôlerait. Quatre était
assez fort pour le contrôler, et assez bienveillant pour s'assurer qu'il
ne serait pas utilisé à de mauvaises fins, qu'il ne dériverait
pas vers l'obscurité.
Quand Heero s'abandonna finalement, il le fit sans réserves.
Wufei... Pendant longtemps Quatre pensa qu'il était une cause perdue.
Il était souvent en retrait du groupe, et Quatre le voyait observer les
dynamiques; c'était comme s'il comprenait qui tenait les rênes
dans la bande, et faisait de tout son possible pour ne jamais se retrouver dans
la sphère d'influence de Quatre. Mais il pouvait être subtil tout
autant qu'il pouvait être violemment franc et Quatre ne trouva jamais
un moyen de s'assurer que c'était volontaire. Wufei était son
plus grand challenge, le seul qu'il pensait avoir une chance de perdre. Pas
que ça l'empêche de chercher un angle d'attaque.
Et puis la guerre se termina et il disparut, et Quatre et ses compagnons pleurèrent
la perte de leur cinquième, le solitaire qui avait refusé de prendre
sa place dans leur groupe.
Quand ils le retrouvèrent, il était leur ennemi.
Ca leur fit du mal à tous. Heero reconnaissait les côtés
les plus sombres de lui-même dans la rage à peine contrôlée
de Wufei et son besoin de se venger sur un bouc émissaire. Duo se sentait
trahi par un membre de son gang, lui qui avait déjà perdu deux
familles. Trowa se contenta de prétendre que son amitié avec Wufei
n'avait jamais existé. Il oublierait leur lien, mais ne pardonnerait
jamais sa trahison. Quatre eut mal pour eux tous et plus. Il n'avait pas été
prêt pour ça. Mais ça ne fit que renforcer sa résolution.
L'honneur de Wufei l'avait poussé à trouver un moyen de réparer
les torts qu'il avait causés à Mariemeya et à fixer tout
ce qui était toujours injuste dans ce monde soi-disant parfait qu'on
leur avait promis. L'honneur de Wufei fut sa perte. C'était trop rigoureux
pour qu'il puisse se cacher longtemps à quel point il s'était
fourvoyé.
Quatre ne fit rien, se contentant d'attendre qu'il en vienne à la conclusion
qu'il avait trahi les quatre personnes qui étaient toujours là
pour lui pour courir après des rêves absurdes de justice absolue
qui faisaient plus de mal que de bien aux gens qu'il était censé
protéger. Il attendit, et quand Wufei eut fini de repayer ses erreurs
et qu'il n'y eut plus rien à faire, plus de moyen de calmer sa culpabilité
dévorante, il lui pardonna et l'accueillit. Duo comprenait le besoin
de revanche et à quel point la route sur laquelle la vengeance menait
était sombre. Heero comprenait la rage et le besoin de garder les gens
qu'il pourrait aimer à distance de peur qu'ils se retrouvent comptés
dans les dommages collatéraux. Trowa comprenait comme c'était
difficile de faire face à des amis en tant qu'ennemis et de considérer
ses convictions plus importantes que ses attachements personnels, et puis se
rendre compte qu'on s'était trompé, qu'on avait trahi pour rien,
et devoir continuer avec cette part de son histoire pour laquelle on se jugerait
toujours coupable.
Quatre se contenta de lui pardonner. C'était assez.
Ce fut difficile au début. Chaque fois qu'il en conquérait un
autre, c'était difficile, mais avec Wufei encore plus. Il leur avait
échappé si longtemps, ils avaient une routine qui ne l'incluait
pas; ça déséquilibrait les choses. Ca ne dérangeait
pas Quatre. Ca gardait les choses intéressantes. Il n'allait laisser
aucun d'eux partir, et finalement ses compagnons s'arrangèrent. Tout
va comme sur des roulettes maintenant. Ils sont heureux.
Personne ne sait. Quatre ne le veut pas. Ils n'ont pas besoin de partager ça
avec quiconque de toute manière, des étrangers ne comprendraient
jamais. Ils savent à qui ils appartiennent, et c'est assez.
Maintenant Heero se tient debout derrière lui, sur sa gauche, pendant
qu'il travaille à son bureau, le gardant fidèlement. Trowa est
agenouillé à côté de sa chaise, la tête sur
ses genoux, à demi endormi. Il le mérite après avoir joué
de la musique jusqu'à ce que Quatre s'endorme hier soir. Les cheveux
de Wufei sont libérés de sa queue de cheval douloureusement restrictive
et il joue avec les longues mèches de Duo pendant qu'ils se reposent
sur leurs coussins près de la cheminée, la peau bronzée
de Wufei et ses muscles déliés un contraste étonnant avec
le teint pâle, rosé de Duo et ses membres gracieux. Leurs colliers
sont assortis.
Et Quatre sourit.